Internet est l’outil de la communauté, il favorise le mode en réseau et le travail collaboratif. Mais, parce qu’il permet de co-créer, il favorise l’engagement, et le co-design. C’est également un gigantesque simulateur des relations humaines, ce qui est particulièrement visibles dans les jeux en réseaux. Enfin, parce qu’il est le support d’une économie à la fois d’abondance et de partage, il permet aux «petits» de réaliser de grandes choses à un coût minimum.
S’il fallait résumer le numérique en une phrase : c’est ce qui permet de passer d’une somme d’intelligences individuelles à une intelligence collective, nous offrant alors la possibilité de faire face à la complexité du monde, qui a vu dans les dernières années explosion du nombre d’humains, donc du nombre d’interactions.
Les enseignants entretiennent une relation difficile avec le numérique. D’un côté, l’institution Education Nationale semble peu encline à aller au-delà de simples expérimentations. Son site officiel sur le sujet du numérique reste bien sage, et s’il pointe vers des sites de contenus, reste bien moins aventureux que certains enseignants eux-mêmes, qui n’hésitent pas à aller dans les mondes virtuels, à lancer des communautés de pratiques, à utiliser twitter en classe, etc….
Et pourtant, l’intuition nous dit que le numérique apporte une composante innovante à la pédagogie. Au-delà de l’intuition, de nombreux laboratoires universitaires dans le monde entier ont déjà mené des expériences probantes sur l’impact profond du numérique sur la pédagogie. Ils sont trop nombreux pour être listés ici, le portail Ludovia est d’ailleurs l’une des meilleures sources sur ce sujet.
Il y a deux types de technologies : celles qui améliorent les processus existants, et celles qui les bouleversent. Lorsqu’une technologie de cette deuxième catégorie arrive à maturité, il se produit toujours deux étapes : une première étape où l’outil est utilisé sans remise en question des processus, qui se révèle être très souvent décevante. Puis une deuxième étape où les processus sont redessinés, afin de tirer le meilleur parti de la technologie, qui peut alors offrir tout son potentiel. Wikipedia en est un exemple parfait : Nupedia, l’ancêtre de Wikipedia, faisait appel à des experts mais non rémunérés, avec comme résultat un nombre d’articles ridiculement faible (24), qui n’a jamais évolué. Wikipedia, qui utilise la puissance du crowdsourcing, du travail de la foule collaborative, a obtenu un bien meilleur score : 19 millions d’articles en 284 langues en avril 2012.
L’enseignement serait-il encore dans la première phase, celle où le numérique serait relégué au rang de technologie, dont l’objectif serait tout simplement de mieux servir les processus habituels d’enseignement ? Un exemple militerait dans ce sens, le tableau blanc numérique qui n’est, finalement, qu’une copie du tableau blanc normal, et n’utilise que peu des possibilités du numérique.
Tout comme Internet est difficilement compatible avec la hiérarchie, les méthodes traditionnelles basées sur la transmission d’un savoir de manière doctorale de l’enseignant vers ses élèves, puis vérification par le devoir ou l’examen, avec peu d’interactions entre les élèves eux-mêmes, sont plutôt à l’opposé de la philosophie de l’Internet. En ce sens, son adoption dans le monde scolaire se heurte au même problème que dans l’entreprise : elle remet trop en cause des systèmes anciens. Surtout, elle donne l’illusion d’une perte de pouvoir, qui n’est qu’apparente. Toute technologie en rupture a permis de faire émerger des individus aux méthodes nouvelles, et n’a finalement abaissé le pouvoir de l’humain que lorsque celui-ci restait rigide.
Pourtant, il faut insister : si la méthode de l’enseignant change avec le numérique, son rôle reste toujours le même. A ceux qui pensent que le «pair à pair» permet finalement de se passer de l’enseignant, de l’expert, le chef d’orchestre Guennadi Rojdestvenski a apporté une réponse intéressante : à Moscou, à l’époque du communisme, il y eu des tentatives de faire jouer des orchestres sans chef. Au résultat, le concert sans chef était aussi bon que le concert avec chef. Seulement, avec un chef, cinq répétitions suffisaient pour arriver au résultat ; sans chef, il en fallait une centaine…