Par Jean-François Cerisier, Directeur du Labo TECHNÉ
[callout]TECHNÉ (EA 6316) est un laboratoire de l’Université de Poitiers qui consacre toutes ses recherches au « numérique éducatif » afin de produire de nouvelles connaissances dans ce domaine et de contribuer à l’innovation et à la réussite éducative.[/callout]
Si le statut de notre laboratoire est très classique (équipe d’accueil labellisée par l’Etat), son organisation l’est moins puisqu’il s’agit d’une unité de recherche thématique (le numérique éducatif) et pluridisciplinaire (sciences de l’information et de la communication, sciences de l’éducation, psychologie cognitive, informatique, linguistique, épistémologie). Il s’agit pour nous de faire dialoguer ces différentes approches scientifiques au service de deux axes de recherche :
. l’étude de l’appropriation des technologies par les différents acteurs des dispositifs de formation médiatisés (comprendre pourquoi les utilisateurs du numérique font ce qu’ils font) ;
. la conception et l’expérimentation de nouveaux environnements d’apprentissage médiatisés (contribuer à l’innovation par la recherche).
TECHNÉ travaille avec de nombreux partenaires scientifiques, institutionnels, associatifs et industriels en France et à l’étranger.
Il contribue en particulier à la filière eEducation portée par la région Poitou-Charentes qui réunit les grands services et opérateurs de l’Etat présent sur son territoire (CANOPE, CNED, ESENESR, Rectorat, CNAM, Université de La Rochelle), les entreprises et leurs institutions fédératives (MAGELIS et SPN) et des associations (Espace Mendès France, Les Usines Nouvelles) dans le cadre d’un groupement d’intérêt scientifique (GIS eEducation).
Nous travaillons également en relation étroite avec le ministère de l’Education nationale (DNE) et celui de l’Agriculture (DGER).
Pour nous, le « numérique » est à la fois une opportunité et un défi pour l’Ecole et la société. Il nous semble que les deux slogans successifs dont l’Etat s’est doté ces derniers mois (« Faire entrer l’Ecole dans l’ère du numérique » et « L’Ecole change avec le numérique ») doivent être considérés avec beaucoup d’attention et de sérieux.
C’est effectivement un réel bouleversement qui s’amorce, dont certaines dimensions sont plus visibles que d’autres alors que toutes sont très importantes, s’intriquent et nécessitent l’inventivité, le sérieux et la rigueur de tous ainsi qu’un pilotage administratif pérenne soutenu par des choix politiques ambitieux et réalistes.
Depuis les années 80, la dimension didactique et pédagogique du numérique a été clairement identifiée même s’il reste évidemment beaucoup à faire pour imaginer de nouvelles activités d’apprentissage qui exploitent au mieux les possibilités de médiation offertes par les technologies numériques.
Elle concentre la plupart des initiatives à la fois parce qu’elle relève du cœur de métier des enseignants (l’ingénierie pédagogique), qu’elle est essentielle pour la réussite des élèves et parce qu’elle ouvre de nouveaux marchés aussi bien pour les infrastructures et les équipements matériels que pour les applications, services et documents.
Dans le même temps, la question de l’enseignement/apprentissage du numérique n’a pas été véritablement traitée et l’on attend beaucoup de son inscription aux premiers rangs de la politique ministérielle actuelle. On sait les difficultés de tous ordres qu’il faudra surmonter (didactiques, organisationnelles, catégorielles … )
mais comment imaginer aujourd’hui une Ecole qui ne prépare pas ses élèves au numérique quand le numérique tient une telle place dans nos sociétés et dans nos vies. Imagine-t-on une Ecole où l’on apprendrait pas à lire et écrire ?
La troisième dimension est apparue progressivement au cours des dernières décennies avec une accélération brutale ces dernières années. Il s’agit des transformations induites par la disponibilité permanente des services numériques, notamment pour les adolescents. Ce rapport au numérique qui confine à l’intimité altère les principaux comportements mis en jeu pour les apprentissages, en particulier à l’Ecole. Ainsi les rapports à l’information et à la connaissance, à autrui, aux normes sociales et à la création sont-ils différents aujourd’hui ce qui interroge la forme scolaire elle-même.
Concrètement, nous travaillons actuellement, au travers différents programmes, sur quatre thèmes qui seront abordés dans nos différentes interventions à Ludovia#12 :
– l’appropriation des tablettes tactiles par les différents acteurs des dispositifs de formation dans le cadre des projets TED (utilisation de tablettes dans un ensemble de collèges de Saône-et-Loire), Edutablettes 86 (utilisation de tablettes dans des écoles primaires et collèges de la Vienne) et AS-Living-Cloud (projet pédagogique du Lycée Pilote Innovant International de Jaunay-Clan) ;
– le BYOD dans le cadre du projet AS-Living-Cloud et d’une étude qui porte sur les étudiants de l’Université de Poitiers ;
– les communautés d’intérêt et de pratique dans le cadre du projet ViaEduc (réseau socionumérique professionnel pour les enseignants) ;
– les environnements numériques dédiés aux activités d’apprentissage collaboratives.
De nouveaux projets sont en cours de préparation qui concernent :
– une meilleure connaissance de la façon dont les activités numériques circulent entre adolescents ;
– l’élaboration et l’expérimentation de nouveaux modèles de manuels scolaires numériques ;
– la façon dont on apprend en enseignant (learning by teaching) dans le contexte des environnements de type fablab.
Nous partagerons avec plaisir ces nouveaux travaux lors de Ludovia#12 J