Catégorie : POINT DE VUE

  • L’Ecole doit s’adapter aux mondes numériques et à la société cognitive

    La question qui est posée est «comment le numérique bouleverse la société, dans les familles, dans les entreprises et dans les écoles»? Nous avons peu de moyens pour réfléchir et se positionner par rapport à ces impacts ;  les manières de penser, de collaborer…

    Des mondes numériques à la société cognitive 

    Aujourd’hui, il y a tellement d’information qu’on ne sait même plus compter ce qu’il y a sur le web, chacun est en situation quotidienne d’infobésité, même si on ne s’en rend pas compte, chacun est porté par l’immédiateté et la simultanéité, chacun subit cette situation…Nous observons également une porosité entre le privé et le professionnel, parfois confusion entre le virtuel et le réel, les notions d’amitié sur le web ou dans le réel… Cela montre qu’il y a de profonds changements dans les nouvelles générations : les nouvelles générations font moins la différence que les anciennes entre virtuel et réel.

    Le monde numérique propose également des mondes très esthétiques, qui proposent des émotions et des activités ludiques, ce qui peut engendrer des addictions tant au niveau des contenus que des matériels qui provoquent une relation affective très forte (exemple : sa relation quasi affective avec son Smartphone).

    L’école dans la société cognitive 

    L’école reste toujours dans un modèle « classique », un modèle dominant cohérent qui n’a pas changé : le maître sait, l’élève apprend en l’écoutant. Le modèle pédagogique a peu évolué également : des manuels scolaires, des exercices, des notations, …avec en sus un rapport au savoir construit autour des disciplines, des connaissances, de leur mémorisation, de la science… un monde sans rapport avec celui de « la vraie vie », de l’après école : une utilisation intensive du numérique bien souvent par les ado, de Facebook et de l’Internet…

    Tous ces faits doivent permettre de se poser la question de ce qu’est « le savoir », Le rapport au savoir bouge, on le sait, on le répète, mais qu’est ce qui bouge réellement et exactement ?

    Un nouveau rapport au savoir

    Face à cette question, nous proposons trois pistes : savoir n’est pas forcement avoir des choses dans la tête, mais savoir par exemple chercher de l’information sur internet. Ainsi, il semble aujourd’hui que le savoir est délégué : il faut renoncer au contrôle et à la maîtrise, vivre la mémoire autrement..

    Un autre concept apparaît dans notre société numérique : le savoir n’est pas stabilisé, les choses évoluent chaque jour. Ainsi, savoir aujourd’hui c’est aussi ne pas être sûr, accepter l’incertitude et l’instabilité.

    Il faut également accepter aujourd’hui que le savoir est fragmenté, du coup la difficulté de relier des éléments, de les faire parler de manière intelligente.

    Face à cette fragmentation, apparaissent de nouvelles manières d’apprendre ou les accès implicites au savoir : scanner,

    «Dans notre monde hyper-sollicité par l’information et bombardés sans cesse par de nouvelles informations, qui nous parviennent via nos outils numériques. Acquérir des comportements cognitifs de survie : on essaie de savoir comment on peut apprendre à traiter l’information (surcharge cognitive). Pourtant on forme peu les gens dans l’entreprise à cette activité alors qu’elle constitue la plupart du temps passé dans l’entreprise : traiter l’information». Puis apprendre à détourner et identifier les savoir de base.

    Traiter l’information aujourd’hui, c’est hiérarchiser, classer, trier en continu, jeter, rechercher. Puis travailler en multi activité et avoir la capacité de se concentrer sur un sujet en environnement « bruyant », comment se concentrer, qu’est ce que la concentration, qu’est-elle devenue ? Il faut également apprendre à prendre des décisions rapides sans avoir tous les éléments en main, savoir prendre des risques dans la résolution d’un problème, savoir résoudre des problèmes sans être sûr. Et d’avoir toutes les informations au moment de la décision.

    «Traiter l’information mobilise des capacités cognitives»

    Le traitement de l’information repose sur les capacités cognitives encore mal analysées sous cet angle, pourtant ce sont des capacités qui sont devenues indispensables pour vivre dans le monde d’aujourd’hui et de demain.

    Elles sont de trois ordres : l’ouverture mentale (curiosité, intuition, sortir du cadre), la polarisation mentale, et enfinl’adaptation mentale

    Les conséquences du numérique et les nouvelles questions pour l’école

    L’accès  au savoir et à ses nouvelles formes devient une préoccupation majeure, plus que la maîtrise des connaissances. Les basiques de l’apprentissage doivent être maitrisé sinon les données ne deviennent pas de l’information et l’information ne devient pas du savoir..

    L’école doit être repensée dans ce contexte là, et les pédagogues doivent s’attacher de manière urgente à y réfléchir et adapter leur enseignement dès aujourd’hui.

  • Pastèques, grappes de groseilles et éducation numérique ! (4/4)

    Pastèques, grappes de groseilles et éducation numérique ! (4/4)

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    Cesser d’attendre Godot

    A bien y regarder, peu de choses dans son histoire prédestine le système éducatif français à l’appropriation et à l’usage innovants des technologies et des réseaux numériques d’information et de communication car fondamentalement l’accès à la connaissance y procède plus de la théorie, de la spéculation et du droit que de la pratique, de l’expérimentation et de la coutume, parce que son organisation s’appuie sur une conception hiérarchisée, ordonnancée et cloisonnée des savoirs et des compétences qui leur sont associés, parce qu’il est l’émanation et la matrice d’un processus séculaire de centralisation de l’exercice des pouvoirs et des systèmes d’information et de renseignements qui l’ont permis.

    Classes et classements, cartes et rythmes scolaire, programmation et inspection, évaluations et notations, contrôles et devoirs, ordonnés par l’Etat au nom de la Nation sont quasi-orthogonalement opposés à l’autonomie nécessaire aux apprentissages latents mais aussi au partage, aux échanges, aux hybridations d’information, de savoirs, de compétences de pair à pair, à l’organisation de petites communautés collaboratives d’enseignants et d’apprenants constitués en réseaux de proximité ou en voisinage lointain, à distance, comme Internet le permet désormais au quotidien.

    Certes partout, l’évidence du recours aux nouvelles technologies s’est imposé. Certes partout depuis dix ans, se sont multipliées les expérimentations. Mais force est de constater premièrement que leur généralisation est attendue du haut, top-down, et qu’elle risque de se faire attendre comme on attend Godot (d’ailleurs qu’attendre des Etats-Nation à l’heure de leur remise en cause par la mondialisation des contraintes)  et, deuxièmement, que nous n’osons pas imaginer que la mutation numérique soit telle que les principes, les infrastructures, les lieux physiques même de l’enseignement scolaire, son organisation, aient à changer ou plus exactement à vivre une metamorphose.

    Ainsi, par exemple on pense qu’ad vitam aeternam, les élèves continueront à rejoindre tous les jours leur travail posté, leur établi, dans des classes d’âge identique juxtaposées les unes aux autres dans des établissements architecturalement identiques, comme on allait à l’usine autrefois, du temps de la France industrielle, ou au bureau du temps où les services administratifs ne pouvaient pas avoir l’idée qu’ils puissent être eux aussi dématérialisés et rendus en ligne.

    Concevoir quelques utopies imparfaites…

    Sans doute du fait d’une intériorisation poussée des contraintes, et parce que nous pensons la théorie avant de penser la pratique, nous nous interdisons de formuler des utopies concrètes et donc forcément imparfaites, nécessaires à la métamorphose par touches, de notre système éducatif.

    Une première piste raisonnablement utopique serait par exemple de promouvoir la classe inversée comme cela s’expérimente en Norvège. L’idée de base est simple. Ce sont les cours qui, sous forme de vidéos et de didacticiels réalisés et/ou choisis par l’enseignant,  sont donnés à découvrir et à apprendre en ligne aux élèves, à la maison ou pendant des temps d’études en médiathèque, et ce sont les devoirs et les exercices qui sont faits en classe, en groupe ou individuellement, avec l’aide de l’enseignant.

