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Formation à distance : augmenter l’interactivité pour diminuer la distance ?

Peut-on réellement prétendre qu’en contexte de formation à distance (FAD) l’interactivité brise la distance ? En théorie, une démarche de conception de FAD axée à la fois sur le respect de critères ergonomiques, sur des stratégies et des outils stimulant l’activité des apprenants et la communication entre acteurs du dispositif va dans ce sens. Encore faut-il la mettre concrètement en oeuvre. Cet article traite de l’interactivité comme solution aux diverses contraintes rencontrées par les apprenants en situation de FAD. Les auteurs alimentent leurs réflexions à partir de champs disciplinaires variés tels que l’ergonomie des interfaces homme-machine et la psychopédagogie. Dans chacun de ces champs, ils répertorient quelques bonnes pratiques pour la conception d’un dispositif de FAD « interactive ».

Introduction

Les stratégies de maintien et de renforcement de la motivation des apprenants sont au centre de la réflexion dans le domaine particulier de la formation à distance (FAD). Le taux d’abandon, « souvent de l’ordre du deux tiers » (Glikman, 2002) parfois plus (70 %, selon le MU News Bureau, 2008 ; 80% selon le MIT, 2001), témoigne d’un problème qui s’accentue en l’absence de motivation extrinsèque.

S’il n’est pas possible de tracer un lien direct entre démotivation et abandon, il est très probable que la qualité du dispositif mis en place exerce une influence sur la satisfaction de l’apprenant. Keller et Suzuki (2004) constatent que « les concepteurs (…) ne peuvent pas contrôler la motivation des apprenants, mais d’autre part, ils ne peuvent éviter de l’influencer, que ce soit positivement ou négativement ». Deschênes et Maltais (2006) assurent qu’une formation de qualité et un soutien à la réussite peuvent être atteints en FAD en diminuant les contraintes dues à la distance. C’est pourquoi nous accordons un soin particulier, d’une part à la conception de l’interface au niveau ergonomique et, d’autre part, à la scénarisation pédagogique afin de maximiser l’interactivité entre le système et ses utilisateurs.

Dans cet article, nous nous focaliserons sur des moyens « interactifs » assez aisés à mettre en œuvre et inspirés par des théories issues de champs disciplinaires différents. Nous en évoquerons un certain nombre en les rapportant au projet visaTICE. Nous faisons l’hypothèse qu’un dispositif de FAD « interactif » contribue à diminuer la distance, à entretenir de manière constante la motivation de l’apprenant, et par là, à lutter efficacement contre le phénomène d’abandon.

1      Problématique

Le projet visaTICE, soutenu par le ministère de l’éducation de la Communauté française de Belgique (CfB), vise à certifier les élèves en fin d’enseignement secondaire (fin de Lycée en France) à propos de leur maîtrise des technologies de l’information et de la communication (TIC). Il met en place un dispositif de FAD qui nécessite de prendre en compte la motivation des apprenants, et cela, pour de multiples raisons :

– l’inscription à cette formation ne revêt (actuellement) aucun caractère obligatoire ;

– elle est censée pallier l’absence d’un enseignement obligatoire des TIC en CfB ;

– aucun encadrement des élèves dans le cadre du projet n’est actuellement organisé (même si celui-ci le prévoit) ;

– son corpus touche à des savoirs (au sens large) à propos desquels les élèves ont des représentations erronées ;

– les représentations qu’ont les élèves et leurs enseignants de leur propre maîtrise de ces savoirs sont généralement excessives, dans un sens ou dans l’autre ;

– certaines idées reçues et largement répandues à propos de ce qui doit être appris et maîtrisé en matière d’usage des TIC doivent être revues.

Ce contexte nous a conduit à prendre en compte les nombreux ingrédients nécessaires à la construction, chez l’apprenant, d’une motivation solide et plus difficilement altérable. Nous présenterons ici, plus spécifiquement, l’interactivité comme une solution aux diverses contraintes rencontrées par l’apprenant en situation de FAD. Les éléments sur lesquels nous avons porté notre attention trouvent leurs sources dans des théories très variées et sont donc de natures très diverses. Cet article s’applique à les répertorier comme règles de bonnes pratiques pour la réalisation d’une FAD « interactive », quels que soient les savoirs enseignés.

