Catégorie : POINT DE VUE

  • Ils envoient leurs enfants dans des écoles sans aucun ordinateur

    Ils envoient leurs enfants dans des écoles sans aucun ordinateur

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    Une année dans une des prestigieuses Waldorf Schools californiennes coûte entre 13 000 € (école primaire) et 19 000 € (secondaire). Ces écoles sont littéralement remplies des enfants des cadres supérieurs des entreprises high-tech de la Silicon Valley (le Directeur Technique d’eBay, un grand nombre de cadres d’Apple, de Google, de Hewlett-Packard y envoient leurs enfants).

    Ce qui distingue ces écoles ? Les ordinateurs, ainsi que toutes leurs déclinaisons (IPAD, Smartphone…) sont interdits dans les salles de classe. (Et l’usage en est déconseillé à la maison).

    Quelles sont les raisons profondes qui poussent les parents – parmi les plus savants au monde en matière de technologie, on ne peut donc parler de “manque de connaissance” ou de “non prise en compte des enjeux de demain”… – à payer si cher pour mettre leurs enfants dans ces écoles ?

    Il y a bien sûr la conviction, étayée maintenant par de nombreuses études, que la technologie n’améliore pas, ou pas beaucoup, le niveau des élèves.

    Mais le facteur clé qui justifie cet ostracisme est la conviction qu’ont les parents que non seulement la technologie n’est pas utile en classe, mais divertit les élèves, les détourne du savoir.

    Celui qui va sur Internet – ou qui utilise un IPAD – rentre dans une entreprise de distraction, au sens premier du terme, qui est celui de détournement. Au bout de quelques minutes, il a toutes les chances de se retrouver à faire autre chose que de la recherche (lire la bourse, les résultats sportifs, chatter sur MSN…).

    Les concepteurs des machines que sont Google, l’IPAD ou encore eBay sont parfaitement conscients du phénomène d’addiction qu’ils créent et veulent en préserver leurs enfants. C’est d’un cynisme génial.

    C’est aussi un point de singularité de l’histoire du monde. Quand Marx décrivait la religion comme un opium du peuple, il décrivait essentiellement un phénomène de structure, inconscient chez les classes dirigeantes mêmes – puisque leurs enfants étaient traditionnellement élevés dans le cadre d’une église. D’inconscients chez Marx, les oppresseurs sont devenus conscients aujourd’hui, mais cette prise de conscience n’empêche nullement le phénomène de se propager.

    La politique éducative en matière de technologie numérique, le “projet” numérique au sens noble du terme, doit avoir pour but unique de réduire le décalage que entre “la promesse marketing des technologies” (leurs avantages potentiels tels qu’ils sont vantés par Apple, Google et les sociétés qui développent ces technologies) et l’utilisation réelle, moyenne, statistique, des technologies numériques (aujourd’hui, un usage addictif, qui abêtit élèves et parents).

    En référence à ce sujet : www.nytimes.com/2011/

  • Numérique & illettrisme : des usages riches et variés, mais pas généralisés

    Numérique & illettrisme : des usages riches et variés, mais pas généralisés

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    Le 9 février 2012, à l’invitation de l’Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme (ANLCI), une centaine d’acteurs de l’éducation, de l’action sociale, de l’insertion, de la formation et de l’entreprise se sont retrouvés à Lyon pendant deux jours. Il s’agissait de partager nos pratiques et nos interrogations sur la place et l’impact du numérique dans les actions de prévention et de lutte contre l’illettrisme.

    Très clairement, la question n’est plus de savoir si nous devons, ou non, intégrer le numérique dans nos organisations, mais quand et avec quelles intentions et avec quelles stratégies ?

    A l’évidence, le numérique est de plus en plus présent dans nos vies personnelle, sociale et professionnelle. Sachant que sur les trois millions d’illettrés en France, une personne sur deux travaille, cette réalité peut vite devenir problématique ; capacités à rendre compte via un écran à son hiérarchique, conduire un chariot élévateur avec de l’informatique embarquée, activer un GPS équipant son véhicule de livraison ou gérer les téléalarmes dans les lieux de vie sous sa responsabilité.

    Dans sa vie personnelle, la maîtrise du numérique est aussi utile pour bénéficier de tarifs intéressants via des achats en ligne (SNCF ou autre), s’inscrire pour profiter du covoiturage (consommation collaborative) ou bien participer à la vie associative de son quartier avec les mails d’invitation, associés à des plannings partagés (utilisation de Doodle, par exemple). Suivre les résultats scolaires de ses enfants sur l’ENT ou tenir à jour ses dossiers auprès des services sociaux, nécessitent aussi un savoir-faire numérique.

    Au regard de ces enjeux multiples, le numérique apparaît, dans le champ de la formation, autant comme une ressource à mobiliser, une compétence à développer, mais aussi un enjeu sociétal à relever.

    Les ressources numériques, le plus souvent en ligne, permettent d’enrichir et diversifier les situations d’apprentissage en les rendant plus souples, plus attractives et donc plus efficaces. La multi-canalité (image, son, texte et hyperlien – voir le DVDROM «ASSIMO») est un atout majeur du numérique : la dimension collaborative et la déclinaison du concept de distance via Internet, un second.