    A elle seule, surtout si elle n’est pas systématisée, cette inversion introduit un autre rapport entre les enseignants et les élèves, entre le présentiel et la distance, entre les enseignants entre eux qui peuvent s’appuyer sur l’échange des ressources multimédia qu’ils ont créés et/ou assemblés, entre les élèves dont la collaboration peut être encouragée et organisée en classe et en ligne, etc…

    Mais point d’inversion possible sans formation initiale et continue des enseignants à l’écriture multimédia, à la mise en scène et en ligne de leur production pédagogique. Rien de possible bien sûr, sans matériel et réseau adéquates…

    Une deuxième piste plus utopique mais pas moins raisonnable pourrait être de se dire que la possibilité sera demain ouverte aux élèves d’être inscrits dans des superclasses coopératives, multiniveaux et hybrides car mixant l’enseignement en présentiel et à distance grâce à la mise en réseau des ressources, des outils pédagogiques et des méthodes d’évaluation et leur mobilisation pour baliser et former un parcours d’acquisitions et d’apprentissages centré sur chaque élève.

    Concrètement, et sans rentrer ici dans le détail, cela voudrait dire qu’une classe pourrait gonfler jusqu’à 150 élèves, être prise en charge par des équipes pédagogiques assurant des fonctions de cours traditionnels et/ou inversés, d’animation et de tutoring des apprentissages multimédia en présentiel et à distance, d’organisation des coopérations entre élèves en fonction de leurs acquis, d’évaluation collective des progrès de l’élève au regard d’unités valeurs acquises personnellement (comme à l’université) et de son investissement dans la coopérative apprenante ainsi constituée.

    Cela voudrait dire aussi pour l’enseignant, des temps de travail différenciés du fait de l’éclatement de son métier en plusieurs sous-métiers complémentaires assurés en équipe, indifféremment en présentiel et en ligne: prof magistral, animateur et entraîneur, co-évaluateur, co-gestionnaire.

    Cela signifierait encore une refonte architecturale des établissement scolaires, la possibilité aussi de créer de nouveaux espaces scolaires plus petits, moins concentrationnaires, plus ouverts sur leur environnement, sur la vie sociale et économique de proximité. Ce n’est pas moins que l’aménagement du territoire,  les conditions de vie et de travail, les déplacements qui s’en trouveraient progressivement transformés tant dans les bassins de vie ruraux, péri-urbains qu’urbains.

    Conclusion : inventer un récit positif pour l’éducation à l’âge numérique …

    En introduction, il était question de pastèques mutant en groseilles. Cette métaphore était empruntée à Pierre Radanne, ancien Président de l’Agence pour le Développement des Economies de la Maîtrise d’Energie et spécialiste international des politiques énergétiques de lutte contre le réchauffement climatique. Dans une récente conférence à l’Assemblée des Départements de France devant les élus territoriaux, Pierre Radanne expliquait, qu’en toutes choses en France on tend à privilégier des solutions globales, lourdes, identiques pour tous et régulée centralement parce ce sensée être les plus rationnelles et efficientes. La politique du nucléaire en étant la caricature.

    Or, démontrait Pierre Radanne, les contraintes environnementales comme d’épuisement des matières premières nous conduisent à ne plus concevoir la production d’énergie à partir de grosses centrale, de «grosses pastèques» mais à partir de «grappes de groseilles», d’une multitudes de petites unités de production autonomes gérées en réseau grâce aux technologies de l’information.

    Cette métaphore est d’autant adaptée au système éducatif que c’est de lui dont dépend l’avenir et la façon nous allons négocier le changement de civilisation en cours. Lors de tel changement les fonctions les plus utiles sont d’une part l’imagination et la créativité et d’autre part la conception d’un récit de vie positif suscitant l’empathie et l’adhésion.

    Ce n’est plus du ciel, d’une parole unique, que tombera comme autrefois ce récit. Il se formulera progressivement dans les échanges d’information et de savoirs, au sein des réseaux collaboratifs, dans les nouvelles coopératives d’apprenants, à proximité dans les territoires, et deviendra une évidence, lorsqu’ un enfant de 7 ans saura l’exprimer.

    Fin de la dernière partie// ORME 2.12 Marseille, Jean-Pierre Quignaux

  • Pastèques, grappes de groseilles et éducation numérique ! (1/4)

    Pastèques, grappes de groseilles et éducation numérique ! (1/4)

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    Cela ne va pas bien…

    Point besoin ici de rappeler les rapports qui ont ausculté au cours des dix dernières années la situation de l’éducation et du système scolaire dans notre pays. Cela ne va pas très bien. Pas comme il faudrait. Il y a un bug dans l’éducation à la française, peut-être bien un virus ou un début de maladie de la dégénérescence.

    L’introduction de l’informatique, de l’audiovisuel, du numérique, de l’internet, du multimédia des réseaux, des jeux éducatifs, du serious game, etc, bref des écrans, dans l’enseignement a aussi été analysée sous toutes les coutures. Les recommandations se comptent par dizaines. Point besoin non plus ici de les évoquer.

    Aussi, j’ai envie de parler d’autorité, d’ennui et de plaisir, d’histoire de l’éducation, de classes et de classements, d’utopies concrètes et nécessaires, de nouveaux métiers, et puis de pastèque et de groseilles ! Ou plus exactement de métamorphose, grâce aux technologies numériques, du système éducatif d’un réseau de tiges rampantes au sol irriguant quelques gros fruits lourds enfermés dans une peau épaisse, en un réseau d’arbustes légers portant des myriades de grappes de petits fruits à peau fine…

    Une affaire d’autorité ?

    L’autorité tout d’abord. Qu’est-ce-qui fait Autorité ? Que d’écrits encore sur l’autorité ! J’aime l’idée qu’originellement exercer une autorité signifie « accroître », « augmenter », « développer ». Une autorité accroît les capacités d’action et ou de connaissance de ceux sur laquelle elle s’exerce. Fondamentalement dispose donc vraiment de  l’autorité – non pas qui exerce une contrainte ou une violence ou qui fait exécuter un ordre –  mais qui est l’auteur d’un ajout, d’un élargissement, d’une ouverture. Il faut donc être auteur pour faire autorité et donc être créateur d’une valeur ajoutée pour faire reconnaitre son autorité. Il n’est d’obéissance à une autorité qu’à la condition de l’attention et de l’écoute accordée à celle-ci, à sa valeur d’attrait, au sens qu’elle indique, à la confiance et à la sécurité qu’elle confère.

    La discipline a pour terreau l’adhésion à ce « plus » de connaissance, de sens, de confiance, de progrès et de sureté que l’autorité crée et confère. L’autorité, elle, tire sa légitimité du récit, de la fiction qu’elle crée sur ce qui a été, sur ce qui est et sur ce qui sera…

    Rien de trop étonnant donc au fait que l’autorité se soit progressivement évaporée de l’école au cours  de ce dernier quart de siècle si les enseignants n’ont pas « «plus » augmenté  les capacités d’action et de connaissances des élèves que ne l’ont fait les écrans et les médias  qui, eux racontent maintenant depuis le berceau, aux enfants et aux adolescents, des histoires du monde et des relations humaines infiniment plus puissantes et variées que celles des enseignants. L’Institution scolaire avait raison de redouter la télévision et l’informatique comme, avant elle l’industrie de la bougie et des lampes à pétrole avait à redouter celle de l’électricité.

    L’étude annuelle d’IPSOS MediaCT 2011 sur les 1-19 ans montre que les 13-19 ans par semaine passe 12 h 20 devant internet, 11 h 30 devant la télé, 6 h 40 avec des jeux videos et 5 h 30 avec la radio.  26 H par semaine multipliées par mettons 50 semaines par an, cela fait 1300 H à comparer aux 30 h X 36 semaines, soit au mieux 1080 H/an  du temps scolaire. Qui dans ce contexte est en situation de faire autorité, en capacité de produire de l’adhésion par les récits qu’elle crée, produit et diffuse ?

