Une matinée de bilan prospective
La matinée a débuté par un point de situation des principaux responsable du consortium mis en place pour ce projet (société Unowhy, Conseil Général de Saône et Loire, SEJER – Nathan, Bordas, le Robert-, la société Logosapience, le rectorat de Dijon et l’atelier Canope de Macon, le laboratoire de recherche Techne de l’université de Poitiers).
En rappelant qu’une expérimentation était toujours une prise de risque, Marco Lopinto de la société Unowhy a présenté la globalité du projet et ses évolutions à venir.
Expérimenter un « nouvel objet » dans un contexte scolaire est un pari que chacun des participants avait choisi de mener en acceptant aussi bien les bons moments que ceux plus difficiles inévitables à cette phase du projet. C’est la raison pour laquelle ont été présentés, outre le bilan de ce qui a été fait, les développements en cours pour la version 3 de la tablette qui sera proposée à la rentrée scolaire prochaine.
Le président du Conseil Général de Saône et Loire, Rémi Chaintron, a rappelé le fort engagement du département dans ce projet qui articule innovation technique, travail pédagogique, développement local (départemental et régional en particulier). A sa suite, le Recteur d’académie, Denis Rolland a rappelé l’engagement volontariste du gouvernement au travers de la stratégie impulsée par Vincent Peillon.
Très impliqué, le recteur s’est fortement appuyé, dans son discours, sur l’approche par compétences, l’Ecole du socle ainsi que les propositions pour faire changer l’Ecole à l’ère du numérique, approuvé en cela par les chefs d’établissements, pour inviter les participants.
Le consortium engagés dans les projets e-éducation rassemblent des acteurs qu’il est souvent difficile de faire dialoguer au quotidien, entreprises, collectivités territoriales, services de l’Etat, laboratoires de recherche. L’ensemble des acteurs concernés a confirmé l’engagement et le bon déroulement de la démarche. Ce qui est à remarquer ici, c’est que chacun a tenté de faire un bilan qui ne cache pas les difficultés rencontrées tout comme les réussites constatées.
Présentation des résultats par la laboratoire Techne
Le laboratoire Techne a présenté les premiers résultats tirés des observations, enregistrements de données, observations et questionnaires qu’ils réalisent depuis le début 2013, date de lancement de l’opération. Si en moyenne 70 enseignants (sur plus de 400 concernés dans 16 établissements) réalisent chaque mois des cours avec l’outil de conception de leçon inclus dans le logiciel de pilotage des tablettes (manager), la moyenne par enseignant actif est de 4 à 5 séances crées par mois. Ceci ne signifie pas pour autant que les élèves n’utilisent pas la tablette pour des usages autres, comme la consultation d’Internet ou l’utilisation des manuels scolaires inclus dans la tablette grâce aux éditeurs, membres du consortium (SEJER).
Parmi les analyses effectuées, on peut noter que, les élèves qui disposent de la tablette à domicile (8 établissements sur 16), ne les utilisent que très peu pour les leçons, mais bien plus pour des consultations de ressources (Internet, manuels scolaires). Il semble que prolonger l’Ecole à domicile soit encore à définir, à préciser, voir à penser.
Par ailleurs, pour ce qui se passe dans les classes, on remarque, à l’instar de nombreuses autres expérimentations, que ce sont l’enrichissement des pratiques habituelles qui sont mises en oeuvre. Peu d’innovation en soi, mais beaucoup d’expériences, qui ont prouvé qu’il y avait un potentiel réel. Et ce potentiel s’exprime en priorité par la capacité qu’offre la tablette à faciliter la différenciation pédagogique.
Les observations de terrain confortent cette analyse : difficile d’utiliser une tablette dans une séance de type collective, plutôt de type magistrale ; intéressant de pouvoir amener les élèves à utiliser la tablette en autonomie pour améliorer la qualité de suivi que l’enseignant peut apporter aux élèves comme cela a pu être observé dans plusieurs classes, même dans une ULIS.
La fin de la matinée a permis à la société Unowhy de présenter la nouvelle version de la tablette, la troisième. Directement issue des travaux menés depuis le début du projet cette nouvelle tablette (qui passe de Linux à Android) va s’inscrire de manière plus classique dans le paysage des tablettes haut de gamme, mais toujours dédiée à l’enseignement. Une nouvelle tablette prometteuse que les personnes présentes n’ont pas manqué d’indiquer qu’elle était pour eux essentielle et souhaitée. Après une année d’expérimentation, il serait mal perçu que ceux qui depuis le début se sont engagés dans ce processus ne puissent le poursuivre en prenant en compte les nouveautés permises par cette version qui arrivera probablement au mois de septembre dans les établissements.
L’arrivée de 600 tablettes version 3 est prévue d’ici la fin de l’année civile.
