Catégorie : POINT DE VUE

  • Les nouveaux modes d’enseignement

    L’école «à la maison»

    Avant le numérique, l’école «à la maison» n’était envisagée que pour des besoins idéologiques (parents tenant à inculquer des valeurs spécifiques fortes – voire sectaires – à leurs enfants) ou pratiques (éloignement du territoire, gens du voyage…).

    Au fur et à mesure que des contenus adéquats deviennent disponibles en ligne, de plus en plus de parents vont, partiellement ou totalement, délaisser l’école pour une partie de la formation ou pour des formations nouvelles.

    Le rôle des parents dans l’enseignement, au moins au niveau de l’orientation des enfants, augmente. De nouvelles écoles ou académies en ligne apparaissent, sur le modèle de la Khan Academy américaine.

    L’enseignement à distance

    L’enseignement à distance, par Internet se développe très rapidement au niveau des universités.

    Depuis une dizaine d’années, Stanford et le MIT proposent des cours diplômant – et payant – en ligne. 1/3 des étudiants de l’Université de Phoenix suivent les programmes à distance.

    Cette tendance, qui touche en priorité l’Université est appelée à se propager vers les lycées et les collèges. Elle permettra a minima d’apporter un plus grand choix d’options. Un élève habitant la campagne pourra par exemple choisir l’option « Grec » où qu’il soit, même si cette option n’est pas enseignée dans son lycée.

    La formation continue (ou l’enseignement tout au long de la vie)

    La formule «enseignement tout au long de la vie» est utilisée à tort et à travers, de façon incantatoire – le plus souvent comme un cache misère destiné à masquer l’inadaptation des formations universitaires.

    Cependant, la formation continue à distance, par Internet est-aujourd’hui une tendance lourde créée et stimulée par le développement des technologies numériques. Une formation à distance, cela peut être de la simple consultation de Wikipedia à l’obtention de diplômes en ligne, quel que soit l’âge de l’élève.

    La formation assistée par ordinateur

    Les jeux sérieux, les simulateurs, les questionnaires à choix multiples automatisés, qui font varier le niveau des problèmes en fonction de la qualité de réponse des utilisateurs, les logiciels permettant d’apprendre les langues sont autant de moyens nouveaux et révolutionnaires en ceci qu’ils peuvent être utilisés de façon intensive par les élèves, sans augmentation du nombre de professeurs.

    Pour les petits enfants, le côté addictif d’un jeu peut être mis à profit pour répéter presqu’à l’infini des exercices d’apprentissage (de la lecture, du calcul, d’une langue).

    L’ordinateur peut être plus efficace – et beaucoup moins coûteux – que le professeur pour faire répéter des exercices du type « ba-ba ».

    Il y a six “piliers” de l’enseignement qui doivent être repensés, de façon à ce que l’école fasse face, et en partie intègre, cette nouvelle concurrence. Ils seront exposés dans mon prochain billet.

  • Le plaisir est-il un moteur des apprentissages ?

    Il nous présente sa vision sur le plaisir d’apprendre, en quatre épisodes, en passant par la définition générale d’apprendre, le travail de l’enseignant comparé à celui d’un concepteur de jeu sérieux, un questionnement sur la possibilité d’avoir du plaisir en apprenant et enfin le plaisir peut-il être un moteur pour les apprentissages.

    Quatre sujets en lien avec le thème de la prochaine Université d’été de Ludovia «Plaisir et éducation numérique», à laquelle André Tricot interviendra en table ronde.

    Pour conclure sur cette série sur le plaisir d’apprendre, André Tricot aborde un sujet qu’il juge beaucoup plus sensible à explorer du fait du peu de résultats de la recherche sur cette question «le plaisir peut-il être un moteur des apprentissages» ?

    Cette fois-ci, le plaisir se place non pas comme une caractéristique d’une situation d’apprentissage mais comme un déclencheur de celui-ci.

    Des éléments de réponse sont avant tout négatifs. En effet, prenons l’exemple d’une personne qui ne comprend pas quelque chose ou qui n’arrive pas à faire quelque chose. Cela nous apporte génère une énorme frustration. Et donc « je vais produire les efforts pour apprendre afin de diminuer ma quantité de frustration« .

    «Quand je comprends enfin ou que je parviens à faire quelque chose, j’éprouve un plaisir de soulagement».

    On peut aussi se dire que certains adultes ou certains enfants ont le plaisir de la découverte. «Là dessus, je ne suis pas persuadé qu’on ait vraiment des résultats qui rendent compte que la découverte est un plaisir».

    Les humains sont-ils vraiment à la recherche de découverte ? André Tricot nous donne l’exemple de l’apprentissage par découverte documentaire sur le web ou en bibliothèque dans lequel les résultats sont plutôt mitigés : «les résultats montrent que la plupart des humains lorsqu’ils découvrent un nouvel espace, plutôt que de l’explorer et chercher à le découvrir, vont plutôt essayer de se rassurer en allant voir ce qu’ils savent déjà».

    La plupart d’entre nous éprouve du plaisir à la découverte, mais nous sommes globalement tous plutôt à la recherche de confirmations de ce que nous savons, que de remises en cause.
    «Je n’ai pas l’impression que le processus d’apprentissage soit vraiment vecteur de plaisir, mais plus les situations au sein desquelles on apprend qui peuvent générer du plaisir».