    Auteur et réalisateur…

    Tant que les enseignants n’entreront et ne sortiront pas des écrans, tant qu’ils n’auront pas démontré qu’ils sont aussi à l’aise devant que dedans pour raconter leurs histoires et ce qu’ils ont transmettre, tant qu’ils ne les utiliseront pas pour être les auteurs de ce qu’ils enseignent, leur autorité sur les élèves continuera à s’évaporer.

    La mise en scène jules ferrienne du maître d’école sur l’estrade devant son tableau noir est à bout souffle, ne fait plus recettes, parce qu’elle a cessé d’être une mise en scène spectaculaire des connaissances et des savoirs.  Ce n’est pas non plus le tableau numérique qui apportera une nouvelle jeunesse à son autorité si l’enseignant n’est pas l’auteur, le créateur, et de nouveau le metteur en scène de ce qu’il donne à entendre, voir et comprendre à chacun au moyen des outils par lesquels désormais les enfants comme la société appréhendent le monde. Si une part singulière de représentation spectaculaire de ce qui est et fait sens pour l’institution scolaire ne circule pas via les écrans et les réseaux, le zapping aura vite fait de jouer là comme ailleurs.

    Bref, instaurer de l’autorité à l’école passera demain par la capacité de l’enseignant à être auteur des histoires multimédia qui vont solliciter l’attention et l’adhésion des élèves à sa discipline et par sa capacité à les diffuser, à les répandre. Cette capture de l’attention destinée à augmenter, à ouvrir, à développer les capacités d’un élève ne peut donc plus s’exercer sans recours à l’interactivité médiatisée, dans la classe, entre les classes, entre celles-ci et son environnement et sans que l’enseignant soit  créateur d’une dynamique particulière, singulière,  de ces interactions qui sont au cœur désormais de la construction identitaire des enfants.

    Point d’autorité qui vaille désormais sans être l’auteur d’interactions entre la réalité  et ses représentations multimédiatiques, sans que la variété et les potentialités des outils multimédias avec lesquels les enfants appréhendent le monde soient utilisées par les enseignants  pour le montrer et le démontrer à leur façon. Ces outils ne sont pas là pour remplacer les enseignants mais pour démultiplier la palette de leur intervention éducative et augmenter leur valeur. S’il est un statut à viser pour l’enseignant de demain, c’est celui d’auteur-réalisateur.

    Fin de la première partie – Jean-Pierre Quignaux, ORME 2.12 Marseille

  • Pastèques, grappes de groseilles et éducation numérique ! (2/4)

    Pastèques, grappes de groseilles et éducation numérique ! (2/4)

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    L’ennui et le plaisir

    Qui n’a pas constaté et entendu, sondages à l’appui, que les élèves s’ennuient aujourd’hui en classe. Dans la tradition française, l’école n’a pas à être un lieu de plaisir car c’est là que l’on apprend à travailler pour avoir du travail demain. C’est que pour se préparer au monde de demain, on est même sommé, modernité oblige, d’utiliser des espaces numériques non pas de connaissances et d’apprentissage mais encore et toujours de travail… De quoi désespérer, perdre confiance et rêver d’un autre monde quand l’on répète partout que le chômage guette dans le futur même les premiers d’une classe et qu’à la maison, les parents sont taraudés par l’angoisse et l’orientation professionnelles de leurs gamins dés la maternelle. La situation est mortifère.

    L’école ennuie alors que paradoxalement on sait que le plaisir est le principal accélérateur de l’apprentissage. Jean Claude Ameisen, medecin biologiste immunologue, dans l’une de ses très belles émissions de France Inter du samedi après-midi, «sur les épaules de Darwin», rappelait récemment que les sciences neuro-cognitives confirmaient ce qu’au début du XXe, John Dewey, Maria Montessori, Ovide Decroly, Adolphe Ferrière, Celestin Freinet,…, posèrent comme principe de l’apprentissage, à savoir que quelqu’un qui apprend ne peut optimalement faire des acquisitions, mémoriser durablement, développer des capacités et des savoirs que dans un contexte de plaisir, de libre choix, d’autonomie et de confiance.

    Les avancées de ces précurseurs qui savaient parfaitement que les enfants pensent tout seuls, ont un quant-à-soi, mais aussi que leur sourire est le moteur et le signe de leur développement intellectuel, n’ont pas fait école…

    L’impuissance acquise

    Ce n’est pourtant pas faute de démonstrations par les cognitivistes, les psychologues sociaux ou de l’enfance, du fait que « l’apprentissage latent», par le plaisir et la confiance, sont indispensables pour que l’apprentissage utile par répétition et renforcement ait lieu.

    Le premier se fait spontanément, volontairement, par induction, intuition, analogie, appétence, curiosité, expérimentation, imagination. Il va alimenter la mémoire de long terme grâce à laquelle les processus adaptatifs sont durablement aiguisés et en alerte.

    Le second, l’apprentissage utile, répond aux besoins d’organisation, de normalisation, de codification de la société ambiante. Il est nécessaire à l’insertion sociale et alimente la mémoire de court terme « dite » de travail qui, elle, est éphémère,  soumise à l’obsolescence et qui pour être fonctionnelle doit être rechargée par la répétition d’information sur les cibles à atteindre, les résultats à obtenir. On sait notamment que lorsque l’apprentissage latent n’est pas fertilisé en permanence par la confiance et le plaisir, l’apprentissage utile peut être rejeté, mettre l’apprenant en situation d’échec répétitif et le conduire à l’inertie, au désespoir. Dans ce cas, c’est une impuissance qui a été acquise…

    La question qui se pose aujourd’hui à la société française est sans doute de savoir si son école qui sanctuarise le travail, le mérite individuel, la sélection des élites et se barde d’épreuves d’évaluation censées mesurer les résultats des apprentissages utiles pour accéder aux classes, aux formations puis aux professions supérieures, n’est pas aussi en train d’enseigner de l’impuissance…

    Comment chasser l’ennui et la peur de l’échec de l’école ? Comment miser sur les apprentissages latents qui procurent l’estime de soi sans mettre à bas le contrôle des apprentissages utiles grâce auquel le système scolaire français cherche toujours à se rassurer ? On le sait. La réponse est dans le repérage des activités que l’enfant a envie de faire «par plaisir» et dans l’élaboration, sur leur base, de programmes individualisés de formation, de parcours d’apprentissage personnalisé de plus en plus complexes.

    Essaye encore !

    C’est à ce niveau que prennent leur sens les TICE, le multimédia pédagogique, les jeux video (soit dit au passage qu’il n’y a rien de plus sérieux que le jeu), l’EAO, les simulations, et surtout la prise en compte par l’éducation du rapport que les enfants entretiennent désormais avec les écrans et les réseaux pour construire leur identité, pour exercer leurs vertus, pour solliciter ce qui en eux est virtuel, c’est-à-dire réel mais non concrétisé, non matérialisé, non encore actualisé. Dans un jeu video, dans un logiciel d’apprentissage, l’échec n’est pas matérialisé. Lui aussi est virtualisé. On peut revenir en arrière et recommencer sans que cela porte à conséquences : Try again, essaye encore !

    Il est plus que probable que les enfants, les élèves du XXIe, puissent trouver plus de plaisir, de confiance et d’estime de soi à apprendre à écrire, à lire, à compter, à chercher, découvrir, à créer, à comprendre des choses de plus en plus complexes, seul ou en groupe, avec des machines, des logiciels, des programmes, des jeux sérieux ou pas, qu’en classe avec un enseignant qui s’évertue à imposer à tous un programme disciplinaire venu d’en-haut dont il n’est pas l’auteur. De nombreuses enquêtes montrent déjà cela (Schoolnet).

