CLAIR ou « Voir l’éducation autrement », du 26 au 28 janvier 2017
Clair ou « Voir l’éducation autrement », ce sont quatre villages, une école et des élèves heureux d' »Apprendre pour la vie ».
La conférence Clair 2017 aura lieu à guichets fermés du 26 au 28 janvier. Pour se mettre dans l’ambiance, j’ai rencontré M. Roberto Gauvin.
Clair est ce village mythique du Nouveau Brunswick où, chaque année, des professionnels de l’éducation se rencontrent pour étudier de près cette école différente, le Centre d’@pprentissage du Haut-Madawaska (CAHM) , et y discuter pédagogie nouvelle et pédagogie à l’ère du numérique.
J’ai eu la chance de vivre « mon Clair à moi » le temps d’une visite et d’une rencontre privilégiée avec son directeur inspiré, M. Roberto Gauvin. Après avoir débuté sa carrière à Saint-Jean au Nouveau Brunswick, ce dernier a migré au Manitoba pour y enseigner les sciences en immersion française. Il est finalement revenu vers son Nouveau-Brunswick natal en 2000, comme directeur du CAHM.
L’élément déclencheur
En 1997, le district scolaire du Haut-Madawaska a décidé de fermer les écoles de quatre villages voisins pour établir à Clair, une école différente. On a promis aux populations : « Vous aurez une école dont vous serez fiers ».
C’est pour réaliser cette promesse que Roberto Gauvin a reçu le mandat précis d’établir une école où le numérique tiendrait une place centrale.
Les innovations pédagogiques, sa participation et celle de ses écoliers à des conférences et des projets locaux et internationaux n’ont pas cessé depuis. M. Gauvin a reçu dès 2002 le «Prix du Héros communautaire en TI» d’Industrie Canada. Il est l’un des principaux organisateurs du colloque annuel de Clair. Il participe au développement d’un Labo créatif au CAHM et au projet Acadiepédia.
Sa philosophie de l’éducation
Pourquoi faire différent ? « Certains parents regardent l’éducation traditionnelle et disent ça marche pour mon enfant, pourquoi doit-on faire différemment. C’est que ça marche pour certains enfants mais ça ne marche pas pour tous les enfants », explique-t-il.
La philosophie de M. Gauvin s’appuie principalement sur la Théorie du choix de William Glasser et la théorie de l’auto-détermination. Il s’agit d’une approche selon laquelle l’individu est responsable de ses choix et de sa transformation personnelle. C’est cette approche de responsabilisation individuelle qu’il tente quotidiennement d’implanter auprès de tous les élèves de son école avec son équipe d’enseignants, qu’il a su convaincre du bien fondé de cette attitude.
L’indéniable succès de cette vision de l’éducation n’a pas été instantané. Le changement prend du temps et la petite tortue sur le bureau de Roberto Gauvin vise à lui rappeler qu’il faut avancer un pas à la fois.
À propos de leadership
Quand on oeuvre dans l’innovation, on n’a pas de preuves à offrir à ceux qui questionnent. Il faut donc développer une culture où les enseignants acceptent de prendre des risques, sachant que leur directeur les soutient (et les encourage).
Si certains directeurs ont peur de perdre le contrôle sur leurs enseignants, il préfère quant à lui éliminer les barrières en leur donnant le contrôle pédagogique. Il a promis à son personnel qu’il les accompagnera et leur donnera ce dont ils ont besoin pour réaliser leurs projets éducatifs. Il estime en effet que son travail de directeur est de s’assurer que son équipe dispose des outils pour faire ce qu’elle doit faire.
Être un leader, un directeur d’école, ne signifie pas de contrôler, mais d’encourager les membres de l’équipe pédagogique à travailler dans le même sens, avec la même mission en tête. Lorsque tout le personnel d’une école avance ensemble dans la même direction, c’est alors possible de vivre l’école autrement.
La gestion du changement
Roberto Gauvin propose quelques conseils :
1 – Développer des leaders au sein de nos établissements pour continuer la culture d’ouverture au changement.
2 – Responsabiliser les enseignants à faire des choses nouvelles (ce qui développe leur leadership).
3 – Ne pas être toujours réactif à ce qui se passe.
4- Briser l’isolement de ceux qui innovent en éducation (c’est d’ailleurs l’un des buts de la conférence «Clair»).
5 – Avec de la liberté vient aussi de la responsabilité. Il faut être capable de démontrer que ce que l’on fait ajoute de la valeur, de la qualité à l’éducation offerte à nos écoliers.
6 -Un mercredi après-midi sur deux, tout le personnel de l’école se rencontre pour planifier et coordonner ses activités.
Le pédagogue formule . . .
Le modèle pédagogique du CAHM de Clair, qui permet aux élèves d’»Apprendre pour la vie» repose sur les piliers suivants.
