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E-mobilité(s) – Corps, techniques, espaces

Ainsi seront abordés les appareils de la mobilité.

Comment, par quoi, c’est-à-dire par quels organes nous est-il permis de nous mouvoir ?

Comment les corps sont-ils appareillés et appareillent-ils pour leurs déplacements ?

Quelles sont leurs prothèses ? Comment se transportent-ils, se (dé)localisent-ils, se disséminent-ils, se rassemblent-ils ? Comment sont-ils en relation et comment communiquent-ils ?

Je commencerais par dire que nous sommes toujours appareillés, et l’expression “être sans appareil” signifie la nudité du corps. Que ce soit nos vêtements, nos voitures, nos téléphones portables, ces appareils sont nos prothèses, qui nous protègent, et nous prolongent. Participent en tant qu’objets techniques de l’augmentation, ou la diminution, de nos corps et nos esprits. Accompagnent nos gestes et extériorisent nos processus mentaux.

Objets techniques par lesquels ceux-ci s’expriment et se symbolisent, et que nous déposons en eux, dans leur mémoire, qui remplace la nôtre, et a fait dire à Michel Serres que cette dernière est de moins en moins dans les sujets et de plus en plus dans les objets. Ces prothèses, ces appareils, ces objets techniques, peuvent aussi être pensés, abordés, comme des organes artificiels.

Organes accessoires aux corps, organismes s’ajoutant ou se substituant aux organismes des êtres vivants. Appareils immobiles, mais dont les mouvements, l’animation, sont mus par la gesticulation, les agissements, les actions, de leurs porteurs, la société des humains. Ou appareils intelligents auxquels on a intégré une faculté d’animation ou d’interactivité, qui agissent en automation ou réagissent à des actions.

C’est donc dans le rapport homme/machine que s’inscrit cette observation des actuelles spatialités à partir des technologies de la mobilité.

On s’intéressera moins aux applications de ces technologies, qu’à ce qu’elles font à l’espace, aux espaces : comment elles le cartographient, le tracent, l’agrandissent ou le rétrécissent, le distordent, le fragmentent ou l’homogénéisent, sinon l’uniformisent, en relient certains ou en isolent peut-être d’autres, etc… Et l’on appréhendera plutôt ce qu’il se passe dans le déplacement, dans la mobilité, dans la communication à distance, entre les corps, les espaces et les techniques, ou via les techniques, les appareils.

On approchera diverses technologies mobiles, et au regard des innovations récentes, on tentera de resituer la conquête de l’ubiquité annoncée par Paul Valéry, d’observer les imaginaires de la traversée, de revisiter la figure littéraire de «l’homme des foules» d’Edgar Poe ou celle poétique du flâneur de Charles Baudelaire, ou d’arpenter sensiblement le déplacement électronique selon les théories de la dérive de Guy Debord, mais surtout d’imaginer de nouvelles poétiques de l’espace, autrement pensées par Gaston Bachelard.

Ce questionnement s’agrémente d’une tentative historicisante allant de la modernité à la mondialité, de l’urbanité à l’ubiquité, au travers des techniques du mouvement et de la mobilité, qu’on pourrait rassembler sous le terme de motricité, et qui ont modifié nos comportements sociaux et nos modes d’être ensemble. Des oppositions terminologiques aideront à les identifier, comme par exemple : fixité/mouvement, lenteur/vitesse, individu/masse, ici/ailleurs, sédentarité/nomadisme, tracés/dérives… De là émergeront peut-être de nouvelles topologies.

Communication scientifique présentée le 31 aout 16h30 par Colette Tron sur Ludoviawww.ludovia.org

Biographie

Colette Tron, née le 4 juillet 1968 à Marseille

Auteur, critique, directrice artistique de l’association Alphabetville

Etudes en communication et sciences du langage.

Après une activité de journaliste culturel, elle s’attache à un travail d’auteur dans le champ de la poésie, en utilisant différents supports de communication de la langue (du livre aux technologies immatérielles) et en questionnant leur fonction par des expériences de création spécifique à chacun d’entre eux.

En fondant l’association Alphabetville (www.alphabetville.org), elle développe une activité critique par un espace de réflexion pluridisciplinaire autour des rapports entre langages et medias, art et technique, technologie et culture, esthétique et société, et a un intérêt particulier pour les auteurs dont l’œuvre se déploie dans différentes disciplines. Ces questionnements et recherches sont restitués par des événements culturels, des rencontres publiques, des conférences, des séminaires de recherche, des colloques thématiques, en favorisant de l’édition (papier et électronique).

Elle a dirigé deux ouvrages : « Nouveaux medias, nouveaux langages, nouvelles écritures » et « Esthétique et société », et a contribué à divers revues et livres. Elle est par ailleurs conseillère éditoriale pour la collection « L’électron musagète » aux éditions l’Entretemps (Montpellier) et sera prochainement membre du conseil éditorial de la revue « Studies in culture and innovation » (Huddersfield, GB). Elle collabore depuis peu aux revues Art press et Mouvement.

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