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Environnement Numérique de Travail et d’apprentissage à distance, entre promesses pédagogiques et imaginaires technologiques

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Dorothée Danielewski
, modératrice, fait l’introduction de cette table ronde en précisant que plutôt que des promesses, les intervenants parleront des espoirs portés par les ENT. Faute d’intervenant du supérieur, elle précise également qu’il n’y aura pas d’intervention sur les MOOC.

Premier constat, les ENT ont 10 ans et 28 académies sur 30 ont des projets d’ENT.

Première question : qu’est-ce qui a changé depuis les premiers projets, qu’est-ce qui distingue aujourd’hui un ENT ? Et en premier lieu au second degré.

Roger Masson de la Région Rhône-Alpes intervient : la Région comprend 268 lycées publics dont 20 agricoles et potentiellement 500 000 utilisateurs. Le projet initial est le fruit d’une concertation entre différents acteurs. Le projet est centré sur la relation pédagogique profs/élèves. Une seule identification pour le prof ou pour l’élève, surtout pour le prof, précise-t-il !

Evolution du projet initial : l’ENT évolue en fonction des besoins des utilisateurs, enseignants ou élèves. Parmi les points forts, Roger Masson cite les ressources numériques en accès légal et sa souplesse.

Dorothée Danielewski : Qu’en est-il maintenant au premier degré ?
Premier constat, le panorama des ENT du primaire est très morcelé, il n’y a pas de modèle pour le premier degré. Elle s’adresse à Benjamin Viaud, qui commercialise des ENT au primaire sur les caractéristiques et usages qu’il  a constaté ?

Benjamin Viaud (Beneylu school/ATOS) : Dans un premier temps, on a cherché à adapter des ENT du 2e degré pour le 1er degré. Ce ne fut pas une bonne solution en raison d’une plus grande fragmentation des établissements, car localement c’est très éparpillé (une commune, une communauté de communes, 37 000 communes en France…). Les projets sont très dépendants des initiatives locales. Pour lui, il n’y a pas de généralisation possible en l’état actuel. L’égalité des territoires reste largement utopique, car l’implantation repose sur le volontariat des acteurs.

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Les pratiques du 1er degré sont beaucoup plus axées sur la pédagogie qu’au 2e degré. Ceci est facilité par le fait qu’il y a un enseignant par classe. L’ENT s’insère dans les pratiques de manière plus naturelle (projets de classe, chasse au trésor, rallye web, correspondance de classe, échanges scolaires). Le gros du travail de conception d’ENT au primaire porte sur l’ergonomie (nombre, couleurs, libellé des boutons…).

L’ENT primaire doit pouvoir s’adresser à des élèves non lecteurs, petits lecteurs et lecteurs sans “faire bébé” pour les plus grands… un défi !

Dorothée Danielewski souligne la facilité d’usage et de prise en main dans le primaire. On oublie l’outil pour réaliser des activités. Que va-t-il se passer ces prochaines années ?

Marie Deroide (DGESCO) : Démarche de consultation des acteurs par la DGESCO. Elle note la généralisation des ENT dans presque toutes les régions. 8 régions offrent un ENT à tous leurs lycées, 35 départements ont un ENT dans tous leurs collèges.

Sur l’utilisation des ENT, on est capable, au niveau statistique, de dire que le cahier de texte perce à côté de la gestion des notes et de la gestion des absences. On observe également l’audience des parents qui, lorsqu’ils disposent d’un compte, sont bien présents.

On n’a hélas que des données quantitatives, il manque des informations qualitatives sur les usages.

Elle observe également une montée en puissance des utilisateurs et des usages. L’augmentation est régulière et constante, notamment les attentes des utilisateurs en termes d’outils et d’utilisations plus novatrices. Par ailleurs, il est important de fixer des objectifs à l’utilisation des ENT.

Dorothée Danielewski : 10 ans et encore des envies. c’est très bien. Que met-on derrière les ENT en Wallonie ?

