L’objectif est de faire des élèves des chercheurs au sein d’une équipe, des « constructeurs de savoirs » et de médiateurs didactiques. Ils expérimentent, découvrent et font découvrir aux autres élèves des connaissances, à travers le prisme de leur sensibilité.
L’e-lab, c’est une salle de classe (e-lab1) avec des ordinateurs sous Windows ou Mac OS, des iPods, des caméras, deux grands écrans, un vidéoprojecteur numérique ainsi qu’un studio d’enregistrement (e-lab2) en construction.
Une ambition commune…
Dans le cadre du programme d’histoire-géographie (et de français) de seconde baccalauréat professionnel, trois classes travaillent parallèlement. Une première séquence a d’abord permis de définir les méthodes de recherche scientifiques autour de quelques axes forts : les sources, les médias, la production d’informations et d’hypothèses. Ce travail interdisciplinaire a permis de poser les jalons du travail de recherche à venir.
Dans un second temps, les enseignants ont présenté le thème annuel ainsi que les quatre sujets d’étude d’histoire du programme avec, au cœur de chacune de ces présentations, le souci de mettre en place une problématique scientifique ou non, adaptée aux élèves.
Par exemple, pour introduire Voyages et découvertes (XVIe – XVIIIe siècle), Karine Della Bianca a pris comme point d’entrée la découverte controversée de la Santa Maria. Les 4 sujets d’étude présentés, chaque classe s’est positionnée sur l’un de ces sujets avec pour mission de proposer une ou des hypothèses de réponse à la problématique présentée en début d’année.
… et des modalités diverses
Dans la classe, l’enseignant répartit le travail de recherche entre les élèves selon des modalités qui lui sont propres. Ainsi, Emmanuel Dubus a d’abord fait construire une leçon aux élèves de manière collaborative sur « Humanisme et Renaissance » à l’aide d’Etherpad et de Padlet, deux applications qu’il a intégrées dans l’ENT du lycée.
Cette leçon construite, les élèves, par groupes de 2 ou 3, ont ensuite produit des documents multimédias sous forme de sketches audios qu’ils ont publiés sur la page Dailymotion du lycée.
Ces sketches permettent de balayer le sujet d’étude sous un autre angle que celui de la leçon pure. Par exemple, les élèves ont mis en scène un micro-trottoir sur Léonard de Vinci. Ces sketches, ainsi que la leçon sont ensuite partagés avec les deux autres classes qui se l’approprient. À la charge de l’enseignant de construire sa séquence autour de ces médiateurs didactiques.
Karine Della Bianca, quant à elle, a traité le sujet d’étude Voyages et découvertes avec le souci de raccrocher le thème à l’actualité, prenant pour exemple la récente découverte de la Santa Maria et les recherches en cours pour percer le mystère La Pérouse.
Les élèves ont été placés dans une démarche d’investigation. Des pistes de recherches ont été définies par le groupe classe et ont permis d’élaborer une carte mentale indiquant différents champs de connaissances à défricher. Cette approche a permis une mise en perspective historique, le questionnement sur l’actualité du sujet ayant engendré des interrogations sur le contexte historique dans lequel se sont déroulés les faits étudiés.
Par petits groupes de deux, les élèves ont choisi une piste de recherche et ont utilisé les ressources disponibles sur internet en adoptant la démarche la plus scientifique possible, mettant en questionnement le choix des sources et la qualité des documents choisis.
Le travail effectué par chaque groupe a permis de réaliser un document numérique de synthèse destinée à la classe mais aussi aux autres classes de seconde par la publication sur le site ENT.
Ici, l’utilisation de l’application Prezi s’est avéré pertinente car elle a permis de mettre en commun le résultat des recherches en reprenant la forme de la carte heuristique élaborée au préalable par les élèves.
