MANIFESTATIONS

Soirée inaugurale Ludovia#14 : entre pelotes de laine et Pechakucha…

Le Pechakucha est un modèle de présentation de 20 diapositives de 20 secondes chacune. Les sept présentateurs se sont soumis à cette contrainte forte pour évoquer le thème de Ludovia #14. Ils se sont retrouvés sur quelques axes communs.

La soirée Pechakucha est, depuis l’an dernier, un temps fort de Ludovia. Elle permet d’évoquer de manière sensible, presque impressionniste, le thème de l’année : “Partage, échanges et contributions”. Pour la 14ème édition, 7 intervenants ont accepté de se plier à l’exercice d’une intervention limitée à 20 diapositives (20 images, dans l’idéal) de chacune 20 secondes.

Malgré sept présentations très différentes, parfois trépidantes, quelques thèmes sont ressortis tout au long de la soirée. Les vidéos de chaque Pechakucha sont accessibles en cliquant sur le nom de l’intervenant et sur la chaîne Youtube Ludovia Magazine.

Le premier de ces thèmes est la liberté. En évoquant la question des commentaires, Michel Guillou, fin observateur du numérique éducatif et auteur du blog Culture Numérique, évoque la liberté d’expression. Cette liberté de rendre public, de proposer un point de vue a changé d’échelle avec internet. Cela met parfois à mal les élites, irritées que des quidam puissent commenter et critiquer leurs paroles et leurs actions.

Cette liberté concerne aussi les enfants, et Michel nous engage à expliquer à l’enfant quels sont ses droits et ses devoirs en matière d’expression, bien plus qu’on ne le fait aujourd’hui. Car pour lui, cette liberté n’existe à l’école que de façon illusoire. Ce qui y règne, c’est surtout la pratique de la censure, voire de l’autocensure. Dans un hommage émouvant à Louise Merzeau, ardente défenseure de cette liberté d’expression inscrite dans tous les textes défendant les libertés fondamentales, Michel Guillou dénonce les dangers de la censure dont Louise a elle-même souffert parfois.

Capture d’écran du Pechakucha de Michel Guillou :

Jean-Baptiste Piacentino, auteur de la dernière intervention, est revenu en filigrane sur la question de la liberté en développant un autre aspect, celui du libre accès à l’information. Son projet, Qwant junior, est un moteur de recherche pour les jeunes qui se donne pour objectif de mettre en avant des contenus de qualité en supprimant les contenus dangereux pour les enfants.

Il explique qu’il donne ainsi un accès sécurisé à l’information, sans préciser pourtant sur quels critères il fait reposer la dangerosité de telle ou telle ressource. Plus convaincant, il explique que naviguer en toute sécurité, pour Qwant Junior, c’est aussi garantir aux internautes que leurs traces ne seront pas utilisées,

La liberté, c’est aussi celle d’agir. Partager, échanger, contribuer sont des verbes d’action. Or cette liberté nécessite un accompagnement fort, thématique évoquée par tous les participants. Il faut, disent-ils tous, accompagner les élèves vers l’autonomie.

Cela passe d’abord par le fait de donner envie d’agir. Thierry Karsenti, chercheur canadien sur les technologies de l’information et de la communication, regrette la passivité numérique de nos élèves. “Il est faux, dit-il, de penser que les enfants veulent devenir acteurs de leurs propres apprentissages”.

Il profite de ce pechakucha pour faire huit propositions pour lutter contre cette passivité :

  • Proposer des tâches signifiantes pour les élèves, liées aux matière scolaires ;
  • Proposer des approches par problèmes, demander aux élèves de répondre à des problèmes et relever des défis;
  • Ludifier certains apprentissages ;
  • Encourager la créativité et l’innovation ;
  • Fournir une rétroaction rapide (feedback) ;
  • Favoriser la collaboration entre tous les apprenants ;
  • Faire confiance à tous les apprenants ;
  • Garder des traces.

