Catégorie : POINT DE VUE

  • Vous avez dit jeu ?

    De plus en plus, le jeu prend de l’importance dans toutes les activités éducatives. Aux Etats-Unis, le président Barack Obama lui-même s’est prononcé en faveur des jeux éducatifs.

    L’équation jeu et éducation fait partie des fondamentaux de l’humanité. Le «serio ludere» existait à la Renaissance. Même à l’époque antique, le jeu était considéré par Quitilien comme un vecteur d’apprentissage11.

    L’apport du jeu à l’apprentissage peut avoir plusieurs objectifs, et plusieurs formes.

    Le ludo-educatif consiste à partir d’un objectif pédagogique, et à le transformer en jeu. Il est néanmoins plus proche que de l’apprentissage que du jeu lui-même : le joueur «sait» qu’il est devant l’écran pour apprendre, et pas pour jouer.

    Le serious game, très populaire dans le monde de l’entreprise, consiste à encapsuler un objectif d’apprentissage dans une forme plutôt ludique. En rajoutant le mot «sérieux» à une activité structuré, il est d’ordre à rassurer le monde de l’entreprise, qui n’est généralement pas très encline à l’amusement.

    Le smart play, à l’inverse, est une activité libre qui consiste à jouer, mais avec un apprentissage qui se révèlera être subliminal.

    Nous sommes plus mal lotis, en France, que le monde Anglo-Saxon. Henry Jenkins pointe12 la distinction subtile énoncée par Bruno Bettelheim entre le «game», qui est une activité structurée, comprenant des règles, et le «play» qui est une activité libre, support de la libération de la créativité. En français, nous n’avons hélas qu’un seul mot pour désigner les deux : le jeu.

    Mais le jeu n’est, en soi, pas suffisant pour réaliser des apprentissages. Le jeu aura beau être extraordinaire, présenter des vertus pédagogiques profondes, être validé par des experts du domaine d’expertise, il restera lettre morte si le joueur n’a pas envie d’y aller, et de s’y impliquer.

    C’est donc non pas le jeu qui est, en soi, fondamental, mais toute la couche qui permet au joueur d’avoir envie de rentrer dans le jeu, et surtout, d’y rester autant que possible. C’est cette couche que le monde du jeu connaît très bien, celle qui fait que le joueur est «engagé».

    Plusieurs articles ont montré le rôle fondamental de l’engagement, dont ceux de Mihaly Csikszentmihalyi dans sa théorie du flow. Le joueur se trouve pris dans un «tunnel», le flow, dans lequel il est engagé dans un jeu qui n’est ni trop simple ni trop compliqué13. Pris dans ce tunnel, il se trouve alors dans un état de surpassement qui le fait accomplir la tâche définie par le jeu.

    Néanmoins, si le plaisir est présent, l’apprentissage n’y est pas forcément. Le problème devient alors de marier des techniques psychologiques d’engagement du joueur avec un contenu qui le fera progresser.

    Revenons au numérique : il est souvent reproché à Internet de mettre trop les utilisateurs dans un mode zapping, qui empêche la concentration. Il y aurait une incompatibilité entre le mode d’exploration cognitive «verticale» (creuser un sujet) et le mode d’exploration «horizontal» (surfer autour du sujet. Au-delà d’Internet, qui n’empêche pas la concentration, ce sont surtout les liens hypertextuels qui, en emmenant l’internaute d’un endroit à l’autre, ne l’aideraient pas à creuser en profondeur son sujet. On retrouve d’ailleurs ici le conflit bien connu des systémiciens, entre exploration et exploitation.

    Le jeu, lorsqu’il est bien conçu, réalise exactement l’inverse. En mettant le joueur dans «le flow», il lui offre un espace de concentration. Un peu comme un coureur automobile qui est pris dans la piste, ou bien comme un musicien qui est dans le wagon du temps, le joueur doit nécessairement être concentré s’il veut réaliser sa tâche. De plus, cette concentration est forcément liée à une quelconque forme de plaisir, puisque le joueur, sauf à être masochiste (ce qui pourrait être une forme de plaisir) est libre à tout moment de sortir, ou de continuer le jeu.