    Que l’éducation au XXIeme siècle puisse tendre vers l’organisation de cette individualisation des programmes d’éducation grâce à la mobilisation de l’ensemble des ressources numériques, cela ne fait guère de doute, surtout si cette mobilisation a pour principe d’optimiser le plaisir de chacun à apprendre, d’accroître la confiance en soi et de produire de nombreuses grappes de compétences reliées entre elle plutôt que quelques fruits lourds gorgés d’énergie.

    Fin de la deuxième partie// ORME 2.12 Marseille, Jean-Pierre Quignaux

  • Pastèques, grappes de groseilles et éducation numérique ! (3/4)

    Pastèques, grappes de groseilles et éducation numérique ! (3/4)

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    Les digital natives ne sont pas encore nés…

    L’institution scolaire, bien avant que les médias et le commerce s’y intéressent, a été comptable de l’utilisation des temps de cerveaux disponibles et des corps qui les sustentent. Cette institution plonge sa raison d’être dans plus de 2000 ans d’histoire et nous ne sommes qu’à l’aube de la convergence numérique des médias, c’est-à-dire du fait de disposer partout et à tout moment sur un même support de tout ce qui a été et est diffusé sous forme d’images, d’écrits et de sons.
    A cet égard, c’est un peu trop vite que l’on a affublé les gamins nés après 2000 du nom de «digital natives», de «génération numérique».

    Tous ne sont pas nés avec des parents disposant d’un ordinateur et d’internet à la maison, loin s’en faut. Rarissimes sont ceux qui, dés la primaire, ont fait l’expérience d’avoir un maître ou une maîtresse passant sans problème de la craie et des bâtonnets à une console de jeu, une game-boy ou une nintendo DS, pour leur apprendre à lire ou compter.

    Par ailleurs, les effets de la convergence numérique ne commenceront à se faire massivement sentir qu’avec les nouvelles infrastructures à très haut débit optique et surtout radio rendant possible l’accès immédiat , sans fil à la patte, en mobilité, à tous les écrans, à tous les programmes, au creux de la main , sur les prochaines générations de «smartphones», véritables couteaux-suisses à tout faire dans l’univers numérique, ou sur les ardoises toujours plus magiques que sont déjà en train de devenir les tablettes numériques.

    Un système d’éducation met 70 ans minimum pour se transformer et porter ses fruits, le temps que des formateurs-pionniers forment en masse les formateurs des enseignants de terrain de demain.

    Si ces formateurs-pionniers sont demain les «digital natives» nés après 2000, alors, dans le meilleur des cas, ce n’est qu’après 2050 que les transformations numériques du système éducatif désirées commenceront à porter leurs premiers fruits et que ce n’est que 20 ans après le système aura achevé sa métamorphose.

    En fait, les questions qui se posent aujourd’hui sont de savoir à quels nouveaux principes d’éducation devraient former ces formateurs-pionniers, sur quelles bases d’analyse des transformations sociétales de long terme et pour quelle utopie pour la société de demain ?

    La première réponse est dans le mot Education lui-même. Eduquer vient du latin ex-ducere, qui veut dire «conduire hors». La question essentielle qui vient ensuite est  «hors de quoi ?»  Hors de quoi doivent nous guider les nouveaux principes d’un système d’éducation qui est à inventer pour la deuxième partie de ce siècle ?

    La réponse paraît évidente : «hors de l’histoire, hors de la tradition» qui aboutissent aux errances, aux impasses et aux mal-être d’aujourd’hui. Qu’est-ce qui structure cette tradition, cette vieille histoire dont l’héritage premièrement nous paraît sans avenir ou tout du moins obsolète pour tirer pleinement partie des outils et réseaux de collecte, de traitement et de diffusion de l’information et des connaissances et, deuxièmement, nous empêche d’oser formuler des utopies raisonnables à partir de ces outils.

    L’histoire du système éducatif français est celle de ses différentes couches sédiments et c’est de leur gangue qu’il faut envisager de dégager nos neurones.

    S’extraire du passé ?

    S’extraire d’abord d’environ une douzaine de siècles de sédiments déposés par l’éducation antique et les premiers siècles du christianisme en occident. Celle de Sparte, d’Aristote et de Rome tout d’abord dont les buts étaient de dresser les corps et les esprits par la souffrance à la discipline de la vie collective et de sélectionner les futurs élite militaires et gestionnaires susceptibles de reproduire et d’accroître la sécurité, la puissance et la violence de l’Etat.

    A Sparte, le pédagogue, le pédonome (paidomos) y était en permanence flanqué par les mastogophoroi, porteurs de fouets, souvent des jeunes citoyens parvenus à cet honneur après «en avoir bavé». Comme l’a montré l’historien Henri-Iréné Marrou, la violence était  omniprésente dans les institutions éducatives de la Grèce Antique et de Rome dont Aristote avait professé  : «que le jeu ne doit pas être le but de l’éducation, que l’on ne s’amuse pas en apprenant, que la douleur est compagne de l’étude».

    Ces principes antiques de l’éducation sont toujours là. Les premiers siècles du Christianisme n’ont pas adouci la pédagogie sélective et punitive de l’école païenne antique car elle a utilisé les écoles grecques et romaines pour prendre en main la formation réservée  aux futurs clercs. Selon le sociologue Durkheim, ce fut là la véritable naissance de l’école, c’est-à-dire d’un milieu moral organisé, voué autant à façonner les idées et les sentiments de l’élève, à le discipliner par la contrainte psychique et physique, qu’à la transmission des connaissances.

    Une autre couche de sédiments épaisse d’une dizaine de siècles, s’est déposée ensuite à partir des carolingiens  qui ont multiplié avec la bénédiction papale, les écoles destinées à l’instruction des laïcs destinés à gérer l’Empire d’Occident et sceller ainsi le sort de l’école dans l’entre-deux du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel.

    Au XVIe siècle, portés par le développement de l’imprimerie et la concurrence entre Réforme et Contre-Réforme, fleurissent les premiers collèges qui sont conçu comme des lieux  d’enseignement et de surveillance d’une population dont il fallait compter les âmes pour savoir dans quel camp les mettre.

    Les collèges rangent les élèves par âge, par classes de niveau et instituent les examens de passage. Les compagnies de prêtres et de religieuses enseignants (Jésuites Oratoriens, barnabites) nées dans le courant du XVIe sicle s’en emparent et le pouvoir royal s’emploie à  promouvoir, protéger et soutenir l’emprise des Congrégations religieuses sur l’école jusqu’au milieu du XVIIIe.

    C’est à partir du XVIIIe siècle, sous l’influence des philosophes des lumières, que commence à se déposer la troisième couche sédimentaire dans laquelle nous sommes toujours. Pourquoi ?
    Parce que les sciences et les techniques commencent à démultiplier les moyens du développement matériel et que la puissance de l’Etat monarchique instauré par Louis XIV et perpétué par Louis XV et Louis XVI nécessite un enseignement plus utilitaire répondant aux besoins simultanés de l’industrie, du commerce et des armées. Louis XV supprime la Compagnie de Jésus en 1764 et crée l’Académie des Sciences en 1666.

    La voie est ouverte à la création des écoles royales techniques et militaires. Une grande place est y faite aux mathématiques et aux langues étrangères, au détriment des lettres classiques et de la religion. Pour les disciples du cartésianisme comme le philosophe Bernard Lamy (1640-1715), point besoin de pédagogie ouverte car la connaissance n’est pas forcément une bonne chose. L’homme « est corrompu par la curiosité qui le détourne de sa fin« . Du point de vue de l’utilité, Bernard Lamy et ses disciples jugeait par exemple que seules les mathématiques pouvaient donner une formation de base car « les vérités qu’elles enseignent sont simples et claires« .

