ACTION PUBLIQUE

Maintenir une équité en éducation et e-éducation sur un territoire contrasté

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Une organisation territoriale très hétérogène

Le département du Puy-de-Dôme se caractérise par le nombre le plus important en France de petits collèges. Etrange, non, que ce soit lui qui remporte la palme ? En effet, département à l’image rurale, il n’est pourtant pas l’exception unique en son genre à avoir des collèges regroupant moins de 100 élèves ; des départements ruraux, qui  ont subi «l’exode», il y en a d’autres !

Mais le Puy-de-Dôme, à la différence de certains peut-être, a conservé ses tout petits collèges. Tout petits car sur 58 au total, un tiers ont entre 40 et 200 élèves (37 élèves, le plus petit, pour être exact), un tiers entre 200 et 500 élèves et le dernier tiers entre 500 et 800.

Bravo, dirons nous, d’avoir su maintenir ces établissements, d’autant que, nous le verrons un peu plus loin, ils bénéficient de la même qualité de services qu’en zone urbaine. Mais leur existence pose une véritable problématique de territoire, comme nous l’explique Paul Chapouly, Directeur de l’Education et des Collèges au Conseil Général du Puy-de-Dôme.

Cela pose un certain nombre de difficultés de devoir maintenir des établissements en état : coût du transport scolaire, coût de fonctionnement et d’entretien des bâtiments, coût d’équipement…
L’Education Nationale répartit les moyens par académie ; ceux qui sont mobilisés sur des petites structures ne sont pas mis sur les autres… Des enseignants sont sur deux, voire trois établissements en même temps…
Les efforts portés en matière d’équipement matériel, de normalisation et de mise à niveau des collèges est le même partout, c’est dire le coût de maintien de ces petits établissements pour le Conseil Général.

«La politique actuelle du Département est fortement liée à celle de notre partenaire qu’est l’Etat», nous confie le Directeur Education. Les élus sont très attachés à leur territoire respectif et ne veulent pas prendre la décision d’une fermeture de leur collège. Le Conseil Général a donc pour mission de répartir les moyens «équitablement».

Une mission : répartir les moyens pour maintenir à niveau tous les Collèges du département

Depuis les années 80, période à laquelle les collèges ont été confiés aux départements, le Conseil Général du Puy-de-Dôme a beaucoup investi, d’abord pour du «curatif» et ensuite vers du «qualitatif».
«L’Etat nous a laissé des bâtiments en triste état et il a fallu 10 ans pour les remettre à niveau. Maintenant, nous pouvons repenser l’établissement dans son fonctionnement, dans sa pédagogie, dans la qualité de ses espaces et dans ses aspects normatifs», déclare Paul Chapouly.

C’est donc un «lifting» total que tous les établissements du Puy-de-Dôme ont subi, toujours dans le respect de l’équilibre. Mais maintenant, au delà de la problématique de territoire, le département est confronté à une autre forme «d’exode».

La crise économique n’a pas favorisé les populations de la classe moyenne à rester en ville. Clermont-Ferrand, la «capitale», s’est peu à peu «vidé» de ses habitants, privilégiant dans un premier temps la «première couronne» puis, sous la pression foncière, la «deuxième couronne» de l’agglomération clermontoise.

«Sur les quatre collèges concernés par cet afflux de population, nous avons maintenant une grosse pression d’effectifs ; nous avons assez mal anticipé ces déplacements.
Globalement nous avons suffisamment de place dans nos collèges, mais la répartition est différente
».

Avec la Carte des collèges et la compétence «sectorisation», le Département avait prévu ces changements. En effet, dans cette carte des collèges, on définit quelles sont les communes (les rues pour une ville) qui sont rattachées à tel ou tel établissement. On peut donc faire des prospectives.
Mais, alors que le déplacement de population en pleine crise économique peut se faire très rapidement, l’extension d’un collège ne peut se faire en un mois !
«Nous pouvons décider de revoir la carte des collèges pour rééquilibrer les effectifs, mais cela n’est pas aussi simple», nous confie Paul Chapouly.

