Numérique en classe : élève t-on nos enfants hors-sol ? 1er article, droit de réponse
Suite à un article de M. Philippe Bihouix le 02 septembre dernier « Avec l’école numérique, nous allons élever nos enfants « hors-sol », comme des tomates » paru ici, Ludomag a souhaité interroger ses lecteurs et chroniqueurs et leur accorder un droit de réponse. Démarrons donc notre série avec Ninon Louise Lepage, pédagogue franco-canadienne et chroniqueuse pour Ludomag… qu’on ne présente plus !
Sans revenir à la chandelle . . .
Monsieur Philippe Bihouix, ingénieur, homme instruit et observateur des réalités minéralogiques contemporaines a judicieusement exposé par le passé les limites des ressources de notre planète. Ce constat l’a peut-être mené à réfléchir sur le bien-fondé de l’usage des outils technologiques consommateurs de minéraux rares. Dans ce contexte, il n’y a sans doute qu’un pas pour questionner la pertinence de la promotion du numérique par l’Éducation nationale et s’assurer du même coup le support de ceux que cette réforme effraie.
Monsieur Philippe Bihouix appuie partiellement son plaidoyer contre l’école numérique sur le soi-disant rejet du numérique à l’école par les gourous de Silicon Valley. Peut-être ces parents très riches désirent-ils que l’école apporte à leurs enfants ce que l’univers technologique qui les entoure ne sait pas leur offrir ? Ces enfants ont toutes les technologies à la maison et des parents qui savent très bien leur apprendre les secrets de leurs usages.
Monsieur, tout comme vous avez su ouvrir vos yeux sur les ressources minéralogiques limitées de notre planète, j’aimerais que vous jetiez un regard tout aussi « scientifique » et « réaliste » sur la société autour de vous.
Ces « digital natives » ont réellement un portable à l’oreille et le langage SMS qu’ils utilisent ne leur vient ni de leurs parents, ni de l’école.
La lecture de l’article du 2 septembre de Libération : « Avec l’école numérique, nous allons élever nos enfants «hors sol», comme des tomates », me déçoit. On y lit tous les clichés anti-numérique véhiculés un peu partout depuis quelque temps déjà. C’est dommage qu’un homme qui a su analyser avec tant de justesse les limites des ressources de notre planète n’ait pas étudié un peu les fondements de l’usage du numérique à l’école, ni observé quelques-uns de ses nombreux usages avant de se prononcer.
Quantité d’enseignants de France intègrent avec intelligence et créativité les technologies numériques à leur pédagogie et initient leurs élèves à cette culture, pas si nouvelle maintenant, dans laquelle nous baignons.
Pour terminer, il me semble Monsieur que vous rêvez d’une école pour les élites, « ces enfants bien élevés » qui apprennent selon la tradition bourgeoise, les bonnes manières à table, les bonnes manières à l’école, qui savent s’ennuyer poliment et devenir « poètes » en attendant de reprendre traditionnellement la profession ou l’entreprise familiale.
Dans une société fondée sur « fraternité » et « égalité », l’école a le devoir d’éduquer tous ses citoyens, même ceux dont les parents ne peuvent pas leur enseigner les écueils de l’usage des technologies numériques ni les éveiller au potentiel de ces technologies et de cette culture du 21ème siècle.