Un après-midi de partage des pratiques
Après une pause déjeuner qui a permis les échanges informels, les participants ont regagné l’amphithéâtre pour un retour d’expérience, mais de terrain cette fois-ci. Six enseignant(e)s ont présenté leurs travaux : Lettres, Histoire-Géographie, Documentation, Langues et Mathématiques.
Chacun des intervenants a eu à coeur de présenter et partager ce qu’ils font réellement dans la classe avec les élèves, illustrant les propos par des photos, des schémas permettant de mieux comprendre comment cela se passe. Le jeu des questions réponses a permis aussi à chacun d’aller au-delà de la simple présentation.
L’usage de la tablette en anglais est particulièrement adapté dés lors que l’enseignant sollicite les capacités d’enregistrement et de restitution. Que ce soit pour l’apprentissage, comme pour l’évaluation, la tablette permet à chaque élève de réaliser sa propre production et de la soumettre à l’enseignante. Elise Jack, enseignante au collège Jean Vilar de Chalon sur Saône, a été une des premières à se lancer dans l’aventure TED.
Dans sa présentation, elle a mis en évidence la progression des élèves dans la maitrise de l’expression orale, preuve à l’appui, en faisant écouter aux participants le même élève à trois mois d’intervalle.
En français, autour de la lecture analytique, Séverine Tailhandier du collège Jean Vilar à Chalon sur Saône a présenté les usages de la tablette en classe. Montrant des photos de la classe, disposée en ilots, elle a rappelé la possibilité de passer de l’individuel (travail sur tablette) au collectif (travail projeté sur tableau et analysé en groupe).
La tablette permet alors à chaque élève de mener son chemin d’apprentissage de manière suffisamment autonome pour respecter son rythme, ses manières de faire.
Les enseignants documentalistes, Alexis Pelte de St Germain du Plain et Delphine Bornard de Chalon sur Saône se sont aussi emparé de la tablette car elle leur semblait constituer un outil essentiel pour travailler les compétences en Education aux Médias et à l’Information. En présentant plusieurs séances de travail, ils ont su faire la démonstration de l’adéquation entre l’outil tablette et le travail au CDI, piloté ou simplement accompagnée. Ils ont aussi mis l’accent sur le potentiel de travail en lien avec les disciplines en montrant la continuité possible avec les autres enseignants. Enfin ils ont évoqué la question de l’utilisation à domicile, conscients de l’enjeu que constitue cette utilisation de la tablette quand les élèves n’ont pas les codes pour accéder de manière pertinente à l’information.
En histoire géographie par Gaëlle Charcosset de La Clayette, l’accent a été mis sur plusieurs aspects de ce que permet la tablette : traitement individuel de l’image, recherche de données, autour du thème « habiter« . L’approche par la tâche complexe en histoire a mis en avant l’importance et les possibilités de travail collectif et collaboratif, même avec une tablette individuelle.
Outre la production d’écrits que l’on peut partager, la tablette a aussi permis d’accéder à des ressources plus variées.
Les mathématiques ont clos la journée. Michael Ciosmak du collège Jean Vilar à Chalon sur Saône, a présenté une « chasse au trésor » mathématique. L’approche, sous forme de jeu sérieux, s’appuie sur le travail individuel des élèves qui sont amenés ensuite à présenter leurs découvertes et surtout leurs apprentissages au groupe classe. L’intérêt de ce type de cours est de mettre l’accent sur la démarche de réflexion et réponse aux énigmes sous forme de raisonnement mathématique. L’enjeu, la qualité du thème davantage encore que la tablette, sont des motivations réelles pour apprendre
Faire le bilan d’une expérimentation est un moment indispensable pour ceux qui la vivent, comme pour ceux qui la regardent. Si un certain nombre de problèmes ont pu être évoqués, difficultés techniques, implications des uns et des autres, on a pu aussi mesurer le degré d’adaptabilité d’une bonne partie des enseignants et leur inventivité, choisie parfois mais subie aussi, lorsqu’il faut adapter l’outil aux contextes de travail de la classe.
Si un constat peut être fait, qui dépasse la seule tablette TED et son environnement logiciel, c’est que les pratiques de différenciations pédagogiques gagnent énormément à utiliser ce type d’instrument. Permettant des rythmes différents, des relations enseignants/élèves ou élèves/élèves différentes, de l’alternance entre l’individuel et le collectif, l’arrivée de ces moyens individuels ouvre des perspectives que les enseignants impliqués souhaitent voire amplifiées par de nouvelles fonctionnalités et par une fiabilité accrue.
C’est ce que chacun pourra mesurer dès la rentrée prochaine avec la nouvelle version de la tablette et de son environnement pédagogique qu’il ne faut pas négliger.
Auteur : Bruno Devauchelle