Notre réflexion s’appuie sur les six distances identifiées par Jacquinot (1993). Elle s’inspire de champs disciplinaires variés tels que l’ergonomie des interfaces homme-machine (IHM) et la psychopédagogie, et retire de chaque distance un lot de considérations sur la manière de motiver, de maintenir l’attention, d’inciter, etc. Dans le contexte très concret de la mise en place du dispositif d’une formation (et non d’un dispositif de formation), il est intéressant d’en prendre en compte le plus grand nombre.

2      Interactions/interactivité

Afin de définir de manière spécifique ce que signifient pour nous les termes interactions et interactivité, nous allons commenter brièvement une croyance à leurs sujets.

Parce qu’elles font partie intégrante de l’enseignement en présentiel (face à face), les interactions (verbales) professeur-apprenant et apprenant-apprenant sont supposées nécessaires pour que l’apprentissage se réalise (Thorpe, 2002). Ohl (2001) écrit que l’on postule souvent que l’interaction est essentielle en éducation et que toute interaction peut avoir des effets positifs. Elle affecterait la satisfaction, la performance et les résultats. En conséquence, une FAD se devrait de proposer ce type d’interactions.

Ceci doit toutefois être nuancé. Si certains apprentissages peuvent effectivement bénéficier des interactions avec les pairs ou d’autres personnes, il est abusif d’affirmer que toute situation d’apprentissage doit nécessairement contenir un minimum d’interactions avec un tiers pour que l’apprenant construise des connaissances ou se développe personnellement. Au sujet de l’interaction professeur-apprenant, Mœglin écrit : « Quant à la présence du « tiers formant » (enseignant ou tuteur), longtemps tenue pour le critère par excellence de la formation, les observations et analyses (…) montrent qu’elle n’est plus indispensable, du moins dans sa forme actuelle » (Moeglin, 1998 : 7).

Il est donc important de cesser de croire que les interactions humaines (professeur-apprenant ou apprenant-apprenant) sont  une des conditions nécessaires pour qu’il y ait apprentissage. Cela reste cependant vrai s’il est question de l’interaction apprenant-contenu.

Partant de ces réflexions et des types d’interaction identifiés par Moore (1977), à savoir apprenant-contenu, apprenant-pairs (apprenant-apprenant) et apprenant-professeur, on peut définir l’interaction comme une action/communication réciproque entre deux pôles. Dans un contexte de FAD, l’interaction apprenant-machine (interaction homme-machine ou IHM) est également à considérer.

De plus, à l’heure actuelle, les technologies de la communication offrent diverses possibilités d’interactions qui peuvent parfaitement remplir le rôle important attribué aux échanges et aux partages avec l’autre (Mugny, 1985 ; Doise & Mugny, 1981 ; Lewis, 1998) dans la négociation et la (co-)construction des connaissances (Deaudelin & Nault, 2003). En outre, selon Maurin (2004), certains aspects d’une relation pédagogique peuvent être facilités par la communication asynchrone parce que l’éloignement physique « peut quelquefois empêcher, (…), que la relation entre eux ne soit exclusive ou fusionnelle » (Maurin, 2004 : 185).

Si, à l’origine, le concept d’interactivité était bien souvent restreint au champ très spécifique de l’IHM, les stratégies présentées ici reposeront, quant à elles, sur une IHM, sur une médiation humaine, ou encore sur la relation entre l’apprenant et son objet d’apprentissage. Pour nous, l’interactivité recouvre l’ensemble de ces interactions.

3      Vaincre les distances en FAD

Le concept de distance évoqué dans l’expression « formation à distance » ecomprend de multiples facettes. En effet, Jacquinot (1993) identifie six distances qui peuvent entraîner des contraintes individuelles chez les apprenants en situation de FAD : les distances spatiale, temporelle, technologique, pédagogique, psychosociale et socio-économique. Dès lors, il convient de clarifier succinctement ces distances et de répertorier, pour chacune d’elles, des moyens « interactifs » pour y remédier.