    En conclusion, pour André Tricot, ce dernier sujet est vraiment un point opaque de la recherche sur les relations entre émotions et apprentissages, entre plaisir et apprentissages (au sens processus d’apprentissage et non situation d’apprentissage) et il espère que des travaux vont aboutir dans les années à venir pour pouvoir fournir une réponse plus complète.

    Plus d’infos sur André Tricot : lire son livre « Comment concevoir un enseignement ? »,superieur.deboeck.com

  • Peut-on avoir du plaisir à apprendre ?

    Il nous présente sa vision sur le plaisir d’apprendre, en quatre épisodes, en passant par la définition générale d’apprendre, le travail de l’enseignant comparé à celui d’un concepteur de jeu sérieux, un questionnement sur la possibilité d’avoir du plaisir en apprenant et enfin le plaisir peut-il être un moteur pour les apprentissages.

    Quatre sujets en lien avec le thème de la prochaine Université d’été de Ludovia «Plaisir et éducation numérique», à laquelle André Tricot interviendra en table ronde.

    André Tricot nous livre sa pensée dans ce troisième volet sur comment il est possible pour un apprenant de prendre du plaisir en situation d’apprentissage.

    Le plaisir d’apprendre doit être identique au plaisir induit par des apprentissages naturels. Il appuie sa réflexion sur celle de David Geary, professeur de psychologie à l’université de Columbia dans le Missouri qui a proposé  l’idée il y a trois ans, qui consiste à dire que les moteurs du plaisir de l’apprentissage en classe se trouvent du côté des moteurs des apprentissages naturels, des apprentissages adaptatifs.

    Ces moteurs sont détaillés par André Tricot, comme explorer son environnement (social, physique…), avoir des relations avec autrui, échanger au sein d’un groupe et à l’intersection des deux, le jeu.
    Pour David Geary, les petits humains apprennent énormément de choses au début de leur enfance en utilisant ces moteurs : explorer son environnement, avoir des relations sociales et jouer ; la plupart des jeux étant d’ailleurs une situation où les deux sont réunis : exploration et relations sociales.

    Finalement, dans chacun de ces moteurs, on peut trouver du plaisir : plaisir de la découverte de son environnement, prendre du plaisir à interagir en groupe… Les moteurs d’apprentissage naturels doivent fonctionner dans la classe.

    «Et peut-être que dans les relations sociales, il faudrait insister sur un des moteurs de l’apprentissage qui est l’apprentissage par imitation».

    A cette théorie, André Tricot apporte deux précisions : il pointe du doigt le fait que notre Ecole, sur les cinquante dernières années, a eu tendance à oublier l’apprentissage par imitation et «pour les apprentissages procéduraux (les apprentissages de gestes techniques par exemple), il serait sans doute judicieux de dire qu’imiter quelqu’un, ce n’est pas une sous-catégorie d’apprentissage. Il faut reconsidérer avec plus de sérieux les apprentissages par imitation».

    Et la deuxième précision est de dire, «attention, ces moteurs d’apprentissage ne sont que des moteurs». Cela signifie que ce ne sont pas des objectifs. En utilisant une situation d’interaction en groupe, le but n’est pas d’apprendre aux enfants à interagir, mais à l’utiliser comme support.

    A l’école, la plupart des apprentissages sociaux se réalisent dans la cour de récréation, «mais les situations d’interactions sociales peuvent être utilisées comme moyen de mettre en activité les élèves et de leur faire sentir à nouveau les plaisirs qu’il y a à apprendre dans les situations naturelles».

    Plus d’infos sur André Tricot : lire son livre « Comment concevoir un enseignement ? »,superieur.deboeck.com

  • L’apprenant a-t-il toujours intérêt à rencontrer un formateur ?

    L’apprenant a-t-il toujours intérêt à rencontrer un formateur ?

    apprenant formateur
    Quatre épisodes dont voici le dernier intitulé « L’apprenant a-t-il toujours intérêt à rencontrer un formateur » ? La rencontre durable de plus en plus improbable entre l’apprenant et ses formateurs, et donc, vers des responsabilités nouvelles à partager…

    Pour tout tuteur, interagir avec un apprenant motivé est la situation idéale. Cette motivation repose sur plusieurs facteurs, dont les conditions initiales dans lesquelles les personnes se sont inscrites, ou ont été inscrites, dans ces formations. Quand l’intérêt du salarié croise celui de l’employeur, l’individualisation rationalisante (logique de structure) se conjugue avec l’individualisation autonomisante (dynamique de personne) et accentue l’implication de l’apprenant dans son parcours de formation ouverte.

    Ce cercle vertueux ne fonctionne pas systématiquement ; on constate des abandons en cours de parcours, en particulier plus nombreux, semble-t-il, pour des formations en ligne, mais aussi une exclusion forte, de fait, à l’inscription en formation des salariés peu qualifiés. Certains d’entre-eux, particulièrement déterminés, tentent de mettre en oeuvre des stratégies de contournement.

