La matière EPS bénéficie d’un avantage considérable sur les autres disciplines. Elle permet à l’individu de s’évaluer sur son potentiel en terme de capacités, tout en développant les compétences permettant de progresser au travers de la compréhension des tâches, en optimisant les marges de progression.
La place du numérique peut devenir prépondérante et tend à se justifier dans les pratiques professionnelles.
Quels sont les axes sur lesquels nous devons nous appuyer et valoriser la production de contenus numériques appropriés ? Quelle est la nature de ces contenus au regard de ceux déjà produits ?
Un rapport au corps qui personnalise fortement l’utilisation de l’objet numérique
Commencer d’abord par l’Ecole qui propose et développe un numérique personnel multitâches et généraliste.
C’est le rôle des ENT où l’espace personnel est devenu l’argument numéro un de la justification des usages.
Un espace personnel conditionné par un tenant fort : l’accès sécurisé.
On peut alors se poser la question de l’intérêt de cette hyper personnalisation au regard de l’information délivrée. Une fois dépassée la consultation des notes, la validation des compétences et les quelques messages personnels adressés dans le cadre de travaux spécifiques, quels contenus numériques peuvent se promouvoir de la valeur d’une considération personnelle ? Il en existe forcément, mais au regard des pratiques généralisées actuellement, quelle réalité ?
Cela pose donc la question de l’intérêt.
Sans dématérialisation forcée des supports des exemples cités précédemment, ainsi que la numérisation des manuels et autres ressources plus classiques, pourrions-nous constater une tendance au développement de la pratique du numérique ? La capacité conséquente de la technologie n’attire-t-elle pas parce qu’elle limite les efforts personnels de recherche, de réflexion et d’analyse, en apportant des ressources « clé en main« , là où un effort supplémentaire était demandé auparavant ?
Développons encore le sujet. Parlons des contenus maintenant. Nous ne pouvons pas dire qu’ils soient minimes aujourd’hui. La « numérisation » abonde considérablement les ressources. Les sites et portails s’organisent pour mieux définir leur offre de connaissance ; les outils même, se transforment pour proposer un nomadisme performant où l’argument premier est de tout avoir sous la main.
Transporter sur soi et n’importe où avec soi, dans un objet à la mode, le contenu d’une bibliothèque ! Quel merveilleux argument… Quand en plus, on peut photographier, filmer, rédiger, calculer, et parfois… se connecter à internet, cela devient un luxe considérable.
Oui ! Mais au final ?
Dans une récente publication, Jean-Paul Moiraud, fait état du nouveau rapport au corps et à l’environnement qu’induit l’apprentissage avec les écrans. Le 12 juin 2014, France Info diffusait sur les radiotextes des voitures : « activité Physique, les jeunes sont de moins en moins dynamiques... »
Et pourtant… Si j’allume aujourd’hui le poste de télévision, je peux y voir, à grand renfort de publicité, que le numérique se personnalise et rend des services considérables à l’individu, en particulier dans la connaissance de soi, dans sa motivation et son auto-évaluation. Il se vend et s’achète parce qu’il propose des services que suscitent un intérêt personnel. Mon smartphone est mon multi-outil du quotidien où s’organise ma vie du cadre personnel au cadre professionnel… Mon smartphone devient mon coach sportif !
Quels freins, de ce fait, au développement des usages du numérique dans le système éducatif ? Quels freins, mais aussi quelles solutions ?
De manière plus concrète, l’angoisse réside dans le contenu… C’est le cas très précis de l’ensemble des disciplines qui utilisent le numérique comme un formidable lieu de culture et de connaissance. Parmi les premières erreurs faites et très vite constatées, les liens hypertextes à tout va, proposés comme une formidable richesse et que l’on a même trouvé sur des clés USB à destination des élèves.
Quel intérêt y avait-il à s’échiner à remplir des supports qui renvoyaient vers d’autres supports ? Par la suite, il y a la volonté de transformer l’existant. C’est ce que j’ai placé de manière prédominante en introduction. Ces 2 étapes ont été nécessaires, mais ne sont pas essentielles pour aider à construire une avancée dans l’ère du numérique. Elles l’ont été pour y entrer.
De ce point de vue, en EPS, nous misons, non pas sur l’absorption, mais sur la production ! Le débat est lancé…
En effet, le support reste et demeure le corps, que l’on ne digitalisera pas pour le plaisir d’un numérique intrusif et envahissant dans les apprentissages. Le contenu, l’apprentissage et la validation demeurent des faits du mouvement que le numérique peut aider à analyser, construire ou corriger, mais il ne le remplacera pas.
Il n’en est pas de même autour de la production des exercices ou raisonnements où l’activité de l’élève tend à se réduire en se rationalisant. Le premier effet de cet aspect est que les contenus proposés se standardisent et leur manque d’originalité produit une lassitude et un rejet parfois.
Il n’en est rien dans un numérique de terrain qui, alors qu’on pourrait lui opposer de produire également une simple transformation des pratiques, propose la connaissance immédiate du résultat et la présence d’un professionnel pour les analyser et permettre à l’élève de progresser.
Il s’agit bien ici de promouvoir l’outil numérique comme un moyen de personnaliser la pédagogie tout en ne surchargeant pas les enseignants de tâches conséquentes qui tendraient à éloigner du potentiel numérique perçu comme lourd et contraignant.
J’ai récemment pu entendre Sophie Pène déclarer l’idée d’un numérique qui permettrait à l’enseignant de délivrer sereinement son savoir (#ed21 #numa , jeudi 7 novembre Paris), et je lui signalais que c’était déjà le cas en EPS où sur le terrain, la culture numérique des élèves, ou du moins cette partie intuitive guidée par des outils adaptés, produisait ces effets escomptés en y permettant un positionnement très différent du professeur ; un positionnement qui le rapproche des élèves par un savoir partagé de manière plus performante.
Il me semble qu’aujourd’hui, nous avons plus à gagner à réfléchir sur la manière dont on produit des outils et comment on veut qu’ils soient utilisés, qu’à vouloir les imposer dans des formes vues et revues.
Il est profondément inutile de remplacer un livre par une tablette, de la même manière qu’il est inutile de remplacer un chronomètre sans en avoir pensé les nouvelles fonctions.
Sur la base de ce constat manichéen, se posera comme une évidence le fait que le niveau d’apprentissage d’un groupe se confrontant au numérique demeurera équivalent à un autre fonctionnant de manière plus classique, y compris dans le cas potentiel d’accès à de plus nombreuses ressources, même avec un accompagnement des usages…
Crédit photos : Martial Pinkowski