La question du jeu dans les expositions d’art contemporain semble incontournable aujourd’hui si on fait le constat des nombreuses œuvres qui proposent une dimension interactive et ludique. Mais il est intéressant de constater aussi que des jeux-vidéos ont été conservés récemment au Musée d’Art Moderne de New York. Ainsi, nous évaluerons dans un premier temps des points de rencontre entre œuvres d’art et jeux-vidéos pour suggérer des hybridations entre conduites artistiques (Schaeffer) et attitudes ludiques (Henriot). Pour rendre compte de la nécessaire remise en question d’une catégorisation stricte de ces activités, le corpus proposé reposera principalement sur l’étude d’un jeu vidéo qui a été conservé au Musée d’Art Moderne, ainsi que d’une installation personnelle pouvant être qualifiée de jouable.
Notre approche de ce corpus posera alors la question de l’appropriation et du détournement à travers une dialectique entre emprise et lâcher prise. Abordant des problématiques de société de contrôle et de surveillance à l’ère des nouvelles technologies, les créations présentées interrogent nos rapports aux dispositifs, mais aussi l’emprise que ces derniers exercent sur notre habitus ainsi que nos capacités (ou incapacités) à les détourner, les déjouer ou les profaner (Agamben) pour enfin se les approprier. Cette question semble incontournable alors même qu’une inquiétude se fait sentir face à des phénomènes d’esthétisation du monde (Lipovetsky, Serroy) ou de dissémination vidéoludiques dans nos sociétés (Lavigne). En s’appropriant des schèmes cognitifs qui sous-tendent les pratiques artistiques et ludiques, ces tendances semblent bien jouer sur nos désirs de lâcher prise, mais à des fins de productivité et de rentabilité économique. Nous opterons donc, à l’instar de Stiegler, pour une réhabilitation de la pratique au détriment de l’usage concernant les produits de notre société, que ces derniers soient catégorisés comme des objets techniques, des objets numériques, des œuvres d’art ou bien des jeux.
Positionnement scientifique
D’un point de vue méthodologique, je souhaite aborder ce sujet de manière dialectique à travers une démarche de création recherche, approche qui est chère aux chercheurs du LARA (Laboratoire de Recherche en Audiovisuel). Personnellement impliqué activement au sein d’une association d’artistes (Patch_work, arts émergents), j’effectue en relation avec ma pratique artistique des résidences d’artistes, des ateliers pédagogiques et participe notamment à l’organisation de manifestations culturelles. Mon propre travail de création vient donc enrichir mon travail de recherche dans un dialogue toujours fécond entre la pratique et la théorie.
Cette approche relie donc une réflexion d’ordre individuelle tournée vers la compréhension subjective de l’art, avec une approche plus scientifique qui permet l’échange et le partage des connaissances. Elle s’inscrit plus généralement comme une démarche de théorie de l’art et par l’art.
Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique
A propos de l’auteur Raphaël Bergère