Avec ces chiffres qui font tourner la tête, la Turquie a choisi de frapper un grand coup pour « doper » son système éducatif, jugé peu performant, et donner à tous les mêmes chances de réussir à l’école. Pour y parvenir, elle a tout misé sur le tableau numérique interactif, les nouvelles technologies, les fameux TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement), qui investissent les classes du monde entier.
Fathi, un projet d’envergure nationale
Ce nom, Fathi, en dit déjà long sur l’ambition du projet. En effet, il fait écho au Sultan Mehmet, encore appelé Fatih le Conquérant qui, en 1453, conquit Constantinople (l’actuelle Istanbul), et initia de profonds changements en Europe, les prémices de l’époque moderne selon certains historiens…
Entrer dans une nouvelle ère de modernité… Telle est justement l’idée maîtresse du projet Fatih. Lancé en 2012, il s’inscrit dans une démarche globale de réforme de l’éducation turque, voulue par le premier ministre du pays, R.T Erdogan. Prévu pour une durée de 3 à 5 ans, il vise à doter tous les établissements publics du pays (primaires et secondaires) en TNI. Quant aux élèves et professeurs, ils devraient tous recevoir gratuitement une tablette numérique chargée de contenus pédagogiques ciblés, pour remplacer les manuels scolaires (et alléger les cartables !). Des formations sont également prévues pour les enseignants, afin qu’ils apprennent à utiliser efficacement ces nouveaux outils mis à leur disposition.
L’avancée du projet TNI et son impact réel
Peu d’informations évoquent la progression significative du projet. On sait juste qu’en 2013, 10.000 écrans numériques étaient installés dans 300 établissements et plus de 62000 tablettes distribuées. A ce jour, le projet se poursuit, mais il semble encore loin de son terme, programmé initialement en 2015.
Côté impact sur l’enseignement et les apprentissages, là encore, les annonces ne sont pas nombreuses. Un rapport (2013) a toutefois permis de dresser un premier bilan…
D’une manière générale, l’étude a montré que l’attitude dans les classes avait changé : augmentation de l’attention des élèves, meilleure participation, échanges élèves/professeurs favorisés et montée du travail collaboratif. Preuve que l’intérêt est déjà au rendez-vous.
Parallèlement, quelques limites ont été soulevées. Elles visent principalement les formations des enseignants, jugées insuffisantes pour une maîtrise profitable des TICE. Par ailleurs, les contenus pédagogiques proposés avec les tablettes et TBI présentent des faiblesses. Enfin, comment parler d’égalité des chances quand les élèves n’ayant pas d’accès Internet chez eux se trouvent dans l’impossibilité d’utiliser leur tablette à la maison ? Autant de points que les détracteurs du projet avaient redoutés.
Quel avenir pour le projet Fatih
Certes, le projet a fait grand bruit, ne serait-ce que par les formidables perspectives de marché qu’il ouvre dans le domaine des nouvelles technologies dédiées à l’enseignement. Toutefois, il ne faudrait pas oublier l’enjeu premier : faire progresser qualitativement l’enseignement en Turquie.
Investir massivement dans des dispositifs interactifs, certes, mais au niveau du projet Fatih, ce qui importe plus que les matériels, c’est ce qu’ils contiennent (ressources pédagogiques, logiciels de gestion de classe) et comment ils vont être utilisés pour en tirer une réelle valeur ajoutée (formations et suivi des utilisateurs). Sur ce plan, il semblait persister des lacunes en 2013.
Le déploiement n’étant visiblement pas terminé, des améliorations peuvent encore intervenir. Et finalement, ce monumental projet Fatih servira peut-être d’exemple à d’autres nations en quête d’un nouvel élan pour leur système éducatif et désireuses de rattraper leur retard en termes de TICE.