Placer l’être humain au centre des apprentissages de nos enfants
En 1999, Edgar Morin publiait Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur dont les chapitres III, IV, V et VI ont pour titre :
– Enseigner la condition humaine . . .
– Enseigner l’identité terrienne
– Affronter les incertitudes . . .
-Enseigner la compréhension . . .
et propose en conclusion . . .
. . . enseigner la citoyenneté terrestre.
Ces questions, encore très actuelles, furent au coeur de nombreux échanges lors du Congrès mondial pour la pensée complexe tenu à l’UNESCO les 8 et 9 décembre dernier.
Je suis un être humain : ainsi commence, en Classe préparatoire, la première leçon du programme d’étude Pour le petit de l’Homme. Le texte ci-dessous en présente quelques extraits. Ce programme d’étude multimédia, holistique et interdisciplinaire répond-il à la quête d’Edgar Morin qui disait en 2013 : Il faut enseigner ce qu’est être humain?
Les quelques activités plus bas renseignent un peu sur la pensée, l’approche éducative du programme. Ce texte s’adresse à des pédagogues d’expérience qui sauront en imaginer le rythme et le détail.
Distribuez aux écoliers une copie d’un feuillet semblable à celui-ci.
Lisez aux élèves le texte : Je suis un être humain . Proposez-leur d’utiliser la(les) couleur(s) de leur choix pour tracer par-dessus les lettres du texte, appliquer de la couleur sur le bonhomme allumette et dessiner un décor s’ils le désirent. Ces oeuvres seront exposées dans la classe.
Nous sommes citoyens de « La terre patrie », introduction.
Dites aux élèves que nous, les êtres humains, habitons une planète, la Terre. La vidéo montre notre planète, la Terre, filmée de tout là-haut, de l’espace. Pointez l’espace visible par la fenêtre. Présentez aux élèves un vidéo semblable à celui-ci.
Arrêtez la projection quand il fait jour sur Terre. Expliquez aux élèves que notre planète semble bleue car elle recouverte d’eau à 70%, plus de la moitié. On voit aussi les nuages blancs. On nomme parfois la Terre, la Planète bleue. Reprenez la projection pour l’arrêter quelques instant plus tard lorsqu’on voit bien les taches lumineuses.
Expliquez aux élèves que ces tâches jaunes montrent les lumières des habitations des Hommes et les villes illuminées la nuit. Beaucoup d’êtres humains comme eux vivent sur Terre.
Montrez aux élèves une feuille où vous avez écrit le chiffre 7 432 663 000.
Ce gros chiffre est la population humaine de la Terre. Comptez avec les élèves la population de la classe. Écrivez ce chiffre sous celui de la population de la Terre. Terminez la projection. Écoutez les questions et les commentaires des élèves.
Dites aux élèves que tous ces êtres humains ne parlent pas français. On parle des milliers de langues différentes sur la Terre. Distribuez aux élèves des feuilles où Je suis un être humain est écrit dans diverses langues : Ich bin ein Mensch, I am a human being, Io sono un essere umano, Sóc un ésser humà etc. Le bonhomme allumette peut être différent. Invitez les élèves à comparer leurs feuilles, à découvrir diverses façon d’écrire : Je suis un être humain. Laissez aux élèves le temps de colorier ces feuilles qu’on pourra exposer dans le couloir ou ailleurs dans l’école. Une activité similaire se fera avec des scripts différents : arabe, grec, russe, hébreux, chinois, japonais, hindi. . . Montrez aux élèves où vous rangez d’autres feuilles semblables qu’ils peuvent prendre à la maison ou colorier en classe à temps perdu. Cette activité essentiellement ludique éveille l’esprit de l’élève à la diversité humaine.
Vers la mi-septembre, on introduira Nous sommes des êtres humains. Cette fois, les élèves travaillerons en équipe de quatre ou cinq. On donnera une feuille à chaque élève. Ils auront pour consigne de ne tracer qu’une ou deux lettre(s) à la fois, ajouter un trait de couleur aux bonhommes allumettes avant de faire passer la feuille à leur voisin de droite.
Je conseille la diffusion d’une musique instrumentale pendant cette activité d’une quinzaine de minutes à la fin de laquelle chaque enfant aura une feuille représentative du travail de tous les membres de l’équipe. On pourra terminer en demandant à tous les enfants de l’équipe de se tenir par la main et dire en se souriant Nous sommes des êtres humains. Charmant!
Ainsi se termine cette première activité. On ne discute pas de l’activité avec les élèves, on ne l’intellectualise pas. Les enfants vivent l’activité. Ils jouent. Ils retiendront sans doute que toutes ces phrases en langues inconnues signifient Je suis ou nous sommes un (des) être(s) humain(s) et que tous ces dessins représentent des êtres humains comme eux qui sautent, dansent, dorment, etc.
Cette activité vise à semer dans l’esprit de l’élève une petite graine, une idée : je suis un être humain, je vis sur une planète que je partage avec des milliards d’autres êtres humains qui parlent quantité de langues différentes de la mienne. Un premier pas vers la conscience de son humanité.