Entre problématique de territoire et problèmes d’exode, le Département a créé un groupe de réflexion sur «ce que pourrait être le collège idéal», regroupant différentes institutions (élus, Rectorat…). Des questions comme :
– «Quelle est la taille minimum à envisager pour un collège pour qu’il y ait une émulation pédagogique» ? Afin qu’il n’ y ait pas une seule classe par niveau (dans ce cas, les élèves se retrouvent toujours ensemble d’année en année)
– «Quelle est la distance à ne pas dépasser du domicile de l’élève pour le transport scolaire» ?
– «et si la durée est excessive, y a t-il les structures d’internat pour accueillir les élèves» ?

Autant de questions pour faire avancer le Département sur sa problématique de territoire…

Autre aspect de la politique volontariste du département du Puy-de-Dôme : la restauration scolaire.

Des produits locaux dans les assiettes des collégiens ?

Evidemment quand on pense Puy-de-Dôme, on pense «L’Auvergne, un grand plateau de fromages». Alors qu’en est-il des repas servis à la cantine ?

Le Département assure la restauration scolaire dans tous ces collèges ; ce qui est un atout mis en avant par le Directeur Education, sachant que cette compétence sort du champ obligatoire.
«C’est une façon d’éduquer les enfants à l’hygiène alimentaire et à l’équilibre des repas et c’est donc essentiel d’avoir une action dans ce domaine là», nous confie t-il.
Et quand on connaît la problématique évoquée précédemment, on comprend l’effort financier fourni par la collectivité pour assurer ce service. Encore une fois, c’est l’équité qui prime, aussi bien dans la qualité que dans le prix de la demi-pension.

«Nous avons été l’un des premiers départements à mettre un tarif unique de demi-pension dans tous nos collèges», souligne Paul Chapouly.
Pour aider les personnels des restaurants scolaires, souvent en place depuis de très nombreuses années, une personne référente, (un ancien cuisinier, ce qui lui assure une certaine crédibilité) a été engagée depuis cinq ans pour réaliser les contrôles sanitaires des demi-pensions mais aussi avoir un rôle d’accompagnement, pour le service, pour toute la démarche de traçabilité des produits.

Produits locaux, filière bio… le Département du Puy-de-Dôme tient à être dans le «mouv» et réfléchit aux pistes des «circuits courts» ; mais, encore une fois, il se heurte à des difficultés inhérentes au territoire. Les producteurs locaux sont souvent des petits producteurs (lait, fromages, viande…), non organisés en filières de distribution qui pourraient répondre aux exigences de quantité, de qualité et surtout de prix de la restauration scolaire.

«Pourtant, nous pourrions tout à fait envisager d’associer d’autres structures comme les maisons de retraite, les entreprises, les communes et autres qui ont des besoins de restauration collective», nous confie Paul Chapouly.
«Les filières locales ne viennent pas vers nous non plus. Je pense qu’il y a une méconnaissance des deux milieux».

Une restauration scolaire pas encore faite de viande Salers, de St Nectaire et de pommes du Limousin mais une restauration «collaborative» sous un aspect : les collèges ont un intranet intitulé «Spidi collèges» dans lequel on retrouve le «Spidi cuisine» qui permet à tous les chefs cuisiniers de pouvoir échanger leurs idées de menus.

L’usage des Nouvelles Technologies pour mutualiser les restaurants scolaires, mais pas seulement. Le Puy-de-Dôme investit aussi dans l’e-éducation. Il a fait rentrer ses collégiens,  avec ses moyens et dans le maintien de l’équité, dans l’ère du numérique.

Du numérique pour l’éducation des collégiens

Le budget éducation représente environ 3,5% du budget global de la collectivité. Et le numérique, environ 3% du budget éducation.
Pas de choix exclusif pour un matériel en particulier, pas non plus de grosse opération ponctuelle telle que l’opération iPad en Corrèze. Investir en masse dans des tablettes ou des netbooks n’est pas la politique du Conseil Général du Puy-de-Dôme.  «Il ne faut pas non plus changer sans arrêt de produit, car l’appropriation d’un matériel se fait sur 2 à 3 ans», souligne Gilbert Taillandier, Référent informaticien à la Direction Education.