1 – Une direction au service de son équipe d’enseignants et qui s’appuie sur les forces de chacun pour réaliser avec eux leur école rêvée.
2- Une structure organisationnelle dont les membres savent qu’il peuvent prendre des risques, ont droit à l’erreur et qu’ils sont supportés.
3 – Le respect des besoins fondamentaux, dont la satisfaction, ce qui permet le développement optimal de l’individu :
- autonomie, se sentir à la source de ses actions ;
- compétence, se sentir efficace ;
- appartenance sociale, se sentir connecté, supporté par d’autres personnes.
4 – L’appui d’une pédagogie expérientielle et de la métacognition, qui demande au jeune de:
- planifier et travailler pour atteindre son objectif ;
- découvrir les connaissances nécessaires à l’accomplissement des tâches ;
- réfléchissez à son travail,
- puis, à la fin du processus, devenir un « expert» du sujet sur lequel il a travaillé.
5 -Le maintien du délicat équilibre entre le souci de réussite des apprentissages tout en permettant à chacun de progresser à son rythme.
6 – L’amélioration de l’apprentissage chez les élèves sans nuire à ceux qui savent déjà, leur apprendre à aller aider ceux qui ont de la difficulté. Quand les élèves sentent qu’ils sont une partie d’une dynamique d’apprentissage, ils se sentent fiers et confiants.
Un exemple parmi d’autres, les jeunes « experts » en numérique du CAHM donnent des cours aux personnes âgées de la communauté, selon les besoins exprimés par ces derniers : l’un pour apprendre à écrire des courriels, l’autre faire des recherches sur Internet, ou l’autre encore trouver et jouer des jeux, . . .
. . . et le didacticien applique
Au CAHM, on fait des projets, des activités parce qu’on en voit le potentiel pour la formation de leurs écoliers. On désire leur offrir «un coffre à outils de vie» et ces activités dépassent les exigences du ministère de l’éducation.
A – L’aventure numérique
Le numérique fait partie de la vie scolaire des élèves du CAHM. Ceux qui le désirent travaillent avec des appareils mobiles. Les élèves de 6ème et 5ème ont tous un portable. Les autres peuvent utiliser les appareils disponibles à l’école ou apporter leurs appareils de la maison.
Les élèves ont la liberté d’utiliser l’outil de leur choix pour réaliser l’activité de leur choix. Il faut toutefois soumettre leur projet par écrit et l’accompagner d’une première ébauche de plan. Les élèves peuvent travailler à leurs projets sur l’heure du midi ou pendant les récréations. L’école dispose d’un réseau sans fil.
Le numérique force certaines remises en question pédagogiques. L’ajout d’un jeu vidéo comme Minecraft dans un contexte scolaire, par exemple, favorise le développement de compétences que l’élève appliquera à son quotidien.
B- Le Labo Créatif
Le Labo Créatif du CAHM, mis-en-place en 2014, permet un apprentissage par la pratique à l’aide de technologies variées. À l’image du mouvement mondial Maker, et affilié au programme Brilliant Labs / Labos créatifs du Canada Atlantique, cet espace rend l’apprentissage signifiant pour les élèves car il leur permet de s’appliquer à résoudre des problèmes et de relever des défis qui ont un sens dans leur quotidien.
La différenciation pédagogique est favorisée. On trouvera au Labo créatif des élèves de CE2, de CM2 et de cinquième qui y travaillent au même moment à leurs projets respectifs pendant que d’autres élèves de ces mêmes classes s’appliquent, à l’aide de leurs enseignants, à approfondir quelques sujets d’étude où ils doivent combler certaines lacunes ou alors que d’autres poursuivent leurs recherches en bibliothèque.
Le Labo créatif du CAHM est spectaculaire tant par la beauté du lieu que par la diversité des usages qu’en font les écoliers. Lors de ma visite, j’ai pu discuter avec plusieurs d’entre eux qui m’ont fait part de leur travail. Certains travaillent en solitaire à construire des robots, à programmer des jeux ou faire parler des plantes, d’autres forment équipe pour construire le modèle de leur village sur Minecraft ou planifier de spectaculaires circuits où ils appliquent et affinent leurs connaissances en programmation et en robotique.
Le site présente l’impressionnante liste des projets actuellement en cours.
C – Programme ENVOL
ENVOL, l’acronyme de Programme d’Exploration Novateur avec des Volets Orientant et en Leadership fait aussi référence à la chanson thème de l’école : Prendre son envol.
Ce programme, qui existe depuis plusieurs années, se vit un mercredi après-midi sur deux. De la maternelle au CE1, les élèves vivent des activités qui leur permettent de faire des découvertes et développer leurs talents. De CE2 à la Cinquième, les élèves qui le désirent, participent à des projets de type entrepreneurial
La Corporation au bénéfice du développement communautaire Madawaska Inc. offre les ressources financières qui assurent le développement entrepreneurial des volets proposés. Un site web permet aux élèves de développer leurs pages d’entreprises et la communauté peut ainsi voir le développement des projets tout au long de l’année scolaire.