Généralement, la distance spatiale renvoie au fait qu’une personne ne peut se déplacer pour suivre une formation. La FAD permet l’apprentissage n’importe où en fournissant les ressources nécessaires pour soutenir la démarche de l’apprenant qui veut se former. Dans le milieu éducatif, le « blended learning » semble être préféré au « tout à distance ». Des rencontres en présentiel entre les élèves et l’enseignant/tuteur/animateur sont alors organisées (périodiquement ou occasionnellement, au démarrage par exemple) pour permettre aux différents acteurs d’établir un lien social. Cependant, de nombreuses études ont montré que le taux de participation à ce genre de regroupements, même obligatoires, avait tendance à diminuer avec le temps. L’important semble surtout d’introduire l’apprenant dans la dynamique du dispositif de formation, les outils technologiques actuels permettant par ailleurs de soutenir la dimension sociale de l’apprentissage, par exemple au cours d’échanges de messages électroniques, que ce soit sous forme de courriels, de chats, de forums ou encore via la tenue de vidéoconférences.

La distance temporelle rappelle la difficulté de regrouper des étudiants à un moment précis (lorsqu’aucune plage horaire n’est prévue à cette fin). La FAD offre la liberté de choisir le moment et le rythme de son apprentissage. Si le « blended learning » peut diminuer la distance spatiale, il maintient une forte contrainte temporelle qui va souvent à l’encontre de ce à quoi s’attendent les acteurs de FAD. La distance temporelle se fait également ressentir au niveau des services d’aide (technologique et pédagogique) offerts par le dispositif. Depover affirme que la réponse d’un tuteur à une demande d’étudiant ne devrait pas dépasser « 24 heures pour ne pas rompre la dynamique du dialogue pédagogique » (2000 : 157). Cette recommandation peut être nuancée en disant qu’il importe que l’apprenant soit prévenu des rythme et délais auxquels il peut s’attendre à recevoir une réponse de son tuteur. Ce point devrait en effet faire partie d’un contrat entre les deux parties. Certaines aides peuvent également être accessibles en ligne à tout moment, telles qu’une liste de questions fréquemment posées (FAQ), des informations générales sur le dispositif, etc.

La distance technologique évoque, évidemment, la disponibilité matérielle d’une technologie, mais porte surtout sur la manière dont on l’utilise. Glikman (2002) écrit que le recours au TIC exige trois types d’apprentissage : le contenu de la formation, le fonctionnement de l’outil ainsi que l’utilisation de ce dernier dans un but d’apprentissage et d’échanges en relation avec la formation. Par ailleurs, toute perte de temps à régler des problèmes liés à l’utilisation des TIC est susceptible d’engendrer des frustrations importantes chez les apprenants, voire de provoquer leur abandon. C’es pourquoi un mécanisme de préformation et d’encadrement doit être prévu (cfr. Section 4.2) Cependant, les TIC offrent des possibilités réelles d’interaction via l’usage de logiciels tels que le courrier électronique, les forums et autres outils de communication synchrone ou asynchrone, les navigateurs de recherche, etc. Les choix des concepteurs prennent ici toute leur importance.

Par distance pédagogique, on entend celle qui sépare les représentations des concepteurs à propos de la manière d’apprendre et celles de l’apprenant quant à sa manière d’y parvenir. En FAD, l’apprenant peut se sentir forcé d’adopter les stratégies d’apprentissage conséquentes aux choix pédagogiques faits par les concepteurs dans les différentes tâches proposées. C’est « surtout en fonction de la tâche demandée qu’ils (les apprenants) adopteront une stratégie d’apprentissage plutôt qu’une autre » (Denis, 2003 : 36). Il importe donc de lui proposer des activités relevant de divers paradigmes d’apprentissage/enseignement (Leclercq & Denis, 1998), de lui offrir une certaine liberté et de l’autonomie, d’encourager sa créativité et de favoriser la construction des connaissances qu’il pourra facilement transférer à d’autres situations.