    Les mécaniques de jeu sont connues, et multiples, et permettent de cataloguer les joueurs selon plusieurs profils : le leader veut être le numéro un ; le challenger veut s’affronter, le social vuet être en groupe ; l’avide veut gagner de l’argent ; l’aventurier veux construire.

    Il y a dans le jeu une dimension de challenge, mais aussi de cocréation collective. Internet permet justement de réaliser cette coopétition entre les joueurs, en leur offrant la possibilité des jouer en équipe, que ce soit d’ailleurs de manière synchrone ou asynchrone. Mais surtout, la cocréation est un puissant vecteur de plaisir.

    A Sydney, une école a dû faire construire un nouveau bâtiment. A la demande de la directrice, les élèves et l’architecte ont co-construit l’école dans un monde virtuel, permettant de confronter des usages futurs avec un bâtiment14. Ce jeu a eu comme effet que les élèves se sont appropriés leur école, ils n’y sont pas étrangers. Cette école est par ailleurs le pilier d’un réseau d’écoles du monde entier qui créé des projets communs dans un monde virtuel, le réseau skoolaborate15.

    Finalement, si l’on considère le couple intuition – rationalisation comme une bonne méthode pédagogique, alors le jeu se positionne très bien au niveau de l’intuition. Il sert plus à ouvrir les esprits qu’à rationaliser, classer, ranger, qui est une activité structurée, bien moins libre, mais hautement nécessaire. Le jeu permet, finalement, de préparer les élèves à venir en classe. On aurait alors des professeurs qui, au lieu de donner le soir des devoirs pour le lendemain, demanderaient aux élèves de jouer le soir pour avoir l’esprit ouvert le lendemain.

    Peut-être qu’en participant aux jeux, les professeurs y trouveraient eux-mêmes le plaisir d’enseigner…

  • Vous avez dit numérique (2ème partie) ?

    Internet est l’outil de la communauté, il favorise le mode en réseau et le travail collaboratif. Mais, parce qu’il permet de co-créer, il favorise l’engagement, et le co-design. C’est également un gigantesque simulateur des relations humaines, ce qui est particulièrement visibles dans les jeux en réseaux. Enfin, parce qu’il est le support d’une économie à la fois d’abondance et de partage, il permet aux «petits» de réaliser de grandes choses à un coût minimum.

    S’il fallait résumer le numérique en une phrase : c’est ce qui permet de passer d’une somme d’intelligences individuelles à une intelligence collective, nous offrant alors la possibilité de faire face à la complexité du monde, qui a vu dans les dernières années explosion du nombre d’humains, donc du nombre d’interactions.

    Les enseignants entretiennent une relation difficile avec le numérique. D’un côté, l’institution Education Nationale semble peu encline à aller au-delà de simples expérimentations. Son site officiel sur le sujet du numérique reste bien sage, et s’il pointe vers des sites de contenus, reste bien moins aventureux que certains enseignants eux-mêmes, qui n’hésitent pas à aller dans les mondes virtuels, à lancer des communautés de pratiques, à utiliser twitter en classe, etc….

    Et pourtant, l’intuition nous dit que le numérique apporte une composante innovante à la pédagogie. Au-delà de l’intuition, de nombreux laboratoires universitaires dans le monde entier ont déjà mené des expériences probantes sur l’impact profond du numérique sur la pédagogie. Ils sont trop nombreux pour être listés ici, le portail Ludovia est d’ailleurs l’une des meilleures sources sur ce sujet.

    Il y a deux types de technologies : celles qui améliorent les processus existants, et celles qui les bouleversent. Lorsqu’une technologie de cette deuxième catégorie arrive à maturité, il se produit toujours deux étapes : une première étape où l’outil est utilisé sans remise en question des processus, qui se révèle être très souvent décevante. Puis une deuxième étape où les processus sont redessinés, afin de tirer le meilleur parti de la technologie, qui peut alors offrir tout son potentiel. Wikipedia en est un exemple parfait : Nupedia, l’ancêtre de Wikipedia, faisait appel à des experts mais non rémunérés, avec comme résultat un nombre d’articles ridiculement faible (24), qui n’a jamais évolué. Wikipedia, qui utilise la puissance du crowdsourcing, du travail de la foule collaborative, a obtenu un bien meilleur score : 19 millions d’articles en 284 langues en avril 2012.

