Introduction par Corinne Martignoni
Qu’est-ce qui est vraiment mobile ? est-ce que cela met en cause le concept de classe ou cela l’enrichit-il ? quel bilan des expérimentations ?
Marie-Noëlle Martinez, chercheur de l’Académie de Toulouse (expérimentation tablettes au collège d’Albi, classe de 6ème)
Elle suit une expérimentation de tablettes dans un collège à Albi. Elle note la volonté de faire entrer l’école dans l’ère numérique. Cependant, nous disposons de très peu de retour sur les expérimentations de tablettes qui ont débuté en 2010. Dans l’AC Toulouse, 2 expérimentations. Une troisième a été mise en place de telle sorte que chaque système d’exploitation soit testé (Apple, Android, Microsoft).
Méthodologie employée : un questionnaire initial a été distribué aux élèves, enseignants et parents pour recueillir les représentations, puis un questionnaire final (bilan). A cela s’ajoute l’observation en classe et l’évaluation des résultats scolaires.
Perception de l’utilité des tablettes ; 89 à 100% des élèves, enseignants et parents pensent que l’usage des tablettes a une influence positive sur les apprentissages. Peu de différence après 5 mois d’utilisation, néanmoins ce sont les enseignants qui sont les plus sceptiques (89%) au départ et les plus convaincus après 5 mois (100%).
L’outil est perçu comme un outil facile d’utilisation et donc utile dans le travail.
Au début, les problèmes techniques sont un frein. Après 3 mois, on note une adaptabilité des enseignants et des élèves. De plus, les enseignants disposent de solutions de rechange en cas de problème technique (préparation de matériel de secours au format papier par exemple).
Les plus-value sont difficilement mesurables. Néanmoins, 100% des parents souhaitent la poursuite de l’expérience. La motivation est très forte de la part des parents, des enseignants et des élèves.
Il y a une corrélation entre l’utilité et l’affect: si l’élève aime l’outil, il en verra l’utilité et inversement.
L’élève est sous influence de l’enseignant: comment influencer l’enseignant dans ses pratiques? Par la formation ? Il n’a pas été noté de corrélation des parents sur les élèves: si le parent n’aime pas la tablette, l’élève l’aime quand même.
André Delacharlerie de la Délégation de Wallonie intervient à son tour.
On passe en Wallonie et leur utilisation de la tablette dans une éducation par et au numérique. Compte-rendu en 1ère primaire (CP) par une enseignante qui utilise 12 tablettes android et un projecteur.
Apprentissage, différenciation et remédiation sont les axes d’utilisation des tablettes. L’avantage spécifique de la tablette, c’est sa mobilité : travail individuel avec ou par pair, puis travail par groupe en emportant à chaque fois sa tablette. Possibilité de l’utiliser en rue comme en classe. Les élèves peuvent expliquer les choses devant la caméra et ainsi, structurer leur pensée.
La tablette a changé sa manière d’enseigner. Certaines choses ne seraient pas possibles au moyen de papier/crayon. Tablette et mobilité sont des concepts qui se chevauchent.
Le rendement de travail est meilleur : l’enseignante constate 3 fois plus de travail en classe. L’outil est vite maîtrisé : la tablette est un couteau suisse.
La tablette est un outil intéressant, mais pas le seul. D’autre part, beaucoup trop de logiciels partent de ce que savent faire les développeurs, mais pas des besoins des enseignants. Les enseignants ont besoin de logiciels ouverts (souples), simples et ergonomiques. L’utilisation du « Cloud » est aussi une demande importante en terme de portabilité (école/domicile/maison).
20 tablettes, ce sont 20 cerveaux qui fonctionnent. Combien de cerveaux sont mobilisés avec un TNI ?
Acquisition des apprentissages : il est important de promouvoir la collaboration entre enseignants. L’enseignant ne doit pas inventer et développer seul les ressources.
Pour lui, les nouvelles technos fonctionnent si on s’investit beaucoup.
Intervention de Jean-Loup Burtin, Directeur de la société FORMATICE pour BIC Education,
«On ne peut pas faire fi de son passé» Quelques jalons de réflexion :
Quelques interrogations : la tablette pour parler de mobilité et nomadisme ? problématique des ressources ? Pas d’écosystème créé . Quels sont les usages pédagogiques des TICE ? Derrière les disciplines il y a bien de la didactique, quel est l’apport du numérique ?
Le contexte de l’école et des élèves a changé: comment la pédagogie évolue ?
Comment les élèves apprennent ? Le numérique outil discriminant selon l’accès au numérique.
Les Lieux et temps d’apprentissage et d’éducation sont modifiés par le numérique. Il faut prendre en compte ces changements.
JL Burtin évoque le problème de l’évaluation des usages de l’ENR qui n’a pas été fait.
