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Consocréation : l’illusion de compétence

Le terme consocréation est un oxymore. Il décrit le lien indissociable entre la consommation de la création.

Déjà fortement présents avant l’apparition d’Internet, les outils consocréatifs sont ceux qui proposent un encadrement technique à base de masques, de modèles ou de thèmes. L’utilisateur et ses destinataires s’en suffisent car ils estiment faire acte de création alors qu’ils consomment des fonctionnalités de « personnalisation ».

Avec la généralisation des blogs puis des réseaux sociaux où il est possible de « créer » sa page sans programmation (d’ailleurs, le mot n’apparaît sur aucun dispositif socio-numérique), une illusion de compétence est fortement à l’œuvre. Les attentes et la réception des contenus ainsi mis en ligne renvoient une image positive car chacun fait de même et ne recherche plus la créativité mais l’originalité dans le choix des contenus.

La pénétration dans les espaces publics et professionnels des dispositifs socio-numériques en ligne, comme Facebook, a généralisé des pratiques et des usages inédits. Certes, dans le fond il ne s’agit que d’un véhicule de communication supplémentaire, un « cas particulier des transports » (Escarpit, 1986, p. 9).

Facebook, LinkedIn, Tumblr, Ask et Racontr sont autant d’applications qui portent sur des segments thématiques connexes et le plus souvent juxtaposés.

Comme ils ont pris de l’importance dans les budgets temps consacrés à l’utilisation des ordinateurs, de tablettes et des mobiles depuis le colloque « Do it Yourself », il est intéressant de questionner l’actualité du concept de consocréation dans ce nouveau cadre.

En effet, la part de la consommation apparaît avoir pris une telle importance qu’elle semble diminuer la part de créativité.

Pourtant, cette part est fortement mise en avant sous couvert de monstration identitaire, de « partage » de contenus personnels et de ressources entre « amis ». L’enquête qualitative réalisée auprès d’une population d’apprenants, les résultats montrent une confusion entre consommation et création.

Elle met en lumière la part croissante de la consommation et de l’hybridation des contenus sur la créativité originale.

Elle montre par ailleurs la progression du mécanisme des illusions de contrôle et de compétence comme régulateurs du stress technologique et de l’urgence communicationnelle.

Simultanément, le masquage de la complexité du soubassement informatique aux yeux des utilisateurs consocréatifs, c’est-à-dire de la majorité de la population observée, favorise l’émergence d’une production, qui si elle n’est pas forcément renouvelée, a le mérite d’exister et de drainer des apprentissages incidents.

Ainsi, comme l’a souligné Gilbert Simondon, le « geste du travailleur sur sa machine prolonge l’activité d’invention » (Simondon, 1989).

Référence :

Gobert T., (2014), Consocréation : la quête de l’originalité comme illusion de compétence créatrice, in Consommation et création, Ax-les-Thermes : Ludovia, 25 au 28 août 2014.

Gobert T., (2008), « Consommer pour créer, créer en consommant : la consocréation, in Do it yourself, Ax-les-Thermes : Ludovia, 27 au 30 août 2008.

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