    Au cours de ces rencontres, le projet porté par Formagraph (Besançon) d’un premier Serious Game spécifiquement conçu pour des adultes illettrés, a été présenté.

    Au sein de l’Agora mis en place par l’ANLCI, d’autres ressources en ligne ont été exposées : «DALIA»  d’Éducation & Formation, «le Pavillon des apprentissages» de l’INSUP Aquitaine, «1001 lettres» d’OPCA-Lia, la plate-forme «EDA» de l’E2C de Marseille, la plate-forme «IGERIP» de Genyx/Gerip,  «LA CLÉ DU SAVOIR» de Recife, «ALICIA» de Redip, plus les ressources d’e-Doceo et Woonoz.

    L’ANLCI présentait «EVADO», ressource en ligne d’évaluation de l’ANLCI, développée en partenariat avec, entre autre, le CNFPT.

    Aujourd’hui, les acteurs de la formation qui travaillent sur l’intégration des ressources numériques, disposent de plusieurs solutions pour conforter des ingénieries associant du présentiel (majoritairement) avec du distanciel. Ces professionnels (AFPA, APLI, APP, ASF, CFA, Centres Sociaux, E2C, ESAT, GRETA, OF et autres…) s’appuient sur les ressources des éditeurs cités ci-dessus. Ils peuvent aussi mobiliser des outils de type Web 2.0 ou des ressources en lignes accessibles via Internet, ou bien, un pragmatique mixte de ces différentes options.

    Cette compétence, portée par l’Union Européenne comme l’une des huit Compétences-Clés, vise à développer et à consolider le meilleur usage des machines donnant l’accès aux ressources digitales, avec un clavier ou sans, connectées ou pas, mobiles ou non, pour agir sereinement dans les actes de la vie quotidienne avec le plus d’efficacité possible. Il s’agit de mettre en place des actions de maîtrise, progressive et adaptée, des TIC par les TIC.

    On retrouve ici la logique de double piste, prônée par Bertrand Schwartz , pour donner du sens aux activités d’apprentissage des adultes. Plusieurs témoignages ont souligné que cet enjeu ne concernait pas seulement les apprenants, mais aussi une partie des membres des équipes pédagogiques. La question de la culture numérique des acteurs du champ de la formation a été, à plusieurs reprises, mentionnée.

    Dans certains cas, les apprenants, de type «Digital Native», c’est-à-dire ceux nés avec Internet, bien qu’illettrés, peuvent avoir une culture numérique plus marquée que leurs formateurs. Ce constat peut créer des opportunités pour mettre en place des actions où le partage de culture sera un élément de reconnaissance particulièrement intéressant de ces apprenants, même si, par ailleurs, ils ont besoin d’une médiation pour exploiter cette culture dans la maîtrise des savoirs de base.

    Si le numérique (machine, outil, ressource ou usage) n’est qu’un moyen, il n’en demeure pas moins qu’il réinterroge de plus en plus fortement nos pratiques de formation et nos repères culturels; avec le constat que dans la grande majorité des cas, la technologie domine la pédagogie, sans vraiment nous laisser le temps de se l’approprier, à titre individuel et à titre collectif.

    L’écran concurrence dangereusement le papier : le texte s’efface devant le visuel, le livre disparaît devant le numérique ; de Johannes Gutemberg  à Steve Jobs  …

    De fait, les apprenants ont une culture de plus en plus marquée, de l’image, de la création, de l’échange, du partage, de la collaboration, de l’initiative, du réseau, mais aussi de l’instantanéité, de la copie, du jeu, de la tribu, du téléchargement, du jugement, du zapping, du scanning, de la consommation, dont le numérique est l’incontournable vecteur.

    Le numérique ouvre des champs neufs où l’apprenant peut se positionner et interagir différemment. De nouveaux comportements et usages apparaissent, avec des compétences inédites. L’usage du numérique, par la prise en compte de ces savoir-faire informels, souvent à consolider, peut constituer une stratégie pour une meilleure implication dans leur parcours de formation. En tant qu’acteurs du savoir, une partie de notre travail, dans ce contexte numérisé, semble devoir s’articuler sur un axe allant de l’écran vers l’écrit.

    Les témoignages apportés dans les différents ateliers, en particulier ceux des acteurs des Centres de Ressources Illettrisme (CRI) des régions Auvergne, Basse-Normandie et Limousin, ont mis l’accent sur les points de vigilance utiles pour piloter ces projets dans le temps. Ils ont décrit les conditions concrètes d’intégration du numérique.

    Il s’agit de mettre en place des parcours adaptés, ou des séquences innovantes, aux bénéfices des adultes en situation d’illettrisme. En même temps, un accompagnement des apprenants est incontournable, en particulier sur la question de l’identité numérique, pour qu’ils soient le plus à l’aise possible dans cette nouvelle société numérique (mais aussi marchande) se développant sur tous les territoires, y compris ruraux.

    En 2012, les usages du numérique en formation sont riches, variés, mais loin d’être généralisés ;
    la fracture numérique ne porte pas vraiment sur les accès (relais possibles avec les bibliothèques, P@T, EPN, etc…), mais sur les usages ;

    bien évidemment plus du coté des apprenants peu qualifiés, mais aussi toujours, du coté d’une partie des formateurs, et surtout, des bénévoles plus ou moins impliqués dans ces actions. Les questions portant sur la professionnalisation des acteurs, en particulier liée à la nouvelle culture collaborative du Web 2.0, sur la mutualisation des pratiques (pas assez marquée) et sur la veille des technologies et des outils (pas assez ciblées), ont été abordées lors du barcamp en fin de la première journée. A noter que ce barcamp avait été préalablement initié par un Wiki (les TIC par les TIC, avec le constat d’un usage relativement faible) qui est toujours présent et actif sur le site du FFFOD.

