Le premier sujet porte sur le comportement de l’élève au travers du Mobile Learning (apprentissage mobile), sans se limiter à l’environnement scolaire ; le deuxième présente le concept de « BYOD » ou « AVAN » en français qui signifie « apporter votre appareil numérique » et qui suppose de tirer profit de l’usage quotidien du numérique par une utilisation intelligente à l’école. En troisième point, il est question de la formation des enseignants à qui sont offerts ces nouveaux outils ; enfin, les questions de « leadership » et de décideurs sont abordées en guise de conclusion.
De tout temps, l’apprentissage a été mobile. Tous deux dans la nature de l’homme, voire nécessaires à sa survie, la mobilité et l’apprentissage sont intimement liés. Le cerveau est le fruit de sa capacité à interagir avec l’environnement, et par conséquent de l’aptitude à apprendre en fonction du lieu. Cela explique pourquoi le contexte s’avère un facteur si déterminant de l’apprentissage.
Tout dans l’histoire tend à la mobilité de la connaissance, du papier à l’imprimerie, jusqu’aux réseaux numériques.
Le livre — et particulièrement le livre de poche — a longtemps constitué le principal instrument de mobile learning.
Après plus d’un millénaire du livre, l’évolution devait inévitablement mener à une autre révolution de l’information, à laquelle nous assistons, en temps réel, depuis l’avènement d’Internet. Le code binaire, ce nouvel alphabet, offre des possibilités insoupçonnées non seulement de communication, mais de création. À la lumière d’un bouleversement si éclatant, l’absence de dispositif mobile nous rend captifs d’un savoir que l’on peut en quelque sorte qualifier d’immobile, c’est-à-dire figé dans le lieu où il est consigné. Le papier n’a fait qu’alléger la pierre.
Le statisme de l’information, d’une certaine façon, handicape la pensée, considérant que la connaissance réside par ailleurs dans la dynamique des données et le maillage social.
À l’empowerment que procure l’ordinateur, le mobile confère une forme de libération.
L’apprentissage mobile, ou nomade, comme certains préfèrent l’appeler, donne lieu à deux interprétations. Soit qu’il réfère aux apprentissages informels des utilisateurs de mobiles dans leurs déplacements, soit qu’il désigne les applications pédagogiques des dispositifs mobiles dans un cadre institutionnel, notamment le milieu scolaire. Au Canada, comme dans plusieurs pays, la seconde tend à inclure la première, car les écoles reconnaissent de plus en plus les avantages d’arrimer les apprentissages scolaires à l’environnement habituel des jeunes.
L’être humain étant fondamentalement social, on ne s’étonnera pas de la popularité des médias sociaux et des réseaux sociaux Internet. Du coup, en raison de la dimension sociale de l’apprentissage, on voit apparaître une multitude d’usages pédagogiques de ces nouveaux médias.
Les mobiles ne changent pas seulement comment enseigner, mais quoi enseigner.
L’avenir de l’éducation est forcément mobile et social. Malheureusement, les compétences associées aux dispositifs mobiles, parmi les plus nécessaires à l’avenir des jeunes, restent en bonne partie exclues des écoles.
L’apprentissage mobile nous ramène à une forme naturelle d’apprentissage, augmentée par de nouveaux dispositifs. Il se produit de manière informelle chez tous les jeunes qui les utilisent, le plus souvent hors des murs de l’école. Leur interdiction par l’école n’est pas sans rappeler la censure dont certains livres ont été frappés et qui, en fin de compte, n’a fait que discréditer l’autorité, car un esprit curieux n’est point dupe.
Plusieurs écoles et enseignants ont néanmoins commencé à explorer les possibilités du mobile learning en milieu scolaire. Les résultats sont généralement probants, dès lors que l’on sait refonder les méthodes pédagogiques en fonction des nouvelles caractéristiques des mobiles, plutôt que d’adapter les mobiles aux pratiques existantes.
En quoi, se demande-t-on, l’apprentissage mobile est-il différent?
• Il est centré sur l’apprenant ;
• il est contextuel : pertinent au moment et fait sens ;
• il permet la production de contenu (user-generated-content) ;
• il est plaisant (voir le serious gaming, par exemple) ;
• il est gestuel et sensitif ;
• il est aidant (assistant personnel, maillage social, etc.) ;
• il déborde des limites physiques de la classe.
Non contente d’avoir raté le virage informatique, l’école risque de rater la révolution des smartphones.
Le refus des mobiles dans les écoles, plutôt que de préserver l’équité sociale, ne fait qu’exacerber la fracture numérique entre les riches et les pauvres, ces derniers étant privés d’un environnement riche en dispositifs. Au-delà de la démystification du potentiel des mobiles pour apprendre, il reste cependant beaucoup à faire pour la formation et l’accompagnement pédagogiques des enseignants dans leur bon usage. En fin de compte, le succès d’initiatives d’intégration judicieuse des mobiles devra, comme le dit Charles Hadji, se mesurer à celui des élèves.
Malgré le retard qu’accusent les écoles dans l’adoption du mobile learning, nous restons optimistes quant à son immixtion. Elles n’ont guère plus le choix.
Ou l’école se fait mobile, ou les mobiles s’approprient l’école.
Heureusement, plusieurs enseignants ont la perspicacité de faire en sorte que l’un et l’autre soient inclusifs, c’est-à-dire d’intégrer les mobiles dans les pratiques d’enseignement en misant sur les possibilités d’apprentissage liées à la mobilité.
Source : interview réalisée par Eric Fourcaud lors de l’Université d’été de Ludovia.