Mme Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l’Education Nationale introduit l’après-midi de restitution des résultats de la concertation nationale pour le numérique éducatif.
Elle rappelle que le numérique est une des priorités de la stratégie éducative du gouvernement qui souhaite une généralisation des usages dès la rentrée 2015-2016 et c’est pour assurer le succès de cette généralisation que la concertation nationale a été lancée en janvier dernier.
La Ministre revient sur le terme de « Digital Natives » : « qu’appelle t-on un digital natives » ?
Une certaine aisance pour les jeunes à s’approprier le numérique autour des téléphones portables, des Smartphones, des réseaux sociaux etc.
Nous serions donc entourés dune génération technophile et techniquement compétente mais est ce que tout est si simple que cela ? interroge Najat Vallaud-Belkacem.
Cette immersion naturelle ne peut pas suffire et que valent en réalité les compétences de nos jeunes en matière de numérique ?
Le digital native est donc un mythe (voir à ce sujet l’article de Ludomag, « les digital natives sont-ils des mutants ?« ) qui « détourne notre attention des vraies priorités ».
Certaines compétences n’en sont pas réellement et « nous devons réfléchir au rôle de notre École dans cette construction des savoirs numériques ».
Vivre notre vie numérique est une charge très complexe et un apprentissage de la vie de tous les jours ; la responsabilité de l’Ecole est engagée, ajoute Najat Vallaud-Belkacem.
Catherine Becchetti-Bizot, directrice du numérique pour l’éducation prend ensuite la parole pour introduire la suite de l’après-midi, à savoir la présentation des cinq thèmes soumis lors de la concertation :
. Améliorer les apprentissages
. Renouveler les pratiques pédagogiques
. Transmettre les compétences de demain
. Réduire les inégalités
. Ouvrir l’école sur son environnement
« L’École change avec le numérique » : voici le nouveau slogan que Catherine Becchetti-Bizot ne manque pas de souligner rappelant alors que l’École est désormais belle et bien « entrée » dans le numérique.
Elle cite quelques chiffres issus des résultats de la concertation.
« La richesse des retours tient d’abord à la diversité et à la complémentarité des modalités de contributions » : : 51 000 questionnaires ont été renseignés par une diversité d’acteurs ; 150 rencontres académiques ont réuni plus de 10 000 personnes dans les territoires ; 600 personnes ont dialogué sur le forum de la concertation (1116 contributions ; le site de la concertation a été visité 171 000 fois, plus de 10 000 votes ont été enregistrés).
Il se dégage des idées phares de cette concertation : éduquer au numérique, mais éduquer, c’est aussi protéger pour faire comprendre : codage, programmation et algorithmique sont aussi d’actualité dans cette concertation.
Offrir à tous des ressources numériques, ouvertes et… pourquoi pas gratuites.
La formation et l’accompagnement des enseignants est un leitmotiv qui revient pour chaque grand thème évoqué.
Quatre Recteurs étaient présents sur cet après-midi du 07 mai pour faire la « synthèse des synthèses » des cinq thèmes de la concertation.
C’est Armande Le Pellec Muller, rectrice de l’académie de Montpellier (Découvrez Mme le Recteur au cours d’un « tête à tête entre avec ludomag en février dernier) qui démarre avec les thèmes 1 et 2, à savoir « Améliorer les apprentissages et renouveler les pratiques pédagogiques ».
Pour lier les deux thèmes, la question qui ressort est de dire qu’enfin avec le numérique, « on peut avoir une opportunité exceptionnelle de mettre en forme la rencontre de l’élève avec le savoir et tout cela organisé par l’enseignant ».
On va prendre en compte l’élève tel qu’il est, car chacun a des dominantes différentes dans sa faculté d’apprentissage ; avec la dynamique du numérique, l’élève est considéré dans toutes ses dimensions.
La peur des enseignants de se voir « dévaloriser » ou même « éliminer » avec le numérique est une réflexion présente dans les résultats de cette concertation.
Ce n’est pas moins d’enseignants mais plus d’enseignants dont nous allons avoir besoin dans une dynamique de la rencontre au savoir qui est différente, souligne Armande Le Pellec Muller.
Et elle ajoute : « dans ce que j’ai lu, chacun est bien conscient aujourd’hui qu’il y a cette double nécessite du côté des élèves et du côté des enseignants ».
Améliorer les apprentissages
Le numérique éloignerait des interactions sociales mais en fait non : il développe une dimension fédératrice de la communauté éducative.
Ce qui est évident dans les résultats c’est que, avec le numérique, l’élève est plus concentré, les élèves timides vont oser, on peut mettre les élèves plus en autonomie etc.
La question du statut de l’erreur est aussi présente : « avec le numérique on peut recommencer » ; « les élèves s’autorisent à produire des essais et donc des erreurs ».
La personnalisation des apprentissages est un sujet qui parle avec le numérique, notamment pour les élèves à besoins spécifiques à qui on peut fournir des supports.
Enfin, les ressources numériques sont nombreuses.
81 % des élèves ont répondu que le numérique les aide à trouver des réponses à leurs difficultés.
Il y a eu aussi des discussions autour des équipements individuels comme les tablettes, dont beaucoup considèrent plus utilisées pour la consultation que pour la production.
Au niveau des ressources une des attentes principales est d’avoir une diversité des ressources mais aussi une facilité d’accès y compris en contexte de classe en temps réel.
Et si elles sont libres d’accès et « gratuites », c’est encore mieux !
