POINT DE VUE

Mon ami (ou ennemi ?) numérique

Ninonlouise_aminumerique_290915

Toute procédure pour en limiter l’usage, l’accès, l’omniprésence et l’omnipotence semble infructueuse ; les élèves résistent.

Le « monstre » est à nos portes, il s’incruste dans nos foyers, dans nos écoles. Il séduit nos enfants, les incite même à la rébellion. Il leur apprend mieux que nous tant de choses, plusieurs dont nous ignorons l’existence même et tant de bêtises aussi.

Mon ami numérique est pourtant l’assistant idéal ; jamais il ne revendique ; il accomplit à ma convenance toutes les tâches que je lui assigne.
Il enregistre rigoureusement : le nom de mes élèves, leurs photos, leur date de naissance, leurs adresses et celle de leurs nombreux parents, leurs présences et leurs absences, leur horaire de cours et leurs résultats aux multiples activités éducatives auxquels ils s’appliquent.

On peut en grande confiance lui confier la tâche de proposer aux élèves quantités d’exercices dont il me donnera les résultats. Il a toutes les patiences pour faire répéter la kyrielle d’applications d’arithmétique ou de grammaire auxquelles que je désire astreindre l’écolier.

Il m’indique les difficultés de l’un ou de l’autre dans un domaine d’étude singulier. Je peux ainsi suivre la progression de mes élèves. Il transposera par lui-même les résultats du travail de ces derniers dans mon cahier de gestion de classe.

Je communique sans souci et au moment qui me convient avec mes élèves et leurs parents. De plus, il me permet de visionner à toute heure l’une ou l’autre des phénoménales créations de mes petits chéris.

Mon ami numérique encourage le développement de la créativité de mes écoliers.

Malgré ses airs savants et supérieurs, mon ami numérique n’a pas encore la perspicacité de l’intelligence humaine. Il n’est pas sensible aux subtilités, à moins qu’on lui ait appris à l’être, ce qui en limite la portée. Il n’exécute que les tâches programmées.

Mon ami numérique, malgré la douce voix de Siri, n’interprète que ce qui est planifié ; mon ami numérique est indifférent à ma frustration.

Mon ami numérique n’a pas l’esprit critique ; il est ouvert et naïf, mais aussi généreux.

Il invite tous les écoliers du monde à apprendre à lui parler : Scratch, Python, Javascript, MIT App Inventor . . . et il reçoit chez lui le meilleur et le pire.

À moi, éducateur, appartient la difficile tâche d’apprendre au « Petit de l’Homme » à soumettre ce nouveau compagnon de vie, à apprivoiser cette bête omniprésente.  Je dois dénoncer la multitude de pièges que lui tend ce séduisant compagnon, lui expliquer que cette phénoménale machine peut malheureusement lui présenter quantité de fausses informations.

Comment enseigner aux petits et aux grands à en faire le tri ? Comment leur apprendre à se comporter et à faire la part des choses ?

Apparemment les écoles semblent ne monter que très lentement dans le train technologique. Cependant, tous le voient arriver en gare. L’étape de la sensibilisation est dépassée et plusieurs sont craintifs.

Et maintenant, il nous faut déjà prévoir l’étape de la gestion du trop. Comment moi, éducateur qui travaille en classe toute la journée, comment me retrouver parmi les 80 000 et plus applications éducatives de l’iPad, les milliers de vidéos fantastiques et instructifs que m’offre YouTube et que choisir parmi les centaines de MOOC et Webminars auxquels je devrais assister pour parfaire ma formation?

Ami numérique, peux-tu ralentir la rotation de la Terre pour que mes jours aient 50 heures?

Crédit photo : Ryan McGuire, GRATISOGRAPHY
http://www.gratisography.com

 

 

Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

To Top