    Les accès à la formation, pour l’ensemble des salariés, sont aujourd’hui conditionnés par l’application du contexte législatif construit autour de l’Accord National Inter-professionnel signé par l’ensemble de partenaires sociaux en 2009. Dans ces nouveaux principes, cet accord permet à tous les salariés, y compris les moins qualifiés, d’accéder plus facilement à la formation. Après la loi Delors de 1971, puis l’ANI de 2008 et 2009 repris dans la dernière loi sur l’orientation et la formation tout au long de la vie, la France dispose d’un arsenal réglementaire qui vise à favoriser la formation de tous. Beaucoup de pays européens aimeraient, disent-ils, disposer d’un cadre légal aussi «avancé» pour financer la formation continue des salariés.

    Force est de constater qu’indépendamment de la période difficile que nous traversons, ce sont toujours les personnes les plus qualifiées, travaillant dans des grandes entreprises situées dans les pôles urbains, qui profitent au mieux de ces opportunités d’entretenir leur employabilité et de conforter leur citoyenneté au travers des actions de formation. Plusieurs facteurs pointent toujours des décalages persistants qui aboutissent à la question : les salariés peu qualifiés peuvent-ils réellement et durablement se former en entreprise, pourtant avide de compétences collectives sans cesse à renouveler ?

    Très souvent, la raison invoquée pour expliquer cette situation est le manque de motivation des salariés peu qualifiés pour s’engager dans une dynamique de formation. Dans le récent livre «L’archipel de l’ingénierie de la formation», édité aux éditions PUR, Emmanuel Quenson (Université d’Evry-Val-d’Essonne), souligne aussi, sur cette problématique, le rôle des responsables de formation dans l’exercice de leur jugement à l’égard de ces salariés.

    L’exemple des entretiens d’évaluation, légalement systématisés aujourd’hui, est cité comme un moment crucial. A ce stade, les salariés, ouvriers, opérateurs, agents de service, ou équivalents, s’estimant mal maîtriser les codes nécessaires pour co-construire avec leur hiérarchie une dynamique de renforcement de leur employabilité, s’excluent, en quelque sorte, par eux-mêmes de la formation dont, par ailleurs, ils continuent à se méfier.

    L’envoi en formation est de plus en plus lié à une adaptation courte pour un récent poste de travail associé à une mobilité horizontale exempte de toute promotion, voire une mutation externe, en rapport avec une redistribution des activités les moins stratégiques ; souvent tout le contraire des formations des cadres et agents de maîtrise. Peu de salariés sont capables de démontrer leur double implication, professionnelle et personnelle, dans la formation, et donc, de justifier efficacement leur besoin réel et légitime de compétences à actualiser.

    Le DIF n’a pas le succès escompté. Plus que le manque de motivation, ce sont quelquefois les conditions d’expression et de repérage de ces motivations qui peuvent constituer paradoxalement ce filtre. La prescription, passage quasi-obligé, n’est pas toujours la meilleure porte d’entrée en formation.

    Si le salarié ne considère pas sa sphère de travail comme un lieu propice à l’expression de ces besoins de formation, cela ne l’empêche pas forcément d’explorer d’autres pistes et de concrétiser, au prix d’un réel effort sur la gestion de son temps et de ses moyens financiers, une inscription en formation formelle ou informelle, plus conforme à son projet personnel, voire professionnel. Indépendamment de son statut, et ne souhaitant pas informer ses collègues et son employeur, il peut s’auto-prescrire des actions de formation flexible, soit de proximité dans une offre territorialisée dans le champ de l’éducation permanente, soit à distance via Internet avec des offres numérisées, plus ou moins marchandisées.

    Des études montrent qu’en France, les foyers sont mieux équipés pour accéder à Internet que les lieux de travail où les connexions sont souvent inaccessibles, dégradées ou restreintes, surtout pour les postes les moins qualifiés. Cela donne ainsi des possibilités inédites de développer et d’acquérir de nouvelles connaissances et compétences en interagissant, de chez soi sur son territoire, avec des pairs aux seins d’associations, de clubs ou de réseaux sociaux ou des opérateurs formation.

    Si derrière chaque travailleur se cache un apprenant potentiel, derrière un apprenant peut se cacher un salarié ayant fait le choix d’apprendre hors dispositif. En tant que tuteur en ligne, la prise en compte de ces écarts entre le statut affiché et le statut réel (dont le nombre de cas devrait se développer du fait de la complexité du marché de l’emploi), nous apparaît comme importante. Repérer, dès que possible, les conditions d’adhésion (demandée, souhaitée, recommandée, imposée ou positivement dissimulée) à une formation en ligne semble être un point clé pour instaurer une relation d’accompagnement adéquate en vue de comprendre et de réguler le déroulement du parcours à distance.

    Cet état de fait nous interroge sur le nécessaire équilibre entre le secteur de la formation continue, hautement cadré, et le champ de l’éducation permanente, apparaissant aujourd’hui comme le maillon faible des réformes en cours. Aujourd’hui, nous bénéficions d’un côté, d’un dispositif fort et organisé où les formations sont essentiellement prescrites de l’autre, des actions diversement structurées, de telle manière que les personnes, indépendamment de leur statut, puissent bénéficier d’une formation à leur demande. Si l’apprenant a toujours besoin de son formateur ou de son tuteur à distance, la question se pose pour son prescripteur interne ?