    Les participants à ces rencontres sont aujourd’hui ambassadeurs de la nécessaire évolution numérique des ingénieries de dispositifs de formation pour ces publics, avec plus d’ouverture et de distances, d’abord pédagogique, mais aussi culturelle et organisationnelle.

    Le passage du «tableau scolaire» à la «tablette numérique» pour un usage ajusté du numérique pour tous nous semble constituer, au delà de la formule, une problématique de premier plan, pour la cohésion sociale de nos territoires…

    Source : article rédigé par Jean Vanderspelden, consultant ITG
    pour le compte du FFFOD (www.fffod.fr)
    Contact : jean.vanderspelden@free.fr – www.iapprendre.fr

  • Le numérique, un outil de construction et de collaboration

    «Apprendre et redécouvrir, c’est renoncer à ce qu’on savait avant» ; c’est aussi par cette définition que se traduit le numérique. Notre auteur a bien conscience que ce n’est pas chose facile pour un enseignant d’entrer dans le «moule» du numérique. Mais s’il fait l’effort de le faire, il sera vite récompensé par ce que peuvent lui offrir ces outils.

    Le numérique, un environnement rassurant

    L’environnement numérique que Serge Tisseron veut nous faire partager est sécurisant, rassurant. Pourquoi ?

    Il tient à souligner que la plupart du temps, les outils numériques sont vus comme négatifs alors qu’ils peuvent apporter toutes formes d’aide.  «Avec le numérique, chacun peut se construire sa feuille de route».

    L’aide se concrétise pour l’enseignant dans le fait qu’il va pouvoir, grâce au numérique, mesurer les compétences d’un élève à un moment donné grâce à un logiciel par exemple, l’ordinateur va pouvoir faire un graphique pour visualiser cette évolution, mais aussi valoriser l’utilisation de stratégies différentes par élève et enfin se référer à des banques de données.

    Penser plus «collectif» avec le numérique

    Aujourd’hui, l’enseignement valorise l’écrit, ce que notre interlocuteur approuve ; cependant, il préconise de passer d’une culture de l’écrit individuel à une culture de l’écrit collectif, «il est important pour un élève qui apprend de pouvoir voir combien de banque de données il a utilisé, comment il a diversifié ses sources d’approvisionnement».

    Un apprentissage plus libre

    Une fois la feuille de route définie, le numérique permet à l’élève d’organiser son parcours comme il l’entend et favorise donc la prise d’initiative : «c’est beaucoup plus motivant de pouvoir décider du moment où on va faire une chose ou une autre que de se le voir imposé». Dans cette voie, nous comprenons comment se traduit le plaisir de l’élève à utiliser les outils numériques.

    Le cadre indispensable de l’enseignant

    Dans ce «nouveau monde», l’enseignant a un rôle important à jouer, c’est de ramener les élèves à la «real life», c’est à dire les aider à organiser leurs recherches, les motiver, les encourager… Et comme les mondes numériques sont très vite gratifiants, Serge Tisseron y voit aussi un intérêt pour les élèves plus timides ou plus en difficulté. Ils peuvent, en utilisant le numérique, se sentir beaucoup plus valorisés.

    Le numérique est un monde qui offre de multiples possibilités aux élèves pour se construire un environnement rassurant d’apprentissage à choix multiples et dans lequel il vogue en toute liberté… et aux enseignants, un moyen de laisser libre cours aux initiatives tout en offrant des pistes, sans pour autant se retrouver «dépassé par les évènements».

    Se décomplexer du numérique
    Pour Serge Tisseron, les adultes et donc les enseignants doivent se «décomplexer» lorsqu’il s’agit de numérique. Les raisons souvent évoquées telles que «nous ne sommes pas des digital natives» sont sans fondement.

    Il est vrai que le numérique est très chronophage. Ceux qui ont du temps pour l’appréhender doivent pouvoir le partager avec les autres. Dans ce sens, Serge Tisseron ajoute que l’enseignant qui rencontre un problème à utiliser un outil numérique ne devrait pas avoir de complexe à demander de l’aide à ses élèves. «Avec les technologies numériques on est tous dans le même bain, on apprend tous par essai-erreur».

    Coloniser les usages : un bon moyen de rentrer dans l’ère numérique
    Un outil commun et utilisé par tous : le téléphone portable. Il voit dans les smartphones un moyen facile d’apprentissage et qui remet toute la communauté éducative au même niveau «technologique». Par cet exemple, il avance l’idée qu’il faut «coloniser les usages», «s’approprier dans l’enseignement les outils que les jeunes ont sur eux».

    En guise de conclusion, l’avenir des nouvelles technologies, vu par Serge Tisseron, n’est pas dans les équipements lourds  mais bien dans l’apprentissage des usages de ce type d’outils, qui font partie aujourd’hui du quotidien… et que les enseignants pourraient facilement apprivoiser pour parler le même langage que les jeunes.