Renouveler les pratiques pédagogiques
77% des élèves, 85% des enseignants et 89% des parents et autres membres de la communauté éducative pensent que le numérique peut développer les échanges, la collaboration entre tous les membres de la communauté éducative.
C’est une interrogation au regard des stratégies académiques.
« Il y a une demande à ce qu’on puisse mettre à disposition ce qui se fait ici ou là dans un cadre qui a été validé ».
La demande de formation est aussi très importante : notamment au niveau local par des référents numériques académiques de proximité.
Armande Le Pellec Muller souligne qu’à aucun moment n’apparaît la nécessité d’un accompagnement par la Recherche et elle s’en étonne.
Beaucoup rappellent que l’élève devrait être au centre et qu’il est aussi producteur et peut partager des contenus.
Enfin, la simplification des écosystèmes et un renouvellement de l’aménagement des espaces sont suggérés afin de permettre des travaux individuels et une plus grande autonomie des élèves ; c’est aussi l’instauration d’un climat de confiance qui doit en découler et Mme le Recteur insiste sur ce mot de confiance.
Daniel Filâtre, recteur de l’académie de Grenoble poursuit la présentation avec le thème 3
Transmettre les compétences de demain.
Former les citoyens d’aujourd’hui et de demain : un enjeu fort qui ressort par rapport au numérique ; cela ouvre la réflexion sur deux sujets :
L’aspect de la citoyenneté numérique pour faire en sorte que les élèves protègent leurs droits et comprennent qu’ils ont une identité numérique et qu’il faut en prendre soin.
Développer une culture numérique, appelée aussi « literracy numérique » fait partie du deuxième enjeu. Dans celui-ci, il est question de comprendre la logique informatique et programmer. Sur ce point, certains pensent que cela doit constituer une nouvelle discipline mais d’autres y sont opposés. Le débat pour et contre est bien présent dans les résultats de cette concertation.
Avoir une position plus consensuelle serait d’apprendre le code de manière ludique et intégrée, propose Daniel Filâtre.
Enfin, repenser l’évaluation des élèves est aussi abordé.
Transmettre les compétences de demain : un sujet qui est aussi valable pour les enseignants et à ce propos, la formation de ces derniers est encore mise sur la table :
Les apprentissages de la profession d’enseignant doivent se faire avec les outils numériques.
Marie-Danièle Campion, rectrice de l’académie de Clermont-Ferrand s’attaque à la synthèse du quatrième thème soit :
Réduire les inégalités
« La révolution numérique est en marche et les réponses à cette concertation apportent beaucoup de confiance », introduit-elle.
Dans la synthèse, voici ce qui ressort des demandes :
. que chacun puisse avoir un usage gratuit et libre dans une société numérique
. que tous les élèves doivent être équipés
. que l’accès au Très Haut Débit dans tous les établissements soit une réalité ; ce qui signifie donc un travail partenarial avec l’ensemble des collectivités territoriales. « Nous pourrons réduire les inégalités si nous travaillons ensemble », précise Marie-Danièle Campion.
. que le numérique puisse réduire la fracture territoriale et fracture sociale
. que la formation d’un personnel qualifié de proximité soit vraiment engagée
. que l’École soir une École qui accompagne aussi les familles, car il faut une co-éducation au numérique
Ouvrir l’école sur son environnement
C’est Michel Quéré, recteur de l’académie de Rennes qui se charge de synthétiser ce cinquième thème.
Il y a consensus sur le fait que le numérique doit conforter l’ouverture de l’école sur son environnement ; c’est un moyen supplémentaire pour ouvrir l’École sur le monde extérieur.
Le numérique doit venir conforter aussi les relations avec le monde associatif et le monde économique par l’affirmation de projets pédagogiques partagés.
L’ouverture est aussi concrétisée par le partenariat avec les collectivités territoriales ; la cohérence entre le « contenant » et le « contenu » doit être évidente ; « une cohérence entre tuyaux et usages, en fait », précise Michel Quéré.
Le « dossier » ressources est encore d’actualité dans ce chapitre sur l’ouverture : le numérique c’est aussi la nécessité d’avoir un accès aux ressources de manière gratuite.
Quel degré d’ouverture doit-il y avoir entre l’École et ses partenaires ? Et donc, comment le numérique vient-il bouleverser les curseurs ?
Le numérique redéfinit le temps scolaire et le temps hors scolaire : il ressort une crainte relative et le risque que le numérique puisse être porteur de « dilution » de l’École dans l’environnement social.
Enfin, il y une ambivalence sur le terme d’ouverture : le numérique offre une forme d’opportunité mais aussi de préoccupation ; d’après les résultats, il semblerait que la balance penche plutôt vers les opportunités notamment par les rencontres, les modèles collaboratifs comme les fablabs par exemples, que le numérique suscite.
La journée s’est clôturée par le discours du Président de la République François Hollande qui a notamment annoncé ses intentions pour le Plan numérique pour l’éducation soit 500 écoles et collèges connectés dès 2015, marquant la première étape de ce plan (voir article à ce sujet).
Ce sont ainsi plus de 70 000 élèves et 8 000 enseignants qui expérimenteront, dès la rentrée prochaine, de nouvelles formes d’enseignement et d’apprentissage grâce au numérique et c’est près d’un milliard d’euros sur trois ans qui vont être débloqués pour ce plan numérique.
Plus d’infos :
Tout savoir sur la restitution de la concertation nationale sur le numérique sur education.gouv.fr
et le site web dédié à la concertation http://ecolenumerique.education.gouv.fr