Dans cet épisode particulièrement centré sur la formation des enseignants, nous présentons le principe d’isomorphisme. De quoi s’agit-il ?
Nous partons du constat que dans pas mal de formations au niveau supérieur (pour fixer les idées, à l’université), l’accent est mis sur la formation progressive de chercheurs. Mais que fait le chercheur ?
Au départ de situations problématiques ou d’interrogations issues d’autres travaux, il s’agit de dégager des invariants, des principes, des modèles, des théories … permettant de comprendre les fonctionnements de différents systèmes. On remarque d’emblée, la proximité de cette approche avec des méthodes de formation basées sur des situations problèmes, des études de cas … Donner du sens, mettre en place des approches méthodologiques transversales, convoquer les savoirs, développer ces derniers encore et toujours.
Un enseignement qui se contenterait de transmettre ces savoirs constitués et sublimés (les produits de la quête des chercheurs, que ce soit les 3 lois de Kepler ou les facteurs de la motivation de Viau ou encore la recette pour faire fonctionner une équipe de travail) éluderait le cheminement, le processus, les contextes par lesquels ces savoirs ont été inventés et dans lesquels ils trouvent du sens.
Bien évidemment dans cette approche somme toute traditionnelle, les exercices (voir que la théorie tourne bien) et les applications (obtenir des résultats au départ des modèles) suivront. Et c’est bien là que réside le problème. « Tu verras plus tard à quoi ça sert !« .
Selon nous, le travail de l’enseignant est davantage de replonger ces savoirs dans des situations, des contextes, de vrais « problèmes » (pas des exercices) qui donneront du sens à l’apprentissage : des problèmes contextualisés, authentiques, complexes.
Comme disait Jérôme Bruner the current practice of teaching the conclusions of the sciences without providing a sense of the scientists’ spirit of discovery produced knowledge unrelated to the essence of the subject itself : donner les savoirs dépouillés des contextes qui les ont vu naître (c’est qui Kepler au fait ?) ou dans lesquels ils prennent du sens (Kepler explique des choses sur les satellites artificiels ?), donner les savoirs sans faire vivre l’esprit qui anime ou animait la communauté des inventeurs, cela produit des savoirs morts, des emplâtres sur une jambe de bois.
Le principe d’isomorphisme s’alimente de ces constats et du principe de cohérence : former les enseignants comme nous souhaiterions qu’ils forment leurs étudiants, former les étudiants en cohérence avec les objectifs. Une conférence sur les « méthodes actives« , ça fait bizarre, non ? Et malgré tout aussi, un principe de variété.
Après la divergence induite par l’analyse du problème, un point de synthèse, de convergence peut être utile afin de ne pas laisser l’apprenant dans le doute. Un point sur les savoirs convoqués et une réflexion sur le processus mis en place peuvent être utiles. C’est en se donnant le temps de réfléchir à son apprentissage (comment ai-je appris ?) que l’on devient un meilleur apprenant pour toute la vie durant. Il faut sortir des cadres étriqués du linéaire du déterminisme : la pensée est systémique. Il n’y a pas de contradiction entre savoirs et compétences : les compétences nécessitent des savoirs (des savoirs sur l’action ?), les compétences permettent de construire des savoirs (ses savoirs). Et les cycles (comme dans le cycle de Kolb, entre observation, modélisation, expérimentation, nouvelle observation …) sont courts.
« L’enseignant-chercheur » quant à lui est aussi un apprenant et un chercheur en enseignement. Il considère son enseignement comme un objet d’apprentissage et de recherche.
Et les technologies ? On le sait pourtant depuis longtemps. Les TICe superposées à des formes classiques de transmission ne peuvent améliorer, à elles seules, la qualité des apprentissages pas plus que le camion qui amène les victuailles au supermarché ne peut améliorer la santé d’une communauté.
La vision déterministe de l’impact des technologies sur la pédagogie conduit au no significant différence (pas de différence significative dans les résultats avec et sans les technologies). Ce serait trop facile ! Les technologies peuvent (il s’agit bien là d’un potentiel) contribuer à la qualité des apprentissages et de la formation si la pédagogie, les habitudes, les usages changent.
Une question d’outils ? Oui, un peu. Une question d’usages et de méthodes ? Oui, sans doute. Surtout une question de changement de mentalités.