    Pour d’autres philosophes plus humanistes, l’important n’est plus d’apprendre pour se donner les moyens de devenir un homme, un bon sujet, un bon chrétien, un bon gestionnaire, un bon officier, mais d’apprendre pour travailler au bonheur matériel de l’humanité.

    Couplée aux besoins militaires, l’école utilitaire, politico-économique, scientifique et technique, industrielle et commerciale, administrative et gestionnaire se profile. Il s’agit dés lors d’imprimer « à l’éducation publique le caractère précieux d’éducation nationale » : une  éducation qui relève principalement de l’Etat et qui doit être uniformisée dans tous les établissements du royaume.

    La Révolution ne fera qu’amplifier le mouvement. Plus tard, tout en redonnant des gages à l’éducation religieuse, Napoléon va organiser le nouveau système, le hiérarchiser, le rationaliser, le territorialiser avec la création des académies et des inspections.

    Vers l’Ecole a-normale ?

    La rationalisation, l’uniformisation, l’obligation de l’instruction se déploiera définitivement avec la Troisième République sous la pression des besoins militaires (Les prussiens vainqueurs en 1870 étaient mieux instruits), de la Révolution Industrielle qui a besoin d’ingénieurs, de contremaîtres et de techniciens, de la colonisation qui a besoin de cadres administratifs,…

    Les lois de Jules Ferry de 1881 de 1882 consolident le régime républicain laïque en inscrivant dans son ADN l’idée d’une république scientifique, technique, savante, industrieuse, travailleuse, méritocratique et universaliste seule capable d’apporter le Progrès matériel et moral au plus grand nombre et de faire ainsi rayonner le Génie français.

    En fait, avec la conscription obligatoire née avec la Révolution Française et instituée en 1798,  l’école laïque, gratuite et obligatoire a été,  l’un des instruments essentiels de «nationalisation de la société» par l’État, de la formation de l’Etat-Nation français conçu comme un tout omniscient et polytechnique et dont l’Education Nationale s’est toujours voulu depuis lors la matrice, l’outil et la gardienne.

    Après la seconde guerre mondiale sous la pression du baby-boom, la locomotive du progrès matériel et social par l’éducation, par l’instruction publique généralisée et générale, conduite par l’élite républicaine de ses ingénieurs et technocrates issue de ses grandes écoles s’est élancée sur la voie de la démocratisation, de la massification scolaire sans trop chercher à s’interroger ni sur les principes fondamentaux qui la caractérisent et qui la propulsent ni sur sa destination.

    En fait, presque toute l’histoire de l’Education en France se résume dans la mise à angle droit, dans la mise à l’équerre, à la norme, des apprenants. L’Ecole Normale n’est-elle par l’Ecole Norma (équerre en latin), l’école de l’abscisse et de l’ordonnée, de la règle et de la réglementation, de la mise en ordre du vivant et de la nature par l’exercice de la Raison incarnée à son sommet  par l’Etat-Nation et par l’ensemble de ses serviteurs missionnés à vie pour en faire fonctionner les rouages ?

    Fin de la troisième partie // ORME 2.12 Marseille, Jean-Pierre Quignaux

  • L’apprenant va-t-il rencontrer toujours ses formateurs ?

    Quatre épisodes dont voici le premier intitulé « Le temps l’emporte sur l’espace – L’apprenant va-t-il rencontrer toujours ses formateurs ? »

    Prochains épisodes à venir :
    – Episode 2, La culture de l’écran concurrence celle du livre –  L’apprenant et le formateur ont-il encore un terrain de conciliation ?
    – Episode 3, Jouer à vivre ou bien vivre à apprendre – Dans une approche réseau, le «Digital Native» a-t-il besoin d’un formateur ?
    – Episode 4, Apprendre chez soi ou dans son entreprise – L’apprenant a-t-il intérêt à rencontrer un formateur ?

    Le temps l’emporte sur l’espace : l’apprenant va-t-il rencontrer toujours ses formateurs ? 

    Michel Serres nous rappelait récemment que si on demandait à une personne son adresse, sans préciser postale, on prenait le risque de récupérer juste son email. Aujourd’hui, on se positionne, on se calcule, GPS oblige, autant dans le temps que dans l’espace. L’email et ses mots de passe associés, forment un code numérique qui permet à chacun de s’affranchir, en partie, du lieu d’activité, du lieu de loisir ou du lieu personnel, pour rester en contact permanent et instantanément, si on le souhaite.

    L’une des questions n’est plus de savoir d‘où on se connecte, mais quand et à quelle fréquence ? L’autre question est bien-sûr la raison et le sens du traitement de ces informations, fugaces pour la plupart, issues de ces services, futiles pour certains, que portent tous les e-auxiliaires à notre «service» dans nos espaces de vie. De même, si on demande à un banlieusard où il habite, il ne va pas répondre à 18 kilomètres du centre ville, mais à 45 minutes. Ainsi, indépendamment de la qualité d’un quartier ou de la construction plus ou moins durable, l’attrait d’un habitât peut être lié à la proximité d’une gare TGV ou d’un nœud urbain principal : des réseaux routier, ferré, numérique, … et social.

    Appliqué à la formation, surtout celle tout au long et tout au large de la vie, ce rapport comptable entre le temps et l’espace, induit aujourd’hui la mise en oeuvre de formations ouvertes et à distance d’un type particulier. Si la FOAD peut être considérée comme une combinatoire multiple entre les trois unités d’action, de lieu et de temps, on observe que de plus en plus d’actions FOAD se structurent pour dégager une nouvelle forme implicite de consensus temporel entre l’apprenant, le formateur et l’institution.

    Ce compromis résiderait dans la consommation faible d’un temps partagé obligé. L’important ne serait plus forcément d’être physiquement présent avec son formateur, mais de garder un lien pluriel avec l’institution, et surtout, avec sa communauté d’apprentissage, quand elle existe. Ce lien évolutif est à la fois synchrone et asynchrone, individuel et collectif, actif et proactif, formatif et productif, libre et contraint. Certes, il demeure, et demeura, aussi dans des temps présentiels avec les formateurs, mais «espacés».

    Cette nouvelle distribution restera cohérente, sous réserve d’accéder, via le réseau numérique, à niveau suffisamment efficace, aux contenus en ligne, aux consignes et aux conseils des formateurs distants, également en ligne. Il s’agit aussi de pouvoir saisir en vivant, in situ, les enjeux sociaux de l’apprentissage et de la formation. L’essor des cours ballado-diffusés par les universités, l’activité des antennes des Ateliers de Pédagogie Personnalisée et le développement des Points d’Accès à la Téléformation en région, la systématisation des tutorats en ligne autour des plates-formes de télé-formation, la banalisation des visioconférences à la place des traditionnelles réunions, l’accès facilité aux espaces collaboratifs, l’usage des réseaux sociaux à des fins pédagogiques, la démultiplication des outils du Web 2.0 à toutes les sauces, les applications à tendances formatives sur les smartphones, y compris californiens, etc… sont autant de preuves de ces tendances lourdes de l’apparition et de l’ancrage du «Mobil-learning» ou en français «Apprentissage nomade».

    Réunir régulièrement dans un même lieu, un enseignant avec des étudiants, un formateur avec des apprenants, un consultant avec des salariés, (un commercial avec ses clients), ou un bénévole avec des membres d’une association, s’il n‘y pas une intention pédagogique ou sociale explicite à cette dimension collective, pourrait se révéler contre-productif !

    Le phénomène inquiétant des décrocheurs de collèges, de lycées, d’universités, et même, semble-t-il, d’écoles d’ingénieur, illustre cette tension. Si l’époque de la société dite industrielle où l’écolier, muni de son certificat d’étude, devait passer par le lycée de la ville préfecture pour rejoindre le temple du savoir, (i.e l’université) à la capitale, est bel et bien révolue, celle d’une «société apprenante» est encore à construire.