    A l’heure où la sécurisation de parcours est la priorité, ne pourrait-on pas imaginer, à l’instar de l’installation mouvementée du FPSPP (Fonds Paritaire pour la Sécurisation des Parcours Professionnels) pour les demandeurs d’emploi, un même mécanisme porté par les partenaires sociaux, en concertation avec les OPCA, qui permettrait à des organismes inscrits dans une logique de type SPRF (Service Public Régional de Formation) d’accueillir en flux continu dans des Dispositifs d’Accompagnement Ouverts (individuel et flexible) et à Distance (partiellement), une part de ces salariés peu qualifiés, en dehors de la logique de prescription ?

    Au regard des enjeux de besoins importants de compétences sur les territoires, doit-on se priver de la capacité de certains individus de décider par eux-mêmes de se former, sans être pour autant autodidacte ? Si le chantier du XXIème siècle porte sur les conditions de mise en oeuvre de l’apprenance aux profits de la personne, il faudra, non seulement travailler sur le vouloir et savoir apprendre, mais aussi, sur le pouvoir apprendre, dans des contextes innovants, temporairement et partiellement déconnectés des enjeux et des tensions liés à son activité professionnelle.

    Dans ces conditions, des salariés peu qualifiés pourront, eux aussi, avec leur tuteur distant, mieux se projeter, à moyen terme, sur des opportunités d’évolution.

    Source : Jean Vanderspelden, retrouvez les billets sur le blog de t@d

  • Enseignants et concepteurs de serious games, même travail ?

    Il nous présente sa vision sur le plaisir d’apprendre, en quatre épisodes, en passant par la définition générale d’apprendre, le travail de l’enseignant comparé à celui d’un concepteur de jeu sérieux, un questionnement sur la possibilité d’avoir du plaisir en apprenant et enfin le plaisir peut-il être un moteur pour les apprentissages.

    Quatre sujets en lien avec le thème de la prochaine Université d’été de Ludovia «Plaisir et éducation numérique», à laquelle André Tricot interviendra en table ronde.

    Voici le deuxième épisode.
    Une fois qu’on a admis qu’apprendre à l’école, ce n’est pas comme apprendre en grandissant ; que c’est une activité qui nécessite des efforts et de l’investissement, on est capable d’identifier les contraintes et les objectifs qui pèsent sur ceux qui conçoivent les situations d’apprentissage.

    «Il me semble que de ce point de vue là, être enseignant ou être concepteur de serious games ou être concepteur d’environnement d’apprentissage, c’est exactement la même chose».

    Définir les objectifs d’apprentissage

    Le premier point important commun à ces métiers, c’est d’être au clair sur les objectifs d’apprentissage, soit définir et structurer les connaissances qui doivent être acquises. «Peut-on décrire de manière précise ce que les élèves sauront une fois qu’on aura fini d’apprendre» ?

    Une des difficultés de ce métier est qu’il n’est pas concevable de se contenter de faire quelque chose et de regarder après ce qu’il en sort. André Tricot donne l’exemple du serious game qui peut coûter des milliers d’euros ; le concepteur ne peut pas faire le jeu sans savoir si les apprenants vont apprendre quelque chose en l’utilisant.

    «Autrement dit, on rentre dans un cadre rationnel où on définit les buts en premier lieu et les moyens ensuite».

    Définir les tâches à accomplir pour atteindre les objectifs

    Il faut définir ce que les apprenants, les élèves, vont faire pour réussir leurs apprentissages ; cela peut être un exercice, comprendre un schéma, découvrir une situation… L’enseignant doit définir des tâches pour ses élèves qui leur permettent d’atteindre les objectifs d’apprentissage.

    Enfin, définir les moyens pour accomplir ces tâches

    Ensuite il sera nécessaire de définir les supports. Comment ces tâches vont-elles être mises en œuvre ? Va t-on utiliser un support audio-visuel, va t-on privilégier l’écrit ou l’oral … ?
    «Il faut concevoir une situation de mise en œuvre de ces tâches, une situation qui a du sens, qui est motivante, à la portée des apprenants et qui est perçue comme telle».

    Enfin, il reste à définir un dispositif de progression et de régulation. La progression, c’est choisir par quelle étape on commence et par laquelle on finit. Et la régulation, c’est vérifier que les élèves sont bien entrain d’apprendre ce que je veux qu’ils apprennent afin qu’ils réussissent l’apprentissage.
    On comprend donc qu’il ne faut pas attendre la fin de l’apprentissage pour commencer à réagir.

    La seule différence entre les concepteurs de serious games et les enseignants réside d’ailleurs dans cette dernière étape «concevoir un dispositif de régulation des apprentissages » ; c’est un jeu pour les concepteurs de serious games et les contraintes sont celles de l’informatique ; c’est une situation scolaire pour les enseignants et les contraintes sont celles de la salle de classe.

    Plus d’infos sur André Tricot : lire son livre « Comment concevoir un enseignement ? », superieur.deboeck.com

  • Dans une approche réseau, le «Digital Native» a-t-il besoin d’un tuteur ?

