Mon hypothèse est la suivante : dans le contexte de la modernité tardive, l’accélération technique qui avait pour but d’économiser du temps s’avère un facteur anxiogène en raison de l’augmentation de taches à faire. Ainsi, l’interconnexion n’importe où décèle une axiologie ambivalente : en même temps qu’il détache les individus des contraints territoriales, elle est pourtant porteuse d’une nouvelle territorialisation autour des réseaux. Cette territorialisation-là a une nuance polymorphe et presque chaotique et infini, et c’est pour cela que l’individu reste désormais étourdi devant l’écran numérique, compris comme une sorte d’Alephborgesien.
Les études sociologiques sur le temps ont souligné que les formes de conscience du temps sont étroitement dépendantes de divers facteurs culturels. On peut aussi constater que le processus de modernisation a évolué vers une accélération croissante des rythmes de vie, ainsi que des perceptions du temps et des horizons temporels. Georg Simmel soutenait que l’urbanisation de la vie moderne était une sorte d’élargissement de l’horizon des possibilités ; autrement dit, la multiplication de stimuli qui captent notre attention.
Les innovations de la technologie numérique ont approfondi l’impact de l’accélération moderne sur les structures temporelles. Le principe du mouvement, du dynamique et en perpétuelle transformation et réadaptation ont remplacé la logique du statique, de l’immobilité. La perspective de Paul Virilio propose un exemple de ces conceptions du temps réel numérique, dans laquelle les technologiques de l’information et la communication devient le moteur d’une sorte de civilisation nihiliste : voici le présentisme sans horizon et sans utopie. Ainsi, comme l’a remarqué le sociologue Richard Sennett, la longue durée, la lenteur et la répétition sont d’emblée tombés d’accord sur un point : le court terme et la ré-actualisation ininterrompue deviennent l’expérience fondamentale de l’ère numérique.
L’amour du mouvement et la mobilité numérique exigent d’obtenir plus en un temps plus bref, ainsi que l’augmentation de la quantité d’informations provenant des lieux distantes. Une des caractéristiques centrales de la mobilité numérique consiste à donner la sensation cosmopolite d’avoir cassé les distances entre le soi et le réseau. Mais l’interconnexion et la simultanéité du non-simultané a pour résultat la raréfaction des ressources temporelles, comme l’a montré récemment le sociologue allemand Harmut Rosa dans Accélération : Une critique sociale du temps.
Les expériences récentes sur la plasticité de la neuroscience remettent à jour le raccourcissement du temps occupé dans la lecture des documents sur la Toile. Les innovations technologiques, comme l’on a expliqué McLuhan, mettent en évidence les transformations au mode de penser. Notamment Nicholas Carr, selon son essai Is Google Making us Stupid ? Et la parution de The Shallows, a su conduire la réflexion sur les nouveaux médias vers la superficialité, compris comme un effet de l’accélération à l’ère numérique. Il en résulte la sensation de vide, que le sociologue George Ritzer a décrit sous le terme Globalization of Nothing.
Communication scientifique qui sera présentée sur l’Université d’été Ludovia 2011 le 29 aout 2011 par Antonio Fernandez Vicente
Plus d’informations sur www.ludovia.org/2011