Voici des exemples des projets des élèves cette année :
- Agence de publicité vidéo
- Apprendre pour la vie
- Entreprise de sérigraphie
- Jeunes bénévoles du CAHM
- Arts dramatiques
- MusicO CAHM
- Création d’ornements de Noël
- Sauvons les chauves-souris
- CAHM en recettes
- Décoration
D – Acadiepédia
À l’origine d’Acadiepédia, en 2014, le directeur Roberto Gauvin désirait développer un espace de publication gratuit pour permettre aux autres écoles et leurs élèves de son district de co-construire avec les outils du WEB. 2.0.
Acadiepédia comporte trois parties.
1 – Un Wiki de collaboration permet aux élèves de présenter leur communauté comme ils aimeraient la faire découvrir. Ils y décrivent leurs gens et leurs idées à leur manière. On y trouve aussi des vidéos et une liste d’artistes acadiens.
2- Le Blogue des jeunes invite les élèves à rédiger des articles sur un fil de presse WEB. Près de 1300 élèves ont accès à ce blogue. Plusieurs des billets écrits par les élèves sont partagés avec le public sur la page Facebook d’Acadiepédia. Le but pédagogique de ce blogue est d’encourager les élèves à publier.
3- La très populaire Radio des jeunes d’Acadiepédia permet à ces derniers de participer à la réalisation et à la production d’émissions de radio en format MP3.
Témoignage d’une élève sur le Blog des jeunes d’Acapédia « Oct 11, 2016 ~ Par Amy-Lee Boulay END .entry-meta .entry-header
BEGIN .entry-content .article
Mon école le CAHM
Dans mon école, il y a 197 élèves, de la maternelle à la 8e année. À mon école, on a un beau Labo-Créatif .. . . Dans ce labo, on a beaucoup de robots, d’ordinateurs, de matériel et plein d’autres belles choses. .. . «
« Elle poursuit, on a des activités extraordinaire comme: hot dog roast, déjeuner aux crêpes, un studio d’enregistrement, JAG, ENVOL, une équipe de mini-handball, des équipes de volley-ball masculin et féminin, une belle harmonie et même deux perruches dans notre bibliothèque! »
.. .
MERCI!
Maude, une étudiante de 16 ans en congé pédagogique, m’a accompagné lors de ma visite. Voici son commentaire :
« De nos jours, nous (les élèves) ne sommes pas évalués pour nos capacités, nos qualités et qui nous sommes vraiment, mais sur des résultats basés sur du «par coeur» en général (mémorisation). L’école où nous sommes allées (le CAHM) est très valorisante pour les jeunes puisqu’elle leur permet de s’épanouir dans ce qu’ils aiment vraiment. Ces jeunes découvrent des choses. Par la suite, ils partagent leurs connaissances avec des plus jeunes ou même avec des adultes, ce qui doit leur donner confiance. »
- Malgré le fait qu’ils soient dans un petit village, cet établissement est adapté à notre monde technologique bien plus que d’autres écoles qui m’entourent (Maude est de la région de Montréal). Cette école permet à ses jeunes d’exceller dans quelque chose qui les passionnent vraiment puisqu’ils peuvent s’essayer à une variété d’activité»
En conclusion
Les conditions gagnantes pour « Voir l’éducation autrement » retenues de ma visite à Clair et de mon entretien avec Roberto Gauvin.
1 – Une volonté de l’administration du conseil scolaire.
2- Présence d’un leader pédagogique. Au CAHM, c’est le directeur, qui définit ainsi son rôle :
- supporter les démarches innovatrices de ses enseignants ;
- apprendre aux écoliers à être responsable de leurs apprentissages.
3 – Une équipe d’enseignants unis qui dirigent tous le bateau dans la même direction.
4- Une communauté locale qui exprime ses accords et ses doutes, sait discuter, écouter et supporter son école. . ..
5- . . . et de la patience et du temps.
Le CAHM de Clair est comme un pré fleuri où butine chaque année, malgré le froid de janvier, un essaim d’abeilles éducatrices qui par la suite s’affairent à nourrir de ce miel pédagogique leur milieu respectif.
En ce début de 21ème siècle, la « révolution éducative » se fait souvent dans les champs, hors les murs. Ludovia, sous la chaleur d’août et l’air pur des Pyrénées, en est un autre exemple.
Vous pourrez suivre le fil twitter de la conférence Clair 2017 du 26 au 28 janvier sur le fil twitter #clair2017!
Une version de cet article a été publié sur École branchée les 16 et 17 janvier 2017