    L’enseignement serait-il encore dans la première phase, celle où le numérique serait relégué au rang de technologie, dont l’objectif serait tout simplement de mieux servir les processus habituels d’enseignement ? Un exemple militerait dans ce sens, le tableau blanc numérique qui n’est, finalement, qu’une copie du tableau blanc normal, et n’utilise que peu des possibilités du numérique.
    Tout comme Internet est difficilement compatible avec la hiérarchie, les méthodes traditionnelles basées sur la transmission d’un savoir de manière doctorale de l’enseignant vers ses élèves, puis vérification par le devoir ou l’examen, avec peu d’interactions entre les élèves eux-mêmes, sont plutôt à l’opposé de la philosophie de l’Internet. En ce sens, son adoption dans le monde scolaire se heurte au même problème que dans l’entreprise : elle remet trop en cause des systèmes anciens. Surtout, elle donne l’illusion d’une perte de pouvoir, qui n’est qu’apparente. Toute technologie en rupture a permis de faire émerger des individus aux méthodes nouvelles, et n’a finalement abaissé le pouvoir de l’humain que lorsque celui-ci restait rigide.

    Pourtant, il faut insister : si la méthode de l’enseignant change avec le numérique, son rôle reste toujours le même. A ceux qui pensent que le «pair à pair» permet finalement de se passer de l’enseignant, de l’expert, le chef d’orchestre Guennadi Rojdestvenski a apporté une réponse intéressante : à Moscou, à l’époque du communisme, il y eu des tentatives de faire jouer des orchestres sans chef. Au résultat, le concert sans chef était aussi bon que le concert avec chef. Seulement, avec un chef, cinq répétitions suffisaient pour arriver au résultat ; sans chef, il en fallait une centaine…

  • Vous avez dit numérique (1ère partie) ?

    Petite précision pour commencer : par numérique, nous entendons tout ce qui couvre l’informatique et Internet, c’est à dire une combinaison comprenant des interfaces révolutionnaires, allant des liens hypertextuels jusqu’aux interfaces kynesthésistes, une numérisation des contenus et des processus, et une mise en réseau de machine et d’individus qui produit un sens qui est plus que la somme des parties.

    Cet ensemble est une véritable systémique, qui mixe des technologies pures, comme les ordinateurs, les routeurs, les interfaces, les robots, avec des usages, et au milieu de l’ensemble un liant, qui se nomme Internet.

    Il faut insister sur un point : Internet n’est pas une technologie, pas plus un media. C’est un alphabet, c’est une nouvelle écriture. C’est un réseau neutre, du moins tant que les forces qui agissent contre cette neutralité ne gagnent pas, qui véhicule ce qu’on lui demande de véhiculer sans faire de choix ni de priorité. Contrairement à un réseau d’opérateur de télécommunication, qui contient «de l’intelligence», le réseau Internet véhicule avec la même égalité les paquets des petits sites et ceux des grands sites, la beauté et la laideur, le bien et le mal. C’est en cela qu’il est un alphabet : la même série de symboles permet de supporter à la fois de la beauté comme les poèmes de Ronsard ou de la laideur comme Mein Kampf. Les usages étant intimement liés à la technologie, Internet est un véritable système technico-humain.

    A suivre « Vous avez dit numérique ? », 2ème partie….

  • Les Centres de Connaissances et de Culture : lieu d’apprentissage du numérique ?

    Les Centres de Connaissances et de Culture : lieu d’apprentissage du numérique ?

    130620124fd893bf42eeaUn article d’Olivier Ertzscheid dans Le Monde soulève le débat…
    « Et si on enseignait vraiment le numérique ? » tel est le titre d’un article d’Olivier Ertzscheid publié dans le journal Le Monde du 3 avril 2012 dans lequel il est notamment écrit : « Il faut enseigner la publication. De sa naissance jusqu’à sa mort, le web fut et demeurera un média de la publication ». Entièrement d’accord avec ces propos, cet enseignement pourrait d’ailleurs être dispensé dans un futur Centre de Connaissances et de Culture (CCC). Acronyme nouveau qui remplacera, peut-être, celui que nous connaissons depuis la circulaire du 23 mars 1973, à savoir le CDI.