Les distances psychosociale et socio-économique ne seront pas discutées dans cet article vu leur peu de pertinence dans le contexte du projet visaTICE.
4 visaTICE, ilustration d’un dispositif interactif

4.1      Le dispositif

La production du dispositif visaTICE a demandé l’écriture d’un cahier des charges précis, reprenant entre autres, des étapes telles que la définition des objectifs en termes d’apprentissage, les options méthodologiques, la dimension interactionnelle, la pertinence du choix des média et la séquenciation du contenu. Ce dernier prend sa source dans une réflexion sur la didactique des TIC qui promeut l’identification d’invariants du traitement de l’information, à savoir les concepts et principes organisateurs qui gouvernent les TIC. Cette approche vise à rendre l’apprenant autonome dans sa démarche d’apprentissage de nouveaux progiciels (Vandeput, 2003 ; 2004 ; 2006 ; Vandeput & Colinet, 2007 ; Poisseroux et al., 2009).

Le dispositif simule une situation d’enseignement présentiel en s’articulant autour d’un document de référence pour l’apprenant : le livre. Celui-ci, à l’instar de tous les livres de cours, est divisé en chapitres. Chaque chapitre contient généralement une mise en situation, une série d’activités, une synthèse et une évaluation. Des réflexions théoriques, des exercices supplémentaires et des lectures pour aller plus loin sont parfois proposés. Il est donc conçu pour que les apprenants l’exploitent seuls, ce qui, comme nous allons le décrire, n’exclut pas des interactions.

L’accent est mis sur la diversité de la présentation et de l’accès à l’information (hypertextes, hypermédia), laissant à l’utilisateur une certaine liberté (multiplicité des choix de navigation). De plus, les concepteurs ont respecté les règles ergonomiques (Bastien et Scapin, 1993) afin d’éviter tout problème d’utilisabilité de l’interface. Nous développerons brièvement ce point en section 4.4.

4.2      Un mécanisme de préformation

4.2.1        Divers acteurs à former

Différents acteurs interviennent dans le dispositif, et, plus particulièrement, au niveau du processus d’enseignement-apprentissage proprement dit. Parmi eux, on trouve les étudiants inscrits au dernier cycle de l’enseignement secondaire et des enseignants qui se sont portés volontaires pour implémenter le dispositif de FAD. Ils vont jouer un rôle de personne-ressource ou de « coach » vis-à-vis des élèves. Autrement dit, ils seront en première ligne pour les introduire dans le dispositif visaTICE, répondre à leurs questions (via des forums ou lorsqu’ils rencontrent ces élèves) et les (re)motiver tout au long de leur parcours d’apprentissage.

Leurs rôles sont assimilables à ceux d’un tuteur ou d’un animateur local (Denis, 2001) et sont précisés lors d’une session de formation. Ceux que l’on nomme par ailleurs « tuteurs » sont des membres de l’équipe de conception visaTICE. Ils ont principalement pour fonction de répondre aux questions que les « coaches » n’ont pas pu traiter.

4.2.2        Familiarisation avec le dispositif aux niveaux technologique et pédagogique

Parmi les piliers d’un dispositif d’autoformation, Carré et Pearn (1992) épinglent un mécanisme de préformation des apprenants. C’est une préparation à l’entrée dans l’autoformation, ce processus où l’apprenant va devoir se prendre en charge alors que, dans les situations de formation qu’il a connues antérieurement, il a généralement été fort guidé par ses professeurs. On y présente la formation, ses ressources humaines et matérielles, les conditions de réalisation (rôles des apprenants, des personnes-ressources et des tuteurs). C’est notamment une première occasion de se familiariser avec la plateforme de cours à distance (interface, livre et types d’activités, forums…). Cette étape est un facteur de succès qui a été mis en évidence dans la plupart des environnements de FAD (Daele & Docq, 2002 ; Denis & Piette, 2003 ; Denis & Vandeput, 2004).

