[callout]Le projet FREPS (Français et EPS) décrit ci-dessous, représente une partie de ce travail conséquent des équipes enseignantes sur le terrain, promptes à valoriser les travaux des élèves et l’esprit des développements numériques pédagogiques. C’est donc en tant qu’observateur que je vous confie leurs travaux.[/callout]
FREPS : Origine et objectifs
La réflexion d’un travail d’interdisciplinarité entre l’EPS et le français est née d’un voyage multisports en Ardèche (2008), où les élèves devaient quotidiennement écrire un journal de bord sur les lieux découverts et les sensations vécues.
Cette expérience, reconduite deux autres années, s’est avérée très fructueuse aussi bien pour la pratique sportive, que les élèves étaient amenés à analyser (en plus de la vivre), que pour l’écriture, où les sensations et les sentiments personnels nécessitaient un choix de mots et de phrases précis pour traduire le vécu de l’élève.
Par la suite, l’objectif global est resté le même, en lien avec le Socle commun : développer différemment des compétences propres à chaque discipline en faisant appel à des connaissances, des supports et des compétences d’une autre discipline et par le biais d’une production finale. Quatre professeurs animent ce projet : deux professeurs de français et deux professeurs d’EPS.
Plusieurs outils numériques sont utilisés pendant ce projet, principalement à deux fins :
● coopérer. Dans le cadre d’un travail sur des contenus communs, l’utilisation d’une plateforme commune s’est avérée nécessaire. En l’absence d’ENT, les professeurs se sont tournés vers un outil gratuit aux nombreuses fonctionnalités : Google Education. Les élèves ont vite pris l’habitude d’y trouver des ressources et d’y partager des documents avec leurs deux professeurs, co-évaluateurs en ligne d’un seul et même travail.
● produire, créer. Les élèves ont profité du fait que des tablettes (destinées à l’EPS) étaient déjà présentes dans l’établissement pour à la fois filmer (donc observer) leur pratique et rendre compte de leur analyse sous des formes diverses (diaporama, schéma, récit, article de journal, enregistrement audio…).
Un travail en interdisciplinarité
La création d’activité en interdisciplinarité nécessite une prise en compte des programmes de chacune des disciplines.
Ainsi, il faut s’interroger sur nos objectifs d’apprentissage afin que le travail mené avec les élèves ne soit pas superficiel.
Chaque enseignant devra présenter les compétences qu’il souhaite travailler lors de sa séquence pédagogique et réfléchir aux contenus qui peuvent être acquis dans les différents cycles de travail. Il faudra ensuite organiser chronologiquement les apprentissages afin de proposer un contenu cohérent. Enfin, le mode de restitution de la production finale doit permettre aux élèves de réinvestir l’ensemble des compétences travaillées.
Descriptifs d’activités FREPS
FREPS 3ème – Analyse et auto-évaluation
Activité : réaliser une page de magazine portant sur l’analyse d’un match de badminton en employant une tonalité bien précise.
Compétences :
Utiliser un lexique approprié
Analyser une situation / une tâche grâce à des critères :
faire la différence entre causes et conséquences
émettre des hypothèses et des axes de travail
Prendre en compte les conseils donnés
S’auto-évaluer
Publier donc : prendre en compte le destinataire ; choisir un angle pour l’article ; réinvestir les notions liées aux tonalités
FREPS 3ème – AcroThéâtre
Activité : Jouer un extrait d’une pièce de théâtre et utiliser des mouvements d’acrosport pour mettre en valeur la mise en scène
Compétences :
Utiliser le corps et la voix pour exprimer un sentiment et rendre compte d’une lecture personnelle d’un texte
Prendre la parole en public
Saisir la complexité liée à la mise en scène au théâtre et les diversités d’interprétation du texte
maîtriser le vocabulaire du théâtre
analyser la place d’un personnage par rapport aux autres et dans l’action, le sens de la pièce
Travailler en groupe et se positionner dans un groupe, en vue d’un projet collectif
Développer l’autonomie par la pédagogie inversée
Présentation détaillée de l’activité : slate.adobe.com/a/QAbD5
Extraits de productions d’élèves : scolawebtv.crdp-versailles.fr/?id=7063
FREPS 6ème – Badminton/ Consignes
Activité : réaliser un film, montrant à Mme de Matteïs comment battre M. Sofianos au Badminton.
Compétences :
Créer et partager un document collaboratif
Différencier et comprendre les différentes consignes
le but
les critères de réalisation
les critères de réussite
(Re)Formuler une consigne
Filmer des séquences précises en relation avec les critères de réalisation
Monter et commenter un film en utilisant le vocabulaire adapté
Exemples de productions : www.clg-picasso-montesson.com/une-lecon-de-badminton-par-les-eleves-de-6e6/
FREPS 6ème – L’ épopée / Boxe française
Activité : réaliser et commenter un film représentant un combat, à la manière d’un film épique, utilisant le vocabulaire (oral et gestuel) de la boxe française et de l’épopée.
Compétences :
Construire un scénario cohérent respectant la tonalité épique
Interpréter le scénario en utilisant la gestuelle et les techniques de la boxe française
Filmer en utilisant les techniques permettant de glorifier le héros
Écrire un commentaire en réinvestissant le vocabulaire sur l’épopée et sur la boxe
Lire un texte avec expressivité afin de donner vient aux commentaires
Présentation détaillée de l’activité : slate.adobe.com/a/WDPrd
Extraits de productions d’élèves : clg-picasso-montesson.com/rencontre-entre-boxe-et-epopee
Une pédagogie de projet
L’approche interdisciplinaire autour d’un projet commun a permis de développer plusieurs compétences et d’approfondir les contenus disciplinaires, tout en les mettant en relation.
