D’aucuns parlent du monde de l’écran comme métavers ou univers virtuel, monde parallèle dans lequel l’internaute pourrait vivre une seconde vie métamorphique, par l’intermédiaire d’un avatar et de représentations de lui-même.
Dans la mythologie indienne, avatar désigne la descente d’un dieu sur terre parmi les êtres humains : le dieu Vishnu « descend » ( avatr) sur terre pour sauver le monde des périls nés du non-respect des règles du Dharma. L’avatar permet ainsi au dieu d’agir parmi les hommes. L’étymologie de ce mot renvoie à une action (descendre et prendre forme), à un phénomène (se manifester volontairement), à une relation (intermédiaire), plus qu’à une incarnation ou une représentation figurée : l’avatar doit donc être appréhendé comme une représentation en acte.
Des usagers (joueurs, chatteurs) s’immergent parfois au point d’oublier cette interface de présentation de soi naturelle qu’est le corps, au profit d’un appareillage cognitif et social formé à la lisière de l’être humain et de la machine. Cette recherche rapporte les observations issues de l’exploration de ce phénomène. Sa finalité est de mieux cerner la construction de signification à l’œuvre dans ce processus ontique, qui de soi va vers soi-même en passant par une image de l’altérité. Sur le chemin de cette exploration, nous avons construit des passerelles, des points d’appui, des pôles d’observation que nous espérons utiles à une meilleure compréhension des produits interactifs ludiques, communicationnels et créatifs et de l’identité en général.
Les entretiens et l’observation participante ont montré que les usagers accordaient à la représentation technique une valeur symbolique qui outrepassait leur signification conventionnelle, rendant ainsi possible l’émergence de l’affect nécessaire à l’immersion. Le concept d’immersion hexique désigne ainsi ce processus, par lequel la représentation technique est surdéterminée en image de soi.
Les analyses actuelles de l’avatar et du soi de l’écran ne parviennent pas à expliquer précisément ce phénomène en raison du manque d’outils d’analyse appliquée, qui puissent notamment tenir compte de l’évolution constante des logiciels et des usages.
La représentation de soi se constitue des signes qui manifestent l’interaction de l’usager avec le dispositif interactif. Elle a pour caractéristique d’être interactive mais surtout agie. Ce pouvoir agissant ou performatif nécessite une approche de la représentation comme expérience d’interaction et comme énonciation. Poser la question de la représentation de soi revient en somme à interroger la relation symbiotique entre l’homme et le support de transmission de son discours, au point que le support se substitue à lui et puisse parler pour l’homme en son absence. L’hexis numérique est comparable à un vêtement de paroles qui contiendrait les gestes qui l’animent.
La méthodologie d’analyse de ce processus a été divisée en deux parties : d’une part, une méthode d’analyse des signes observables qui manifestent la personne (le phaneron), d’autre part, une méthode d’analyse des conditions de production de la signification (le phainomenon). La première permet de décrire et examiner l’agencement des éléments qui composent la représentation de soi, du geste à l’image. La seconde propose d’approcher la construction de signification par l’analyse de l’expérience des figures de distorsion du sens (les tropes). Ainsi, la représentation est abordée dans sa dimension d’agencement représentationnel et d’expérience.
Ces deux méthodes de niveau spécifique sont des outils qui permettent d’analyser le phénomène de surdétermination au niveau appliqué. Elles prennent place dans le cadre général de l’étude des représentations agissantes de la personne.
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