Dans notre cas, ce mécanisme de découverte de l’environnement de FAD concerne aussi bien les personnes-ressources (enseignants « coaches ») que les élèves. Avant d’assurer le suivi des élèves, les « coaches » auront également l’occasion de se familiariser avec la philosophie du projet (maîtrise de TIC reposant sur approche didactique axée sur des invariants du traitement de l’information).

4.3      Stratégies psychopédagogiques

Penchons-nous plus précisément sur les stratégies psychopédagogiques susceptibles d’augmenter l’interactivité dans un dispositif de FAD. Celle-ci consiste tantôt en des interactions entre humains par l’intermédiaire du système, tantôt en une interaction de type homme-machine. Toutes ont pour but de maintenir la motivation de l’apprenant.

4.3.1        Interactions entre humains

L’interactivité humaine se retrouve à travers trois modes de communication, à savoir les emails, les forums et les rencontres en présentiel. Quel que soit le mode de communication employé, l’important est de réagir rapidement et régulièrement aux demandes, mais surtout de les stimuler. Un apprenant en difficulté a la possibilité de correspondre par email avec un « coach » ou un tuteur. Il peut également interagir via les forums avec d’autres apprenants. Rappelons qu’il a aussi la possibilité de rencontrer une personne-ressource au sein de son établissement scolaire.

L’ensemble de ces interactions va maintenir une dimension sociale au sein de visaTICE, apportant ainsi une solution à la distance spatiale qui peut être ressentie par les apprenants en situation de FAD. Distance diminuée également si l’apprenant a le sentiment d’une aide personnalisée, correspondant à ses besoins particuliers.

Par la même occasion, la distance temporelle peut également être réduite par un tutorat « proactif et réactif ». Dès lors, le rôle du tuteur à distance doit faire l’objet d’une réflexion poussée quant au profil d’intervention qu’il devrait adopter dans ce dispositif (Denis, 2003).

4.3.2        Interactions homme-machine

Dans le projet visaTICE, on ne peut guère compter sur une quelconque motivation extrinsèque des apprenants, sur une pression externe provenant de l’environnement ou un contrôle autre que le sien de la valeur qu’il perçoit des activités. Par conséquent, la première préoccupation est d’inciter les apprenants à s’engager dans la formation et à devenir autonomes. Un dispositif favorisant l’autonomie procure un niveau de satisfaction élevé auprès des apprenants, composante importante de la motivation. Or, Ohl (2001) écrit que l’autonomie n’est possible que s’il y a interaction.

Dès le départ, une mise en situation amène les apprenants à se rendre compte des représentations erronées qu’ils ont à propos des TIC et sur l’importance d’une bonne maîtrise de ces dernières pour leur futur. Justifier le choix des concepteurs en décrivant la nature, les consignes et l’utilité de chaque activité va permettre à l’élève d’attribuer une certaine valeur à la tâche proposée (Viau, 2003).

Afin d’éviter toute distance pédagogique, l’apprenant jouit d’une certaine liberté au sein du dispositif. Il est seul responsable de son apprentissage et se voit offrir la possibilité d’effectuer des choix tant sur le plan du contenu, des démarches que des interactions. Il peut, à tout moment, quitter « le livre » pour accéder aux activités qu’il souhaite refaire. Il garde la liberté d’effectuer ou non les exercices, de faire des lectures supplémentaires. Sa créativité est encouragée à travers des activités où il est appelé à mettre au point sa propre stratégie de résolution d’un problème. Dès qu’il y est arrivé, il peut confronter sa démarche à celle proposée dans le dispositif. Il construit ses connaissances et est amené à les adapter selon les situations rencontrées.

