POINT DE VUE

Des hackathons pédagogiques, pourquoi pas ?

Le 16 septembre, madame Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique a lancé un hackathon en vue de la production de « start-up éducatives » et  le C2E de Poitiers organisait son premier Hackathon pédagogique avec Réseau Canopé.

Le numérique m’intéresse.  Je suis curieuse de ce qui se passe dans la société en regard de ces technologies. Le phénomène hackathon m’est apparu suffisamment significatif pour chercher à en connaître davantage sur ces manifestations toutes pacifiques.

Dans cet esprit,  je me suis pointée à l’Espace ECTO, un lieu de coworking coopératif  (espace de travail coopératif). Je me nomme designer pédagogique, mais je ne suis pas un designer informatique.  À l’inscription, j’ai sélectionné l’option Citoyen qui me permettait d’assister à l’évènement, proposer un sujet, un angle de travail aux développeurs, d’observer et de voter pour le projet gagnant.

Gabriel Galvis, un ingénieur en numérique croit le domaine culturel négligé par les technologies.  Il a donc proposé en septembre 2014 ce marathon d’idées au Lab culturel du plan culturel numérique du Québec.  Sa proposition fut retenue et le hackathon culturel a eu lieu les 25-26 et 27 septembre  2015.

Qu’est-ce qu’un hackathon ?

Ce mot-valise est formé de la synthèse de «hacker » et « marathon ».  Cet évènement sans règles établies rassemble développeurs et autres intervenants du projet numérique.  Ils travaillent en équipes et collaborent à la production d’une maquette ou d’un prototype qui répondra à une question ou permettra de résoudre un problème dans un temps très court.  C’est un marathon de travail, un moment de création intensif.

Un hackathon pédagogique peut se rapprocher du thème de Ludovia12, « Appropriations et détournements dans les pratiques éducatives« ,  car pendant un hackathon, on détournera parfois l’usage familier d’un outil numérique pour le réorienter vers la résolution d’un problème particulier.

Très souvent cependant, le prototype créé lors du hackathon, sera l’oeuvre de bidouilleurs qui transforment plus ou moins profondément des logiciels Open Source et utilisent des bibliothèques de code, pour répondre au problème réel à résoudre ou à la question énoncée.

Madame Marika Laforest, chargée de projet pour le Plan culturel numérique du ministère de la Culture du Québec  et responsable du Hackathon des journées de la culture a eu la gentillesse de prendre quelques instants pour répondre à mes questions et m’indiquer quelques conditions à respecter pour assurer le succès de l’évènement.

Il faut un promoteur, une entité responsable. Une commune, une Académie, un réseau Canopé, même une école, un collège ou un lycée peuvent initier un hackathon pédagogique.

NinonLouise_hackathon1_051015On fixe d’une date qui donnera suffisamment de temps pour la planification, quelques mois.
On invite des développeurs bidouilleurs, des designers d’interface, des concepteurs, des gestionnaires de projets, des experts en marketing, enseignants et pédagogues à former des équipes et à participer à un brassage d’idées où ils imaginent des projets en réponse à une question, à un problème pédagogique ou scolaire précis.

C’est parfois difficile de rassembler ce public composite.

Comment utiliser le numérique pour gérer efficacement les repas du midi ; pour améliorer les résultats des élèves en mathématiques ou en histoire et géographie ;  pour planifier un programme d’activités sportives visant à améliorer le comportement et l’intérêt pour l’école d’une clientèle à risque ; etc. sont quelques exemples de problèmes pouvant être présentés aux hackeurs.

Toute personne ou groupe de personnes intéressée(s) par le sujet pourra/pourront proposer un projet et le déposer «dans le bac à idée», un bac virtuel évidemment.  Les organisateurs choisiront parmi les projets suggérés ceux qui leur semble les plus prometteurs.  Les intéressés peuvent s’inscrire et se présenter au hackathon même si leur projet n’a pas été retenu car ils pourront former équipe avec d’autres au moment du réseautage, au tout début du marathon de production.

NinonLouise_hackathon2_051015Il faut procurer aux participants tout le matériel essentiel à leur travail intensif :
. un espace de travail aéré, agréable avec de la lumière naturelle si possible ;
. des papiers de différentes grandeurs, des stylos et marqueurs de toutes couleurs ;
. un assortiment de câbles, des prises électriques accessibles  ;
. une connexion Internet hyperfiable ;
. accès aux données informatiques de base relatives au sujet du travail.  Les participants peuvent aussi alimenter leur projet aux bases de données de leur choix ;
. des breuvages et de la nourriture pour toute la fin de semaine.

Il est recommandé de prévoir une pause récréative autour de l’heure du souper de la deuxième journée pour permettre aux hackeurs de se détendre, un spectacle de musique ou d’humour par exemple.

Les hackathons sont habituellement gratuits.  Les organisateurs doivent trouver des commanditaires qui paieront les frais généraux et les prix offerts aux gagnants.