    Ce sont les organismes de formation, les CFA, les universités, et leurs partenaires territoriaux, y compris les OPCA, qui ont la charge d’organiser un nouvel accès facilité à tous les apprenants, avec la stratégie européenne renouvelée en 2005 à Lisbonne, concernant la société de l’information.

    Demain, peut-on imaginer la systématisation des actions de formation ouvertes où les formateurs ne rencontrent qu’à «l’occasion» les apprenants juste pour la validation ? Est-il avéré que ce n’est plus la peine de se rassembler dans un même lieu pour apprendre ? Avec les porosités sous-jacentes de nos espaces de vie et de travail, qu’a-t-on à perdre et à gagner, et surtout, qui devrait y gagner et qui devrait y perdre ?

    Les premiers éléments de réponse seraient dans la formule : «Tous apprenants, tous tuteurs, tous appreneurs !»

    Aux regards des contradictions, de la complexité et des tensions de nos sociétés, «apprenant» semble être le seul métier durable, mais avec double nécessité :
    – de comportements nouveaux et responsabilités reconnues des apprenants pour saisir toutes les opportunités d’auto-apprentissage, plus ou moins accompagnées dans un cadre formel, non formel et informel, tout au long de la sa vie ;
    – d’une diversification du métier de formateur (accompagnateur et concepteur) dans un cadre légal et réglementaire toujours décalé au regard des enjeux. Il s’agirait de mettre en place un espace de cohérence stable, avec plus d’ouverture, visant à coupler «FOAD» et «apprenance».

    Source : Jean Vanderspelden, retrouvez les billets sur le blog de t@d

  • Motivations et déceptions dans le numérique à l’Ecole en 2012

    Motivations et déceptions dans le numérique à l’Ecole en 2012

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    Dans les candidatures de 2012, qui parle vraiment de numérique en éducation?  Passés tous les problèmes récurrents qui prennent de plus en plus d’ampleur dans un secteur «meurtri», osons le terme, il ne reste que peu de place pour les TICE dans les lignes de campagne.

    Il est naturel que ce sujet ne soit pas la priorité parallèlement à l’actualité où suppressions de postes, violence à l’école et réformes en tout genre font la une de nos journaux ! Pourtant, «le rôle du politique ne serait-il pas de donner un signal fort pour entraîner l’adhésion de tous», suggère un des enseignants interrogés.

    Alors que le numérique entre en scène dans chaque étape de notre vie quotidienne, personnelle ou professionnelle,  il serait temps de penser à ce qu’il occupe aussi les bancs des écoles ;  en quelque sorte, capitaliser les acquis de nos enfants, les «digital natives», pour les utiliser en situation d’apprentissage.

    Le numérique éducatif reste flou dans les programmes de campagne

    Une réflexion autour des propositions des candidats les plus «populaires» dans les sondages nous permet de jauger des intentions de ces derniers.

    Autour du candidat socialiste, François Hollande, qui promet l’ouverture de 60 000 postes dans l’éducation et spécialement en école maternelle et en primaire puisque c’est à ce niveau que, d’après lui, se joue l’échec scolaire, pas d’allusion franche au sujet qui nous intéresse ; Il est pourtant le candidat qui a engagé un programme ambitieux d’équipement en tablettes numérique des collégiens pour son département, la Corrèze ; il n’est donc pas ignorant de l’importance des équipements et usages des TICE en classe, puisqu’il propose une «généralisation» des nouvelles technologies.

    Du côté de l’UMP, pas de propositions concrètes non plus dans le programme de «la France Forte» de Nicolas Sarkozy. On peut supposer néanmoins qu’il bâtira sa politique d’éducation numérique sur les propositions faites en juin 2011 dans un rapport de l’UMP (largement inspiré du rapport Fourgous), déclinant un certain nombre de sujets comme, entre autres, la généralisation des Tableaux Numériques Interactifs, celle des manuels numériques, les ENT (Environnements Numériques de Travail) obligatoires dans le secondaire et à l’Université, les TICE présents dans la formation initiale et continue des enseignants et la présence tant attendue du référent numérique «rémunéré» pour tous les établissements du second degré.

    François Bayrou semble, quant à lui, convaincu d’un usage obligatoire du numérique comme outil collaboratif dans la communauté éducative, notamment en ce qui concerne le partage de ressources «libres», répondant aux besoins croissants des enseignants dans ce domaine. Pour lui, le numérique est  un moyen rapide et moderne d’échanger, de partager, de construire entre enseignants pour améliorer les pratiques pédagogiques ; il parle d’un projet «humaniste».

    Au delà de ces considérations politiques, voyons ce que proposeraient les enseignants que nous avons interrogé pour améliorer la mise en place des TICE à l’école.

    Arrivée des TICE dans une ambiance morose

    «Le manque de reconnaissance», «une déconsidération générale de la fonction d’enseignant», «élèves et parents perdent peu à peu confiance en notre système de formation», «enseignants déprimés», voilà un bref aperçu du ressenti des quelques enseignants interrogés ; Le décor est planté. Les vraies valeurs, celles qui mettaient autrefois le «maître» sur un piédestal, sont tombées aux oubliettes.

    Alors que les enseignants s’interrogent sur la considération de nos dirigeants pour leur métier, nous comprenons que le contexte est bien mal choisi pour faire entrer ces nouveaux outils dans la pédagogie du corps professoral, encore trop souvent ressentis comme complexes à mettre en place.

    Bien qu’ils l’utilisent au quotidien, le numérique n’est pas perçu par nos interlocuteurs comme le «sauveur» du monde éducatif, mais un outil qui sera utile au «changement».
    Sans vouloir laisser de côté le numérique, tous s’accordent à dire qu’il faut dans un premier temps, penser à changer «l’école», «passer d’une politique qui suit avec retard les évolutions de l’informatique à une ambition de changement de l’école», précise l’un d’eux.

    Du changement pour l’école avec le numérique en toile de fond

    Changer l’école, c’est aussi faire évoluer le corps enseignant, «pour permettre des pédagogies qui soient basées sur des objectifs encourageant analyse et créativité».
    Avec le numérique, on modifie profondément les habitudes des enseignants, qui ne sont pas prêts et formés pour cela, comme le souligne un enseignant, «tout nouvel outil semble insurmontable à intégrer en classe».

    Le changement devrait aussi passer par une réforme des programmes. Toutes leurs réflexions convergent vers le fait que le socle actuel est souvent obsolète et pas du tout adapté à l’évolution de la société.  Je citerai l’exemple d’une enseignante qui avoue se sentir inutile, «parce que mon travail, c’est surtout de préparer les élèves au bac, une épreuve qui n’a pas de sens dans le monde d’aujourd’hui. Je les prépare à une épreuve et à des exercices vains qu’ils n’auront pas à reproduire».

    Et le numérique dans tout ça ?

    Le numérique à l’école interviendrait comme un élément de la mise en œuvre de la stratégie choisie pour le changement.

    Notons qu’il a déjà engagé des bouleversements dans l’enseignement et l’apprentissage des élèves. Le rapport au savoir, l’accès à l’information sont profondément modifiés ; l’outil numérique favorise le travail en groupe, collaboratif, l’échange entre tous les acteurs de la communauté éducative ; «il décloisonne l’espace-temps de la classe et c’est un vrai plus».

    Un usage du numérique trop collaboratif ?

    «L’introduction du numérique induit un changement de posture de l’enseignant, il n’est plus le détenteur du savoir et la transmission des connaissances n’est plus verticale». Cette déclaration amène l’idée que le numérique permet une ouverture vers le monde extérieur.

    Cependant, les enseignants s’interrogent : cette évolution est-elle véritablement souhaitée par l’institution ? Et n’est-ce pas là un des freins au développement du numérique en éducation ? Tous ont le sentiment d’un certain contrôle, la tradition du système vertical ne pouvant être ébranlée par un mouvement plutôt horizontal, «le web social» ouvrant la porte à toute liberté pédagogique… Pourtant, n’est-il pas primordial que les TICE soient portés par les enseignants, les acteurs de terrain ?