L’apprenant est donc mis en confiance (Keller, 1987) non seulement par la liberté dont il dispose, mais aussi par les services d’aide qui lui sont accessibles. Il peut en effet s’adresser à des co-apprenants ou à un tuteur (cfr. section 4.2.2). Il dispose également d’informations générales sur l’utilisation efficace du dispositif. Dans visaTICE, un système de FAQ sera envisagé par la suite pour alléger le travail du tuteur, bien que ce type de programmes interactifs automatisés ne constituent pas un soutien personnalisé pour l’apprenant (Thorpe, 2002).

Une autre stratégie repose sur la dimension ludique de l’apprentissage. L’attention (Keller, 1987) des apprenants est soutenue par l’utilisation de supports variés (photographies, vidéos, illustrations, animations). Des microdéfis sont proposés, demandant à l’apprenant de faire des associations entre les différents concepts et principes vus. Le langage des activités est adapté au public. On y fait référence à des habitudes spécifiques (par exemple, l’envoi de SMS). L’humour y est aussi présent. Les apprenants ont, par ailleurs, la possibilité, à partir de ces défis, de traiter les contenus de manière personnelle. En outre, visaTICE les invite à sortir du dispositif pour réaliser des activités au sein même de leur logiciel (traitement de texte, tableur, etc.) favori, d’enregistrer leur travail. Cette stratégie prend appui sur les théories de pédagogie interactive (Béguin, citée Lombardo et al., 2006) et vise à réduire, entre autres, la distance spatiale. L’apprenant a le sentiment d’être dans un univers qui lui convient.

4.4      Stratégies ergonomiques

L’importance des interfaces homme-machine dans le succès des applications, et en particulier, des applications liées à l’apprentissage et l’enseignement fait que la conception d’interfaces homme-machine ergonomiques s’est aujourd’hui élevée au rang de discipline. Les qualités d’une interface peuvent être source de motivation alors que ses défauts sont susceptibles de provoquer lassitude, découragement et donc, démotivation.

Pour réduire la distance technologique et, dès lors, faciliter la prise en main du dispositif par l’apprenant, nous nous basons sur les critères ergonomiques de Bastien et Scapin (1993). Ceux-ci proposent huit critères standardisés, subdivisés pour donner un total de dix-huit critères. Nous ne reprenons ici que ceux qui sont les plus significatifs dans le cadre de visaTICE et nous négligeons ceux qui sont plus directement liés aux interfaces des logiciels dont le système de commandes est généralement plus complexe et utilise, par exemple, de nombreuses boites de dialogue.

Le critère de guidage, plutôt fondamental dans un dispositif d’apprentissage, est celui qui fait l’objet de la plus grande attention. L’apprenant est conseillé, orienté et informé lors de ses interactions avec le dispositif. Parmi ses sous-critères, l’incitation est clairement présente par les nombreux liens du sommaire du cours et des boutons, tous assortis d’un texte qui indique, de manière non équivoque, l’action associée (réponse, retour au livre, commencer, etc.). La lisibilité est liée à l’usage d’une police de caractères large et sans empattement, spécifique à l’affichage sur un écran. La feuille de style très détaillée dans laquelle elle est définie, contient également la définition de styles spécifiques pour les objets d’interaction, ce qui contribue à renforcer les critères de groupement/distinction des items par le format et la localisation.

La charge de travail est minimale favorisant (et facilitant) le dialogue homme-machine. On ne peut pas parler de densité informationnelle dès lors que tous les éléments de la plateforme originale n’ayant aucune utilité directe ont été occultés de l’interface.

L’adaptabilité se manifeste à travers la prise en compte de l’expérience de l’utilisateur. Celui-ci peut éviter toute une série d’étapes qui ne sont plus nécessaires quand son expérience d’usage de la plateforme est suffisante. En particulier, la lecture des informations concernant l’usage du dispositif est optionnelle.

L’homogénéité et la cohérence sont intimement liées à l’usage d’une feuille de style très détaillée et bien structurée. L’univers dans lequel l’utilisateur évolue contient de nombreux éléments qui sont peu variables dans leur forme, ce qui contribue à son confort.

La manière dont les références sont faites aux actions (un texte significatif sur les boutons ou des liens textuels simples) ne met jamais en défaut la signifiance des codes et dénominations.

