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Appropriation de compétences en codage et en programmation et pédagogie pour un usage actif et citoyen du numérique

[info]Rappel de la problématique :
À l’ère de la multiplication des services, ressources numériques et langages pour les produire, comment L’École peut-elle transmettre aux citoyens de demain, les éléments nécessaires pour appréhender et comprendre ce nouvel environnement ?
C’est tout l’enjeu de l’Éducation aux médias et à l’information (EMI): former des « cybercitoyens » responsables, et capables de faire preuve de discernement à l’égard des usages numériques. Au centre de cette ambition, un enjeu pédagogique crucial : rendre les élèves capables de faire preuve du recul et de la responsabilité nécessaires à la mise en pratique intelligente des compétences informatiques et informationnelles qu’ils seront amenés à mobiliser dans leur vie future. Pour répondre à ce défi, les professionnels de l’éducation déploient inventivité et créativité afin de « détourner » ces outils de leur seule dimension technique et d’inscrire leurs usages dans la formation d’un esprit critique.
Les expérimentations mises en place à ce jour sont-elles concluantes ? Ces initiatives de « détournement » permettent-elles l’acquisition d’une culture numérique citoyenne ?[/info]

Florence Quinche HEP Vaud, Elsa Vallélian, professeur documentaliste et Expert Direction du numérique pour l’éducation, ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Bruno Vergnes enseignant en lettres correspondant CLEMI64 et Salim Zein enseignant AC Montpellier projet Arcadémie ont échangé autour de ces questions. Armande le Pellec-Muller, Recteur de l’académie de Montpellier a introduit le débat par une allocution ; un débat animé par Etienne Durup, Direction du numérique pour l’éducation ministère de l’éducation nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche

Synthèse par Jean-Marie Gilliot

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Les compétences numériques intègrent à la fois la compréhension, la maitrise active de comment sont construits les outils, de leurs usages et des modes de communication portés par ces usages.

Le questionnement de cette table ronde interroge dans quelle mesure l’intégration de ces différentes dimensions permet-elle de former les citoyens de notre société du numérique.

Dans son introduction, Mme le recteur de Montpellier, Armande Le Pellec-Muller, a mis l’accent sur l’urgence de cette éducation à cette société du numérique. Cette question change le rapport au savoir et de l’apprentissage. C’est une occasion de repenser la pédagogie pour développer des citoyens responsables, acteurs. Apprendre à apprendre devient indispensable, et Mme le recteur ressent bien que cela se fait dans une démarche projet pour les élèves.

Il est indispensable de former les jeunes, qui, s’ils ont un usage du numérique, développent un rapport au savoir très variable suivant leurs cadres sociaux. Cette formation doit donc être explicite pour comprendre, maîtriser et apprendre à utiliser le numérique, jusqu’à l’adapter dans de nouveaux cadres de travail.

Elle pose la question de quelle pédagogie est nécessaire pour former une jeunesse active, productrice de contenu, et rappelle que les textes officiels (plan numérique, réforme du collège) intègrent ces enjeux, que la construction et la dimension de la Direction du Numérique de l’Education interministérielle montrent bien l’importance de ces enjeux. Ils se déclinent également dans le projet académique pour piloter l’implication des acteurs locaux.

Les dimensions des langages intégrant l’algorithmique et la programmation, pour penser les outils numériques d’une part et les outils pour apprendre et communiquer (outils de recherche, de production, d’échange et de collaboration) d’autre part, y sont présentes.

Elles s’appuient sur des compétences incidentes maîtrisées par les enseignants comme être critique par rapport aux informations, trier, hiérarchiser, et créer de l’information, mais aussi de l’identité et la sécurité numérique, la question des différentes sphères de communication, les règles sociales dans un usage pertinent de ces outils. Cela implique également de maitriser la prise de parole et de l’écrit.

Les compétences à développer sont des compétences actives, d’apprendre à apprendre comme la construction d’avis à plusieurs, le traitement, la hiérarchisation, le réagencement des connaissances pour un usage du savoir dans la complexité, ce qui est très loin de la simple restitution. Le système éducatif doit donner ces clés pour que les formés puissent devenir des citoyens créatifs, éclairés, inventifs.

Le numérique représente une chance pour les enseignants, du fait de la richesse de l’accès et de l’organisation aux savoirs. Cela doit évidemment s’appuyer sur une formation, au travers de séminaires pluridisciplinaires et professionnels.

La table ronde s’est ensuite construite autour de 3 points :

  • Préciser le mot code qui est polysémique et s’entend ici comme représentation symbolique dans une acception sémiologique. On est donc au-delà de la programmation ;
  • En quoi l’appropriation et/ou le détournement de ces codes peut servir l’esprit critique et l’éducation aux médias ;
  • Et finalement est ce que codage et programmation sont suffisants pour la maitrise des compétences numériques.