    Dans une approche réseau, le «Digital Native» a-t-il besoin d’un tuteur ?

    060420124f7ea9e37465a
    Quatre épisodes dont voici le troisième intitulé « Jouer à apprendre et devenir apprenant, tout au long de sa vie – Dans une approche réseau, le «Digital Native» a-t-il besoin d’un tuteur ?

    Dans l’une des «causeries» portant sur l’alliance délicate entre pédagogie et technologie (série de vidéos rafraîchissantes disponibles sur Dailymotion), Marcel Lebrun (Université de Louvain) préfère parler, avec son complice Christophe Batier (Université de Lyon 1), de «Fun Learning» plutôt que de «Serious Game» ! Tout est dit ; un titre avec fondement humain, au regard d’un slogan à visée marketing !

    Il est difficile de ne pas croiser la vague médiatique vantant les mérites de l’usage des jeux d’aventures en 3D et avec avatars multicolores, à des fins annoncées comme formatives. Le jeu a certes toute sa place dans la formation des adultes : jeu plateau, jeu de rôle, jeu de logique, jeu de simulation, etc…, même si celle-ci reste souvent sous-dimensionnée dans la pratique. Ses apports résident dans l’apprentissage et le respect de règles, dans l’élaboration et la mise en place de stratégies individuelles et collectives de coopération, dans la simulation sur le principe essai-erreur, dans la stimulation et le plaisir du risque ou du challenge, et aussi dans les acquisitions de savoirs thématiques liés à chaque jeu. Par ailleurs, les apprenants s’appuient sur leur culture jeu et réseau, pour apprendre, collaborer et donc pour travailler. Malgré cela, se pose la question de l’impact réel de l’usage de Jeux Sérieux, tels qu’on les présente en formation formelle des adultes.

    Le doute repose sur deux effets convergents ; l’évolution des usages de la micro-informatique et la puissance économique des industries de ce secteur. A la fin des années 1970, la commercialisation des premiers micro-ordinateurs a fait naître des perspectives novatrices, dont celles nous laissant envisager que les machines allaient nous «aider» à nous former, voire à nous faciliter l’apprentissage. Après la télévision éducative, apparaît une nouvelle chimère avec la naissance de l’EAO ou de l’EIAO (couplage de l’intelligence artificielle et de l’enseignement).

    Force est de constater que les apports attendus ne se sont pas cristallisés sur ce domaine, même si, avec la connexion du micro-ordinateur au réseau Internet, apparu vingt ans plus tard, de vraies nouvelles fonctionnalités d’assistance ont été mises à notre disposition : pour communiquer, s’informer, partager, produire, etc… et aussi pour jouer. Certes l’EAO était mort-né, mais la conception de premiers jeux sur les antiques Spectrum, Atari, TO7 et autre Apple 2.0, allait générer un secteur économique puissant : celui de l’Entertainment individuel, d’abord sur console, puis sur ordinateur, et maintenant sur tous les supports i-connectés.

    Comme souvent, le micro-ordinateur a été, en partie, détourné de son usage ; on a basculé de l’EAO vers le jeu. Est-ce pour se donner bonne conscience que réapparaît, quarante ans après, l’option «micro-ordinateur en réseau pour apprendre, mais avec… le jeu» ? Notre analyse aboutit plus prosaïquement à l’observation d’une démarche d’extension de marché. L’objectif est de vendre des prestations et de nouveaux produits, à des clients quelquefois avec l’argument d’un apprentissage (enfin) distrayant, et donc (forcément) efficace.

    Si souffler n’est pas jouer, souffrir n’est pas non plus apprendre ; le jeu pouvant être, aussi en formation, le souffle de l’inévitable effort ! 

    Il s’agit aussi de se démarquer des séquences e-learning où le graphisme et les activités en ligne restent peu attrayantes et, donc, peu motivantes. Cela peut expliquer des abandons relativement nombreux durant certains e-parcours.

    L’interactivité (machine-utilisateur) ne remplace pas l’interaction (apprenant-appreneur & apprenant-apprenant) qui enrichit la formation par les échanges et les confrontations. L’immersion dans les univers, à dimension professionnelle de certains «Serious games», offre l’opportunité d’interagir en situation, en développant des compétences liées à des métiers ou à des gestes professionnels, savoir-faire ou savoir-être, et non à des savoirs. Ces apprentissages sont certes simulés, mais ils sont plus nets, au moins dans un premier temps, qu’en salle ou en centre de ressources.

    Des contre-exemples doivent certainement illustrer des usages pertinents et originaux en formation informelle avec des didacticiels distrayants de 3ème génération. Mais, les premiers «Serious Games», mis en avant sur la place publique, relevaient plus d’une opération de communication, voire de gestion des ressources humaines. Dans les grandes entreprises, le département formation n’a pas forcément le dernier mot.

    Les «Digitals Natives» selon Marc Prensky ceux qui ont le nez dans les technologies numériques depuis leur naissance, n’ont certainement pas tous le même avis. Contrairement aux «Digitals Migrants» que nous sommes, une partie de ces apprenants qui n’ont pas le comportement passif assez répandu de «consommateur numérique», ont un usage d’internet, et de tout ce qui y est connecté, identitaire, projectif et ouvert. Ils y ont développé une culture numérique forte et erratique. Cette culture s’appuie sur les compétences acquises durant leurs multiples activités dans les jeux interactifs et les réseaux numériques associés.

