1/Contexte théorique et problématique
Nous allons nous intéresser dans ce travail de recherche à l’appropriation et aux détournements d’outils de création de jeu vidéo, par un groupe de lycéens en situation particulière. Le groupe auquel nous nous intéressons est mixte, composé de 5 décrocheurs scolaires et de 5 primo-arrivants qui ne partagent pas nécessairement la même maitrise cognitive et technique des artefacts. De plus, ayant des contextes de vies différents ils n’entreverront pas forcément les mêmes possibilités offertes par le dispositif socio-technique proposé (possibilités de revalorisation, d’Empowerment, de loisirs etc.). Nous faisons l’hypothèse que les différences soulevées ci-dessus, vont participer à différents temps et mode d’appropriation des outils et nourrir une diversité de détournements.
La boucle itérative des usages2 (au sens de pratiques socialisées) vise à décrire les étapes successives de la formation des usages.
Le point de départ sont les techno-imaginaires3 qui sont plus ou moins stables et collectifs. Et qui, à un instant “T” se cristallisent en représentations. Ces représentations, dans un dispositif technique, vont se traduire par la mise en œuvre de pratiques. Plus tard, ces pratiques, grâce à un processus de socialisation, vont finalement devenir usage (cet usage produira à son tour de nouveaux imaginaires). Il est important de souligner que cette construction de l’usage est structurée par la technique Jouët, J. (1993). L’usage est en effet un processus mariant sociogenèse et technogenèse. On parle alors de principe de “double médiation”4
D’après Pascal Plantard nous pouvons observer trois processus internes des usages, selon une perspective anthropologique. Le “bricolage”5, notion développée par Claude Lévi-Strauss (La pensée sauvage, 1962) : stratégie mise en place par l’usager pour réaliser son projet dans un espace environnemental clos, (dans la lignée du do it yourself); le “braconnage”6, concept emprunté à Michel de Certaux (L’invention du quotidien, 1980), détournement social d’outils numériques et le “butinage” qui est l’apparition inattendue d’un usage.
Nous souhaitons mettre en saillance par ce travail de recherche les stratégies (plus ou moins conscientes) mises en place par un groupe pour s’approprier et détourner les outils numériques.
2/Terrain et méthode de recherche
L’association Transapi (association de lutte contre le décrochage scolaire) organise une GameJam (stage de création de jeu vidéo), de 4 jours à la Gaité Lyrique du 21 au 24 avril 2015. Nous souhaitons mener un travail de recherche sur ce dispositif pédagogique innovant.
L’expérience mise en place comporte trois dimensions :
- La GameJam FLE (français langue étrangère) vise à travailler le français d’une manière originale. Une GameJam est un temps de création collaboratif. La pratique orale du français est nécessaire pour l’échange. Autrement dit un apprentissage de la langue induit par l’activité de la GameJam.
- De plus la pédagogie mise en place met le stagiaire primo-arrivant en position de référent disciplinaire. Le public de primo-arrivants et de décrocheurs scolaire devra réaliser un outil d’apprentissage du français. Ils seront alors dans la maîtrise d’œuvre d’une ressource pédagogique dont ils sont les principaux intéressés.
- C’est un stage d’initiation à la création numérique, d’initiation aux outils de Gamedesign et d’édition multimédia (audio et graphisme). Les stagiaires seront amenés à utiliser divers logiciels de création numérique dans l’objectif de concevoir un jeu d’apprentissage du français.
Positionnement scientifique :
Une approche interdisciplinaire mêlant de la sociologie des processus d’innovation, de l’anthropologie des usages du numérique et des sciences de l’éducation.
Nous prévoyons de mener des entretiens semi-directifs avec les jeunes en amont de la GameJam afin d’évaluer leurs pratiques numériques, leurs objectifs personnels et recueillir leurs techno-imaginaires.
Pendant le stage nous allons collecter des données sous forme d’observation filmante7, dans le but de garder une trace des interactions, nous allons également récupérer les fichiers numériques produits, en plus de tenir un journal de bord de l’événement.
A partir de ce matériel, nous espérons :
Rendre compte de la manière dont les jeunes s’approprient et détournent la proposition qui leur est faite et analyser les processus externe et internes à l’appropriation et aux détournements des outils numériques.
Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique
A propos des auteurs David Puzos et Loïc Dugast