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Les industries culturelles face au défi du numérique : le cas du livre

L’avenir des libraires, des bibliothèques, de l’édition va peut-être être remis en cause avec l’avènement du numérique ; en tout cas ces acteurs traversent une période de turbulence.  Le numérique leur impose de devoir envisager leur avenir différemment.

En 2001 avec l’arrivée de l’iPod nous avons connu une ère où la production et l’édition musicale ont fortement évolué. Depuis plus de 10 ans on a vu l’industrie musicale mourir ou évoluer et le monde l’édition de livre n’a visiblement pas regardé ces évolutions pour préparer d’éventuels changement. La question posée, est-ce que ce qui est arrivé à la musique va se reproduire sur l’édition des livres papier ?

Christian Thorel : «comme l’a dit Marcel Vaucher (libraire), le monde de demain promet une évolution de l’intermédiation et notamment de la chaîne du livre (réalisation , edition et distribution/diffusion) via les libraires, pour créer le lien entre le lecteur et auteur, avec de plus en plus nombreuses animations autour des oeuvres et des livres». Quel sera le modèle économique ? «Si nous devons disparaître ou évoluer ce ne sera pas un problème du moment que nous remplissions cette chaine de valeur et de services».

Il n’y a aucun endroit aujourd’hui d’accès à la connaissance de certaines musiques dans le cas du secteur musical (par exemple musique expérimentale ou classique) ; pour le secteur du livre ce sera également le danger : nous n’aurons que l’accès à une édition «commerciale» où l’offre sera plus restreinte, d’où notre rôle et le gage de notre survie.

FM : expliquons le passage du «produit» culturel qui peut être comptabilisé ou taxé au «service» culturel qui n’est plus transporté ou taxé  et analysé par l’OMC (ces statistiques sont toutes fausses car il n’y a plus les moyens de les comptabiliser).

Ce chemin vers le numérique, est-ce que cela affecte la librairie mais aussi l’éditeur lui-même ?

Les questions fusent… Y a t’il une véritable solidarité entre les libraires et les éditeurs, ne sommes-nous pas dans le monde de la « langue de bois » ; le jour ou l’éditeur se trouvera en danger est-ce que la partie distribution disparaîtra ou encore existerez-vous dans 10 ans ou 20 ans ??

Réponse d’Alban Cerisier : « Nous avons du mal à faire la frontière avec le bien ou le service culturel notamment quand on parle du livre numérique. Les grands opérateurs globaux du livre numérique maitrisent les conditions d’accès et des usages  ou des comportement des lecteurs en plus des acheteurs de livres (temps passé, jusqu’à quelle page, potentiellement une traçabilité très forte du lecteur) la question centrale est donc la maitrise des fichiers d’acheteurs et de lecteur pour les éditeurs. Ce qui est moins évident c’est d’identifier les pratiques illicites (téléchargement de fichiers Peer to Peer, etc.)« .

Mais il est vrai que les tensions dans la chaîne de valeur se jouent aujourd’hui sur la distribution.

Certains éditeurs trouvent leur rentabilité sur la fonction d’édition et pas forcement sur la fonction distribution. Ainsi, ce n’est pas parce qu’on doit dans l’avenir trouver des nouveaux équilibres que l’édifice s’effondre. Mais de nouvelles compétences doivent être trouvées, et elles sont parfois développées notamment sur les fonctions de la diffusion numérique.

Les nouveaux diffuseurs même les «pure players» sont en demande d’une intermédiation comme par exemple des animations autour de l’œuvre et de l’auteur.

Ainsi, de nouveaux métiers se mettent en place chez les éditeurs.

Si le livre numérique décolle, est que ce sera parce qu’il deviendra un peu plus qu’un livre normal ?

L’analyse sur ce point de Virginie Clayssen : « jusqu’à présent les livres ou produits numériques qui sont vendus ne sont pas forcément les ouvrages qui comportent un enrichissement. En effet, même si techniquement on peut, mais le besoin de plus d’apport technique n’est visiblement pas le souci du consommateur ou du lecteur ; l’exemple de la période des CD-ROM interactif a à ce titre est très riche d’enseignement. Ludique à concevoir mais pas forcément ludique à utiliser plusieurs fois« .

Avec l’arrivée des tablettes les champs techniques s’ouvrent mais ce ne sont pas aux éditeurs d’ajouter une couche technique mais aux auteurs d’envisager un enrichissement de l’œuvre avec ces potentiels techniques.

Une des grandes questions est l’articulation entre le web et la fourniture de l’objet livre. Les nouveaux formats (comme l’iPub) se rapprochent des langages ou des standards du web. On a maintenant une forte attraction pour les images et les échanges (Exemple du service de curation PINTEREST autour de l’image).

La problématique n’est pas celle du livre numérique, mais celle des livres numériques : car nous n’avons pas les mêmes enjeux et utilisations d’un roman, du livre scolaire…

Analyse de Anne-Elisabeth Buxtorf, responsable du bureau du livre à l’Ambassade de France à Rabat, qui précise les enjeux sur les bibliothèques et les bibliothécaires

Les Bibliothèques sont à la fois producteur (numérisation des fonds) et consommateur de livres.

Elles sont aujourd’hui fortement consommatrices de fonds en ligne ou de ressources et abonnements en ligne. Elles sont donc un élément important de la chaîne du livre, parfois oubliées car elles ne sont pas des institutions qui décident. Mais elles doivent être au coeur du débat.

Les usages les plus simples sont les plus nécessaires et les plus utiles. Les Bibliothèques sont aussi un lieu de médiation : leur rôle est de faire connaître auprès de lecteurs pour que le plus grand nombre est accès à ces ressources pour des raisons d’équité et d’égalité des chances par apport à la culture et la connaissance.

Elle ajoute que le numérique est une véritable chance pour le Maroc. Le débat de l’ère numérique pour le livre est dépassé, car il permet à des auteurs de s’exprimer facilement mais aussi aux utilisateurs d’y avoir accès. Le numérique ôte plusieurs obstacles.

Virginie Clayssen ajoute que la question de la gratuité du tout numérique est un «mythe». Ce sont des personnes qui prennent du plaisir à faire penser que le numérique est immatériel, ce qui n’est pas le cas. «Google n’est pas gratuit, il vit en vendant de la publicité et en utilisant la recherche de chacun.
Nous ne devons pas rester naïfs devant des leaders mondiaux comne Google et Apple
».

Frédéric Martel ajoute qu’il est nécessaire de regarder comment les jeunes fonctionnent pour comprendre les attentes des lecteurs.

Alban Cerisier poursuit : « il faut nous laisser le temps d’observer les usages« . Et Frédéric Martel  conclut « il va falloir faire vite, car d’ici quelques années, il sera peut être trop tard » !

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