Les élèves peuvent continuer à colorier les feuilles mises à leur disposition tout au long de l’année.
Tout au long de l’automne, des activités concrètes ainsi que des applications et/ou des logiciels présenteront à l’écolier une variété de jeux par lesquels il comparera son corps et son comportement à celui de divers vertébrés et même quelques invertébrés.
Début octobre, on invitera les élèves de CM2 dans la classe afin qu’ils participent à réaliser une ébauche de la silhouette de chaque élève. Vous aurez besoin d’un rouleau de papier kraft que vous couperez en feuilles d’environ 30 cm plus longues que vos élèves. Les grands traceront un trait à environ 5 cm de la base de la feuille et écriront le nom du petit élève auquel ils sont appairés ainsi que la date. Chaque petit élève se couchera sur une feuille et placera le talon de sa chaussure sur la ligne. L’élève de CM2 tracera la silhouette du petit couché sur la feuille. Ceci fait, on roulera les feuilles qui seront rangées pour être ressorties à la fin mai. On fera alors la même activité. Les enfants auront grandi, tout comme les plantes qu’ils auront semé en mars et dont ils auront mesuré la croissance.
L’hiver et le printemps, jeux et activités permettront aux élèves de découvrir quelques propriétés physiques de la matière et percevoir certaines caractéristiques de la vie.
Ainsi commence en classe préparatoire, Pour le petit de l’Homme. L’élève aura été éveillé au fait qu’il est un être humain vivant dans un monde matériel qu’il partage avec d’autres êtres vivants.
On trouvera dans chaque classe, année après année, la même représentation de la Terre et une ligne du temps. Ces accessoires seront utilisés pour localiser dans l’espace et le temps les cultures, les explorateurs, les scientifiques et l’acquisition des savoirs par l’humanité, etc. au fur et à mesure qu’on en discute en classe. À chaque année, les élèves situeront leur classe sur la carte du monde et sur l’échelle du temps. Puis on y inscrira les nouvelles cultures, les nouvelles connaissances acquises avant eux par leurs ancêtres humains et auxquelles ils s’intéresseront cette année-là.
Permettre aux élèves d’observer, d’explorer, d’expérimenter. Favoriser une approche sensorielle de l’étude de son environnement physique et humain. Puis l’enseignant nommera l’objet, le lieu, la culture, le phénomène aux élèves. Apprendre les mots qui désignent ses observations et ses expériences, permet à l’élève de construire graduellement sa compréhension du monde. Les mots font alors du sens, car ils décrivent la réalité. Les mots sont alors utiles pour intérioriser les savoirs.
L’éducation de base du jeune humain ne doit pas emplir son cerveau comme on emplit une boîte mais le nourrir d’une diversité d’expériences, d’idées, d’images, de savoirs qui favorisent le développement de circuits nerveux dans son cerveau en croissance. Par l’accumulation de certaines expériences il prendra doucement conscience de sa citoyenneté terrestre. Il raffinera avec le temps, au fil des ans, sa perception de lui-même en tant qu’être humain.
Je conclus cette courte présentation par : Quand l’école laisse l’impression d’un nid où les oisillons humains sont nourris de savoir et d’amitié. dit Edgar Morin, dans L’école, un lieu d’amitiés. Souvenirs d’école, publié par Les clefs de l’école. C’est ce que je souhaite à tous les écoliers.
Quelques Tweet #PenséeComplexe
RT@reseau_canope Congrès mondial pour la #PenseeComplexe, envisageons ensemb@edgarmorinparisle l’éducation du futur @nvallejog
Gaëtan Guironnet @GaetanGuironnet 8 dec. Pour une éducation à la connaissance Humaine: qui sommes nous? @edgarmorinparis #PenseeComplexe #culture
Agathe Leproux @AgatheLeproux 8 dec. « Le trou noir dans notre système est que nulle part n’est enseigné ce que nous sommes » @edgarmorinparis
#PenseeComplexe @fabricebulteau – 8 dec – 12:33 Maria Cândida Moraes : « Réformer la pensée et l’éducation pour apprendre à vivre » #PenseeComplexe
Zorica @IdeesLumieres Enseigner, ce n’est pas remplir un vase,… c’est allumer un feu. Aristophane #PenseeComplexe @CNFUnesco #culturedelalumiere
Ninon Louise LePage @LouiseNinon 8 dec. Ninon Louise LePage a retweeté Zorica Quels matériaux choisir pour alimenter ce feu #PenseeComplexe
Ninon Louise LePage @LouiseNinon 8 dec. Avons-nous le réel désir, le courage de réécrire, de repenser nos systèmes d’éducation? #PenseeComplexe
Plus d’infos :
Pour en savoir un peu plus sur ce programme vous pouvez consulter les articles suivants :
http://www.ludovia.com/2015/11/et-vint-bubules-le-fil-dariane/
. . . et/ou me consulter.
Source images : bonhommes allumettes de Pixabay
Morin, Edgar. Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur http://unesdoc.unesco.org/images/0011/001177/117740fo.pdf (consulté en décembre 2016) UNESCO. Octobre 1999, 67pages