Faire la liste de nos usages numériques pourrait paraître superflu et pourtant nous vivons dans un cybermonde qui ne ressemble en rien à ces univers futuristes ou oniriques que nous avons pu découvrir dans les films de Matrix ou de Minority Report. Non, aujourd’hui le cyberespace fusionne avec le monde réel et est parfaitement imbriqué dans nos usages et nos significations culturelles. Des univers numériques facilités par Internet, la téléphonie mobile, les tablettes, se constituent peu à peu et nous sommes en permanence inclus dans cette forme de vie symbiotique (c’est-à-dire constituée d’actes réels et virtuels, concrets et potentiels, matériels et numériques).
Qui peut aujourd’hui concevoir notre économie sans l’apport des flux numériques et des réseaux ? Qui peut penser notre mode de relation affectif et même amoureux sans le sms ou la téléphonie mobile ? Qui peut imaginer nos déplacements, nos loisirs sans les e-services ? Il n’existe pas un espace social où cette symbiose ne s’affirme et se déploie. Face à ce bouleversement numérique et médiatiques la télévision a été fondamentale modifié et nous vivons aujourd’hui avec une télévision connecté qui se matérialise sur différentes interfaces (tablettes, téléphones, écrans) mais qui proposent une interactivité et un réseautage qui a profondément remis en cause les usages du «téléspectateur » même si nous pouvions le concevoir comme actif.
Face à ce renversement des sources médiatiques, face à cette ingestion des médias classiques par le monde numérique et par Internet nous devons aujourd’hui concevoir nos approches à travers le champ des MITIC (Médias, images et technologies de l’information et de la communication), afin de prendre en compte les effets sociétaux, éducatifs et scolaires des nouvelles formes d’accès aux images et aux médias. Les jeunes ont pris le tournant de cette révolution médiatique. Ils sont devenus des vidéo-acteurs construisant leur offre télévisuelle et créant des pratiques vidéastes autonomes. Celles-ci se développent en utilisant à la fois les nouvelles capacités des médias numériques, les réseaux sociaux et des nouveaux usages de loisirs, de cultures et de connaissance.
Face à cette émergence d’une nouvelle capacité à agir médiatiquement des jeunes de nombreuses structures de presse, de télévisions, des associations, des entreprises ont choisi de développer une nouvelle offre pédagogique en matière de Web tv. Il s’agit pour ces producteurs ou médiateurs de construire de nouvelles formes de médiations du savoir en utilisant les compétences médiatiques des jeunes. Ces offres soient s’adressent aux enseignants, aux parents ou directement aux jeunes. Quels est la spécificité de ces offres ? Comment prennent-elles en compte les nouveaux usages des jeunes ? comment se forge des alliances éducatives entre les pratiques formelles et non formelles des jeunes et ses WebTV ? Ce sont là des questions qui structurent la recherche que nous initions avec le CNDP Canopée, Cap Canal, La chaine CNES, Telesavoirs. Nous nous fixons l’objectif d’identifier, nommer et quantifier les nouvelles pratiques vidéastes et/ou vidéo-actrices des jeunes, de repérer leurs usages éducatifs ou pédagogiques dans le cadre formel (classe ou en lien avec un cours) ou non formel (éducatif, culturel, hobby). Notre recherche s’appuie sur une description détaillée à la fois des usages pédagogiques des Web tv en classe mais aussi des pratiques non formelle de ces jeunes. Nous suivrons ensuite ces adolescents durant une année scolaire pour identifier les compétences construites et les compétences utilisées au sein des pratiques vidéo en classe.
Notre communication présentera les résultats européens des usages médiatiques (Eu kids-online) dont nous avons été les rédacteurs français. Cette enquête présente les usages médiatiques des jeunes et les dangers en matière de cyberviolence. Ils complètent l’enquête mediappro européenne. Ensuite nous présenterons les premiers résultats d’une enquête globale conduite avec le CRDP en Midi-Pyrénées auprès de l’ensemble des utilisateurs du site.tv et nous montreront comment les jeunes et les enseignants construisent des pratiques à forte valeur éducative au cœur des MITIC.
