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La consommation des biens numériques d’occasion sous l’angle du droit

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Le marché des biens numériques d’occasion a connu un début de développement via différentes plateformes en ligne. On entend par là la revente de fichiers légalement téléchargés une première fois par un utilisateur. Ceux-ci peuvent être de diverses natures, bien que les exemples les plus courants concernent la musique, les livres numériques, ou encore les artefacts de jeux vidéo. Ce marché a néanmoins connu un coup d’arrêt suite à plusieurs décisions de justice européennes et américaines.

En effet, l’existence de ce marché pose une importante problématique sur le plan juridique. Le marché des biens culturels s’est historiquement attaché à approprier les circuits de distribution, à travers l’exclusivité attachée aux droits de propriété intellectuelle (principalement les droits d’auteur et les marques). Cette exclusivité s’est ainsi étendue à la distribution des biens numériques, entendue traditionnellement comme la première mise en vente des biens en cause.

Pourtant, c’est là qu’apparaît une différence fondamentale entre les biens numériques et les biens physiques. Ces derniers se distinguaient entre le marché du « neuf » et celui de « l’occasion ». La perte de valeur, liée à l’usure de l’exemplaire, justifiait l’existence de ces deux circuits de diffusion. Cette caractéristique ne se retrouve nullement à l’égard des biens numériques, lesquels peuvent être conservés et dupliqués sans altération.

C’est la raison pour laquelle le marché de l’occasion serait une pure conception de l’esprit. Sur le plan économique, l’existence de ce marché concurrence évidemment la première mise en ligne de ces contenus, ce qui remet en cause l’exclusivité attachée à la distribution. C’est, à ce jour, le principal motif pour lequel le marché des biens numériques d’occasion est à ce jour au point mort.

Pour autant, sur le plan juridique, il n’est pas certain que le régime des biens numériques soit différent de celui des biens physiques. Le droit de propriété dont dispose le consommateur lui permet de disposer de ce bien, ce qui inclut nécessairement la cession onéreuse. Une telle faculté pose bien sûr la question de savoir si cet utilisateur peut conserver une copie du bien en cause.

La possibilité de reproduire le bien numérique contredit encore l’exclusivité attachée aux droits de propriété intellectuelle et remet en cause leur modèle économique. Il est cependant possible de contrôler le nombre de copies d’un fichier à travers des mesures techniques de protection. L’exception de copie privée peut également bénéficier à l’utilisateur dès lors qu’il n’en fait qu’un usage privé. Ces arguments militeraient en faveur d’un marché régulé des biens numériques d’occasion. Inversement, on peut se demander quelle est vraiment l’étendue du droit de propriété dont dispose le consommateur, y compris sur le plan physique.

L’acquisition du support d’une œuvre n’a jamais conféré à son propriétaire un droit de diffusion publique de celle-ci. Tout juste disposait-il d’un droit d’utilisation privée, la copie privée étant l’un des moyens d’exercice de ce droit. Le problème avec les biens numériques vient de leur propension naturelle à la duplication, ce qui remet en question la distinction entre l’usage public et l’usage privé. Au-delà, le débat comporte d’importantes incidences sur la portée de la liberté de communication numérique, au niveau de l’appropriation des idées et informations. Enfin, on peut aussi s’interroger sur la notion même de bien au regard du numérique.

Le bien est-il constitué du fichier ou bien du droit d’utiliser celui-ci ?

Ce sont là autant de questionnements que nous nous proposons d’étudier sur le plan juridique.

Méthodologie

Section 01 – Droit privé

La contribution entend disserter sur des aspects à la fois pratiques et théoriques relatifs au marché des biens numériques d’occasion. Les principales jurisprudences rendues en la matière donneront ainsi lieu à un commentaire critique, en attirant l’attention sur les droits des utilisateurs. Au-delà, nous entendons examiner la portée de ce débat sur la notion même de « bien numérique ».

Bibliographie

  • CHERQUI S. et EMILE-ZOLA-PLACE E., « Retour sur la licéité du marché secondaire des biens culturels numériques à partir de la décision américaine ReDigi c/ Capitol Records du 30 mars 2013 », LP, juin 2013, pp. 343-349
  • LUCAS A., Note sous US District Court for the Southern District of New York, 30 mars 2013, Capitol Records, LLC vs ReDigi Inc, PI, juillet 2013, pp. 308-310
  • MARINO L., « Les défis de la revente des biens culturels numériques d’occasion », JCP-G, 2 septembre 2013, pp. 1558-1559
  • VERCKEN G., « Vers un marché de l’occasion des biens culturels numériques ? », note sous CJUE, 3 juillet 2012, n° C-128/11, UsedSoft GmbH c./ Oracle International Corp, LP, mars 2013, pp. 146-151

Voir le programme complet du colloque scientifique Ludovia#11
Voir la bio de Philippe Mouron sur Ludovia 2014

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