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Favoriser l’usage des dispositifs numériques participatifs dans le domaine culturel : appropriations et détournements de sites web et d’applications mobiles

[callout]Cette communication se propose d’étudier les raisons de l’essor des dispositifs numériques participatifs et les facteurs d’appropriation et de rejets de ces dispositifs par les usagers.[/callout]

Au cours des dix dernières années, du fait de l’arrivée de ce que l’on a nommé le web 2.0, les sites web puis applications mobiles proposant une participation plus ou moins active des internautes se sont multipliés, notamment dans le domaine culturel et patrimonial. En revanche, tous n’ont pas su mobiliser le public et n’ont donc pas réalisé leur objectif de participation. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux formes « expressives » de la participation, c’est-à-dire lorsque la production par des publics autour des dispositifs numériques de mise en valeur du patrimoine « manifeste le geste de prendre part à une expérience culturelle, individuelle et collective en s’exprimant, en créant et en partageant des contenus sur Internet. » (Casemajor-Loustau, 2012 : 85). Ces gestes seront analysés en tant que « traces de participation ».

Rappelons que, dans le domaine culturel, la volonté de participation des publics n’est pas apparue avec les outils numériques mais qu’au contraire, elle a toujours été l’un des enjeux de la démocratisation culturelle.

Mais qu’est-ce que s’approprier ?

Nous soulignons trois caractéristiques particulièrement importantes pour notre analyse. Tout d’abord, il s’agit d’un processus (Veschambre, 2008) et, qui plus est, un processus de long terme. Ce processus n’est pas linéaire et ne tend pas vers un état final déterminé. Au contraire, le processus est discontinu, systématiquement jalonné de réajustements et de réappropriations (Proshansky, 1976).

De plus, l’appropriation d’un objet peut être individuelle et/ou collective. Elle est souvent motivée par des enjeux de construction de soi (appropriation par un individu) ou identitaires (appropriation, par n groupe, d’un certain objet ou sujet qui devient symbolique pour ce groupe). Dans les deux cas, elle sera unique, chaque appropriation d’un même objet étant déterminée par des éléments tels que le caractère de l’individu ou du groupe, leur régime de valeurs, la finalité de l’appropriation, les moyens employés, etc. Enfin, l’appropriation peut être matérielle ou idéelle (Veschambre, Ripoll, 2005).

Notre approche socio-sémiotique (Jeanneret, Souchier, 2009) d’un corpus de sites web et applications mobiles sélectionnés se décline en une méthodologie en trois phases : dans un premier temps l’analyse des discours d’escorte des dispositifs afin de mettre au jour les objectifs affichés des concepteurs ; dans un deuxième temps l’analyse des dispositifs afin de voir quelles sont les possibilités réelles offertes aux internautes ; et enfin, dans un dernier temps, l’analyse des « traces de participation » des internautes.

Cette méthodologie multi-scalaire nous permet de mettre en évidence les facteurs d’appropriation et de rejets des dispositifs numériques participatifs dans un domaine, le culturel, où la participation est un objectif de démocratisation culturelle.

Nous avons également pu remarquer le détournement du service Google Maps à des fins de médiation patrimoniale.

En effet, ce dernier, en tant que dispositif cartographique interactif, est très fréquemment utilisé sur les sites web et applications mobiles étudiés puisqu’il s’agit de valoriser des espaces urbains.

Notre choix d’étudier des dispositifs numériques participatifs développés par des institutions patrimoniales est fondé sur le postulat que si le numérique est un terrain privilégié d’expérimentation et d’innovation, le secteur culturel et notamment les actions de médiation du patrimoine urbain le sont également dès lors qu’il s’agit de proposer des innovations technologiques. En effet, les sites culturels – dont la rentabilité économique n’est pas la motivation première – répondent aux besoins des expérimentations numériques.

Par ailleurs, la ville représente un terreau favorable : en tant qu’espace public, elle est associée à des valeurs de liberté, de circulation, de démocratie, de participation et à un imaginaire, celui d’un monde où chaque citoyen « participe » à l’action sociale et culturelle de sa ville (Miège, 2010 ; Denis, Pontille, 2010). Enfin, les dispositifs numériques participatifs renvoient aux mêmes valeurs et, dans un contexte culturel, favoriseraient un nouveau rapport à la connaissance et au patrimoine dans lequel l’usager/visiteur aurait une place privilégiée.

Note de positionnement scientifique

Sciences de l’information et de la communication, 71ème section du CNU.

Méthodologie socio-sémiotique de sites web (Bonaccorsi, 2012) et applications mobiles (Cambone, 2015).

Bibliographie

  • Bonaccorsi Julia, 2012, « Approches sémiologiques du web », in Barats Christine (dir), Manuel d’analyse du web, pp. 125-146.
  • Cambone Marie, 2015, « La mise en récit et la construction de mémoires collectives par les institutions patrimoniales », in Muséologies. Les cahiers d’études supérieures, (à paraître).
  • Casemajor-Loustau Nathalie, 2012, « La participation culturelle sur Internet : encadrement et appropriations trangressives du patrimoine numérisé », Communication et langages, n°171, pp. 81-98.
  • Denis Jérôme, Pontille David, 2010, « La ville connectée », in Réalités industrielles. Annales des Mines, pp. 69-74.
  • Jeanneret Yves, Souchier Emmanuel, 2009, « La socio-sémiotique des médias », in Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques, sous la direction d’Ablali, D. et Ducard, D. Paris : Honoré Champion-Presses universitaires de Franche-Comté, pp. 145-150.
  • Miège Bernard, 2010, Espace public contemporain, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 228 p.
  • Proshansky, Harold M, 1976, « Appropriation et non appropriation (misappropriation de l’espace), Appropriation de l’espace : actes de la 3e conférence internationale de psychologie de l’espace construit de Strasbourg du 21 au 25 juin 1976, Paris, Ministère de l’Equipement.
  • Ripoll Fabrice, Veschambre Vincent, 2005 « Introduction. L’appropriation de l’espace comme problématique », Norois, n°195, pp. 7-15.
  • Veschambre, Vincent, 2008, Traces et mémoires urbaines : enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 314 p.

Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

A propos de l’auteur : Marie Cambone

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