La firme Nokia n’inscrit-elle pas sa position dominante sur le marché de la téléphonie mobile par un slogan qui caractérise notre temps : «Connecting People» ? Autrement dit, nous assistons à l’émergence d’une société qui se qualifie par ses réseaux (Musso, 2003) et ses nouveaux services : voix, données, images.
Afin d’analyser la «phénoménotechnie» du portable et son imaginaire associé, il nous faut chercher à montrer la composition des relations entre sujet et groupe par la médiation d’un objet technique massivement adopté. La «virtualisation» de la ligne téléphonique, en devenant invisible, ne contribue-t-elle pas à tracer de nouvelles lignes, sonores, visuelles, affectives, sociales, politiques ? Face au changement des coordonnées spatiales et temporelles, le «lieu» même du sujet (son être-là) ne semble-t-il pas impliqué, mobilisé dans la distribution de ses connections ? Comme en témoigne la question : T’es où ? (Ferraris, 2006)
Notre orientation cherchera à rendre compte des modes d’individuation des connections à partir d’une présentation de quelques diagrammes qui permettront de découvrir de nouvelles coordonnées existentielles. Nous échapperons ainsi à des considérations générales relatives à l’objet technique (condamnation a priori ou bien apologie, débat sur le déterminisme). Nous chercherons à décrire précisément le «porté du portable», autrement dit des postures existentielles qui traversent la vie quotidienne (Réseaux, 2009), aussi bien dans l’univers du travail que celui des loisirs ou de la famille.
Nous n’aurons pas la prétention de rendre compte d’une enquête sociologique complète, ni même de présenter une psychologie des usagers du mobile, mais, plutôt, de tracer les différentes strates qui organisent les lignes de vie du «porteur d’un portable».
A l’aide d’une cartographie, nous nous mettrons en position «d’analyseur» des formations collectives et/ou individuelles qui produisent des agencements (pré-sémiotiques, sémiotiques, individuels, sociaux). Nous suivrons des lignes abstraites de subjectivation (Guattari), ceci pour faire émerger des «re-sémantisations» possibles de «l’être avec». Sémantisation qui peuvent être justement «supportées» par les mobiles dans le cadre d’une appropriation de l’objet technique. En dressant les nouveaux modes de «l’appel» et du «rappel», ce n’est pas une ontologie du lien qui est visée (holisme versus individualisme méthodologique), mais une carte des possibles qui recouvrent de nouveaux territoires existentiels à la conquête de nouvelles libertés ou bien de nouvelles servitudes.
L’espace public ne peut être laissé, en effet, à la seule promesse d’un marché prometteur qui transforment les opérateur en vendeurs de nouveaux services. Avec le mobile se pose la question décisive du «pouvoir de l’émetteur» en situation de communication bidirectionnelle et donc de l’apparition d’une psychodynamique que ne garantit plus l’approche technique de la transmission.
Nous pensons ainsi parvenir à problématiser un nouveau cadre ou horizon, numérique cette fois, du lien qui relance autour d’un objet social communicant la question de l’invention de nouvelles pratiques et le renforcement de la figure du contributeur face au consommateur.
Source : Communication scientifique Ludovia, qui sera proposée le 29 aout à 15h30 sur Ludovia 2011 par Franck Cormerais
Plus d’information : renseignements et inscriptions sur www.ludovia.org