C’est dans ce contexte qu’est actuellement menée l’expérimentation « Grenoble Ville Augmentée« . Cette application pour smartphone, conçue comme support pour la visite d’une ville, intègre des éléments audio, visuels, ainsi qu’un dispositif technique de spatialisation du son.
L’objectif de ce projet est, à terme, d’évaluer la pertinence d’une application de réalité augmentée lors de visites culturelles de la ville. Précisons d’emblée que l’objet de notre communication n’est pas un exposé des résultats de ce projet. Il s’agit en revanche, à partir de ce terrain, de présenter les questionnements sur les liens entre les médiations culturelles, les applications numériques et la mobilité qui caractérisent cette expérimentation.
Il est en effet attendu un certain nombre de nouveautés à partir des usages de cette technologie dite innovante, ce qui nous amène à poser plusieurs questions sur la mise en scène de la mobilité, aussi bien dans les discours produits au sujet de cette application par ses concepteurs que dans les usages constatés auprès des utilisateurs. Comment la mobilité du terminal est-elle prise en compte dans le travail de scénarisation des contenus culturels ? Inversement, comment la conception de contenus prend-elle en compte les conditions concrètes de leur diffusion et de leur appropriation au cours d’une déambulation en partie programmée ?
L’usage du téléphone mobile pour ces visites s’inscrit-il dans une logique de mobilité (usage en déplacement) ou plutôt dans une logique de portabilité (transport du terminal entre chaque usage) ? Quelles formes prennent les médiations culturelles dans un contexte de mobilité comme celui de la visite guidée, quels modes de déambulation et quelles perceptions du territoire de la ville, du patrimoine mis en valeur et de l’espace de la visite sont modifiés (ou non) ? En somme, quelles mises en scène de la mobilité sont construites à travers ces médiations techniques et culturelles ?
L’analyse du projet « Grenoble Ville Augmentée » fait apparaître trois axes de tensions. Tout d’abord, l’étude des mises en scènes proposées amène à relever un paradoxe entre la dimension considérée comme innovante, moderne de la technique et la prégnance (du côté des concepteurs aussi bien que des utilisateurs) de contenus traditionnels et tournés vers le passé.
Toutefois, nous posons l’hypothèse que, comparativement à d’autres systèmes de guidage (visite guidée traditionnelle, audio-guidage), le terminal mobile pose d’une autre façon la question de l’intégration de dispositifs ludiques et de contenus fictionnels, et qu’un lien peut être établi entre mobilités et modes de narration. Ensuite, les mises en scène proposées s’appuient sur les imaginaires socio-techniques du téléphone mobile, tels que l’innovation, l’ubiquité, la télépathie, la liberté, etc.
La problématique du déplacement est au cœur du dispositif à travers la géolocalisation et la possibilité pour le visiteur de construire son propre parcours. Les déplacements observés sont-ils structurés selon ce large éventail de possibles, libérés des contraintes constatées dans d’autres types de visites, ou bien sont-ils reconfigurés par la technique ?
Enfin, l’analyse des retours d’expérience s’attachera à comprendre comment les utilisateurs de cette application combinent au moins trois niveaux de mobilité : spatiale, par la déambulation et les modes de parcours, supposés différents de ceux qu’instaure la visite traditionnelle ; perceptive, sous forme de jeu avec le dispositif de spatialisation du son ; imaginaire, par un voyage mental entre le passé, le présent et un futur projeté, ce voyage faisant l’objet d’une activité de fictionnalisation, en production comme en réception.
Communication scientifique présentée le 30 août sur Ludovia à 10h30 par BORDEAUX Marie-Christine et RENAUD Lise www.ludovia.org
Biographie des auteurs
Marie-Christine Bordeaux, Maître de Conférences en sciences de l’information et de la communication, Université Stendhal Grenoble 3, chercheure au GRESEC
Lise Renaud, Maître de Conférences en sciences de l’information et de la communication, IUT 2, chercheure au GRESEC