Le partage, les échanges, la collaboration : le numérique, un puissant levier de formation
Compte-rendu de la table ronde sur les « pratiques pédagogiques » qui a eu lieu pendant Ludovia#14 à Ax-les-thermes le jeudi 24 août.
Table ronde diffusée en direct et disponible en vidéo.
Problématique :
Partager, échanger, contribuer, participer, ces activités ont toujours été au cœur des pratiques actives ; les environnements numériques ont augmenté considérablement les possibilités de les mettre en œuvre. Comment les outils de la collaboration du partage participent-ils à donner du sens aux apprentissages des élèves de la maternelle au lycée ?
Les pratiques de collaboration, de partage sont des étapes nécessaires de l’apprentissage. En quoi le numérique permet-il d’entrer progressivement et activement dans l’appropriation des savoirs, compétences et des connaissances attendues ?
En quoi « collaborer, participer, contribuer » enrichit et transforme les situations d’apprentissage des élèves et les modalités de formation des enseignants ?
Intervenant.e.s : Marcel Lebrun enseignant chercheur, Sophie Edouard enseignante experte à la DNE en physique-chimie, Marc Lopes formateur premier degré et Florence Raffin enseignante AC Poitiers
Animatrice : Sabrina Caliaros, DAN de l’académie de Bordeaux (et DAN de l’académie de Montpellier à compter du 1er septembre 2017).
Le numérique, une condition nécessaire mais qui n’est pas suffisante.
La classe inversée est trop souvent réduite à la maxime « le cours à la maison, les exercices en cours ». Or depuis l’émergence de ce concept il s’est vu enrichi et amplifié par les pratiques des enseignants et les classes inversées devraient plutôt être décrites comme une façon de « redonner du sens à la présence » ainsi que l’explique Marcel Lebrun.
L’enseignant construit son cours comme un voyage, avec ses imprévus, et réfléchit en terme d’activité des élèves. Les classes inversées, grâce au numérique renforcent le travail d’équipe, que ce soit à l’échelle d’une classe, d’un établissement, d’une association professionnelle… L’école s’ouvre à la société.
Pour une intégration raisonnée du numérique
L’entrée du numérique dans les programmes du cycle 1 a pu effrayer car les potentiels effets néfastes sur les enfants sont estimés à l’aune des pratiques numériques familiales. On sait que trop souvent, et dès le plus jeune âge, les enfants sont laissés, trop longtemps, seuls avec des équipements numériques : tablettes, smartphones…
L’intention de l’institution n’est bien sûr pas de transposer dans les salles de classes ce type d’usage solitaire et mutique, mais au contraire de proposer des parenthèses numériques et des usages collaboratifs, coopératifs. Les tablettes permettent de travailler les compétences langagières, très souvent en groupe, d’organiser les échanges entre pairs ou avec les adultes, de structurer la pensée narrative.
Cela exige bien entendu des gestes professionnels pour animer le groupe d’élèves et favoriser les échanges.
Des formations plus efficaces
Les formations numériques à distances ou les dispositifs hybrides interrogent la place de l’enseignant dans la formation continue. S’engager et s’impliquer dans une formation professionnelle n’est pas ancrée dans la culture enseignante. Or on constate que les formation hybrides (type M@gistère) entraînent une plus grande participation des stagiaires, en particulier quand il est question de mutualiser dans le cadre d’un groupe identifié.
C’est sans doute dans ce sentiment d’appartenance à un groupe réflexif de professionnels, dans le suivi des activités via les plateformes de mutualisation et dans la relation horizontale entre formés et formateurs qu’il faut chercher les raisons de cette efficacité renforcée.
Produire et mutualiser des ressources
Les environnements numériques ont augmenté et enrichi les possibilités de mutualisation. Depuis plus de 10 ans, les TRavaux Académiques Mutualisés (TRaAMs ) offrent la possibilité aux équipes de différentes académies de travailler et d’enrichir leur réflexion autour de projets communs. Les enseignants se sentent souvent isolés, ces travaux leur permettent de s’inscrire dans une démarche collaborative et de participer à un projet commun.
Outre la production et la mutualisation de ressources, les TRaAMs sont d’excellents laboratoires de création et d’échange entre classes.
Cette démarche est d’autant plus pertinente que les différentes évaluations internationales (PISA, TIMSS, PIRLS) intègrent désormais une vision enrichie de l’évaluation, autour des compétences de réflexion, d’expérimentation, d’habileté à utiliser des simulations ou à développer une démarche de recherche.
Faut-il avoir peur du numérique ?
Le numérique ne remplacera jamais l’enseignant. Mais le numérique permet aux enseignants de libérer du temps pour être plus efficace dans leurs classes, auprès des élèves qui en ont le plus besoin.
La progression dans l’intégration des outils numérique a été modélisée par Ruben R. Puentedura : c’est le modèle SAMR (Substitution, Augmentation, Modification et Redéfinition).
Au départ l’enseignant transpose une tâche de l’analogique au numérique (la vidéo du cours par exemple) sans la modifier. Il va ensuite ajouter des situations au sein de la classe (par le BYOD par exemple), avant de commencer à proposer des situations pédagogiques différentes. Ce n’est qu’ensuite qu’il pourra mettre en œuvre des pratiques inédites pour lesquelles le numérique est indispensable.
« Avant j’enseignais. Aujourd’hui, je crée des situations d’apprentissage. »
La nouvelle posture de l’enseignant (et celle de l’élève!) induite par le numérique est parfois déstabilisante. Mais elle procure une réelle plus-value quant à la motivation. Non seulement parce qu’elle aurait l’attrait de la nouveauté ou parce qu’elle utiliserait des outils familiers pour les élèves, mais bien parce qu’en utilisant des méthodes pédagogiques dites « actives », elle agit sur des leviers forts en matière d’apprentissage.
C’est en 1994 que Paris et Turner définissent les « 4 C », proches des facteurs de motivation de R. Viaud. Ces « 4C » sont le Choix, le Challenge, le Contrôle et la Coopération. Il s’agit d’offrir un espace de liberté aux élèves, de leur proposer des défis et des travaux coopératifs dans un cadre défini et rassurant, clairement borné par l’enseignant. On peut le réaliser sans le numérique, mais le numérique (par exemple dans le cadre des classes inversées) est parfois indispensable. Faisons confiance aux élèves et aux enseignants !
Auteur de la synthèse : Mila Saint Anne
Pour aller plus loin :
• Les TRaAMs présentés sur Eduscol
• Les Édubases
• Le blog de Marcel Lebrun
• Le portail de l’association Inversons la classe !
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