Pour nous comme pour Ange Ansour, cette passivité constatée par Thierry Karsenti n’est pas innée mais résulte en effet du manque d’accompagnement des jeunes. Margarida ROMERO, chercheuse au laboratoire LINE de l’Espe de Nice décrit le modèle “passif-participatif” qu’elle a construit avec Thérèse Laferrière, un modèle en cinq niveau de la consommation passive jusqu’à la co-création participative de connaissances ou d’artefacts.

Le modèle passif participatif :

Ces pratiques d’échange, de partage et de contribution nécessitent de développer des compétences : la collaboration, la créativité, la résolution de problèmes et la pensée informatique. Margarida propose de passer par une éducation co-créative, ludique, engageante et inclusive, notamment la résolution co-créative de problème significatifs pour la communauté. Elle donne pour exemple un projet dans lequel des élèves ont programmé des robots pour construire une maquette de ville en matériaux recyclés. Pour elle, il est important que l’humain apprenne à contrôler la technologie.

La maîtrise des compétences liées au partage et aux échanges numériques nécessitent également la maîtrise d’un certain nombre de savoir-être qui touchent aux émotions et aux compétences sociales et qui sont bien trop souvent oubliées. Marcel Lebrun, qu’on ne présente plus, propose de profiter des espaces de liberté offerts par le numérique pour développer ces valeurs humanistes. Le numérique est un espace d’horizontalité, où la hiérarchie disparaît (ce qui, comme l’a souligné Michel Guillou au début de la soirée, est assez contradictoire avec le modèle très descendant du Pechakucha).

Face à un univers dans lequel il y a finalement assez peu de dons, il faut développer la capacité des internautes à donner, commenter, se mettre ensemble pour créer. La violence de certains propos sur Twitter et autres réseaux sociaux en est la preuve : ces compétences sont loin d’être maîtrisées, y compris par certains enseignants ou même élus.

Marcel confirme également les propos de Karsenti sur la passivité des élèves, souvent consommateurs de ressources, de connaissances, mais peu dans l’action et dans l’interaction. Ces propos challengés par Ange Ansour quelques minutes plus tard dans sa présentation des Savanturiers. Les élèves ont envie de comprendre, mais il faut les accompagner sur le chemin de l’autonomie face à la construction de connaissances, et surtout vers une pratique du partage et de la diffusion de cette connaissance.

Hier nous faisions des dessins dans des grottes, aujourd’hui nous écrivons sur nos murs Facebook parce qu’il est dans notre nature de laisser des traces démontrait Roberto Gauvin.

Quelles traces laissons-nous et pourquoi ? Dans la démarche pédagogique qui est celle de l’équipe des Savanturiers, (répondre à l’inconnu par la méthode de la recherche) menée par Ange Ansour, les traces sont voués à être diffusées, partagées. On les cherche, on les trouve, on les diffuse. A l’instar des laboratoires de recherche, les élèves suivent les traces des chercheurs… et pose la question de la place physique laissée à la créativité dans la classe, illustrée dans l’univers quotidien créée par Roberto au Nouveau Brunswick.

Finalement, ces sept interventions sur “Partages, échanges et contributions” reviennent à décrire les compétences du XXIème s que les jeunes citoyens devront maîtriser. Apprendre à se former, à co-former et à laisser des traces de ces processus en toute sécurité, apprendre à travailler ensemble, à collaborer et à co-créer, le tout en maîtrisant des savoir-être humanistes qui permettent de faire tout cela dans la sérénité et la bienveillance.

Quelques projets cités :

  • Acadiepedia
  • Qwant Junior
  • https://www.idello.org/fr
  • Les Savanturiers

Auteurs compte-rendu soirée PechaKucha : Jennifer Elbaz et Caroline Jouneau-Sion

Toutes les vidéos des interventions Pechakucha sont à retrouver sur notre playlist Youtube Ludovia#14.

Dessin @CIREBOX :

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