L’essentiel est d’équiper petit à petit  les collèges et surtout de renouveler le matériel. «Les établissements ne pensent pas à ce genre de détails, alors que les réseaux, les câblages et les ordinateurs ont besoin d’être renouvelés. Il faut donc prévoir ce budget qui est non négligeable», ajoute Gilbert Taillandier.

L’équipe de la Direction Education n’impose pas de matériel aux établissements. C’est une politique de concertation.
«Les enseignants font une demande d’équipement discipline par discipline ; au chef d’établissement ensuite de prioriser et de le présenter à la Direction Education du Conseil Général, sous forme d’un projet d’établissement», nous explique Isabelle Dequiedt, Responsable du service équipement des collèges.

Les enseignants font donc des demandes de matériel en fonction de la formation qu’ils ont reçu et en fonction de leur motivation ; cela laisse supposer que le matériel sera bien plus utilisé que s’il était amené dans une classe sans projet pédagogique derrière…. 
La concertation est bien le maître mot.

Des collèges équipés de manière hétérogène, en fonction de leurs besoins et qui adhèrent aussi depuis maintenant 5 ans à l’ENT…
En effet, c’est une opération qui monte en puissance d’année en année. Les quatre départements auvergnats et la Région se sont lancés dans la course pour doter collèges et lycées de la même solution ENT (pratique pour assurer la continuité). Le déploiement ne s’est pas fait de la même façon partout…

Un déploiement de l’ENT «à la carte»

Pour le Puy-de-Dôme,  c’est le choix d’un déploiement d’ENT «à la carte» qui a été retenu.
«Certaines collectivités ont décidé que 100% des établissements devraient être déployés en une fois. Le département du Puy-de-Dôme a fait le choix d’un déploiement progressif», nous explique Isabelle Dequiedt.

Les établissements qui le souhaitaient ont donc fait acte de candidature, en mettant en évidence une personne ressources, une équipe porteuse du projet d’établissement et surtout une motivation certaine.
Isabelle Dequiedt : «Pour nous, il nous semblait indispensable de vérifier en amont que le câblage, les réseaux et  le débit soient assurés et que nous puissions accompagner financièrement et matériellement les candidats avant de valider la mise en place d’un ENT. Ainsi, 10 établissements environ ont été retenus par an».

«Et nous ne pouvions décemment pas promettre aux 58 collèges en même temps d’être à niveau pour accueillir l’ENT»! ajoute t-elle.
«On peut penser que les établissements, en faisant acte de candidature, étaient intéressés par l’ENT et qu’ils feront l’effort de l’utiliser», souligne Gilbert  Taillandier.

C’est donc sur la base du volontariat des établissements que s’est mis en place l’ENT dans le Puy de dôme, sur une phase de cinq années depuis 2007.  Le déploiement à l’intérieur même des collèges s’est fait différemment. Certains ont décidé d’ouvrir toutes les fonctionnalités en même temps et d’autres petit à petit. «Chacun a pu s’approprier l’outil comme il l’entendait», souligne Isabelle Dequiedt.

Aujourd’hui, dans 75% des collèges du Puy-de-Dôme, l’ENT fonctionne bien.  

Alors, un déploiement «à la carte» et un bon relationnel avec les établissements, est-ce la méthode à retenir ?

En tout cas, sur ce territoire, malgré des critiques sur la «lenteur du déploiement», comme nous le font remarquer Gilbert Taillandier et Isabelle Dequiedt, l’ENT affiche de bons résultats, au vu des chiffres de fréquentation et d’utilisation.

Sur l’année scolaire 2011-2012 – du 1er septembre au 14 octobre, comparé à la période identique de l’année scolaire 2010-2011, on note une augmentation de 130 % des visites, à hauteur égale pour les enseignants, élèves et parents. Et ces publics ne vont pas sur l’ENT que pour y découvrir les notes ou enregistrer des absences. Chaque usage est concerné ; pour preuve les rubriques vie scolaire, usages pédagogiques et information-communication se répartissent équitablement le nombre de pages chargées (environ un tiers pour chacune).

Même si la réussite ne va pas sans la motivation du chef d’établissement et de son équipe, comme conclusion de Gilbert Taillandier : «Cela dépend beaucoup du Principal, c’est lui qui définit la politique éducative de son établissement».

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