[callout]Démarrée en septembre 2012, cette expérimentation permet aujourd’hui de dégager des connaissances nouvelles sur le processus d’appropriation par les équipes enseignantes et surtout par les élèves. Si d’un coté des applications de type exerciseurs étaient testées, les enseignants ont eu toute latitude pour mettre en oeuvre ces matériels et logiciels.[/callout]
Attirance et aisance face à ce nouveau matériel
Ce qui transparait le plus nettement c’est l’attirance des élèves pour le matériel, attirance qui se traduit aussi par une aisance importante dans la manipulation. Dans un cours de technologies les élèves découvraient le logiciel de présentation avec lequel ils devaient réaliser un document qui rassemblait des photos et des commentaires. En une heure, après une brève introduction, les élèves ont presque tous réalisé le travail demandé et l’enseignant n’a eu que peu à intervenir pour aider face à des difficultés techniques.
Dans un cours de grammaire à l’école primaire, les élèves ont été invités à analyser des phrases avec un petit traitement de texte en surlignant les bonnes parties de la phrase. L’enseignante a fait travailler les enfants sur un fichier partagé (Dropbox) puis chacun, ayant effectué individuellement son travail, a été amené à le présenter aux autres via le réseau et le videoprojecteur partagé. A nouveau l’aisance est importante et les manipulations semblent suffisamment simples pour ces élèves.
La tablette, un déclencheur d’usages numériques, scolaires ou pas
Si l’attirance et l’aisance des élèves pour les tablettes est réelle, on a pu observer, dans les focus groupes, que dans les familles les tablettes s’étaient aussi multipliées. Les parents ont acheté des tablettes à leurs enfants, ayant pu constater chez ceux à qui on en avait parlé, l’intérêt réel pour le travail scolaire avec ces outils.
La fascination des jeunes pour le progrès technique au travers des tablettes est revenu à plusieurs reprises. Un seul élève a déclaré n’utiliser que très peu l’informatique et la tablette à la maison, préférant une activité de loisir de nature. La plupart équilibrent leur temps entre les écrans et les autres loisirs. On ressent assez nettement que la dimension ludique est aussi un fort levier d’usage.
L’appropriation c’est aussi le contournement.
C’est ce qui a pu être analysé avec le fait que certains élèves ont trouvé comment dévérouiller les interdictions d’installation mises en place par les établissements. La sanction a été vécue sans plus de récrimination, mais elle a mis en évidence ce fameux écart entre les usages selon le lieu et le contexte.
Appropriation des tablettes par la communauté enseignante : la prudence est de mise
Les enseignants sont prudents. S’ils expérimentent volontiers les tablettes, ils veulent le faire dans un cadre dont ils gardent la maîtrise. Les tablettes sont, sur ce point, un élément de déstabilisation potentiel. Pour y remédier, ils se sont formés seuls, pour la majorité, et avec les pairs.
L’appropriation se fait à deux niveaux :
- d’une part au niveau technique afin d’éviter toute surprise et dysfonctionnement (problème de wifi, de logiciel etc…)
- d’autre part au niveau pédagogique pour concevoir des séances qui donnent une place pertinente au potentiel de la tablette.
Le passage d’une tablette pour deux élèves à une tablette par élève apporte un confort d’usage significatif exprimé par les enseignants.
Les ressources et logiciels : encore un point noir au développement des usages
Ce sont les applications qui posent le plus problème. Outre celles proposées dans l’expérimentation, sous forme d’exerciseur, dont l’usage est finalement très proche des usages traditionnels, la demande de catalogue pertinent et de ressources (manuels numériques) est clairement exprimée. Ce qui a été souligné également à plusieurs reprises, c’est le souhait de disposer d’un traitement de texte afin de répondre à des besoins scolaires bien connus que sont les productions d’élèves.
Parents et tablettes : un gage de réussite et de modernité pour leurs enfants ?
Les parents ont plébiscité l’usage des tablettes et les ont encouragés. Si en milieu rural l’accueil est très positif, on a remarqué certaines réticences exprimées en milieu urbain.
En général le discours des parents est un écho au discours général sur les technologies de l’information et de la communication. Ils en perçoivent certains enjeux, mais davantage sur le registre de l’imaginaire que sur celui de l’observation concrète. Car c’est l’une des entrées que l’équipe Techné a privilégié dans ses analyses : la place de l’imaginaire dans les discours des différents acteurs impliqués.
Si l’on observe d’abord une centration sur un bienfait éducatif partagé entre tous, on s’aperçoit que l’attrait de la nouveauté concerne surtout les enfants, que les enseignants sont en recherche de pertinence pédagogique et que les parents y voient un supplément et la réussite. Mais tous y voient aussi une entrée dans la modernité qui ne se dément pas avec l’usage, même si celui-ci reste parfois assez limité sur le plan pédagogique.
La poursuite du projet est actuellement envisagée dans certains des établissements.
L’hypothèse de la continuité école-collège n’est que très faiblement vérifiée pour la dimension technique et pas du tout pour le pédagogique.
Dans ce cas, en particulier, la différence entre l’école et le collège reste fortement marquée et la tablette peut y remédier ou au moins, réduire les écarts.
C’est donc davantage dans la poursuite d’un travail d’appropriation en particulier en contexte pédagogique que va se déployer la suite du projet.
Auteur : Bruno Devauchelle