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Des jeux vidéo pour l’apprentissage ?

Qu’entend-on par jeux vidéo éducatifs?
On peut définir les jeux vidéo éducatifs comme toute application informatique intégrant des aspects à la fois ludiques et éducatifs. Certains jeux sont présentés sous forme de cartes thématiques ou temporelles à explorer, d’autres permettent de manipuler, créer ou simuler des environnements complexes où le joueur tient un rôle actif dans une quête à accomplir, un problème à résoudre ou un apprentissage à effectuer. En fait, la problématique que soulèvent les questions posées plus haut n’est pas nouvelle, particulièrement dans le champ des études en sciences de l’éducation. Squire (2002) cite Wentworth et Lewis (1973), deux chercheurs ayant synthétisé près d’une cinquantaine d’études concernant l’apprentissage par le jeu. Leur conclusion démontrait que dans la majorité des études recensées, les apprenants qu’on avait soumis à des expériences d’apprentissage par le jeu n’avaient pas mieux ou moins bien réussi que ceux soumis à des scénarios d’apprentissage plus classiques, mais qu’ils avaient néanmoins bénéficié d’un sentiment d’engagement lié à l’activité ludique.

Quant aux critères déterminant la qualité de l’expérience ludique (jouabilité), j’ai énoncé, dans ma thèse doctorale portant sur la conception de jeux vidéo éducatifs (St-Pierre, 2007), certains éléments pouvant servir de repères. Le présent article fournit une série d’exemples catégorisés selon les domaines d’étude de l’éducation supérieure, plus particulièrement la formation collégiale. Ces exemples ont été sélectionnés en fonction de plusieurs critères qualitatifs : pertinence par rapport aux compétences à atteindre, à la facilité d’usage et d’appropriation, au caractère ludique ainsi qu’aux applications orientées vers la collaboration. En conclusion, vous trouverez quelques pistes de réflexion qui suggèrent des éléments d’exploration pour le développement de la recherche dans le domaine.


Qu’est-ce qui nous motive à nous livrer à des jeux vidéo?
Pour développer un environnement de jeu permettant l’apprentissage et motivant, il faut respecter un certain nombre de critères qualitatifs. Dans une importante étude d’une quarantaine de jeux vidéo éducatifs (Dempsey et autres, 1997), on a réussi à les formuler. De façon générale, l’étude stipule que pour être engageants et favoriser l’apprentissage, les jeux doivent fournir des instructions claires, un niveau de motivation et de défi suffisant, et enfin, la possibilité d’avoir le contrôle sur certaines options comme la vitesse, le degré de difficulté, les effets visuels et sonores, le type de rétroaction. Certains éléments d’ordre esthétique, comme le design de l’interface graphique et sonore, les couleurs, le texte, les animations et la qualité graphique, étaient aussi au nombre des considérations importantes. Les fonctions de positionnement, d’aide, de trucs et astuces étaient aussi appréciées. Dans la majorité des cas, les répondants ont dit aimer les jeux intégrant des scénarios ou des récits déjà connus.

Dans une autre étude conduite en 2001 par la British Educational Communications and Technology Agency (BECTA) concernant l’usage des jeux vidéo en éducation, une série de recommandations ont été soumises :
•    les applications devraient inclure un objectif pédagogique clair;
•    les équipes de développement devraient comprendre des enseignants et des élèves durant tout le cycle de développement des projets;
•    les projets devraient intégrer un large éventail d’objectifs d’apprentissage;
•    le rôle de l’enseignant ou de l’enseignante «in situ» devrait être pris en compte;
•    des scénarios pédagogiques devraient permettre que des discussions et des échanges entre élèves et enseignants puissent effectivement avoir lieu.


Facteurs de motivation : le concept de flux de Csikszentmihalyi
L’impact des jeux vidéo sur l’aspect motivationnel de l’apprentissage est étudié depuis une trentaine d’années. Malone (1980) a développé une théorie selon laquelle les éléments clés permettant d’augmenter la motivation par le jeu étaient les notions de défi, de fantaisie et de curiosité. Faisant suite à ce premier jalon théorique, Jones (1998) et Prensky (2001) ont proposé un ensemble de critères favorisant la notion d’engagement dans un jeu. Ces théories puisent largement dans le concept de flux (flow) de Csikszentmihalyi (1975). Malone (1980), puis Prensky (2001) interprètent la théorie du flux de la façon suivante : dans l’état de flux, le problème proposé et notre habileté à le résoudre sont en équilibre. Cette notion se retrouve dans une multitude d’activités comme le travail, le sport et l’apprentissage. Le flux représenterait un état d’immersion physique et mental dans lequel une personne serait tellement engagée que plus rien d’autre autour n’aurait d’importance.

Quelques caractéristiques permettent de mieux définir l’état de flux :
•    L’activité doit être structurée de manière que la personne puisse augmenter ou réduire le niveau de difficulté du défi proposé, afin d’être en phase avec les exigences du projet et son niveau de compétence;
•    L’activité doit être isolée d’autres stimuli, externes ou internes, du moins sur le plan perceptuel;
•    Les critères de performance doivent être clairs et permettre de savoir à tout moment comment on progresse face à un objectif;
•    L’activité doit donner une rétroaction concrète à la personne de manière qu’elle puisse percevoir comment elle réussit à satisfaire les critères de performance;
•    L’activité doit proposer un éventail de défis ou d’objectifs à atteindre, et possiblement plusieurs niveaux de difficulté pour chacun de ces défis, permettant ainsi de construire une compréhension de plus en plus complexe d’un problème.

[…]

Contraintes à l’implantation des jeux vidéo dans l’apprentissage

L’usage de jeux vidéo dans le contexte de l’enseignement semble encore un phénomène relativement isolé. Néanmoins, dans trois études provenant du Royaume-Uni, on a tenté de comprendre comment certains types de jeu vidéo pourraient être utilisés en classe (Becta, 2001; McFarlane et autres, 2002; Kirriemuir, 2002). Ces études ont par ailleurs révélé des contraintes relativement à l’implantation de ces jeux dans l’apprentissage :

Difficulté pour les enseignants non formés à identifier ce qui serait pertinent d’un point de vue pédagogique dans tel ou tel jeu et quelles sont les relations possibles pouvant être établies entre le jeu et le curriculum;

Difficulté à promouvoir le potentiel éducatif et pédagogique des jeux vidéo au sein du corps professoral;

Manque de temps et de ressources pour se familiariser avec les environnements de jeu et développer des scénarios pédagogiques efficaces intégrant des jeux vidéo dans le curriculum;

Difficulté à se concentrer exclusivement sur les éléments pertinents d’un jeu, trop de fonctionnalités venant distraire l’utilisateur.

Dans le même ordre d’idées, une étude menée par Squire (2003) démontrait que le principal obstacle à l’usage de jeux vidéo en classe était le temps imparti simplement pour que les étudiants et le professeur puissent s’orienter efficacement dans un jeu. Squire décrivait dans son étude l’usage d’un jeu de simulation historique en classe pendant plusieurs sessions; il faisait remarquer qu’un effort considérable devait être déployé par le personnel enseignant afin de s’assurer que les étudiants soient en phase avec les consignes de jeu. Parallèlement, les problématiques techniques d’accès et d’usage des équipements matériels étaient aussi considérées dans cette étude.

Plus d’informations et article complet de René Saint-Pierre sur : http://clic.ntic.org/cgi-bin/aff.pl?page=article&id=2142

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