  • L’enseignant, un guide pour introduire le numérique à l’école

    Il part du constat que l’être humain a toujours inventé de nouvelles choses qui lui ont permis de se développer physiquement ou intellectuellement.  «Avec les technologies numériques, ce n’est plus seulement une capacité de notre personne qui est augmentée, mais toutes nos capacités de penser».

    Autrement dit, elles permettraient de faire les choses plus rapidement et mieux. Mais attention, autant l’esprit est capable du meilleur, comme du pire. L’école devrait donc intervenir comme le guide d’apprentissage de ces nouvelles technologies.

    «Les institutions éducatives ont aujourd’hui une responsabilité importante, c’est de montrer aux jeunes comment utiliser le numérique de la meilleure manière afin d’éviter le basculement dans des usages problématiques».

    Aider les jeunes à utiliser les technologies numériques, cela signifie également leur apprendre à formuler leur parcours. Bien souvent, la remarque est faite que les jeunes manient très bien ces outils mais sont incapables d’expliquer ce qu’ils font.
    Serge Tisseron prend l’exemple d’un enfant qui installe un logiciel pour ses parents ; lorsque ces derniers lui demandent d’expliquer la procédure, il répond que ça ne sert à rien puisqu’ils ne comprendront pas. En fait, «le jeune est incapable d’expliquer car il s’est contenté de tâtonner».

    Outre le risque social qui plane sur l’installation du numérique à l’école (entre les enfants équipés à la maison et d’autres qui ne le sont pas), le réel danger que redoute Serge Tisseron est de voir s’établir un clivage entre les jeunes qui ont du recul par rapport à leur utilisation et d’autres qui n’en ont pas.

    Le système scolaire doit jouer un rôle important pour éviter cette fracture ; dès l’introduction des technologies numériques à l’école, devrait être mis en place une forme de tutorat. L’enseignant pourrait naturellement demander à un élève un éclaircissement sur telle ou telle technologie aussi bien qu’un élève pourrait l’expliquer à un autre élève.

    «L’introduction des technologies numériques à l’école, ce n’est pas seulement faire les mêmes choses autrement, c’est une manière de repenser tout l’enseignement».

    Aujourd’hui, Serge Tisseron fait le constat d’une mauvaise approche du numérique à l’école.

    «La plupart du temps, l’enseignant utilise les technologies numériques pour contrôler les élèves, leurs performances,(…) donc le numérique est introduit par le contrôle (…) Or, un adolescent n’a qu’une envie, c’est d’y échapper».

    L’enseignant devrait être un guide dans cette découverte ; et pour que cela fonctionne, il faut laisser de l’autonomie à l’élève. L’enseignant peut tout à fait donner un objectif à la classe et laisser chacun prendre son propre chemin pour y parvenir, tout en créant ses propres contacts. C’est une des clés de Serge Tisseron pour réussir à faire accepter le numérique scolaire aux jeunes.

    Ensuite, c’est à l’enseignant de vérifier les étapes que l’élève a franchi pour atteindre le résultat, d’où l’idée développée précédemment de savoir formuler son parcours.

    «La nouveauté des technologies numériques est que l’enseignant n’est plus celui qui fixe les objectifs et qui vérifie que le même parcours a bien été suivi par tout le monde ; mais c’est celui qui fixe les objectifs et qui s’intéresse à la manière dont chaque élève va pouvoir obtenir le résultat en suivant un parcours personnel».

    L’intérêt des technologies numériques est qu’elles permettent de garder une trace du parcours personnel de chaque élève, laissant la possibilité à celui-ci de le consulter à tout moment et de le confronter à ceux de ses camarades. L’enseignant pourra ressortir de ces travaux les avantages et les inconvénients de chaque stratégie.

    Le numérique permet donc un échange entre tous les membres de la classe. 

    Nous sommes loin du modèle frontal élève-enseignant qui prédomine aujourd’hui. Serge Tisseron voit dans le numérique un bon moyen de changer ce modèle.

  • La ressource numérique, un mythe pour l’enseignement français ?

    La ressource numérique, un mythe pour l’enseignement français ?

    250120124f1fbbd043defEdumedia, très présent sur le marché international (Canada, Suisse, Angleterre…), n’est pas encore très implanté sur le marché français ; mais ce n’est pas le seul éditeur de ressources numériques dans ce cas. Pourtant, d’après Charles Sol, la France a toutes les qualités requises pour se développer dans ce domaine.

    L’organisation de l’école à la française : un atout pour les éditeurs de ressources

    D’une part, le côté structurel des institutions françaises est tout à fait propice à accueillir de nouvelles expérimentations. Que ce soit pour les Länder en Allemagne ou les Etats aux Etats-Unis, la politique scolaire applicable peut être différente d’une entité à l’autre. «C’est un frein à la production de contenus»,  souligne Charles Sol.
    Et il ajoute : en France, «c’est une chance d’avoir le même programme scolaire pour tout le pays, car les éditeurs peuvent espérer valider un modèle économique et pédagogique sur une population importante».

    Nos voisins d’Outre Manche sont sur le même modèle très «étatisé», globalisé, «mais avec un avantage sur la France, c’est qu’ils ont su imposer leur modèle/curriculum en dehors de leurs frontières. Ainsi l’Inde, le Moyen Orient et bien d’autres pays s’alignent avec le GCSE britannique (General Certificate of Secondary Education)».