Les hackathons se déroulent souvent pendant le week-end.  L’activité commence le vendredi soir par le pitch des porteurs de projets suivi de la formation des équipes.  Chaque équipe recevra des organisateurs un rappel des règlements, la liste des données ouvertes qu’ils doivent mettre à profit, une liste d’outils de travail suggérés, les instructions relatives à la présentation de leur travail ainsi que la grille d’évaluation. Il est recommandé que deux ou trois développeurs/designers participent à chaque projet retenu.

C’est le moment du réseautage et du brainstorm initial.

Les citoyens  peuvent circuler d’une équipe à l’autre et donner leur avis.

Les équipes formées travaillent tard en soirée le vendredi, de 15  à 18 heures le samedi et plus de six heures le dimanche matin.  Tout participant peut changer d’équipe s’il le désire car l’activité est à la fois compétitive et collaborative.

Le hackathon se termine par la démonstration du prototype ou tout au moins de la maquette par un membre de l’équipe et par la remise des prix suite à l’évaluation du jury.

Un hackathon, c’est aussi une compétition.

NinonLouise_hackathon3_051015Contrairement à Saint-Germain-des-Prés, il y a-t-il un après au hackathon?  Les développeurs sont des auteurs compositeurs, le hackathon leur permet de démontrer  leur savoir-faire.  Il en tirent la reconnaissance des pairs,  même parfois une certaine gloire. . . et une chance de gagner des prix en argent ou de voir l’oeuvre dépasser l’étape du prototype et trouver preneur.

Les élèves peuvent aussi faire des hackathons.

Les élèves aussi peuvent faire des hackathons.

Consultez Hackathons as a New Pedagogy qui relate l’expérience vécue dans une école de Toronto.

. . . mais en français, il faut absolument consulter Informatique créative de Karen Brennan, Christian Balch et Michelle Chung, de la Harvard Graduate School of Education.  Ce guide pédagogique est gratuit et disponible en ligne.  Il vise l’enseignement de l’informatique créative . . . et le chapitre six à la page 109, intitulé  HACKATHON guide le lecteur pas à pas pour réaliser ce type d’activité avec les écoliers . . . qui devront par contre avoir déjà été initiés à la programmation.

De plus, les hackathons sont une activité qui enchante les élèves.

 

« . . ..le terme anglais « hack » a une connotation négative,

mais c’est un terme qui à la base renvoie à un esprit ludique,

à la curiosité, à la ténacité et à la créativité. . . .

. . .en anglais le terme « hacking » peut signifier

« de l’ingéniosité bien placée ». . .

. . . un hackathon reprend la notion d’ingéniosité ludique

et l’intègre à un contexte d’intense concentration

et de temps limité . . .

. . . les élèves vont s’appuyer sur leur expérience

en informatique créative

pour concevoir un projet ouvert de leur choix. . ..

. . . Le hackathon est associé à une philosophie d’apprentissage et de résolution de problème juste à temps. . .

Il encourage l’itération de phases de planification,

de réalisation et de partage, . . .

. . . une excellente occasion d’inventer . . .

. . . de développer des compétences qu’ils possèdent déjà

et de tester des idées au sein d’un environnement pédagogique

collaboratif, créatif, flexible et ludique.»

Brennan, Karen &al. Informatique créative, Harvard Graduate School of Education, pages 109 et 111 http://www.ac-grenoble.fr/savoie/pedagogie/docs_pedas/scratchjr_bl/CreativeComputing20140806_FR.pdf?PHPSESSID=28597fa4423f372e76ef630ddefd7922, consulté le 29 septembre 2015

 

Conclusions de la pédagogue

Pour certains, le phénomène hackathon prend de l’ampleur.
Pour d’autres, il commence à s’essouffler.  

Ma boule de cristal ne donne pas réponse à ce débat. Mais…

la tenue de hackathons pédagogiques peut être un moment intense qui aidera peut-être à apprivoiser certains collègues que l’informatique rebute.

Assister en quelques jours à la résolution d’un problème qui les ennuie depuis longtemps aidera-t-il à les convertir ? Il faut parfois croire aux miracles.

De plus, les hackathons sont une activité créatrice qui enchante les élèves.
Pour les élèves qui participent à un hackathon : Le futur c’est maintenant.

Photos : les collages ont été photographiés à l’Espace ECTO et sont l’oeuvre d’artistes inconnus.

Quelques références supplémentaires :
Hackathon de l’Élysée, de Poitiers et de Rennes
http://rue89.nouvelobs.com/2015/09/17/hackathon-a-lelysee-wifi-envoie-steak-261248
http://www.c2e-poitiers.com/hackathon-pedagogique
http://www.ac-rennes.fr/jahia/Jahia/site/academie2/accueil/pid/19479?entryId=99756

Hackathon du Plan culturel numérique du Québec
http://planculturelnumerique.culturepourtous.ca/blogue/hackathon-des-journees-de-la-culture

Hackathons as a New Pedagogy
http://www.edutopia.org/blog/hackathons-as-a-new-pedagogy-brandon-zoras, . . .

Informatique créative
http://www.ac-grenoble.fr/savoie/pedagogie/docs_pedas/scratchjr_bl/CreativeComputing20140806_FR.pdf?PHPSESSID=28597fa4423f372e76ef630ddefd7922

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