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Comment le numérique peut participer au renouveau des pédagogies actives

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En facilitant la création et la publication de contenus audiovisuels de toute nature, les outils numériques font de tout détenteur de téléphone portable un potentiel créateur.

Comme Patrice Flichy (2001) le montre, différents imaginaires cohabitent autour des outils numériques et les industriels ont su exploiter le discours sur le potentiel de libération des créativités pour servir une logique marchande plaçant l’internaute en premier lieu comme un consommateur. Le champ éducatif est traversé par ces logiques, qui peuvent sembler contradictoires. L’industrie des TICE a su les réconcilier pour accompagner le discours sur le potentiel révolutionnaire d’Internet (Cardon, 2010) d’une injonction à l’équipement numérique au niveau des institutions éducatives comme au niveau des élèves et des familles (Camacho, 2005 ; Guichard 2011), refrain auquel sont sensibles les jeunes générations.

Dans le champ de l’éducation, bien que marginales par rapport aux pratiques prescrites par les directives en vigueur, les initiatives s’appuyant sur le numérique pour placer les élèves en position d’auteur publiant (textes, vidéos, musiques, etc.) se multiplient et pourraient participer au renouveau des pédagogies actives[1]. Ces initiatives sont nourries par une vision qui fait d’Internet un réseau capable de renverser les hiérarchies existantes et, les rapports sociaux dans le contexte d’enseignement (Colliaux et Bihouée, 2011).

Comment faire primer la logique de création sur celle de consommation numérique à travers une démarche de pédagogie active, qui place l’apprenant en position d’acteur principal de son apprentissage ? C’est l’un des défis que s’est lancée l’équipe interdisciplinaire de Transapi, qui vise à expérimenter le potentiel des pédagogies actives pour lutter contre le décrochage scolaire.

L’objet de cette communication est de présenter un retour critique sur les premières leçons du projet TransiMOOC mené cette année, à titre expérimental par Transapi. TransiMOOC est un projet de cours en ligne réalisé par des jeunes (de préférence à risque de décrochage scolaire) pour des jeunes.

  • Il est expérimenté pour la première fois en 2013/2014 sous plusieurs formes :
  • Des interventions ponctuelles dans des classes ou auprès de groupes constitués
  • Dans un lycée professionnel et technique de ZEP de Paris, avec la constitution d’un « club » ouvert le vendredi après-midi
  • Dans un lycée polyvalent de Toulouse où une classe entière réalise des vidéos sous forme d’un atelier hebdomadaire pendant 10 semaines
  • Lors des permanences Transapi à la Gaité Lyrique ou certains jeunes se saisissent des tablettes numériques et du matériel mis à disposition pour réaliser des cours

Le principe de TransiMooc, comme des différentes initiatives entreprises par Transapi est d’utiliser le potentiel des TICE pour susciter le désir d’apprendre (Meirieu, 2001 ; Viau 2005), en proposant une nouvelle posture de l’apprenant où il est lui-même maître de ce qu’il apprend. Pour ce faire, il s’agit d’engager les jeunes, qui viennent uniquement de manière volontaire aux ateliers transapi, dans des apprentissages liés à des projets qui ont un sens pour eux, selon l’esprit Freinet (Meirieu, 1991, Tremblay et Torris 2005).

Les retours, étudiés par des entretiens, des réunions, des échanges mails et de l’observation participante, sont jusqu’à présent très encourageants : les jeunes ont le sentiment de « ne pas avoir cours », de s’amuser et d’être dans une logique de jeu. Ainsi régulièrement, les jeunes en classe ont prolongé les séances de TransiMOOC de 1h ou 1h30 « pour ne pas avoir cours », quand bien même ils pouvaient être informés que le cours consistait à regarder des photos.

Les jeunes sont happés en tant que « consommateurs » (de tablettes, de jeux vidéos…) et se prennent au jeu comme créateurs (de morceaux de rap, de dessins, de cours).

Après avoir expliqué le projet, l’objectif de cette communication sera de décrire à travers différentes situations comment les jeunes passent de « consommateurs » à « acteurs » de leurs apprentissages grâce au côté ludique des interfaces numériques.

[1] Par exemple, l’initiative de Laurence Juin, professeur de lettres, qui s’appuie sur l’initiation à l’usage des réseaux sociaux pour placer ses élèves en situation d’auteurs (maonziemeannee.wordpress.com) ou encore celle de Pascal Bihouée (professeur de sciences physiques) qui s’appuie sur les outils numériques pour expérimenter le dispositif de classe inversée : http://www.biweb.fr/Espace/pdf/Monographie%20Classe%20inversée.pdf. 

Références

  • CAMACHO K., 2005, « Fracture numérique », in AMBROSI A., PEUGEOT V. PIMIENTA D. (dir.)  Enjeux de mots : regards multiculturels sur les sociétés de l’information. Paris, C & F Éditions
  • Cardon D., 2010, La démocratie Internet. Promesses et limites. Paris, Seuil.
  • Colliaux Anne, Bihouée Pascal, 2011, Enseigner différemment avec les TICE, Eyrolles
  • Flichy Patrice, 2001, L’imaginaire d’Internet, Paris, La Découverte « Sciences et société », 276 pages.
  • Guichard E., 2011, « Le mythe de la fracture numérique », in GUICHARD, É. (dir.), L’Internet: regards croisés. Presses de l’ENSSIB, Villeurbanne, consulté le 1er juin 2012, http://barthes.enssib.fr/articles/Guichard-mythe-fracture-num.html
  • MEIRIEU, Philippe,  1991, « Enseigner aujourd’hui », conférence organisée par CADRE, Québec, 1991
  • MEIRIEU, Philippe, 2001,  Célestin Freinet : comment susciter le désir d’apprendre? , Mouans-Sartoux, Publications de l’École moderne

Voir le programme complet du colloque scientifique Ludovia#11

Voir la bio de Muriel Epstein sur Ludovia 2014 

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