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J’avais une conception erronée. Je croyais que jeux sérieux et ludification étaient deux termes interchangeables.
Mais non : le jeu sérieux est un jeu vidéo, une application, un logiciel créé avec une intention pédagogique précise. Le jeu sérieux cherche à informer, à développer chez le joueur une diversité de compétences selon les objectifs du jeu. Le jeu sérieux est un produit numérique coûteux.
La ludification, nommé parfois gamification, est un processus. C’est l’usage de certains éléments et mécanismes caractéristiques de l’activité « jeu » utilisés pour des activités d’apprentissages, lorsqu’il s’agit de ludification pédagogique. Le processus de ludification est aussi utilisé dans d’autres domaines, en marketing par exemple.
La ludification des apprentissages offre à l’élève contemporain qui vit déjà dans un univers ludifié, une expérience scolaire stimulante qui correspond à sa réalité quotidienne.
Apprendre par le jeu motive l’élève, éveille son intérêt pour le sujet d’étude et utilise positivement l’énergie caractéristique de la jeunesse.
La ludification n’exige pas l’usage du numérique. Les jeux de table, les jeux de société et plusieurs autres jeux n’exigent que crayons et papier, le jeu du pendu ou de la bataille navale par exemple.
C’est pour en connaître davantage au sujet du processus de ludification que j’ai rencontré à la cafétéria de Radio-Canada, monsieur Jean Desjardins, conseiller techno-pédagogique au Collège Sainte-Anne à Lachine.
Le Collège Sainte-Anne où travaille monsieur Desjardins est un établissement privé. On y offre l’enseignement secondaire (1920 élèves) et le Cégep (300 élèves) ainsi que le primaire dès septembre prochain (400 élèves).
Qu’est-ce qu’un conseiller techno-pédagogique ?
Le conseiller techno-pédagogique a pour rôle d’accompagner l’enseignant et l’aider dans sa formation relativement à l’usage du numérique. Il ne s’occupe que de l’aspect pédagogique de l’usage des technologies et son poste relève de la direction pédagogique de l’établissement.
Des techniciens en informatique s’occupent de l’entretien des ordinateurs, des périphériques, des logiciels, en bref de tous les éléments matériels de l’univers informatique.
La ludification, c’est un nouveau défi pour cet enseignant dynamique. Il a débuté l’élaboration de son concept théorique de ludification en août 2013. L’outil de planification qu’il met à la disposition des enseignants, est la Feuille Festiva, maintenant en version 4.2 que vous pouvez consulter au site : Sainte-Anne . . . et la techno-pédagogie.
La vidéo TED d’un jeune visionnaire Seth Priebatsch allait apporter la pièce qui manquait au modèle de monsieur Desjardins. Le Bostonien affirme qu’au-delà de Facebook et Twitter, ce sont maintenant les dynamiques du jeu qui vont « remodeler l’éducation et le commerce » : « Building a game layer on top of the world » (Ajouter une strate de jeu au réel), est le leitmotiv qu’il met de l’avant.
Créons un jeu : Rallye à Lachine
Pour tenter de cerner le processus, je propose de suivre les étapes du modèle Festiva pour élaborer quelques éléments des deux premiers niveaux d’un jeu très simple.
Le jeu que j’ai conçu (BY-NC-SA) et dont j’ai commencé l’élaboration s’adresse aux élèves de la première année du deuxième cycle du secondaire (secondaire trois). Le Collège Sainte-Anne étant situé dans un quartier historique de Montréal, j’ai choisi dans le Programme de formation de l’école québécoise le domaine de l’univers social.
Parmi les compétences disciplinaires de cette année scolaire, j’ai choisi de favoriser la révision des réalités sociales suivantes : l’émergence d’une société en Nouvelle-France et l’Industrialisation.
Le jeu favorisera aussi l’application de certaines compétences et techniques du domaine de la géographie culturelle ainsi qu’une diversité de compétences transversales :
Géographie culturelle, compétence 1
Lire l’organisation d’une aire culturelle, décoder des paysages de l’aire culturelle, saisir le sens des actions humaines sur l’organisation de l’aire culturelle
Géographie culturelle, compétence 2
Interpréter le dynamisme d’une aire culturelle, cerner des mouvements caractéristiques du dynamisme de l’aire culturelle, analyser des changements dans l’aire culturelle.
Techniques appliquées : interprétation d’une carte ; interprétation d’un paysage ; interprétation d’un document écrit.
Compétences transversales 1 – Exploiter l’information.
Compétences transversales 6 – Exploiter les technologies de l’information et . . .mettre la technologie au service de ses apprentissages.
Compétences transversales 7- Coopérer, contribuer au travail coopératif.
Compétences transversales 4 – Mettre en oeuvre sa pensée créatrice, cerner les enjeux et les objectifs de la situation, être ouvert aux multiples façons de l’envisager.
Voilà pour l’apprentissage, maintenant commençons la planification du jeu. Tout commence par le choix d’une thématique qui permettra de scénariser les apprentissages et mettre les élèves au défi. Le modèle Festiva offre trois choix :
1- l’actualité (ce qui se passe en ce moment),
2 – la culture populaire ( Hunger Games, par exemple)
3- la culture matière (la vie d’un scientifique ou d’un écrivain ou l’histoire).
Pour notre jeu, j’ai choisi quelques éléments de l’histoire locale de Lachine où est situé le Collège Sainte-Anne. J’ai imaginé la situation suivante. Les élèves de troisième secondaire doivent préparer en équipes, un rallye pour présenter le Collège, son site ainsi que le quartier de Lachine aux nouveaux élèves qui entreront en secondaire 1 en septembre prochain.
