Par Yann Leroux sur son blog « Psychologik »
Nous avons maintenant de nouveaux kit identitaires. Ce sont les téléphones portables qui nous accompagnent dans notre quotidien. Ils sont des extensions de soi en ce sens qu’il permettent d’être en lien ou de s’isoler. Ils permettent d’appeler des proches et de communiquer avec eux de différentes façons.
L’utilisateur peut capturer des moments en prenant des photographies ou des films. Il a accès à l’Internet ou il peut participer à des discussions en postant de nouveaux contenus ou en lisant ceux des autres. Il peut lire les flux d’information auxquels il est abonné (YouTube, Twitter etc…). Dans les moments de tension, le smartphone permet d’écouter de la musique ou de regarder des vidéo. Le téléphone est donc devenu bien plus qu’un téléphone.
Il est un couteau suisse identitaire avec lequel les individus construisent et modèlent leurs identités.
Bien trop souvent, ces outils sont maintenus à l’écart des établissements scolaires. Les règlements intérieurs interdisent aux élèves d’utiliser des smartphones ou même tout simplement de l’avoir dans la main. En cas de transgression, l’école peut faire des abus de pouvoir en confisquant l’appareil pendant plusieurs jours.
En interdisant les téléphones portables, les établissements scolaires découpent un espace et un temps dans lequel l’expression de l’identité des enfants est amputée. Elle les rend muets à eux même et aux autres.
L’école montre ainsi qu’elle fonctionne de manière totalitaire. En effet, les kit identitaires sont l’expression de ce que chacun peut avoir de personnel voire d’intime. Ils articulent l’identité sociale et l’identité personnelle. Les institutions qui les interdisent sont qualifiées de “totalitaires” par Goffman C’est le cas de l’hôpital et de la prison pour lesquels les caractéristiques individuelles des personnes importent peu. Elle construisent pour chacun l’identité dont elles ont besoin pour remplir leurs fonctions.
C’est aussi le cas de l’école qui supprime pour chaque personne ce qu’elle a de plus personnel dans le but de le transformer en élève.
Que sera la mémoire des enfants qui sont aujourd’hui à l’école ? C’est assez facile à imaginer. Leur quotidien sera massivement documenté dans leurs archives personnelles. Il sera également en images, en vidéo, et en status sur leurs comptes Facebook, Vine et autre Twitter. Ces mémoires téléversés sur l’Internet seront partagées et enrichies par les commentaires des autres. Mais elles seront frappées d’une immense tache blanche. On n’y verra ni les cours des collèges et des lycées, ni les salles de classes, ni les images d’amis et de professeurs en situation.
En d’autres termes, un espace dans lequel les enfants passent 8 heures par jour et 3 a 6 années de leurs vies sera frappé d’amnésie numérique.
Dans un monde ou les contenus numériques participent à la construction de soi, en interdisant les smartphones, les établissements scolaires amputent les mémoires individuelles et collectives. Elles font obstacle à la manière dont aujourd’hui, les enfants construisent leur expérience de soi et leur identité.
Article de Yann Leroux sur son blog Pyschologik à suivre ici