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Distorsion et réappropriation : le jeu vidéo comme imaginaire de l’activité

imaginaire

Que désigne-t-on sous le terme d’imaginaire vidéoludique ? S’agit-il d’évoquer l’ensemble des représentations véhiculées par le corps social à l’endroit du jeu vidéo et de ses pratiques ? Parle-t-on plutôt des différents mondes et thématiques imaginaires traités par le médium vidéoludique ? Ou renvoie-t-on plutôt à la gamme des expériences vidéoludiques possibles, qu’elles soient présentement imaginées ou qu’elles restent à imaginer ?

Au-delà de la pluralité d’acceptions que peut recouvrir cette notion, on émettra le postulat suivant :

l’imaginaire vidéoludique, c’est d’abord une certaine image que le joueur se fait de sa propre activité.

La vérification de cette hypothèse passera par une explicitation de la nature de cette image, de sa structure et de son mode de constitution. Pour ce faire, nous commencerons par examiner  le type de relation qui noue le joueur à son jeu.

On montrera comment ce caractère relationnel est conditionné par les propriétés formelles de l’objet-jeu, mais aussi par le type de rapport que suppose toute posture ludique. il s’agira ensuite d’étudier la teneur même de l’activité vidéoludique. En d’autres termes, il s’agira de répondre à cette question : qu’est-ce que fait le joueur, lorsqu’il joue ? Nous adopterons ici une méthode de style phénoménologique.

Notre réflexion partira d’un examen de l’activité ludique entendue comme pratique consistant à appuyer sur des boutons. Que fait un joueur pour jouer ? Il appuie sur la croix directionnelle, déplace la souris, maintient une touche enclenchée. En quoi cette activité pourrait-elle alimenter un vécu riche de sens et consécutivement, nourrir un imaginaire prétendument dense ?

L’imaginaire vidéoludique se caractériserait-il par son éminente pauvreté ? Si l’on demande à un joueur ce qu’il fait dans un jeu, on peut douter que celui-ci la décrive comme pratique consistant à appuyer sur des boutons. Celui-ci parlera plutôt des actions de haute voltige qu’il a pu réaliser, des ordres qu’il a pu donner ou encore des étendues qu’il a pu parcourir.  La juxtaposition de ces deux descriptions fait ressortir l’existence d’un différentiel entre deux régimes d’action, lesquels viennent pourtant définir en propre ce qu’est jouer. Il s’agira d’élucider la nature de ce différentiel entre action effective (j’appuie sur un bouton) et forme de l’action (je vois mon personnage sauter), et de voir comment cette disjonction altère le vécu du joueur, dans son contenu comme dans son mode d’écoulement.

Cette tâche supposera qu’on s’enquiert prioritairement du sens que le joueur assigne à son activité, en tant qu’activité traversée par une disjonction. Quel sens assigne-t-il à l’action effective qu’il réalise, compte tenu de la forme que prend cette action à l’écran ? Jusqu’à quel point le joueur considère-t-il l’activité visible à l’écran comme étant significative de son action effective ?

L’analyse des présupposés qui sous-tendent ces questions nous amènera à spécifier ce que ce différentiel recouvre. On montrera ainsi que la différence entre action effective et forme de l’action ne relève pas d’une logique d’amplification, qu’une action effective peut se traduire à l’écran de fort différentes manières, et que cela n’est jamais seulement fonction de ce que le joueur a fait, mais des choix de design pris par le concepteur.

Plus encore, on montrera que la possibilité même de ce choix de design résulte d’un autre type de différence, non plus entre une action et son mode de manifestation, mais entre un geste et sa traduction dans un environnement numérique. Il s’agira de cerner les implications sous-jacentes à cette disjonction de nature très particulière, à fortiori lorsqu’elle n’est pas manifeste. Enfin, on verra comment cette détermination technique ouvre à la possibilité de voir certaines actions prendre des formes non-anticipées, que cela résulte des propriétés émergentes du système ou d’une erreur de programmation.

Au terme de cette étude, nous serons alors en mesure de montrer en quoi le joueur est nécessairement affecté par ce différentiel et l’effet de distorsion qu’il produit.

Le joueur, lorsqu’il joue, doit toujours négocier avec ce différentiel et décider si oui ou non, il considère la forme que prend son action comme relevant de son agir propre.

C’est en prenant en compte cet élément qu’on pourra caractériser le type d’image qu’un joueur peut se faire de sa propre activité et consécutivement, le type d’imaginaire qui en découle.

Communications publiques (sélection)

 28/01/2013           Communication « Le transmédia comme approche circulatoire », dans le cadre de la journée d’étude PraTIC « Transmédia : quelles traversées des écrans ?»

16/06/2012           Communication « Paramètres de la variation ludique », Games Studies ? A la française ! « Pouvoirs des jeux vidéo », organisé par l’OMNSH.

05/06/2012           Communication « Autorisation, usage et transmission du pouvoir-jouer », dans le cadre du  colloque « Pouvoirs des jeux vidéo », Lausanne, Suisse.

09/02/2012           Communication « L’Imaginaire des jeux vidéo », dans le cadre du Séminaire Imaginaire – Technologie, organisé par l’ESAD et l’Institut Télécom

23/01/2012           Communication « Interfaçage et jeu vidéo : les triangulations avatars/écrans/joueurs », dans le cadre de la journée d’étude PraTIC « Images, interfaçages et corps ».

Note de positionnement scientifique

Notre section scientifique de rattachement est la section 17 du CNU.

Notre méthode mobilise deux approches distinctes et complémentaires. Elle s’inscrit d’une part dans une démarche phénoménologique, et se déploie selon un mode de questionnement d’inspiration heideggérienne. Par ailleurs, nous adossons à cette approche phénoménologique un mode d’analyse de type ludologique, avec pour volonté de traiter la question du jeu sous l’angle de la systémique.

Références

Bachimont, Le sens de la technique : le numérique et le calcul, Les Belles Lettres, 2010

Heidegger, Etre et Temps, Paris, Gallimard, 1986

Juul Jesper, The Art of Failure, The MIT Press, 2013

Järvinen Aki, Games without frontiers, VDM Verlag, 2009

Katie Salen, Eric Zimmerman, Rules of Play, The MIT Press, 2003

Manola Antonioli, Jean-Hugues Barthélémy, Elena Bovo et al., Phénoménologie et technique(s), le cercle herméneutique, 2008

 

Plus d’infos sur le programme du colloque scientifique LUDOVIA 2013 ici

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