La deuxième partie de la planification demande de réfléchir :
1- Qu’est-ce qui fonctionne très bien dans le cours que je désire ludifier ?
2- Qu’est-ce que je ne peux pas changer dans le contenu de ce cours ?
3- Quels sont les éléments mobiles du cours que je désire ludifier ?
4 – À quoi reconnaîtrai-je que j’ai réussi ma ludification ?
Pour le jeu que nous élaborons ensemble, le point un ne s’applique pas. Au point deux, je ne peux pas changer les faits historiques, ni la localisation des points d’intérêts. Par contre le parcours du rallye est modifiable, le ratio étudiants/guides et nouveaux arrivants à l’école sera au choix, etc. et l’enthousiasme des participants sera le meilleur indice du succès du jeu.
À l’étape suivante, nous choisissons parmi diverses dynamiques de ludification. Festiva répertorie huit dynamiques possibles :
1 – Quêtes à entreprendre ou un chef d’oeuvre à réaliser
2- Défis rencontrés (problèmes à résoudre, ennemis et monstres à affronter, péripéties, entraves à contourner, obstacles à surmonter)
3- Niveaux à débloquer
4- Choix d’itinéraires et mondes ouverts
5- Évolution du joueur, du personnage/avatar (en niveaux, en pouvoir, en apparence)
6- Les points d’expérience ou barre de progression
7- Des micro-récompenses pour couronner les accomplissements (armes, habiletés, badges, personnages, territoires)
8- Boucle de progression (itération : on apprendre à maîtriser le jeu, ses règles progressivement, en s’entraînant)
J’imagine plusieurs niveaux de jeu à débloquer, mais je n’en présenterai que deux pour le prototype.
La quête à entreprendre est la planification d’un rallye pour présenter Lachine historique et contemporain aux élèves qui entrent au collège en secondaire un.
Le défi sera de choisir parmi les informations dont ils disposent, de les organiser afin de rendre ces dernières intellectuellement accessibles aux élèves de secondaire 1, ainsi que la méthode qu’ils utiliseront pour leur rallye : s’agira-t-il d’un rallye de type course au trésor?
Pour accéder à un niveau supérieur, l’équipe devra acquérir des certificats de réussite nommés généralement badges dans un contexte de ludification. Ces badges seront distribués lorsqu’une des tâches aura été complétée.
L’enseignant peut choisir d’afficher un tableau des résultats et même y marquer les trois équipes qui ont terminé correctement la tâche le plus rapidement. C’est à l’enseignant d’évaluer si cette émulation convient aux élèves dont il est responsable.
Voici un exemple de consignes que l’enseignant peut donner à ses élèves au commencement du jeu.
Pendant les prochaines semaines vous avez comme tâche de préparer un rallye dont le but est de présenter Lachine à des élèves de secondaire 1 qui arrivent au Collège. Le jeu est l’outil choisi pour préparer le rallye. Je décide des trois membres de chaque équipe. Vous choisissez le nom de votre équipe. Vous devrez compléter les tâches d’un niveau avant d’avoir accès au niveau suivant.
Les tâches à accomplir aux quatre premiers niveaux consistent à utiliser un document Thinglink pour trouver l’information et les questions auxquelles vous devrez répondre. Les réponses aux questions seront un texte rédigé sous forme de plan.
Au cinquième niveau, vos tâches consisteront en la planification du rallye ainsi que la rédaction conjointe par toute la classe d’un court quiz pour évaluer si vos jeunes cobayes (les étudiants de secondaire 1), ont compris les principales informations que vous désiriez leur transmettre.
Au sixième niveau, vous inviterez les élèves de secondaire 1 de cette année à faire le rallye que vous avez préparé. Cette activité se terminera par un pique-nique au parc René Lévesque. De retour au Collège les jeunes élèves de secondaire 1 répondront individuellement aux questions du quizz.
Au dernier niveau, vous analyserez en équipes les résultats de votre entreprise et y apporterez les modifications qui vous apparaîtront nécessaire, s’il-y-a lieu, afin de présenter votre rallye aux nouveaux arrivants en septembre prochain.
Les liens Thinglink sont accessibles par le moteur de recherche Chrome. N’oubliez pas d’activer les puces du document Thinglink en touchant l’image avec le curseur ou le doigt selon votre appareil. Les puces de textes comportent un hyperlien qui donne accès aux informations utiles pour répondre à la question.
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Conclusions de la pédagogue
J’aime . . . l’usage pédagogique de la ludification car un jeu bien ficelé dynamise les élèves, les pousse à se surpasser, stimule leur intérêt pour le sujet d’étude. Un tel contexte favorise chez les élèves la prise en main de leurs apprentissages.
J’aime . . . le modèle Festiva pour l’élaboration du jeu car cette structure guide l’enseignant dans le processus qui n’a alors qu’à inventer le jeu.
Attention . . . à être sensible à la dynamique de son groupe classe afin que la compétition ne crée pas d’inutiles conflits entre les élèves.
Attention . . . à maintenir un équilibre dynamique et harmonieux entre le jeu et le sujet d’étude.
Venez nous voir à Lachine où je n’ai pas le plaisir d’habiter, mais où je vais régulièrement faire du vélo en été. C’est un site magnifique où la vie y est agréable : navigation de plaisance, cyclisme, ski de fond, beaux espaces . . .