En bref, une importante prise en compte critères d’ergonomie fait que la multiplicité des détails contribue au confort de l’apprenant, lui permettant de se concentrer sur le cours, sans devoir consacrer d’énergie à comprendre l’interface et sans subir de charge mentale à ce niveau.

5      Conclusion et perspectives

L’entretien de la motivation de l’apprenant est un vrai challenge pour l’enseignant, que ce soit dans un dispositif de formation traditionnel ou dans un dispositif de FAD. L’enseignant en présence dispose toutefois d’un avantage incontestable sur le « formateur à distance ». Ses modes d’intervention sont adaptables à souhait et résultent d’une interprétation quasi immédiate de ce qui se passe dans l’environnement de l’apprenant.

À distance, cet énorme avantage est quasiment réduit à néant. Le challenge est toujours présent et beaucoup plus difficile à relever. Le « formateur à distance » possède toutefois d’autres atouts. D’abord, il ne correspond pas nécessairement à une seule personne physique. La charge et les rôles peuvent donc être répartis. Dans le scénario pédagogique en ligne, la plupart des interventions sont programmées, ce qui a la triste conséquence de les figer, mais aussi l’avantage de pouvoir les « rejouer » dans des contextes semblables. La tâche est donc d’une tout autre ampleur. En conséquence, le concepteur se doit d’utiliser tous les moyens qui sont à sa disposition pour entretenir la motivation des apprenants. Et ces moyens sont nombreux.

Dans cet article, l’interactivité a été envisagée comme une solution aux contraintes de distances, telles que définies par Jacquinot (1993). Cette hypothèse nous a amenés à considérer des éléments théoriques de natures diverses et à les répertorier comme règles de bonnes pratiques pour la conception et la mise en place d’une FAD « interactive », quel qu’en soit le contenu. L’interactivité a, dès lors, été examinée sous l’angle de plusieurs disciplines et principalement, celui de la psychopédagogie et celui de l’ergonomie des interfaces homme-machine. Nous ne nions pas que des investigations soient également possibles dans d’autres champs disciplinaires tels que, par exemple, la psychologie cognitive. Nous avons essayé de montrer qu’un dispositif « interactif » peut être vu comme la résultante des efforts menés dans chacune des disciplines.

Les stratégies psychopédagogiques ont illustré la mise en place d’interactions, que ce soit entre humains (par l’intermédiaire du système) ou de type homme-machine. Nous avons aussi montré en quoi et comment le respect de critères ergonomiques dans la conception des interfaces pouvait contribuer à augmenter le dialogue entre l’apprenant et le système.

L’ensemble des réflexions décrites ici est immédiatement transposable à la conception d’autres dispositifs de formation en ligne. Il a fait l’objet de validations auprès d’étudiants universitaires afin d’obtenir un feedback, notamment en ce qui concerne les aspects motivationnels, ainsi que les points forts et faibles du dispositif visaTICE (Vandeput et Henry, 2010). La rédaction de tous les modules de cours n’est pas encore complètement terminée, mais il n’est pas indispensable qu’elle le soit pour démarrer le projet en contexte scolaire « réel ». Ainsi, le dispositif visaTICE sera très prochainement mis en œuvre dans des écoles-pilotes volontaires. Cette phase d’expérimentation permettra des aménagements et une régulation qui ne pourraient être mis en place sinon, mais aussi de vérifier si l’objectif est atteint. Outre des questionnaires d’évaluation et des entretiens auprès du public-cible, il serait intéressant d’utiliser des outils statistiques pour connaître, dans un objectif de mise à jour, les pages les plus vues, les plus lues et les oubliées. Nous pourrons constater par exemple si les apprenants utilisent ou pas les interactions proposées et, le cas échéant, guider nos efforts vers une interactivité mieux adaptée à leurs besoins.

Communication Scientifique Ludovia 2011 par  Julie HENRY, Étienne VANDEPUT & Brigitte DENIS – CRIFA Université de Liège (ULg)

http://www.crifa.ulg.ac.be/

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