Bibliographie
- Alava S., (2014), Usages numériques des adolescents et compétences scolaires acquises, Formation et profession : revue scientifique internationale en éducation, N°6
- Blaya C, Alava S., (2012), Risks and safety for children on the internet: the French report, LSE, London: EU Kids Online
- Depover, C., Karsenti, T., & Komis, V. (2007). Enseigner avec les technologies : favoriser les apprentissages, développer des compétences. Québec: Presses de l’Université du Québec
- Donnat O et Lévy Fl. (2007), Approche générationnelle des pratiques culturelles et médiatiques, Revue culture prospective, n°3
- Donnat O., (2008), Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique : enquête 2008, Paris : La Découverte ; Ministère de la culture et de la communication
- Kredens E., Fontar B., (2010), Comprendre le comportement des enfants et adolescents sur Internet pour les protéger des dangers. Une enquête sociologique menée par Fréquence écoles, association d‘éducation aux médias, et financée par la Fondation pour l’Enfance, Lyon, Paris : Fréquence Ecoles, Fondation pour l’Enfance
- Lebrun, M. (2007). Théories et méthodes pédagogiques pour enseigner et apprendre. Quelle place pour les TIC dans l’éducation? 2e édition. Éditions De Boeck Université, Bruxelles, 2007.
- Lebrun, M., (2004), La formation des enseignants aux TIC : allier pédagogie et innovation, International Journal of Technologies in Higher Education, 1
- Leclercq D, Poumay M (2008). Le modèle des évènements d’apprentissage/enseignement. LabSET-IFRES-ULg.
- Pasquier E., (2009), Inciter les futurs enseignants à intégrer les technologies dans leur pratique pédagogique: l’expérience de Genève, en ligne : http://tecfalabs.unige.ch/mitic/system/files/eric-pasquier_pedagogie-MITIC.pdf
- Service Ecoles-Médias de Genève (2009), Référentiel de compétences MITIC à l’usage des enseignants genevois, en ligne: http://tecfalabs.unige.ch/mitic/system/files/referentiel_competences_sem.pdf
Note de positionnement scientifique
[callout]Notre recherche s’inscrit dans le cadre des sciences de l’éducation et des travaux que nous conduisons sur les liens entre usages numériques et processus d’apprentissage. En prenant son ancrage dans des travaux scientifiques récents et notamment les théories des processus mathétiques (D. Leclercq & M. Poumy) et cognitifs notre démarche de recherche se veut ancrée sur une démarche explicative sociologique des usages techno sociaux et de leurs liens avec les modes de cognition. Cette démarche de recherche a été nourrie de rencontres scientifiques avec les théories de l’autoformation, de l’approche des pratiques d’enseignement et d’apprentissage, des théories des formes nouvelles des pédagogies numériques et enfin des travaux sur les usages négatifs ou positifs des outils numériques. La cohérence de mon parcours scientifique est inclus dans l’idée que l’enseignement, l’apprentissage, l’éducation au sens large est « in-médiate » et donc que l’appréhension des relations entre les univers sociotechniques et les processus cognitifs est une des exigences de notre action.
Pour cette communication nous nous appuierons sur deux recherches complémentaires:
La recherche européenne EU KIDS Online qui regroupe les experts scientifiques de plus de 25 pays et qui coordonne les recherches sur les pratiques cyberviolentes des jeunes et sur les risques d’Internet pour les enfants et adolescents. Je développe des recherches sur les usages des adolescents et sur les pratiques de cyberviolence. Au sein de ce consortium, nous travaillons sur les usages sociaux des Tic et du cyberbullying. Dans un autre domaine, je conduis des recherches sur les effets bénéfiques des pratiques numériques chez les adolescents et notamment sur leurs effets dans la validation des compétences du socle commun. Recherche portant sur 25 pays et 25 000 jeunes, 6000 médiateurs –parents et enseignants et comprenant une section sur les nouveaux usages médiatiques.
La recherche conduite dans le cadre d’une thèse sur les effets pédagogiques des Web TV. (Enquête par questionnaire 500 enseignants – 1200 élèves de collèges et lycées). Cette recherche porte sur les phénomènes d’utilisation pédagogique des Web TV par des enfants d’âge scolaire collège (11-15 ans). Dans cette recherche, nous allons nous centrer sur des chaînes de télévision ou des sites Internet qui ont développés une offre cohérente de Web TV à vocation pédagogique. Notre travail comprend deux étapes. Dans le premier, nous effectuons une analyse des choix de médiatisation de la science à travers des programmes puis une étude de l’audience de ces Web TV auprès de ces usagers (enseignants et élèves).
Dans un deuxième temps, nous travaillerons avec les adolescents afin d’étudier les phénomènes de médiation éducative nouvelle. Pour cela, nous mettrons en place une enquête avec votre soutien auprès des utilisateurs afin de regarder des usages dérivés de Web TV, et nous sélectionnerons un échantillon représentatif de vos usagers afin d’avoir des entretiens non-directif plus long et d’avoir avec eux les transferts possibles de ces usages non formelle ou formelle dans le cadre scolaire. Lors du colloque nous ne présenterons que la première partie de cette recherche en cours.
Nos outils d’analyse sont les statistiques multidimensionnelles SPSS, l’analyse automatisée des discours et entretien IRAMUTEQ.[/callout]
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