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Le développement des usages dans les ENT & espaces d’apprentissage n’est-il qu’une histoire d’appropriation ?

[info]Rappel de la Problématique
Diffusé largement dans toutes les académies, l’usage des ENT et/ou plateformes d’apprentissage de type Moodle ou MOOCs impose une appropriation forte des techniques de collaboration, de travail à distance, de travail en mode projet… en même temps que le renouvellement de la pédagogie.
L’enjeu de réussite de la plupart des modèles actuels dépend du niveau d’appropriation de ces différentes techniques. Au sein de ces ensembles structurés, il existe parfois des contournements et des détournements d’objets et services numériques non conventionnels qui permettent d’accroître les usages qui gravitent autour de ces plateformes. Et d’autre part, que fait-on des détournements d’usages autour des plateformes ?
Faut-il les encourager, les mettre en avant ? Que fait-on des détournements d’usages autour des plateformes privées ? Comment faire collaborer ces plateformes? Comment mettre ces détournements au service des usagers? Comment étendre la collaboration entre les usagers de différentes communautés éducatives ?[/info]

Adeline Bossu enseignante en gestion et systèmes d’information, Caroline Jouneau-Sion enseignante en Histoire – géographie et étudiante en master architecture de l’information, Bernard Baumberger docteur en psychologie – HEP Vaud et Christian Mertz chef de projet ENT Direction du numérique pour l’éducation ministère de l’éducation nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche, accompagné par Bertrand Moquet, Vice-Président de l’Université de Perpignan en charge du numérique, ont tenté de répondre à ces questions…

Les ENT font partie de l’environnement des établissements scolaires. Les acteurs de l’éducation exercent leurs métiers dans le cadre physique de l’école mais aussi dans le cadre virtualisé des ENT. Ils oscillent entre l’un et l’autre. Si le cadre physique est assez bien maîtrisé, le cadre dématérialisé l’est beaucoup moins et suscite encore de nombreuses questions, notamment celle de l’appropriation.

Les solutions numériques ont envahi l’espace des enseignants et des apprenants. Des espaces de savoirs se sont constitués petit à petit, toujours au service de l’apprentissage mais selon des logiques différentes. Fort de ce constat, la communauté enseignante se pose la question suivante : quelle est la compatibilité entre les ENT institutionnels et les environnements personnels d’apprentissage créés par les enseignants (EPA) ?

Pour Caroline Jouneau-Sion, les ENT viennent raser les usages personnels des enseignants. Ils doivent accepter de voir nier leurs pratiques antérieures pour se réapproprier de nouveaux usages. L’ENT est organisé et permet de stocker les informations.

Pour Bernard Baumberger, la vision de la conception de l’ENT est assez large, il est pour la cohabitation entre les ENT personnels et les ENT institutionnels ; « Je suis pour le multi ENT , dit-il.

En Suisse, il existe un ENT educa.ch [1] qui permet de créer des connexions entre les acteurs de monde de l’éducation Suisse. S’il est favorable aux solutions hybrides, il reconnaît cependant qu’il faut que les ENT officiels soient suffisamment utilisés pour justifier les investissements officiels.

Christian Mertz présente la politique de la DNE pour le développement des ENT en France.

En 2003, le rapport Proxima[2] est publié et pose les bases du développement des ENT. Ce rapport ancien posait déjà les bases de ce qui constitue l’essence même des ENT.

Le SDET a été créé pour piloter la mise en place des ENT. Il pose un cadre pour la conception des ENT. Il est le lieu des réunions des acteurs de la communauté scolaire, il réunit en son sein 18 profils différents.

En donnant un cadre d’orientation, il est bien évident que les pionniers ont été désorientés car ils ont vécu les directives comme l’imposition d’un cadre venu du haut (le bottom up). Les ENT sont conçus, certes, dans un cadre rigide qui éloigne des usages bricolés avec les solutions hétérogènes mais … le cadre mis en place protège les utilisateurs.

Le cadre légal mis en place (les déclarations légales sont toutes faites) est un facteur de sécurité.

À partir du moment où L’ENT est mis en place selon les recommandations, il permet une entrée unique qui donne accès à plusieurs fonctionnalités. C’est dans ce cadre que l’ENT doit devenir communicant.

La mise en place d’un ENT est donc soumise à un cadre fixé par le SDET mais c’est la condition d’une bonne sécurisation et de la mise à disposition d’un environnement spécifique spécialisé pour les questions d’éducation. Il est peut être moins « souple », moins « ouvert » que l’EPA mais il est sécurisé et ouvert aux membres de la communauté éducative.

Le PDG de la société itop[3] précise les termes du débat en disant que la conception passe par la consultation des acteurs mais à un moment donné, il faut nécessairement opérer des arbitrages.

Le cadre réglementé ne signifie pas cadre verrouillé.