Isabelle Marx intervient au titre de l’expérience de mise en place de l’ENT dans son établissement en Wallonie. La démarche a débuté par une information sur une solution technique. Les enseignants recherchaient plus de convivialité.

Le projet présenté et adopté est très coloré, l’ENT est vu comme un « jouet« . La gestion de l’ENT est effectuée par le professeur qui dispose d’une grande liberté d’usage et d’appropriation. L’outil a été créé à la demande de l’équipe pédagogique. Il ne s’agit donc pas d’une démarche institutionnelle comme en France. Le travail en équipe permet une mutualisation des expériences par l’équipe pédagogique, une formation par les pairs et un accompagnement personnalisé.

Une enseignante de l’établissement a des heures dégagées pour accompagner ses collègues. Le cahier de texte devient maintenant une demande de l’enseignant et non pas une prescription institutionnelle. L’ENT est aussi utilisé pour préparer les élèves de terminale au e-learning qu’ils rencontreront dans le supérieur.

Dorothée Danielewski présente ensuite un invité surprise sur les question de l’apprentissage à distance : Jean-Michel Leclercq, du CNED.
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Jean-Michel Leclercq : Où positionne-t-on le LMS ? Au CNED, il n’existe pas de lien en présentiel ; la présence physique de l’enseignant est moindre ou inexistante, les interactions sont plus faibles. L’absence de relation en présentiel de l’enseignant et de l’élève existait déjà avant l’arrivée du numérique. Il n’y a pas de vie d’établissement, les étudiants s’inscrivent à des formations.

Actuellement, le CNED dispose de 303 LMS, un par formation. Les outils utilisés sont principalement Moodle et Blackboard, ils comportent généralement un système de forum, un annuaire et des cours traditionnels portés au format numérique. Pour J.-M. Clerc, la typologie de l’espace d’apprentissage est à réfléchir en fonction de la formation dispensée.

Après cette dernière intervention, la parole est donnée à la salle. La première question portera sur l’interopérabilité des données. La deuxième question d’un parent d’élève qui évoque le risque d’enfermement de l’ENT. Une troisième question portera sur la place de la production de contenu des éditeurs dans les ENT.

Concernant la première question, la structure administrative française est clairement un frein à l’inter-opérabilité des données. Se rajoute le fait que les ENT sont réalisés majoritairement par des entreprises privées et des solutions propriétaires. La solution passe par du code libre et l’utilisation d’ENT en open source. Il nous faut noter une obsession du cadre légal et de la protection juridique de la part des responsables… on perd de vue l’élève et ses besoins !

L’ENT court le risque de devenir « la mare aux canards » des usages du numérique.

À la question d’un parent d’élève, Benjamin Viaud répond que la clôture existe pour protéger les données des enfants, mais que les usages permettent les échanges et peuvent donc favoriser l’ouverture (exemple de la correspondance scolaire).

Concernant les contenus des éditeurs dans les ENT, les mêmes problèmes d’opérabilité se posent comme l’obsession des questions de droits.

Conclusion de Dorothée Danielewski : Les ENT suscitent encore énormément d’espoirs et d’attentes !

La conclusion des rapporteurs et synthèse :

La table-ronde a mis en évidence, d’un côté, la mise en place au secondaire d’ENT répondant d’abord à des besoins institutionnels et administratifs (gestion des notes, des absences, etc.) et, d’un autre côté, au primaire, la mise en place d’ENT répondant aux besoins pédagogiques des enseignants. Peut-on faire de l’ENT un mouton à 5 pattes qui serait LA solution unique à la gestion et la pédagogie de l’école, soit un objet total ? Nous en doutons… ne risque-t-il pas d’être plutôt un frein et un facteur d’enfermement ?

Ne faudrait-il pas changer de tactique et inverser la tendance en partant des demandes des équipes enseignantes comme en Wallonie, pour une démarche plus porteuse favorisant l’adoption de l’environnement et les pratiques collaboratives ?

Enfin, on peut à nouveau regretter l’absence d’usagers et de chercheurs à la table-ronde, qui auraient pu apporter des témoignages et des observations sur les usages effectifs des ENT.

 

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