    Il nous donne l’exemple suivant : pour un éditeur, développer une solution pour le New Jersey aux Etats-Unis n’est pas très intéressant car il n’est pas sûr de pouvoir vendre le même modèle à l’Etat d’à côté.

    C’est donc un atout indéniable pour la France que de posséder ce «réservoir» de testeurs qui sont susceptibles d’utiliser le même contenu partout.

    La «matière grise» française, un autre atout pour les ressources numériques

    D’autre part, le savoir-faire français dans le milieu de l’édition est reconnu, «un savoir-faire didactique et pédagogique qui fait envie», rapporte Charles Sol. Ces compétences et ce savoir-faire proviennent en partie de la compétence des profs auteurs. Elles se transposent bien en mode numérique mais ne trouvent pas preneurs… «Il y a une richesse dans le domaine de la création de ressources et de l’édition multimédia. Mais malheureusement, cette richesse ne trouve pas son public».

    Ce côté positif parvient-il à rayonner à l’extérieur ?  Charles Sol nous avoue que le  cap de la traduction est difficile à franchir pour certains… En effet, pour traduire, il faut investir et l’investissement n’est possible que si le marché national permet de gagner de l’argent. C’est un cercle vertueux que ne connaissent pas encore certains éditeurs français.

    Priorité à l’apparence extérieure, peu de place pour le contenu

    Dernier point sur lequel Charles Sol voit un réel frein au développement des ressources numériques dans nos écoles françaises, c’est le peu de budget qu’il reste pour le contenu.

    Il prend l’exemple des Etats-Unis où, semble t-il, les ressources ne sont pas un problème d’argent. «Quand un enseignant veut acheter une ressource, il demande à l’établissement de l’acheter. Nous sommes sur un modèle de consommation», explique notre éditeur.

    «En France, notre grand amour du libre se transforme en un rejet du privé, malgré la qualité et la complémentarité de nos ressources».

    Problème d’argent mais pas seulement : pour acheter des ressources dans un établissement, la prise de décision est très complexe.

    Une prochaine embellie avec le chèque ressource ?

    Pour conclure sur une note positive, Charles Sol voit dans le programme «chèque ressource» du Ministère quelque chose d’encourageant pour l’avenir. L’enseignant va enfin pouvoir choisir lui-même dans un catalogue les ressources dont il a besoin.

    Le point de vue de notre interlocuteur est simple : «La chaîne pour arriver jusqu’à l’enseignant était jusqu’à présent trop complexe. Avec le chèque ressource, l’enseignant pourra faire son marché grâce à un code fourni à l’établissement ; la chaîne va être simplifiée». Il ajoute : «j’espère juste que les enseignants vont s’impliquer dans cette démarche».

    L’Angleterre a connu un plan similaire entre 2007 et 2008, le «eLearning credits» qui a permis à toutes les écoles, du primaire au secondaire, de se doter en ressources numériques ; une réussite aujourd’hui.  Malgré la coupe brutale des crédits que connaît le pays, les TICE sont maintenant bien intégrés dans les écoles anglaises avec 70% des écoles équipées en matériel … et en ressources.

    En tout cas, pour Charles Sol, le programme du chèque ressources est une initiative positive puisqu’il y voit une prise de conscience que l’école ne se fera pas sans les contenus.
    La suite dans quelques mois…

  • La médiathèque numérique de demain

    Pierre Mathieu, Directeur du CDDP de la Corrèze imagine la médiathèque de demain. Avec le déploiement des iPads dans son département, la ressource numérique n’est plus seulement nécessaire, mais elle est devenue indispensable pour optimiser les usages de ces nouveaux matériels.

    Comment serait-elle ?

    La médiathèque de demain serait celle qui regrouperait tous les documents, ressources, livres, utiles dans l’enseignement et disponibles pour les enseignants et les élèves dans le cadre de leurs apprentissages. C’est telle qu’elle existe en papier dans un CDDP, mais cette fois en version numérique.

    Les ressources de la médiathèque pourraient provenir du domaine public, des éditeurs publics, des éditeurs privés ou des enseignants eux-mêmes.

    Comment fonctionnerait-elle ?

    Le principe de la médiathèque numérique est le même que pour une médiathèque classique ; elle fonctionnerait par abonnement des enseignants et des élèves.

    La gestion des contenus de la médiathèque pourrait être confiée au réseau Scéren qui reverserait des dividendes aux différents fournisseurs de contenus en fonction de l’utilisation en téléchargement ou en consultation qui sont faits de leurs ressources.

    Le fonctionnement de cette médiathèque pourrait s’apparenter aux nouveaux modes de diffusion de la musique  (voire des exemples comme DEEZER). Comme pour les listes de lecture en musique, l’enseignant aurait la possibilité de créer une bibliothèque pour chacune de ses classes ou de ses niveaux d’enseignement pour un accès plus aisé de ses élèves.

    Les avantages ?

    Une disponibilité complète des ressources utilisables par les professeurs et les élèves qui pourraient consulter de nombreuses ressources de provenances différentes.

    «Le cœur de métier du réseau Scéren, c’est la médiathèque ; la force de son réseau de documentalistes permet d’indexer, de valoriser les ressources produites», déclare Pierre Mathieu.