    Ces apprenants gèrent plusieurs identités numériques, s’activent dans une approche multitâche, cherchent la validation par leurs pairs, publient à tout va, n’hésitent pas à tester par essai-erreur, et pourraient clamer, haut et fort, qu’il est plus important de savoir qui sait, plutôt que de savoir soi-même !

    Concernant la formation, on peut émettre une hypothèse à partir de ce portrait caricatural : face à une difficulté dans le jeu, dans l’apprentissage ou dans le travail, souvent la stratégie première de ces personnes serait d’abord de mobiliser leur réseau, plutôt que de s’appuyer sur leurs propres capacités et connaissances. C’est une logique de compétence collective diluée, plutôt que personnelle, mais toujours une compétence !

    Dans un dispositif de type FOAD, ces apprenants nous interpelleront lors du déroulement de leur parcours de formation éclatée. Le feront-ils parce que nous sommes leurs tuteurs distants prêts à les aider à se poser les bonnes questions, ou parce que nous sommes une personne appartenant à leur communauté, avec laquelle ils résoudront un problème, même en le contournant ? Dans nos environnements ouverts, ces Digitals Natives auront-ils systématiquement recours à leurs enseignants, leurs formateurs, leurs tuteurs, en dehors des passages obligés ? Est-ce une forme d’expression d’autonomie, de repli, d’une stratégie d’évitement, ou un mixte ?

    Apprendre, c’est être capable de jouer de ses relations, en s’appuyant sur des ressources en réseau, ce qui est une compétence transversale précieuse, mais c’est aussi être en mesure de se mobiliser soi-même, pour s’adapter et progresser.

    Dans ce contexte, notre responsabilité de tuteur serait de s’assurer que les apprenants agissent bien dans deux directions : un espace virtuel interactif avec l’activation des réseaux dans lesquels ils échangent maintenant pour apprendre comme ils jouaient, et un espace réel d’interaction où ils collaborent durablement avec leurs accompagnants, leurs pairs, leurs collègues et leurs proches pour apprendre, y compris le dur jeu de la vie. Ainsi, ils deviendront à leur tour, «apprenant tout au long de sa vie», en faisant des allers-retours entre le «Je» et le Nous» qui donnent sens pour inter-agir !

    Source : Jean Vanderspelden, retrouvez les billets sur le blog de t@d

  • Comment les nouveaux modes d’enseignement concurrencent l’école.

    Comment les nouveaux modes d’enseignement concurrencent l’école.

    Quels sont donc les nouvelles façons de transmettre le savoir qui concurrencent l’école ?

    L’école « à la maison »

    Avant le numérique, l’école « à la maison » n’était envisagée que pour des besoins idéologiques (parents tenant à inculquer des valeurs spécifiques fortes – voire sectaires – à leurs enfants) ou pratiques (éloignement du territoire, gens du voyage…).

    Au fur et à mesure que des contenus adéquats deviennent disponibles en ligne, de plus en plus de parents vont, partiellement ou totalement, délaisser l’école pour une partie de la formation ou pour des formations nouvelles.

    Le rôle des parents dans l’enseignement, au moins au niveau de l’orientation des enfants, augmente. De nouvelles écoles ou académies en ligne apparaissent, sur le modèle de la Khan Academy américaine.

    L’enseignement à distance

    L’enseignement à distance, par Internet se développe très rapidement au niveau des universités.

    Depuis une dizaine d’années, Stanford et le MIT proposent des cours diplômant – et payant – en ligne. 1/3 des étudiants de l’Université de Phoenix suivent les programmes à distance.

    Cette tendance, qui touche en priorité l’Université est appelée à se propager vers les lycées et les collèges. Elle permettra a minima d’apporter un plus grand choix d’options. Un élève habitant la campagne pourra par exemple choisir l’option « Grec » où qu’il soit, même si cette option n’est pas enseignée dans son lycée.

    La formation continue (ou l’enseignement tout au long de la vie)

    La formule « enseignement tout au long de la vie » est utilisée à tort et à travers, de façon incantatoire – le plus souvent comme un cache misère destiné à masquer l’inadaptation des formations universitaires.

    Cependant, la formation continue à distance, par Internet est-aujourd’hui une tendance lourde créée et stimulée par le développement des technologies numériques. Une formation à distance, cela peut être de la simple consultation de Wikipedia à l’obtention de diplômes en ligne, quel que soit l’âge de l’élève.

    La formation assistée par ordinateur

    Les jeux sérieux, les simulateurs, les questionnaires à choix multiples automatisés, qui font varier le niveau des problèmes en fonction de la qualité de réponse des utilisateurs, les logiciels permettant d’apprendre les langues sont autant de moyens nouveaux et révolutionnaires en ceci qu’ils peuvent être utilisés de façon intensive par les élèves, sans augmentation du nombre de professeurs.