Sur la notion de code, Florence Quinche de l’HEP du canton de Vaud nous propose un exemple. Chez des tous petits, en utilisant des petits robots qui se programment par une séquence de déplacements, les élèves apprennent à utiliser et des signes en imaginant un parcours et en l’expliquant par leur propre choix de signes ce parcours à un autre groupe qui doit ensuite programmer le robot. La communication est ici multi-signes et intègre une activité cognitive supplémentaire en créant un nouveau langage de leur choix.

 Sur le sujet de l’appropriation des codes deux exemples sont présentés :

  • Le projet Arcademie par Salim Zein, professeur de lettres à Montpellier transpose la construction de jeux vidéo pour développer une pédagogie collaborative, et permet aux différentes disciplines de s’intégrer dans la conception de jeu vidéo : scénario pour le professeur de français, l’histoire-géographie pour le contexte, la traduction en plusieurs langues, des graphiques en arts plastiques, et de la musique.Un tel projet de jeu vidéo a ainsi été conduit entre 10 écoles à Montpellier, ville qui héberge de nombreuses entreprises de jeux vidéo. A l’arrivée, le jeu fonctionne et a été construit dans une approche collaborative qui mutualise les actions de nombreux enseignants.
  • Florence Quinche présente un projet dans le cadre d’un enseignement qui couple français, théâtre et programmation de robots en proposant un projet de création d’une pièce avec des robots. En transposant une histoire, en réalisant la mise en scène intégrant des objets qui bougent (en tant qu’acteurs ou de décor), les étudiants développent de multiples compétences y compris de programmation. Ce travail se prolonge par la création d’un film qui étend la variété de manipulation de signes (musique, reconstruction de plans…).

Sur la question de la maitrise des codes et de la programmation, Elsa Vallélian, professeur documentaliste et Expert Direction du numérique pour l’éducation, nous propose un retour d’expérience avec une classe de 6ème réalisé dans le cadre d’un Projet d’Education aux Médias, dans lequel au travers de la production d’un blog scolaire les élèves sont amenés à se poser des questions de cadre légal, de droit à l’image (peut-on publier telle photo d’autres élèves), d’identité numérique (peut-on publier avec un pseudo), d’écriture à plusieurs (peut-on effacer un texte d’un autre).

Bruno Vergnes, enseignant en lettres correspondant CLEMI64, en rappelant les enjeux de la maitrise des compétences numériques, pose la question de qui doit former les enseignants en indiquant qu’il n’est pas question de créer une discipline dédiée.

La parole est ensuite donnée à la salle, qui pose plusieurs questions :

  • « dans tous les produits numériques, il y a un côté narratif, le storytelling, qu’en est-il dans la formation ? »

Bruno Vergnes répond que, effectivement, même dans une image, il y a une dimension narrative, un but à décoder. La narration s’aborde au travers d’exemples qu’on décrypte, mais aussi par une démarche de production de média comme une publicité, une image.
Salim Zein complète en insistant sur la construction d’une histoire dans les jeux vidéo. Dans Arcadémie tout a été fait maison, et ensemble. Florence Quinche ajoute que dans les jeux vidéo, la notion de choix permet d’ouvrir à l’hypertexte ;

  • « Dans tout ça on oublie la culture qu’ont les enfants et dans leur entourage (grands frères…), ils ne sont pas vierges de toute connaissance et c’est sans doute cela qui est le plus difficile ».

Elsa Vallelian répond qu’ils ont une dextérité qui inquiète les enseignants, mais qu’ils ont un recul limité, et que c’est bien là-dessus que l’accent est mis ;

  • Mme le recteur pose une question plus globale. « L’activité est favorisée dans la démarche projet, et permet d’appréhender la complexité et de mobiliser ceux qui savent. Mais qu’est-ce qu’on attend comme apprentissage dans la complexité et quelle culture commune construit-on au travers de cette coopération d’experts ? »

Salim Zein se voit comme faiseur et serait intéressé par un retour de l’Education Nationale sur ces questions.
Florence Quinche pour sa part, aborde la réutilisation et l’entraide à distance rendues possibles au travers des communautés qui se créent, comme par exemple autour du langage Scratch, qui permet d’apprendre à travailler avec la communauté.
Bruno Vergnes renchérit que ce sont des compétences sociale et éthiques qui sont mise en valeur, Vivre et travailler ensemble.

  • Une remarque de la salle : « il y a actuellement une appétence que l’on voit notamment au travers des coding goûters, il faut en profiter. »

En conclusion, Etienne Durup souligne que cet enjeu concerne tous les niveaux de la maternelle à l’université et qu’il encourage bien le travail en interdisciplinarité.

Illustration : CIRE, tous les desssins de CIRE de l’université d’été de #Ludovia12

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