    Les nouveaux outils d’indexation comme le ScoLom.fr permettent aux utilisateurs de disposer d’outils de recherche puissants adaptés à leurs recherches et leurs attentes. Ils sont adaptés à des usages non documentaires et peuvent être utilisés par des élèves ou des familles à la recherche de ressources.

    Le maintien d’une édition privée aux cotés de l’édition publique ou de l’édition en créative commons serait le garant d’une qualité et d’une pluralité de ressources.

    «Les manuels sont aujourd’hui achetés pour des périodes longues et sont parfois non conformes lors des changements de programmes. De plus, ils ne sont que très rarement utilisés de façon unique dans un cours et les enseignants proposent la plupart du temps des ressources photocopiées ou créées de toutes pièces. On constate souvent que le ratio entre le prix du manuel papier et son utilisation réelle rend son coût prohibitif. L’utilisation d’une médiathèque permettrait une réelle utilisation  de plusieurs manuels complétée par de nombreuses autres ressources».

    D’autre part, la visibilité du coût de la mise à disposition que ce soit pour l’éducation nationale ou la collectivité permettrait une vision claire du fonctionnement à l’année pour un département ou une région.

    Cette médiathèque numérique pourrait être envisagé pour le premier degré, le Collège et et le Lycée. Néanmoins, la médiathèque numérique « Collège » semblerait être la plus aisée à mettre en place dans un premier temps, le financement des manuels étant assumé par l’état ; ce dernier peut aisément réaffecter certains de ses financements.

    Difficultés à envisager

    • La nécessité pour les élèves et professeurs de disposer d’un terminal numérique et d’une connexion (tablette ou autre), pour disposer des ressources.
    • La réaction des éditeurs publics qui vont voir leur marge sur la publication classique amputée de façon drastique avec ce modèle où l’abonnement est partagé en fonction des utilisations des usagers. « Les premiers entretiens avec certains éditeurs font apparaître qu’ils ne sont pas forcément hostiles à étudier ce type de distribution », confie Pierre Mathieu.
    • La nécessité de revoir le modèle économique comme l’a fait le milieu de la musique qui reverse régulièrement aux maisons de production la quote-part de ce qui a été écouté sur une période donnée. Le modèle a mis une dizaine d’année à voir le jour dans la musique, cela peut néanmoins aller beaucoup plus vite avec une décision politique.
    • La nécessité de produire avec des formats ouverts les ressources proposées par les créateurs (html5 par exemple)
    • Un modèle de redistribution des abonnements doit être trouvé en fonction de l’hétérogénéité des ressources qui peuvent être proposées (du manuel complet à la simple carte géographique ou une poésie audio) cette classification / rétribution doit être trouvé avec les différents acteurs de l’édition.

    Pierre Mathieu conclut en indiquant que «ce modèle de distribution de ressources serait parfaitement en phase avec les usages et les pratiques pédagogiques qui sont en cours aujourd’hui. Une décision politique forte permettrait à l’éducation (aidée ou non par des prestataires privés) de mettre en place ce type d’outil, parfaitement réalisable en quelques mois. Les éditeurs classiques devront à terme adapter leurs productions, ce qu’ils ont déjà commencé à faire».

    « Enfin, ce n’est pas parce que cela paraît compliqué qu’il ne faut pas le faire« .

  • La réalité du numérique à l’école : regards croisés d’enseignants

    La réalité du numérique à l’école : regards croisés d’enseignants

    Véronique, enseignante en maternelle à Mérignac, compte deux ordinateurs «clandestins» dans sa classe, fournis par des parents bienfaiteurs. Lorsque ses deux «clandestins» tombent en panne, elle compte sur un «papa bricoleur» pour lui venir en aide.

    Pour l’éducation nationale, ils n’existent pas ; seuls les ordinateurs de la salle informatique sont comptabilisés ;  notre enseignante avoue ne pas beaucoup les utiliser, mis à part pour des travaux particuliers comme par exemple projeter les diaporamas des sorties des enfants aux parents. Mais pour elle, le fait de déplacer les enfants dans une autre classe n’est pas approprié. Elle «rêve» d’un TBI. De son point de vue, les TICE doivent s’utiliser dans la même pièce où a lieu l’enseignement, afin de ne pas créer de coupure dans la pédagogie.

    De son côté, Jean-Marie ne se plaint pas de l’équipement. Dans son école d’ingénieurs, tout est prévu ; cependant, il avoue se retrouver souvent confronté à un décalage entre l’usage de l’enseignant et le matériel mis en place.

    La problématique des ressources est soulevée par Véronique. Par exemple, comment pouvoir utiliser youtube librement ? L’enseignante nous confie avoir des problèmes d’accès à certains sites internet à cause des systèmes de sécurité installés par la commune ; un parcours semé d’embuches pour accéder à des ressources «libres et gratuites» comme youtube, qui pourraient pourtant être utiles à Véronique.

    Dans le supérieur, on a franchi le cap grâce aux universités numériques thématiques, qui permettent de rendre facilement accessibles des ressources, comme nous l’explique Jean-Marie. «En tant qu’Universitaire, on a vocation  à mettre du contenu (…) ; la culture de la publication existe déjà, dans une certaine mesure (…)».