    L’établissement scolaire, peu de changements depuis de très nombreuses années…
    Si vous prenez Google Maps et que vous zoomez sur un établissement scolaire, que voyez-vous depuis de très nombreuses décennies ? Deux parties : l’une consacrée à l’administration pour le bon fonctionnement, l’autre à la pédagogie où cohabitent des « grands » et ceux qui le sont moins… en d’autres termes : des professeurs et des élèves. Leur « habitat »… n’a pas beaucoup changé… salles de classe avec tables et chaises, l’estrade a disparu à de très rares exceptions près.

    Il faut cependant apporter des nuances, le tableau qui a changé de couleur : du « noir » au blanc et de plus en plus interactif. En effet, l’installation du TNI ou Tableau Numérique Interactif est en train de se généraliser dans les établissements scolaires. Les professeurs qui peuvent les utiliser et qui ont eu une formation pour l’apprentissage de cet outil ne souhaitent plus revenir en arrière. Les éditeurs maintenant proposent des versions allégées, souvent gratuites ou payantes (version « enrichie ») de leurs manuels qui sont projetables sur le TNI. C’est une avancée considérable dans la pédagogie.

    Le Centre de documentation et d’information…
    Souvent central, au « cœur » de l’établissement diront certains… se trouve le CDI ou Centre de Documentation et d’Information. Celui-ci naît à Paris en 1958 au lycée Janson de Sailly à l’initiative d’un proviseur plein d’idées, Marcel Sire (il s’est d’abord appelé le Centre Local de Documentation Pédagogique). Un CAPES (Certificat d’Aptitude au Professorat et à l’Enseignement du Second degré) créé en 1989 donne sa légitimité à cette profession.

    C’est ainsi qu’une nouvelle dénomination apparaît : professeur documentaliste. C’est un enseignant à l’image de son lieu : unique, singulier, sans classe attitrée mais avec élèves, tous les élèves, bibliothécaire et aussi professeur travaillant souvent avec ses collègues des disciplines « classiques ». Le CDI à l’instar de la bibliothèque municipale a de nombreuses ressources « papier » : livres, documentaires, BD, classeurs pour l’orientation,… mais dorénavant il doit faire face à l’accès, via internet, aux ressources numériques en ligne.

    La révolution technologique est en marche…
    Depuis cette date, quelques changements technologiques sont apparus et en particulier la transformation des supports d’information, passage du papier à la digitalisation, permettant d’obtenir du contenu via un contenant accessible à tous, à tout moment et en tous lieux. C’est la « révolution » des réseaux et surtout du premier d’entre eux, le Web ou le réseau des réseaux. L’accès aux livres et à la presse « papier » demeure et cohabitent souvent en bonne harmonie étagères pour les livres ou documentaires et écrans d’ordinateur pour un travail local (traitement de texte le plus souvent) ou l’accès à des ressources numériques (les logiciels documentaires sont maintenant accessibles depuis l’extérieur et donc du domicile des élèves, ils peuvent ainsi prendre connaissance des ressources documentaires de leur CDI). Peu à peu des objets nomades apparaissent : Smartphones, tablettes numériques et autres liseuses à encre électronique…

    Néanmoins l’espace est toujours occupé par les élèves pour travailler en groupe ou en autonomie ou pour une lecture plaisir. Loin d’être déserté, c’est aussi un lieu où le lien social se construit sous le regard bienveillant du professeur documentaliste. L’élève manifeste sa joie quand un professeur est absent, par contre il n’aime guère trouver « porte close » au CDI. C’est tout le paradoxe de la société numérique, il suffit d’une connexion à internet pour accéder au contenu et cela devrait diminuer la fréquentation des bibliothèques, ce qui n’est pas le cas. Toutes les études le montrent, les étudiants ont besoin de lieux physiques (agréables…) pendant leurs scolarités et surtout à l’approche des examens, endroits rassurants qui restent chargés de valeurs.

    L’explosion des réseaux sociaux et de la mise en circulation de l’information…
    Cependant, isoler le monde éducatif de la société n’est plus possible. Si vous fermez la « porte » aux réseaux sociaux ou autres moteurs de recherche, ils rentreront par d’autres « fenêtres » et inlassablement essaieront de capter votre attention pour placer leurs publicités. Nous vivons dans une société dans laquelle l’écran focalise les regards de chacun. Les élèves n’échappent pas à cette marchandisation malgré l’instauration de règlements intérieurs dans les établissements scolaires.

