Dans le même temps, suite à l’engouement pour les fictions ludiques et le fantastique, on voit émerger de plus en plus de fictions cross-média : fictions intégrant, pour une même histoire, une diffusion synchronisée sur plusieurs supports : films, séries télévisées, livres, jeux vidéos, etc.
Ces productions amènent le spectateur à découvrir une histoire, un univers, en navigant sur les différents supports mis en place pour porter la fiction (film, jeu, etc.).
Suite à ces constats, une idée s’impose naturellement : pourquoi ne pas utiliser la fiction pour faire découvrir le patrimoine aux jeunes ? La mise en pratique est cependant plus complexe. Cette approche a en effet déjà été envisagée de différentes manières : jeux éducatifs comme Versailles 1685 : Complot à la Cour du Roi Soleil ; accent mis sur les légendes lors des visites de monuments ; etc. Cependant, les jeux vidéos n’enjoignent pas les joueurs à se rendre physiquement dans le monument ou le musée et l’accent sur les légendes lors des visites n’est intéressant que pour ceux qui ont déjà franchi le seuil du monument.
Il se pose alors une nouvelle question : comment la fiction, le jeu et le plaisir qu’on éprouve en la vivant peuvent-ils inciter les 15-25 à se rendre physiquement dans des lieux culturels pour y découvrir in situ le patrimoine ?
Les auteurs, respectivement spécialisées dans la création de productions transmédia et dans l’aspect esthétique et créatif des jeux de rôles en ligne ont été invitées par l’administrateur adjoint de la Basilique de Saint-Denis à réfléchir sur ce problème.
En réponse à ces questionnements, les auteurs ont conçu l’évènement nommé « Les Mystères de la Basilique » destiné à faire connaître le patrimoine, l’histoire et l’architecture du centre-ville de Saint-Denis aux jeunes de Seine-Saint-Denis.
Cette création hybride les spécialités des deux auteurs. En effet, le projet « Les Mystères de la Basilique » est d’une part une oeuvre transmédia, un ARG (Alternate Reality Games soit jeux à réalité alternée). C’est un jeu qui propose aux participants de vivre une aventure pluri-supports immersive mêlant mondes physiques et numériques. Le spectateur devient dans le cadre de ce jeu un « spect-acteurs » : actif et réactif, il crée sa propre histoire, mène sa propre enquête au sein de la fiction qui lui est proposée.
D’autre part, les auteurs ont proposé d’adjoindre à l’ARG « Les Mystères de la Basilique » des systèmes de jeux de rôle en ligne. Les jeux de rôles en ligne se sont en effet révélés extrêmement populaires auprès des adolescents et jeunes adultes, générant un investissement important de leur part et incitant au jeu en groupe et à la formation d’une communauté ludique.
Par ailleurs, nous avons émis l’hypothèse que le centre-ville de Saint-Denis recelait en lui-même une part de légendes, de fantastique, de beauté et de magie considérable. Si à travers cet évènement, les joueurs pouvaient s’en apercevoir, alors leur intérêt pour ces lieux serait considérablement augmenté.
Pour préserver le fragile équilibre entre plaisir de jeu et apprentissage, nous avons pris le parti de ne dévoiler ni le but culturel du jeu, ni aucun partenaire avant la fin de l’évènement, laissant ainsi toute sa place à la fiction et au jeu. Nous souhaitions que les joueurs découvrent le patrimoine culturel à travers les énigmes et la narration, qu’ils jouent donc avant tout pour le plaisir du jeu, pour le plaisir de découvrir la fiction et pour le plaisir esthétique lié aux installations présentées. La découverte du patrimoine était donc envisagée comme un effet secondaire, mais néanmoins inévitable.
À travers cette communication, nous proposons tout d’abord d’étudier les éléments du plaisir fictionnel et ludique qui ont été utilisé dans le cadre du projet pour inciter les joueurs à découvrir d’une manière atypique le patrimoine de la ville de Saint-Denis.
Nous examinerons ensuite l’adaptation de ces outils de création du plaisir fictionnel et ludique au contexte particulier des « Mystères de la Basilique » : un jeu à réalité évènementiel, destiné aux 15-25 ans, inscrit dans un territoire au patrimoine extrêmement riche mais peu connu.
Nous étudierons enfin les retours d’expérience des joueurs et l’impact de cet évènement sur l’intérêt porté par les jeunes aux lieux patrimoniaux de la ville de Saint-Denis.
Source : Karleen Groupierre et Edwige Lelièvre