    On parle de faire «la révolution numérique» à l’école : dans l’école de Véronique, cela se concrétise par l’équipement de toutes les classes élémentaires en TBI. Bientôt le TNI «rêvé» dans la classe de Véronique. Mais comme elle le souligne aussi, certains de ses collègues ne sont pas prêts à voir entrer dans leur classe ce nouvel instrument, ils sont «inquiets».

    Enfin, en guise de conclusion, relevons une remarque de Jean-Marie sur l’équipement que prévoit la ville de Mérignac pour ses écoles : «toutes les classes de l’école vont être équipés de TBI mais à aucun moment on ne se pose la question de savoir si les enseignants en ont besoin (…). Dans la dimension des équipements numériques, on nie complètement la notion de liberté pédagogique».

    Au delà des problèmes d’équipement, de maintenance et de ressources, constatons encore au travers de cette rencontre que l’accompagnement des enseignants, pourtant indispensable à la bonne réussite de tout projet TICE, n’est pas encore dans les priorités et c’est cela qui inquiète les enseignants…

  • Re-faire l’école avec les technologies en quatre petites histoires

    Re-faire l’école avec les technologies en quatre petites histoires

    En préambule, et en guise de première histoire, on peut annoncer qu’à ce jour, aucune étude ne montre clairement qu’il y a un résultat probant sur les résultats et  la performance d’apprentissage des élèves quand ils utilisent  les  technologies à l’école. C’est en tout cas le constat qu’a fait Matt Richtel (http://www.internetactu.net/2011/09/21/dans-la-salle-de-classe-du-futur-les-resultats-ne-progressent-pas/)

    Son exemple doit-il remettre en question «l’un des plus importants mouvements contemporains éducatifs” qui vise à équiper classes et élèves en informatique, à permettre aux étudiants d’apprendre à leur propre rythme… mais aussi à réduire le nombre de professeurs», souligne consciencieusement Matt Richtel. «Les écoles dépensent des millions de dollars pour acquérir des technologies, tout en réduisant les budgets et en licenciant les enseignants sans apporter la preuve que cette approche permet d’améliorer l’apprentissage de base».

    Nous espérons que sur des expériences où les usages sont généralisés comme en Uruguay où tous les élèves ont été dotés de mini-ordinateurs portables depuis deux ans, on aura en juin 2012 des retours sur les effets de l’usage des technologies, mais rien n’est certain. Un sentiment partagé serait que les résultats obtenus par les élèves ne sont pas liés aux ordinateurs, mais plutôt aux usages sociaux et aux ressources auxquelles ils accèdent, aux processus éducatifs qui sont mis en oeuvre par les enseignants.

    Une deuxième histoire est relatée par les retours de recherche de Dana Boyd
    (http://www.internetactu.net/2011/11/04/les-limites-dage-naident-pas-parents-et-enfants-a-comprendre-les-reseaux-sociaux/)
    Qui a réalisé une étude sur l’accès des enfants aux réseaux sociaux. Une loi aux états-unis (la Coppa), interdit l’accès avant 13 ans aux réseaux sociaux, mais les parents comme les enfants en dessous de cet âge ne respectent pas parfois cette loi et se connectent à ce type de réseaux sociaux.

    Face à ce détournement massif, la question est de savoir si la Coppa aide à responsabiliser les parents et les enfants. Pour le savoir, danah boyd et ses collègues sont allés à la rencontre des parents, pour connaître les pratiques des ménages à l’égard des médias sociaux et des restrictions d’âge. Alors que l’âge minimum est de 13 ans, les enfants rejoignent Facebook en moyenne à 12 ans, rapportent les chercheurs. La moitié des parents d’enfants de 12 ans savent que leurs enfants y ont un compte. 76 % des parents ont même aidé leurs enfants de 12 ans à ouvrir un compte. Pire, 78 % des parents pensent qu’il est acceptable pour leurs enfants de violer les conditions de restriction d’âge des services en ligne.

    Une situation qui montre que les sites sociaux ne devraient peut-être pas restreindre l’accès aux enfants sur leurs sites, mais pour cela il leur faudrait obtenir une autorisation parentale, qui s’avère trop complexe à mettre en place, tant et si bien qu’ils préfèrent se conformer bien facilement à la loi. En fait, rappelle danah boyd, la Coppa est antérieure à la montée des médias sociaux. “Ceux qui ont imaginé la loi n’ont pas imaginé une société où l’échange de donnée serait un élément central de la participation” à la société. La Coppa préserve les enfants de la collecte de données “alors qu’il faudrait plutôt les préserver de la manière dont elles sont utilisées”. Mieux, prévient la chercheuse : “Si les enfants sont une population particulièrement vulnérable, ils ne sont pas la seule. La plupart des adultes font hélas peu de cas de la façon dont leurs données sont stockées, partagées ou vendues.”

    Une troisième histoire est celle vécue par Howard Rheingold
    (http://www.internetactu.net/2009/05/26/sommes-nous-multitaches-12-comment-apprendre-a-maitriser-notre-attention/) qui s’est remis à l’enseignement et qui en revenant dans une salle de cours s’aperçois que tous les élèves avaient des Netbook, des smartphones ou autres outil numérique qui font baisser l’attention en cours.