Christian Mertz précise que les utilisateurs peuvent faire des remontées pour obtenir des évolutions de l’ENT. Cela est d’autant plus vrai que les enseignants demandent à être écoutés dans leurs pratiques. C’est une façon de répondre aux attentes des enseignants qui souhaitent avoir un lien entre l’ENT et leurs usages personnels.

Le solutions mises à disposition de la communauté éducative doivent donc répondre à la contrainte de satisfaire les utilisateurs tout en s’inscrivant dans un cadre contraint qui satisfasse les impératifs légaux et budgétaires.

La table ronde fait émerger plutôt des problèmes de communication entre la base et le sommet, plutôt que des réels problèmes de technologie.

La question des temporalités semble être une dimension qu’il faut prendre en compte.

Les enseignants veulent disposer de solutions fluides que l’on peut modifier rapidement, au gré des besoins exprimés, les collectivités locales, l’État doivent œuvrer pour un groupe large.

Exemple tiré de la discussion, témoignage d’une enseignante utilisatrice : « Je crée des séquences et je me suis heurtée aux problèmes de configurations sur les terminaux. L’ENT est verrouillé et ne permet pas de choisir les formats. »

La réponse : « Faire une demande d’évolution et la question sera répercutée à la collectivité via le rectorat »

On constate bien ici les questions de temporalité, entre le besoin d’évolution rapide et la nécessaire remontée des informations au sein de la chaine administrative (forcément plus longue).

On peut compléter ce constat par une autre intervention – Témoignage DANE Toulouse – ENT commun collège / lycée : « Nous recueillons les remontées des enseignants. Double contrainte : respecter les demandes des enseignants et respecter les enveloppes budgétaires. ». Là encore nous constatons ce besoin de recueil d’information auprès d’une communauté large.

La question de l’interopérabilité – Rendre communicants

La conception des ENT est à mettre en relation avec la construction de nos structures administratives. La France est structurée par un ensemble administratif fait de communes, de départements et de régions. À chacune de ces briques correspond (souvent) un ENT en raison des transferts de compétences. Il faut que les ENT puissent communiquer.

Le public pose des questions sur ce besoin d’interopérabilité entre les ENT, et ce à plusieurs niveaux : « Il faudrait une passerelle entre les ENT ». Au sein des collectivités locales qui sont structurellement « étanches » entre elles, les enseignants sont mobiles. Ils peuvent demander leur mutation sur l’ensemble du territoire, ils peuvent avoir des services répartis sur plusieurs établissements et sur plusieurs niveaux (collèges, lycées).

Les nouveaux modes de travail intègrent la coopération et la collaboration ce qui fait émerger de nouveaux besoins « Ne pas se replier sur l’établissement et favoriser la coopération inter-établissements ».

L’interopérabilité est aussi celle des ENT avec les solutions privées comme «  Twitter, Facebook … » Comment peut-on opérer les connexions ?

Caroline Jouneau-Sion estime que « nous sommes encore dans un système complexe qui ne favorise pas l’émergence de solutions « user friendly ; il y a une marge de progrès vers laquelle il faut aller ; Il faudrait aller vers l’autonomie du choix des outils. »

L’identité numérique dans les ENT – Le détournement d’identité.

Les ENT sont basés sur des annuaires. Les utilisateurs sont dotés d’une adresse mail officielle (ac-académie.fr) mais utilisent très souvent des adresses différentes notamment celles des FAI. Les élèves et étudiants détournent cette identité officielle au profit de solutions autres.

Le débat est engagé sur ce point.

Il en ressort que le mail institutionnel participe de la vie citoyenne des étudiants, il faut la conserver parce que apprendre à différencier l’adresse perso et l’adresse pro fait partie de l’éducation au numérique.

L’identité, la perception détournée ( ?) des ENT.

Les échanges de la table ronde ont fait émerger une vision (réelle, supposée, fantasmée ?) des ENT. Il serait fermé, clos, hermétique.

Serge Pouts –Lajus est intervenu pour dire que : « Le ton est critique sur les ENT, une habitude à Ludovia. Des critiques recevables sur certains points mais … Une critique n’est pas recevable dire que l’ENT est fermé. Il est fermé par nature. »

Il est peut être aussi possible que les utilisateurs soient dans une contradiction qui se situe entre une volonté de détournement et une attitude très ancrée de respect des objets de l’institution. C’est ce que fait remarquer le responsable d’Itop : « Peut être ne faut-il pas hésiter à détourner l’ENT ? Y a t-il une peur de détourner l’outil institutionnel ? »

 

[1] Educa. Ch – www.educa.ch/fr

[2] Rapport Proxima, Pour une appropriation de l’Internet à l’Ecole et dans les Familles – www.netgouvernance.org/NG2/Rapport

[3] ITOP education – www.itopeducation.fr/

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