Les élèves de la classe de Salem Tlemsani ont consacré leur temps au chapitre portant sur le premier empire colonial français. L’enseignant a commencé par annoncer l’objectif final de la séquence : produire une vidéo à destination des autres classes (diaporama converti en vidéo, accompagné d’une voix off).
Dans un premier temps, le cours rédigé par le professeur a été lu collectivement. Les élèves et l’enseignant ont pris soin de commenter son contenu. À chaque fois que cela a été nécessaire, un document médiateur fut vidéoprojeté pour faciliter la compréhension (carte, document d’archives…).
Dans un deuxième temps, un storyboard du diaporama a été construit collectivement. Des binômes d’élèves ont été constitués. Chacun a eu à sa charge le montage d’une diapositive (sélection du document iconographique, du texte à intégrer dans la diapositive, écriture du texte pour la voix off sur Etherpad). Chaque binôme a exposé ses choix à la classe. Les propositions de chacun ont fait l’objet d’un débat. Un élève s’est porté volontaire pour prêter sa voix à l’enregistrement de la voix off.
L’utilisation du numérique a donc facilité la démarche collaborative impliquant la participation de tous les élèves dans la construction du savoir et a également amené les élèves à s’inscrire dans une démarche de partage de ce savoir.
La pédagogie collaborative modifie la place de l’élève dans la classe…
Comme le rappelle les trois enseignants : « La collaboration entre élèves ou adultes n’est pas une idée neuve, elle émerge au début du XXe siècle avec l’influence croissante des syndicats. Dans l’éducation, Célestin Freinet, pour ne citer que le plus célèbre, a creusé l’idée durant l’entre-deux-guerres (cf. Antoine Prost, Philippe Meirieu). La production de ressources n’est pas, elle non plus, une idée nouvelle, l’enseignement professionnel en produit très régulièrement dans le cadre des PFMP. »
L’innovation se trouve donc ailleurs, dans la place que l’enseignant laisse à l’élève.
Elle se situe également dans l’instrument qui induit de nouvelles pratiques : le numérique permet des productions plus nombreuses et plus diverses, il donne accès à un flot d’informations considérable et met en relation les populations qui y ont accès de manière instantanée.
Il permet finalement de rendre possible une collaboration plus large et plus rapide. Dans ce cadre-là, l’élève ne se trouve que rarement, dans l’espace classe, dans une position frontale avec l’enseignant.
[callout]L’E-lab est ainsi conçu en quatre espaces : un espace de travail personnel en périphérie de la salle, un espace de travail en petits groupes (4 élèves maximum), un espace de travail en commun autour du vidéoprojecteur interactif et un espace de production (studio e-lab2).[/callout]
… et celle de l’enseignant
Cette pratique pédagogique donne aux activités de l’élève une place centrale. La place de l’enseignant n’en est donc pas radicalement bouleversée, cependant, le temps passé face au groupe classe en est très nettement réduit.
L’enseignant présente les sujets, évalue en qualité d’expert les démarches et les connaissances acquises, aide à l’organisation du travail, échange avec les élèves sur les processus de construction de savoirs et planifie les conditions du travail en autonomie des élèves.
Il donne l’impulsion et s’adapte au rythme des élèves en réduisant ou en accroissant le niveau d’exigence demandé à chacun de ceux-ci.
Il peut, lorsqu’il sent que cela est nécessaire, faire une pause, reprendre la main, faire une mise au point et rappeler voire reformuler les objectifs. Son souci est d’utiliser au mieux l’intelligence collective au service des apprentissages individuels.
Les premiers résultats de cette expérimentation sont encourageants même si, comme le reconnaissent les trois professeurs, il a fallu ajuster les objectifs et la méthode en fonction des classes qu’ils ont en responsabilité. Indéniablement cependant, la grande majorité des élèves adhère à cette nouvelle façon de travailler et ni les professeurs, ni les élèves ne conçoivent de revenir en arrière.
Suivez l’expérimentation sur les fils twitter : @dubus3 et @SalemTlemsani