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Rendre les savoirs plus accessibles avec le numérique : la fin de l’enseignement ?

 

Beaucoup de mythes se sont développés autour de l’idée que les machines allaient enseigner et allaient piloter l’apprentissage, introduit André Tricot.

La machine, le « faux » remplaçant de l’être humain

Aujourd’hui il explique que le problème se pose autrement : « on conçoit des environnements informatiques et humains d’apprentissage ».
Dans cet environnement se trouvent un ou plusieurs enseignants, des élèves qui interagissent entre eux et une ressource.

« Ce qu’il faut réussir, c’est l’interaction élèves, enseignants et ressources pour créer cette relation en triangle dans laquelle on assigne bien à la machine, le statut d’outil », poursuit-il.

De cette manière, les potentialités de l’outil pourront être beaucoup mieux exploitées, beaucoup plus que « lorsqu’on veut faire jouer à l’outil le rôle de remplaçant de l’être humain », ajoute André Tricot.

Comme exemple de relation élève-machine et élève-enseignant, André Tricot prend le cas du diagnostic qui fait ressortir les difficultés d’un élève.

Pour l’enseignant, pas de soucis pour repérer les difficultés d’un élève à la manière dont il réalise un exercice, « et surtout de diagnostiquer d’où vient l’erreur, parce qu’il connaît son élève », précise André Tricot ; par contre, pour la machine, impossible d’établir un diagnostic similaire « car nous ne savons pas le programmer ou alors à des coûts exorbitants pour n’obtenir que de légers diagnostics ».

Economiser les besoins en enseignement grâce à une meilleure accessibilité aux savoirs par le numérique : un mythe particulièrement faux !

Selon André Tricot, une autre illusion consiste à penser que la technologie puisse réduire le temps d’enseignement car : « rendre accessibles les savoirs à tous, tout le temps et gratuitement, permettrait aux personnes d’apprendre par elles-mêmes et finalement diminuer le besoin en enseignement ».

Ce mythe est très ancien et, d’après André Tricot, est entrain de ressurgir. Il ne conteste pas le fait que de donner accès à des ressources puisse permettre aux personnes d’apprendre plus, mais il réfute l’idée que cela puisse diminuer le temps d’enseignement.

Il prend comme exemple des élèves de cycle 3 à qui on enseigne que la terre est ronde : « si vous n’avez pas un enseignant pour intéresser les élèves à cette question et construire avec eux la réponse à cette question, ce sujet est évidemment non intéressant pour les élèves ».

« C’est le mythe de l’autodidactie qui ferait croire qu’à partir du moment où on fournit des ressources de qualité, tous les êtres humains seraient autodidactes », et il poursuit sa réflexion :

or, les autodidactes sont des gens exceptionnels qui ne représentent qu’1% de la population ; pour les autres 99%, ils ont besoin d’un guide qui les oriente vers la connaissance, même si ils jugent que cette connaissance ne leur est peut-être pas utile aujourd’hui.

« C’est la connaissance qui fait naître le doute et le questionnement ; ce n’est pas l’état naturel des individus », conclut André Tricot.

A suivre prochainement dans l’épisode 2 : Franck Amadieu et le mythe de l’autonomie des apprentissages grâce au numérique.

 

Plus d’infos sur les auteurs :
André Tricot est enseignant-chercheur en psychologie ; il exerce à l’ESPE de Toulouse et également au laboratoire CLLE (Cognition, Langues, Langage, Ergonomie) de l’Université de Toulouse Jean Jaurès.
Franck Amadieu est enseignant-chercheur en psychologie cognitive, Maître de conférences et exerce également au laboratoire CLLE (Cognition, Langues, Langage, Ergonomie) de l’Université de Toulouse Jean Jaurès.

 

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