    Après avoir porté un regard réflexif sur la pratique de ses élèves (qu’il a même filmé), Howard Rheingold s’intéresse à la maîtrise de l’attention (le sujet avec lequel il ouvre ses cours, comme il l’explique en vidéo). Et d’expliquer que la maîtrise de l’attention en classe, pour lui, est un exercice collectif et toujours mouvant, auquel il doit fortement associer ses élèves. Parfois, pour ramener l’attention, il demande à ses étudiants de fermer leurs ordinateurs et à d’autres moments, il leur demande de tchatter sur ce qu’il dit, pendant qu’il demande à un autre groupe de faire une recherche sur le sujet qu’il a lancé et à d’autres de prendre des notes de ce qu’il raconte pour les partager avec le reste de la classe. Howard Rheingold a ainsi testé in vivo l’application de multiples règles, lui permettant de comprendre que celles-ci sont des outils essentiels pour ceux qui voudraient maîtriser l’art de l’attention à l’ère de la connexion permanente.

    Donc plutôt qu’interdire en classe les technologies, une des solutions serait plutôt apporter des astuces pour utiliser ces technologies en cours, pour qu’ils soient utiles plutôt qu’une source de baisse d’attention.

    La quatrième et dernière histoire présentée par Hubert Guillaud est celle de Shalman Khan
    qui donnait des cours par messagerie instantanées avec sa famille, puis a produit des vidéos sur Youtube pour expliquer les mathématiques, il a ainsi produit une quantité importante de ressources sur les mathématiques et son succès a dépassé le cadre de sa famille puisque ces vidéos ont été vues et partagées par des milliers d’internautes pour apprendre les mathématiques.

    En synthèse de ces quatre histoires, on pourrait dire que dans le numérique et l’Internet à l’école, ce n’est pas la technologie qui prime, mais les règles sociales qui se développent et qui sont utiles dans les apprentissages qui restent essentielles.

  • La politique numérique du Ministère de l’Education est-elle dévoyée ?

    Ce qui revient à dire que l’Education Nationale ne navigue même plus à vue, mais à l’aveugle !

    J’ai déjà commenté le consternant pavé Fourgous sur l’Ecole Numérique. Ce rapport a l’épaisseur et le style d’une étude sérieuse, pourtant il n’est qu’un subterfuge: les données reprises ne sont pas crédibles et le lobbying industriel est partout présent derrière la soi-disant analyse.

    Or, dans le domaine du numérique, l’évaluation statistique est encore plus nécessaire qu’ailleurs. Parce que la France a peu d’expérience en ce domaine, parce que les intérêts économiques en jeu (et donc les pressions qui s’exercent) sont importants, parce que tout le monde (vous, moi et même Fourgous, mais peut-être quand même pas Chatel, il ne faut pas exagérer non plus) a un avis sur la question et qu’en l’absence de statistique valable, tous les avis sont aussi bon ou mauvais les uns que les autres.

    Sans un bon outil pour trancher, il n’est donc pas de politique numérique qui tienne.

    En matière d’Education Numérique, il faudrait absolument multiplier les micro-études, effectuées sur quelques centaines de classes ou d’élèves, de matière à pouvoir tester très rapidement les différents paramètres, selon la méthode aléatoire, mise au point par Esther Duflo.  La méthode aléatoire repose sur des évaluations faites sur des petits groupes dont les caractéristiques sont identiques au départ.

    Un de ces petits groupes adopte un «processus nouveau» (par exemple un tableau interactif) et on compare ensuite, sur des critères précis, la performance de ces groupes (leurs connaissances, leur performance dans telle ou telle matière…).  Avec des moyens très faibles , la méthode aléatoire a donné, en Inde, plus de renseignement sur les usages du numérique que dans tous les pays développés !

    Contrairement aux études actuelles menées par la DEPP (études de masse sur des millions de personnes, lourdes et longues à mettre en place et dont les résultats arrivent trop tard, « après la bataille »), ces micro-évaluations sont légères, menées sur quelques centaines de personnes et les résultats disponibles en quelques mois, de façon à influencer, année après année, la politique numérique.  Elles sont utiles car elles permettent de répondre à des questions bien concrètes telles que la formation nécessaire de l’enseignant, l’impact des différents outils numériques sur le potentiel des élèves, les méthodes de mise en place, etc…

    Leur résultat doit être incontestable: les études ne peuvent être conduites par la direction qui a en charge la politique évaluée, elles sont menées de façon indépendante des constructeurs et elles respectent les critères de méthodologie scientifique nécessaires.  La méthode aléatoire permet d’obtenir des résultats rapides de façon peu coûteuse et à partir de là, d’infléchir les politiques.  En mesurant l’efficacité relative de différentes mesures, les expérimentations aident les décideurs à mieux dépenser l’argent public.

    En refusant de recourir aux études pour diriger sa politique, en affaiblissant la Direction de l’Evaluation alors qu’il conviendrait au contraire de la renforcer – tout en redéfinissant ses objectifs, le Ministre s’enlève lui-même, quel que soit le discours affiché en la matière, tout moyen de réussir la transition vers le numérique. C

    ’est une énorme faute politique.  Et si vraiment les études sont biaisées ou censurées, il s’agit même d’un dévoiement politique, car le Ministre se doit, au contraire, d’être garant de ces études.