On a pas encore défini ce qu’est le numérique éducatif et son apport à l’enseignement.
On est passé d’un empilement d’ordinateurs à un empilement de tablettes.
Le matériel devrait nous servir à réfléchir sur la finalité de leur utilisation en classe.
Se pose ensuite la question des ressources à mettre à disposition. Dans la mesure où les lieux et les temps d’apprentissage sont modifiés par le numérique, l’organisation spatiale de la classe serait à repenser ainsi que les modalités d’apprentissage avec le numérique.
Avantages :
- travail scolaire bonifié : gain de temps et meilleur répartition du travail. On note aussi un accès accru à l’information actuelle (à jour)
- les facteurs psycho-sociaux de la réussite scolaire : si la motivation est une tarte à la crème sans y ajouter l’intérêt de l’apprentissage. L’attention est néanmoins améliorée
- Interactions entre les acteurs (profs, parent, élève)
- Equité et ouverture sur le monde
L’école est plus sur la mobiquité (un usage sédentaire d’outils mobiles) que sur la mobilité.
2ème temps de la table ronde Retour d’expérimentation tablettes tactiles
Michèle Monteils, chef projet tablettes à la DGESCO
La tablette s’inscrit dans le prolongement des expériences faites avec les ordinateurs portables. Des témoignages d’usages à retrouver sur Eduscol : usages très variés selon les académies. Les expérimentations de tablettes ont lieu plus massivement dans les collèges.
15000 tablettes sont actuellement en expérimentation en France dans 119 écoles, 174 collèges et 42 lycées.
Avoir une tablette sous la main représente un changement notable dans la présence du numérique en classe, car elle est vraiment sous la main et devient un outil parmi d’autres sur la table de l’élève.
Dans de nombreuses disciplines, elle a un impact positif dans les apprentissages, mais toutes les disciplines ne sont pas égales en cette matière. La possibilité de faire des photos ou des vidéos est notamment mise en avant, notamment dans le contexte d’une sortie de classe.
Une réserve est émise par Michèle Monteils sur l’utilisation et la plus-value de la tablette en mathématiques.
L’aspect couteau suisse de la tablette est à nouveau mis en avant. Par contre, Michèle Monteils observe peu d’innovations des pratiques via la tablette. [Remarque perso : mais les expérimentations n’ont que 3 ans… stade normal de l’introduction d’un nouvel outil, on sait que l’enseignant adapte d’abord l’outil à ses pratiques habituelles avant de, peut-être, modifier ses pratiques]
Quelles perspectives?
Pour Michèle Monteils, la tablette mobile va l’emporter à l’école sur la tablette personnelle. Volonté de contraindre à l’activité des élèves au travers de dispositifs techniques permettant à l’enseignant de garder la maîtrise de l’accès aux applications et la connexion à internet. L’avenir est-il à la tablette hybride permettant d’être à la fois ordinateur et tablette ou à des tablettes dédiées (et donc fermées) – dans ce dernier cas pour le primaire.
Elle dresse quelques constats sur des retours d’expériences :
- rapidité de mise en œuvre / autonomie / légèreté / simplicité d’utilisation / mobilité
- Peu de mobilité hors de la classe : frilosité à sortir de la classe.
- Modification des usages des tice en classe : outil parmi d’autres sur la table. Bonne séance quand l’enseignant suscite le désir de savoir, d’apprendre.
- Impact positif sur les apprentissages de nombreuses disciplines : plus-value pour les langues / mobilité en cours d’EPS, modification des stratégies d’apprentissages quand il y a sortie / réserve sur l’usage en maths.
- Alternance travail individuel/ collectif : tablette et tableau se complètent
- Apparente simplicité : à nuancer
- Contraintes techniques : nécessitent des compétences que ne maîtrisent pas tous les enseignants
- Évolution rapide, offre qui se diversifie
Jean-Paul Moiraud intervient à son tour
Mobilité des corps ou des espaces? Inconstance et instabilité forment la définition première de la mobilité.
La mobilité est souvent donnée comme égale à tablette. Or, il n’en est rien. Les ENT sont aussi un moyen d’être mobiles et sans tablette. Par ailleurs, la mobilité à l’école n’a pas attendu le numérique. Jean-Paul Moiraud rappelle que, dans les années 60, la mobilité des objets existait déjà en classe : ainsi en était-il des émissions de radio scolaire qui apportaient l’éducation musicale dans la classe. (cf entretiens de Jean Valérien). «On réinvente ce qui existe déjà».
Mobilité des espaces: Exemple des « maternages par skype » des nounous philippines qui sont mamans à distance. Les espaces virtuels permettent la mobilité…
La mobiquité : on peut être mobile sans bouger…