    Sans être la priorité, le numérique dans l’éducation doit s’engager plus franchement, «pour que nous ne soyons pas en décalage avec la société qui « absorbe » ces avancées technologiques bien plus vite que la communauté éducative», ajoute une enseignante.

    Le numérique lui-même évolue constamment, si l’on en juge les usages en mobilité (téléphones, tablettes) et on-line (cloud)… et les personnes interrogées s’inquiètent,  «sommes-nous déjà en train de rater le virage de l’intelligence collective» ?

    Malgré de grandes initiatives lancées par le Ministère de l’éducation nationale pour développer le numérique (plan ENR, expérimentations avec les manuels numériques, cahier de textes numérique obligatoire depuis la rentrée 2011 et très récemment l’opération chèques ressources, généralisation des ENT), et qui ne sont pas restées sans suite, le numérique n’affiche pas, à l’école, la croissance exponentielle qu’il connaît dans notre vie quotidienne ou d’en d’autres pays d’Europe. Pour quelles raisons ? Plusieurs aspects sont passés au crible et répondent en partie à cette question.

    Du matériel à foison

    D’un point de vue équipement, le bât blesse. Alors que les collectivités font des efforts pour mettre à niveau leurs établissements, leurs investissements ne sont pas toujours cohérents.

    L’exemple donné par une enseignante sur sa Région qui a investi pendant longtemps dans les Tableaux Numériques Interactifs (TNI) et qui décide de ne subventionner aujourd’hui que les VidéoProjecteurs Interactifs (VPI), est très parlant. Sans entrer dans le détail du choix fait par la collectivité pour tel ou tel matériel, qu’elle pourrait certainement argumenter, cette enseignante nous donne matière à réfléchir sur ce cas concret.

    Sachant qu’un professeur de lycée est amené à changer de classe plusieurs fois dans la journée, il se retrouve en présence de matériel différent d’un cours à l’autre ; alors qu’il parvient tout juste à devenir performant sur le TNI, le professeur doit se mettre à niveau pour être capable d’utiliser le VPI.
    Au travers de ce témoignage, notre enseignante cherche à démontrer qu’un établissement équipé ainsi de manière disparate ne peut pas fidéliser les pratiquants aux TICE. Non seulement c’est un frein au développement du numérique mais cela remet en question l’optimisation du coût investi par la Région.

    Les enseignants assistent impuissants à ce foisonnement de matériel qui leur est offert sans avoir été concertés. Pourtant, ne sont-ils pas les principaux intéressés et les utilisateurs finaux ?

    Pas de poste fléché pour la maintenance

    Restons sur le matériel et abordons un autre problème de fond : la maintenance des équipements. Personnels des académies, des CDDP ou CDRDP, ou encore des collectivités ;  il n’y a pas de règle en la matière pour entretenir et assurer le quotidien des matériels informatiques.

    C’est pourtant essentiel pour que l’enseignant réussisse à utiliser les outils numériques dans de bonnes conditions. «Le professeur qui a 35 élèves à gérer ne peut pas se permettre de régler les problèmes de maintenance informatique. Du matériel en panne, ou qui fonctionne mal, ça décourage les collègues de l’utiliser», confie l’un d’eux.

    Du personnel pas ou peu qualifié et des moyens largement insuffisants ne permettent pas l’utilisation optimale des nouveaux outils. Il serait souhaitable d’envisager une mutualisation des moyens pour créer de vrais postes dans ce domaine.

    Equiper les profs, un mythe ?

    Lorsqu’il s’agit d’investir dans le numérique, les décideurs pensent souvent aux usages des élèves, mais pas à l’utilisation des professeurs dans leurs tâches quotidiennes. Faire l’acquisition, par exemple, d’ordinateurs portables pour les enseignants « compatibles » avec le réseau de l’établissement et sur lequel ils pourront préparer leurs cours en toute quiétude, n’est pas inscrit sur leur « liste de courses ». Cela implique que l’enseignant prépare son cours sur son propre ordinateur à la maison, mais attention, il ne sera peut-être pas autorisé à l’amener dans sa classe !

    Le témoignage de cette enseignante en langues est exemplaire :
    «Je souhaiterais amener mon ordinateur en cours mais je ne peux pas car il est interdit de le brancher sur le réseau de l’établissement ; or, c’est ce réseau qui nous permet de remplir le cahier des absences, les notes, les bulletins et le cahier de texte en ligne… on est obligé d’utiliser les ordinateurs du lycée qui ont des mises à jour à tout moment, très chronophages, et sur lesquels on ne sait pas quels logiciels sont installésLe résultat est qu’une vidéo n’est pas toujours visible, parfois il n’y a pas d’enceintes donc pas de son ou encore, le logiciel « Powerpoint » n’est pas installé… On peut passer des heures à préparer un cours pour, au final, ne pas pouvoir le réaliser. C’est une démotivation au quotidien pour les enseignants et pour les élèves (…)».

    Finalement, mieux vaut opter pour un cours traditionnel, on gagne du temps ! Au vu de cette démonstration, c’est la réflexion que pourrait avoir plus d’un enseignant aujourd’hui.

    «Il n’est pas rare de voir des profs, même parmi les plus motivés, se retrancher derrière des séances plus traditionnelles de « transmission du savoir » où, au moins, la classe est calme et les élèves repartent avec une trace écrite construite», ajoute une autre enseignante.

    L’accompagnement des enseignants largement insuffisant

    Un manque de motivation chez les enseignants aux nouvelles technologies ? Voici une réflexion redondante qui alimente les conversations de toute la communauté éducative aujourd’hui. Mais dans ces mêmes discours, il est souvent question d’accompagnement. «Si les élèves sont nés à l’ère du numérique, ce n’est pas le cas des professeurs».

    La mise en place de « vrais » plans de formation aux TICE pour les enseignants est sujette au débat ; les TICE ne doivent plus être une option, sous-entendu, elles doivent faire partie de la formation initiale et de la formation continue. Il y a, d’une part, la maîtrise des outils, comme le précise une enseignante, et d’autre part, le fait «d’être en mesure de les intégrer de façon pertinente dans sa discipline en vue de la valorisation de la formation dispensée aux élèves».

    L’ensemble de ces réflexions d’hommes et de femmes «de terrain» nous amène à conclure qu’en termes de numérique à l’école, tout semble à construire. Nous sommes encore sur une phase de «matériel», lui même déjà contraint à des aléas techniques non résolus et encore loin de la phase «usages pédagogiques», tant attendue pour boucler le cercle vertueux de l’école numérique de demain.

    Pour ces enseignants déterminés à avancer malgré «la crise de confiance», le numérique est l’outil idéal qui va permettre de travailler collectivement ; au-delà des ressources marchandes, les échanges induits sont une mine d’or pour les élèves et les enseignants ; un réseau qui sera permis via des outils variés (tablettes, netbooks, TNI… smartphones ?) qui seront, au même titre que la calculatrice, la trousse ou le cahier, des composants du cartable de l’élève.

    Les usages pédagogiques pourront enfin voir le jour dès que les contraintes techniques disparaîtront.

    Enfin, redorer le blason d’un métier qui doit s’accorder une mutation s’avère une étape incontournable car, sans motivation des principaux intéressés, aucune avancée ne pourra se faire.

  • A l’heure d’Internet et de la mondialisation, une école citoyenne reste-t-elle possible ?

    A l’heure d’Internet et de la mondialisation, une école citoyenne reste-t-elle possible ?

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    Former des citoyens libres

    La grande idée révolutionnaire repose sur la conviction que l’éducation pour tous, dès l’enfance, est la meilleure façon d’assurer l’égalité et la liberté réelle des hommes, telle qu’elle est inscrite dans l’article 1 de la déclaration des droits de l’Homme et que c’est à l’Etat de mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’obtention de l’égalité.