    Pour les petits enfants, le côté addictif d’un jeu peut être mis à profit pour répéter presqu’à l’infini des exercices d’apprentissage (de la lecture, du calcul, d’une langue).

    L’ordinateur peut être plus efficace – et beaucoup moins coûteux – que le professeur pour faire répéter des exercices du type « ba-ba ».

    Il y a six “piliers” de l’enseignement qui doivent être repensés, de façon à ce que l’école fasse face, et en partie intègre, cette nouvelle concurrence. Ils seront exposés dans mon prochain billet.
    Thierry Klein – www.speechi.net 

  • Qu’est-ce qu’apprendre, en général, à l’école ?

    Il nous présente sa vision sur le plaisir d’apprendre, en quatre épisodes, en passant par la définition générale d’apprendre, le travail de l’enseignant comparé à celui d’un concepteur de jeu sérieux, un questionnement sur la possibilité d’avoir du plaisir en apprenant et enfin le plaisir peut-il être un moteur pour les apprentissages.

    Quatre sujets en lien avec le thème de la prochaine Université d’été de Ludovia «Plaisir et éducation numérique», à laquelle André Tricot interviendra en table ronde.

    L’école, un apprentissage non adaptatif

    La réflexion d’André Tricot part d’une première question, c’est qu’avant d’apprendre à l’école, il faut comprendre ce qu’est apprendre en général, dans le contexte hors de l’école. Un enfant va s’adapter à son environnement, physique, social, linguistique.
    «Apprendre hors de l’école, c’est s’adapter à son environnement et à sa structure. C’est un processus implicite, inconscient et non coûteux».

    Un deuxième type d’apprentissage est celui que l’on fait dans notre situation professionnelle ou dans une situation de loisirs, où, dans les deux cas, on progresse en s’adaptant.
    «L’idée est que l’école, c’est tout le reste». L’école représente tous les apprentissages non adaptatifs. Pour lui, l’école existe car les apprentissages adaptatifs sont limités.

    «Ce que je crois important de montrer c’est que l’école existe parce que certains apprentissages ne fonctionnent pas de façon naturelle, adaptative. L’école existe parce que certains apprentissages sont jugés utiles par une société pour ses futurs adultes et objectivement inutiles (non fonctionnels) pour les enfants au moment où ils les apprennent. S’il en était autrement, l’école serait inutile et on économiserait 6% du PIB».

    «Le simple fait de grandir ne nous permet pas d’apprendre». Il donne l’exemple des sociétés où il n’y a pas d’école où les enfants apprennent énormément de choses mais qui concernent leur quotidien, essentiellement ce qu’ils vivent.

    Amener du plaisir et de la motivation dans une situation non adaptative

    Le travail des enseignants est donc de concevoir des situations d’apprentissage dans lesquelles le travail des enfants va être coûteux, va leur demander des efforts. Il faut donc produire de la motivation et amener à l’épanouissement de l’élève.

    Cette situation ne peut être réfléchie qu’à partir du moment où on a pris conscience que l’apprentissage à l’école est non adaptatif.

    André Tricot pose une question par rapport au plaisir d’apprendre, «peut-on s’épanouir en apprenant ou est ce que le plaisir n’est pas lié au fait d’apprendre mais seulement à la situation dans laquelle on apprend»?

    Plus d’infos sur André Tricot : lire son livre « Comment concevoir un enseignement ? »,superieur.deboeck.com

  • La culture de l’écran concurrence celle du livre ?

    La culture de l’écran concurrence celle du livre ?

    020420124f796c0a9f3c5
    Quatre épisodes dont voici le second intitulé « La culture de l’écran concurrence celle du livre- L’apprenant et le formateur ont-ils encore un terrain de conciliation autour de l’écrit ? »

    Cap Digital a organisé, à la Cité des Sciences à Paris en avril 2010, les «Assises nationales de l’éducation et de la formation numériques». Ces rencontres ont eu lieu dans le cadre de la réflexion sur l’optimisation de l’investissement de l’Etat, liée au grand emprunt, dans le secteur du numérique. A cette occasion, S. Tisseron, universitaire à Paris Nanterre, est intervenu en s’appuyant sur son dernier livre co-rédigé avec B. Stiegler «Faut-il interdire les écrans aux enfants ?». Son intervention portait sur l’observation du comportement des enfants et de leur motivation à apprendre, en particulier face aux différents supports interactifs.

    Ses arguments, repris en partie ci-dessous, nous interrogent directement sur ceux des adultes en formation, aujourd’hui et demain. Ce questionnement est d’autant plus d’actualité que les formations ouvertes s’appuient sur des usages diversifiés, des technologies numériques. Comme le système éducatif, le secteur de la formation continue est confronté à la révolution liée à la présence de l’écran dans de plus en plus d’activités, de lieux et de temps d’apprentissage. La situation est peut-être moins tendue qu’on pourrait l’imaginer. Ces apprenants ont une double culture : celle de l’écran, temps toujours à dominante ludique, et celle du livre, passage parfois obligé, détourné et quelquefois, à consolider.