Le travail collaboratif
“Ce projet nous a aidé à progresser dans notre manière de travailler à plusieurs, à nous intégrer et à coopérer chacun à notre manière dans un groupe.” (3e5)
Les élèves ont découvert et approfondi le travail collaboratif, qu’il s’agisse de partage ou de coopération. L’environnement numérique de travail permet non seulement au professeur de mettre à disposition les documents utiles à l’appropriation du cours, mais il permet aussi et surtout le stockage et le partage des documents de travail, auxquels les élèves et les professeurs peuvent contribuer tour à tour, de n’importe quel cours et de chez eux.
L’environnement numérique est ainsi vecteur d’efficacité mais aussi de lien entre les disciplines, entre les élèves et les professeurs, et entre les élèves eux-mêmes.
Le travail en groupe en vue d’un projet collectif est à la fois un facteur de motivation et un défi. En effet, il oblige chacun à se positionner et permet à chaque élève de tirer profit tout en étant moteur du groupe. Dans les premiers moments, certains de ces groupes rencontrent des difficultés liées à l’hétérogénéité de leurs membres et leur apparente incompatibilité.
L’enseignant aide les élèves à définir leur place et à gérer les points de discorde voire de désaccord entre les individus. Il veille à une juste répartition des rôles, à l’investissement de chaque élève et à la combinaison des compétences. Dans cette pédagogie de projet, le facteur humain et le rapport à l’autre entrent en ligne de compte et contribuent à la richesse de l’enseignement ainsi qu’à sa réussite sur le plan pédagogique.
L’autonomie
Les activités proposées présentent plusieurs défis : travailler de manière optimale à plusieurs, imbriquer de manière pertinente les contenus disciplinaires, et produire du contenu multimédia. La perspective d’une représentation face aux autres, comme celle d’une publication, et l’interdépendance des élèves entre eux les responsabilisent face au projet : il devient important de réussir, moins pour la note que pour relever les défis. La surprise, parfois la gêne, des premières activités interdisciplinaires laisse place à une volonté de produire du contenu de qualité.
La pédagogie inversée les place dans une posture différente, en dehors du cours et pendant celui-ci : les élèves prennent connaissance des notions à la maison pour les mettre en pratique dans les deux disciplines, sur un support commun.
Dès lors, les changements de posture (voir aussi l’article de Martial Pinkowski à ce sujet) sont doubles. En effet, les élèves deviennent acteurs du cours, qu’ils construisent de manière autonome, et acteurs en cours, pendant lequel ils agissent en vue d’une production finale.
Quant aux enseignants, ils guident l’apprentissage, aiguillent le projet et apportent une solution à des problèmes, d’ordres différents, qu’ils soient didactiques ou humains.
L’usage de tablettes numériques a aussi permis de développer cette autonomie. En effet cet outil facilite la mobilité des élèves : ceux-ci peuvent ainsi circuler, se regrouper, échanger, de façon simple et tout en gardant leur outil de production entre les mains.
Par ailleurs la possibilité de filmer et de visionner directement favorise l’analyse grâce à un feedback instantané, première étape d’une auto-évaluation.
L’auto-évaluation est un moment clé de la pédagogie de projet et une étape indispensable au développement de l’autonomie.
Dans un premier temps, les élèves sont invités à analyser leur production et leur pratique en se posant des questions liées aux critères de réussite préalablement établies. Les enseignants amènent les élèves à prendre du recul par rapport à l’affect (“je suis nul”, “je suis mauvais en…”, “je n’y arrive pas”), à préciser leur vocabulaire et à être plus objectifs face à leur pratique. L’évaluation par les pairs et le feedback permis par les tablettes contribuent à cette mise à distance.
Dans un second temps, sont envisagées des stratégies de remédiation et d’amélioration : les élèves prennent mieux conscience de leurs besoins et s’engagent dans un projet et un parcours personnels d’apprentissage.
L’approfondissement des contenus
Les deux disciplines ne sont pas simplement juxtaposées, de manière arbitraire ou artificielle. Certes elles ont été associées grâce à certains éléments communs, mais leur mise en relation et leur interaction a permis de développer et de renforcer les compétences disciplinaires elles-mêmes, sans modifier les créneaux horaires. De fait, l’interdisciplinarité ne se fait pas aux dépens des disciplines, elle n’est pas hasardeuse ni opportuniste, mais réfléchie et didactisée, et elle en enrichit les contenus.
Tout dépend de la manière et du moment où la jonction se fait, et des modalités de croisement entre les disciplines.
Leur interaction a permis aux élèves d’élargir leurs perspectives et de prendre conscience du champ d’étendue d’une compétence et d’une connaissance, qui ne se limitent pas à une séquence précise, ni à une seule et unique discipline. De surcroît, certaines connaissances et compétences développées dépassent le champ scolaire défini par les programmes et le Socle commun : l’utilisation du numérique et la production de contenus multimédias facilitent l’appropriation, par les élèves, de méthodes de travail et de création qui pourraient leur être utiles, voire indispensables, dans la suite de leur scolarité, pour leur vie professionnelle et leur vie personnelle.
Bilan
Un reportage sur le projet a été préparé et filmé par les élèves de la 6ème FREPS. Il propose un bilan des activités proposées
Plus d’infos :
en 2014-2015, en mettant en perspective différents regards sur le projet FREPS (élèves, enseignants, direction et parents).
Reportage à voir ici : scolawebtv.crdp-versailles.fr/?id=6911
Le projet est poursuivi en 2015-2016 : il sera étendu aux deux autres niveaux et à d’autres disciplines.
Liens :
Compte Twitter : @ProjetFREPS
Collection “Projet FREPS”
Aurelie De Matteis (@auredematt)
Mikael Sofianos (@mikasof)
David Perissinotto (@dadaperi)
Lionel Vighier (@lvighier)