    L’école a permis de propager les valeurs de la révolution, liberté, égalité, fraternité, la langue et la culture françaises (et aussi, à certains moments, le patriotisme et le respect des frontières).

    Les besoins du capitalisme

    Jules Ferry réinvente l’école à l’heure de la révolution industrielle et le système scolaire qui en résulte est centré sur les besoins d’une économie de production. L’école crée des corps d’ingénieurs et d’ouvriers spécialisés performants pour l’industrie : les ressources nécessaires pour faire de la France une grande nation industrielle. Elle est elle-même organisée – taylorisée – par Jules Ferry comme une gigantesque usine.

    Les besoins de la nation

    L’administration de l’Ancien Régime littéralement décapitée par la Révolution, Napoléon invente alors les élites scolaires à la française pour donner des cadres dirigeants à son nouvel état qui reste centralisé.

    Les fonctionnaires, les membres des grands corps d’état (le plus souvent des ingénieurs) et bien souvent les cadres des grandes entreprises publiques ou privées privilégient la reconnaissance sociale sur la rémunération pure. Jusque dans les années 1990, il n’y a pratiquement d’élites en France qu’à travers l’école. A l’exception de quelques fortunes familiales, dont d’ailleurs les rejetons dirigeants sont souvent diplômés des grandes écoles (Michelin, Dassault, Peugeot…), tous les cadres dirigeants des grandes sociétés et tous les hauts fonctionnaires, une grande partie du personnel politique exécutif, sortent d’une petite dizaine de grandes écoles ou de facultés d’élite.

    L’idée révolutionnaire que l’école est libératrice, bonne pour les hommes, la nation, etc.. est une très grande idée, une idée à laquelle je suis très attaché mais en tant que telle, c’est une idée non prouvée, un parti-pris idéologique et politique: une illusion. J’emploie ce terme au sens Freudien où une illusion n’est pas forcément une erreur ni un mensonge, mais plutôt une idée reçue, qu’on ne peut ni prouver ni réfuter.

    Contrairement à ce qu’affirment tous les candidats à la Présidentielle, il n’est pas prouvé qu’investir dans l’école soit en soi rentable, libérateur, nécessaire à la démocratie, la solution à la crise économique actuelle, etc…

    L’école de Jules Ferry ne peut donc pas être vue comme un simple projet pédagogique.

    Tout projet d’éducation de masse est en fait une nécessaire rencontre entre une illusion (l’idéologie), des moyens de production et un état social. Il ne peut fonctionner que s’il y a cohérence et complémentarité entre ces trois points.

    Or, s’il y a encore encore consensus en France sur ce que doit être le rôle de l’école (le premier point), il n’y a plus de complémentarité possible parce que les besoins du capitalisme ont évolué et parce que le pacte social qui liait les élites à la Nation s’est effondré.

    Depuis le début des années 80, la mondialisation a radicalement changé les besoins du capitalisme. Les ouvriers nationaux, mis en concurrence avec ceux des pays en développement, sont marginalisés. Avec Internet, la production de masse est remplacée par la consommation de masse de produits virtuels. Le marketing et la communication prennent le pas sur l’ingénierie. Le monde devient connecté, outillé, créatif. Les besoins de formation et les formes d’éducation qui en résulte doivent être radicalement transformés.

    Simultanément, les élites françaises s’effondrent. L’Etat est de plus en plus déconsidéré et de moins en moins reconnu. Le nombre de grands projets diminue. Le « deal » qui consistait à échanger richesse contre honneur ne fonctionne plus pour les hauts fonctionnaires, qui pantouflent, affaiblissant encore plus l’état qui en outre, alors qu’il est de moins en moins performant, alors que ses prérogatives diminuent, continue à grossir et à recruter, presque sans limite, des fonctionnaires.

    Ce phénomène, qui a commencé au début des années 70 avant la mondialisation, mais qui a ensuite été amplifié par la mondialisation, sera expliqué de façon plus approfondie dans un prochain billet.

    Ce n’est pas l’école qui a failli, c’est le monde qui a changé. Et tout nouveau projet politique de l’école ne peut être pensé que comme une réponse à la question suivante : alors que l’école ne répond plus, pour des raisons qui lui sont tout à fait extérieures, ni aux besoins économiques, ni aux besoins sociaux de la Nation, comment peut-on la faire évoluer, la corriger pour qu’il y ait à nouveau convergence ? Comment conserver vivant le mythe pédagogique, comment en faire le terreau de l’égalité entre les citoyens ?

    Les candidats à la présidentielle, en se focalisant exclusivement, idéologiquement, sur l’école font fausse route. Il ne s’agit pas d’embaucher plus de professeurs, de les faire travailler plus, d’arrêter l’enseignement du latin ou de l’histoire sous prétexte que ces matières ne sont pas « utiles » – j’arrête ici parce que j’ai du mal à qualifier l’inanité de ces propositions qui viennent de bords très différents mais qui ont toutes les mêmes conséquences: faire de l’école non pas un investissement pour le futur mais un puits de dépenses sans fond – car sans fondement.

    J’essaierai pour ma part, dans de prochains billets, d’apporter des éléments complémentaires d’analyse et de réponse pour le développement d’une nouvelle école.

    Source : Thierry Klein, Président de Speechi, voir le blog

  • L’identité numérique : comment amorcer le sujet avec ses élèves ?

    Des avantages indéniables qui expliquent leur popularité auprès de tous : retrouver des amis, se maintenir à l’écoute des tendances et de l’actualité, échanger, partager, développer une communauté autour d’un sujet, etc… Leur développement est  très rapide et nos élèves ont entre leurs mains de nouveaux outils qu’ils ne maitrisent pas toujours.

    Les élèves sont-ils préparés pour utiliser ces outils ? Ont-ils une réelle connaissance des bonnes pratiques sur Internet ? Ont-ils conscience de la portée de leurs actes au sein de ces nouveaux lieux d’échange ? Comment les utilisent-ils ? Comment en parler avec eux ? Comment les intégrer au sein de l’école ou d’un cours ?

    Ces outils qui facilitent la publication et la diffusion comme jamais auparavant ont suscité l’engouement des élèves. Il est  dommage et surtout voué à l’échec de les interdire. Mais former les élèves à utiliser les ressources offertes par internet, à développer leurs pratiques, à multiplier les sources, à apprendre à rédiger plutôt qu’un simple copier-coller, à mesurer leurs paroles (la prise de parole demeure publique – au-delà des apparences)… est aujourd’hui indispensable.

    Comment aborder l’identité numérique avec ses élèves ?

    Quel enseignant utilisant Internet en classe n’a pas déjà vécu la situation de la publicité « osée » qui apparaît soudainement en plein milieu d’une page ? Faut-il bannir Internet de l’école pour autant ?  Si Free a choisi de bannir les publicités, le problème n’est pas résolu. Les enfants tombent dessus de 1000 façons différentes.

    Quelles stratégies employer alors pour en parler en classe ? En voici quelques-unes.

    Rappeler aux élèves cet adage : «  Je suis ce que j’écris ».
    Etablir une charte d’usage des médias sociaux à l’école. Le site Chercher pour trouver suggère des pistes pour établir une « nétiquette » pour l’utilisation saine et responsable des forums et des médias sociaux.
    Parler des expériences vécues par les élèves.
    Caché derrière un écran, il est plus facile de s’exprimer derrière un pseudo ; il est plus facile de mentir sur notre vraie identité ; la gêne s’envole et les langues se délient. L’intimité est fausse, mais les personnes et les émotions sont réelles.”, Karine Thonnard,  Conseillère pédagogique au Récit de l’enseignement privé.

    Voilà une façon simple d’amorcer la discussion sur l’identité virtuelle avec les élèves, mais aussi sur la cyber-intimidation.