En effet, dans le contexte d’une probable décision des pouvoirs publics en faveur d’une telle mesure, ceux-ci ont demandé au groupe de travail multiacteur du Forum des droits sur l’internet (pouvoirs publics, acteurs économiques et société civile), de réfléchir à l’élaboration d’un cadre juridique et technique acceptable par l’ensemble des acteurs.
Conditions nécessaires à la mise en place du filtrage des sites pédopornographiques par les fournisseurs d’accès à l’internet
Organisme de référence en matière de règles et d’usages du monde numérique, le Forum des droits sur l’internet publie sa Recommandation «Les enfants du Net III». Ce texte constitue le troisième volet des réflexions du Forum en matière de protection des mineurs sur internet. La Recommandation a été adoptée par le Conseil d’orientation du Forum des droits sur l’internet le 29 octobre 2008.
Les actions menées par les services de police et de gendarmerie se heurtent fréquemment à l’impossibilité de faire fermer certains sites pédopornographiques hébergés à l’étranger. Le filtrage au niveau de l’accès de ces sites a ainsi fait l’objet d’un intérêt particulier de la part du ministère de l’Intérieur, notamment au travers des actions de lutte contre la cybercriminalité, et du secrétariat d’État chargé de la Famille.
Dans le contexte d’une probable décision des pouvoirs publics en faveur d’une telle mesure, ceux-ci ont demandé au groupe de travail multiacteur du Forum des droits sur l’internet (pouvoirs publics, acteurs économiques et société civile), de réfléchir à l’élaboration d’un cadre juridique et technique acceptable par l’ensemble des acteurs.
Un cadre juridique et technique dédié exclusivement à la prévention de la pédopornographie
La question du filtrage au niveau de l’accès est extraordinairement délicate car les solutions recherchées doivent résoudre une difficile équation : empêcher les accès involontaires et complexifier les accès volontaires aux contenus pédopornographiques, tout en garantissant le respect de la liberté d’expression et de communication. Par ailleurs, le recours au seul cadre judiciaire s’avère insuffisant. En conséquence, il est apparu nécessaire de réfléchir à la mise en œuvre d’un cadre spécifique apportant toutes les garanties indispensables à la préservation des libertés fondamentales. À ce titre, l’objectif clairement affirmé de ce filtrage au niveau de l’accès est la seule préservation de l’ordre public pour faire cesser un trouble existant et la prévention d’une infraction ; il ne saurait, en aucun cas, avoir une finalité de répression.
En outre, le Forum insiste sur la nécessité de circonscrire cette mesure aux seuls contenus pédopornographiques et souhaite que les modifications législatives nécessaires soient effectuées dans le cadre d’une loi spécifique à la lutte contre la pédopornographie sans extension du périmètre à d’autres contenus.
Un dispositif qui repose sur le respect absolu des libertés fondamentales
Le Forum propose un dispositif constitué de quatre étapes assorti de fortes garanties dans le respect des libertés fondamentales.
1. Identification des sites pédopornographiques par les forces de police et de gendarmerie, les internautes (plates-formes de signalement) et la coopération internationale.
2. Constitution, par les services spécialisés de l’OCLTIC, d’une liste quotidienne de sites à filtrer et transmission de celle-ci de manière sécurisée et cryptée à une autorité nationale compétente.
3. Validation de la liste par l’autorité nationale compétente, intermédiaire entre les forces de l’ordre et les fournisseurs d’accès à l’internet, puis transmission de la liste de façon sécurisée et cryptée aux opérateurs de communication électronique. Cette autorité est la seule habilitée à demander aux opérateurs de procéder au filtrage.
4. Contrôle a posteriori par l’autorité nationale compétente de la procédure et du blocage des sites.
La forme juridique précise de l’autorité nationale compétente devra être arbitrée par les pouvoirs publics. En tout état de cause, l’autorité devra être constituée selon quatre axes :
- réactivité,
- protection des libertés fondamentales : indépendance, impartialité, principe du contradictoire, confidentialité,
- respect de la transparence,
- recours en cas de filtrage abusif ou de décision infondée : gracieux, devant l’autorité nationale compétente, ou contentieux, devant le juge.
Une mise en œuvre qui doit prendre en compte des contraintes techniques importantes
Techniquement, différentes solutions de filtrage sont envisageables. Compte-tenu de la spécificité du réseau français, le Forum des droits sur l’internet souhaite, qu’à partir de la réalisation d’études techniques approfondies par les fournisseurs d’accès à l’internet, ceux-ci puissent déterminer le système de filtrage le plus adéquat à leur infrastructure. Ce choix devra être effectué dans un délai de quatre mois à partir de la publication d’un cahier des charges, défini par le Forum, avec le concours du Conseil général des technologies de l’information (CGTI).