    La maîtrise de la lecture des écrans permet de capter plusieurs informations à la fois où les contraires ne s’excluent pas forcément. La page hypertextuelle peut compléter, ou contredire, une vidéo en streaming qui, elle-même, télescope ou enrichit un mur de commentaires d’un réseau social, dans une troisième fenêtre ; tout cela sur le même écran. L’utilisateur est soumis à ce multi-éclairage et doit en tirer ses propres conclusions. L’écran est une porte d’entrée multiple et immersive, à la fois sur des informations, et aussi, vers de la connaissance.

    Cela suppose un niveau de traitement adapté des contenus. Le livre, ou plus généralement, l’écrit sur support non numérisé, propose une approche plus douce, avec la lecture séquentielle de page unique. La succession de pages lues donne accès aux réflexions et aux intentions d’un auteur identifié, invitant son lecteur à partager un récit, une croyance, un imaginaire, un fait, un argumentaire, un savoir, un avis, un commentaire, etc… Le lecteur s’identifie, s’approprie, apprend, se projette, rejette, s’interroge, réagit à sa mesure et reconstruit.

    La culture du livre incite à une pédagogie patiente hypothético-déductive. L’écran stimule plus un apprentissage instantané par essai-erreurs, et ouvre des perspectives novatrices pour la formation intégrant la simulation. Ces cultures articulent deux espaces temps ; les apprenants et les tuteurs s’y répartissent, chacun à leur manière, selon leurs activités et leurs rôles ; apprenant qui plutôt se projette sans repère, sans la présence continue du formateur qui, lui-même, plutôt se protège…

    Même si Internet est nettement plus un espace de consultation (lecture et lecture numériquement active avec la capacité virale de «faire suivre»), voire de captation, que de production (écriture), grâce au couple écran-clavier, jamais autant d’écrits n’ont été produits ! Du simple SMS sur l’écran réduit de nos portables, en passant par les commentaires sur les réseaux sociaux, les publications individuelles de billets sur nos blogs ou l’écriture collective d’articles sur les Wikis naissants, mais aussi, et surtout, une nouvelle écriture exponentielle par l’image et par la vidéo ; ici la société de l’(sur)information porte bien son nom.

    Tous les écrits ne se valent pas, mais constituent un matériau de base qui, de fait, place chaque individu écrivant, dans une relation nouvelle de responsabilité avec les autres. Si j’écris, c’est que j’attends que les autres me lisent, et donc, moi-même, devenant potentiellement lecteur. Ma participation à l’expansion numérique des réseaux est de fait autorégulée par mes pairs. De fait, cette coproduction est un apprentissage qui peut être un passage, une bascule, un complément entre la culture des écritures multimédias et celle de l’écriture papier, dans nos différents espaces de vie.

    En termes de communication et d’échange, on relève schématiquement deux espaces. D’abord la sphère personnelle où presque tous les écrits sont permis sur la base des médias ouverts. Ce sont «les écrits des écrans» : SMS, tag, commentaire, message, post, billet, contribution, publication, photo, vidéo, etc… une écriture spontanée, continue et multiforme. Ensuite, dans la sphère professionnelle, la quasi-totalité des écrits de référence reste encore codifiée sur les bases académiques, liées à l’évolution de la langue française et à ses valeurs.

    Ce sont «les écrits du papier», où le livre a une place particulière comme une sorte «d’écrin des écrits». Paradoxe suprême, ces écrits sont eux-mêmes de plus en plus numérisés : note de service, compte-rendu, courrier, rapport, étude, mémoire, bilan, cahier des charges, article, règlement, loi, etc…

    La souplesse et la porosité de la combinatoire des formations de type FOAD (Formation Ouverte et à Distance) génèrent des distances géographique, pédagogique et culturelle. Elles peuvent constituer des opportunités d’équilibre retrouvé entre ces deux espaces. Les maîtrises de ces deux écrits, ceux de l’écran et ceux du livre, sont immanquablement complémentaires.

    Les écoliers, les collégiens, les lycéens, voire certains étudiants, ont travaillé sur cette double compétence, mais la «bataille» est de plus en plus difficile car déséquilibrée ; l’écran envahissant notre société libérale où les adolescents constituent une cible privilégiée. Quelques années après, confrontés à des réalités incontournables, les adultes, selon leur qualification, en formation ou en production, peuvent bénéficier de temps d’appropriation, de partage et d’enrichissement réciproque de ces deux cultures.

    Sur cette question, un terrain de conciliation existe entre l’apprenant et le tuteur. D’un côté, les apprenants confortent la culture écran des formateurs, nécessité pour le développement des activités en entreprise. De l’autre coté, les formateurs renforcent la culture et la maîtrise de l’écrit de l’apprenant, sur la forme et sur le fond. Il s’agit d’une compétence clé pour assurer des responsabilités et assumer pleinement sa place dans notre société : écrire pour affirmer ses identités et pour exister.

    Cette double reconnaissance participe à la construction en alternance d’environnements ouverts. Dans cette dynamique, pour que l’apprenance, telle que Philippe Carré l’a définie, se développe au profit de tous, y compris des personnes les moins qualifiées, notre société se doit de poursuivre l’installation durable de ces nouvelles organisations dans lesquelles nous sommes tous apprenants, tous écrivants !

    Source : Jean Vanderspelden, retrouvez les billets sur le blog de t@d