    Pourquoi ne pas ruser, et faire semblant de les utiliser pour transmettre des connaissances ? C’est le moyen de motiver cette population si souvent sollicitée et de plus en plus blasée par tout ce qu’elle peut voir sur tous ces écrans. Ainsi donc, tout n’est pas à jeter avec « l’eau du bain des marchands » d’attention (à lire le livre d’Alain GIFFARD, Pour en finir avec la mécroissance, Flammarion, 2009). On peut apprendre avec les ressources numériques. C’est aussi un accès démocratique aux informations et à la formation.

    Travailler autrement…
    En effet, réseaux sociaux, moteurs de recherche, applications sur Smartphones, encyclopédies et dictionnaires en ligne… changent notre façon de travailler à l’instar du monde de l’entreprise. Travailler en équipe, par projet, individualiser son apprentissage sont maintenant des pratiques à mettre en place ou à généraliser dans les établissements scolaires. Il s’agit juste de trouver un équilibre entre les cours ex cathedra et les méthodes individuelles, actives et connectées aux ressources numériques. Apprendre avec des applications sur Smartphones, se cultiver avec Facebook ou Twitter,… l’imagination est au service des apprentissages et non des outils ou des supports.

    Un simple changement de nom ?
    Derrière ce changement de nom de CDI à CCC, il est peut-être temps de « reterritorialiser » l’école, d’apprendre à nos élèves à utiliser ces outils, savoir rechercher, « publier », identifier, classer,… s’arrêter… prendre du recul. Cette distance est nécessaire pour séparer bon grain, réelle connaissance… et ivraie, entreprise chronophage, déroutante, lucrative et perpétuelle. Si l’élève a de bons reflexes (cela nécessite des apprentissages au numérique peu dispensés pour l’instant dans le monde éducatif), de bonnes méthodes de travail, il pourra travailler à l’acquisition des savoirs sur les mêmes outils chez lui ou dans un Centre de Connaissances et de Culture.

    En conséquence, former les élèves à un usage responsable des TICE (Technologie de l’Information et de la Communication) devrait être une de nos préoccupations majeures. De plus, l’éducation aux médias fait déjà partie de nos programmes, il faudrait développer ce domaine dans toutes les disciplines avec l’appui des professeurs documentalistes. Est-il encore besoin de préciser Centre de documentation ? Le document est partout, multiple, nous vivons entourés de documents comme le montre Jean-Michel Salaün dans son livre Vu, lu, su (La Découverte). Plus que l’information, qui est au centre de notre société, ne devons-nous pas nous occuper de la formation ou des apprentissages au numérique ?

    Connaissances, culture, formation, réflexion,… sont des termes importants dans le monde éducatif. L’acquisition de connaissances transformera nos élèves en personnes cultivées et réflexives. Plus qu’un changement de nom, c’est la volonté de donner un nouveau départ à ces lieux et d’être plus en phase avec la société sans pour autant abandonner les valeurs fondatrices de l’école républicaine.

    Source : Philippe Chavernac, professeur documentaliste, LP Gustave Ferrié, Paris (75)
    Retrouvez le sur son blog : supercdi.free.fr/tablettes

  • L’école face à la révolution numérique: le discours de la méthode.

    Au nom de leurs visions respectives sur l’école, les nombreux ministres de l’Education Nationale n’ont eux-mêmes cessé, depuis 30 ans, de secouer l’Education Nationale.

    Pour l’un, la clé est dans l’apprentissage de la lecture. Pour l’autre, c’est le soutien individualisé. Pour un troisième, il s’agit de la motivation des professeurs, du nombre d’élèves par classe, du rythme scolaire ou bien encore de la quantité de graisse disponible sur le mammouth.

    Tout y passe, donc. Mais quel est le point commun entre ces différentes « visions » ? C’est que vraies ou fausses, elles ne sont pas fondées. Elles ne s’appuient pas sur des faits scientifiquement prouvés mais sur des a priori, des préventions, selon le terme employé par Descartes.

    « Considérant combien il peut y avoir de diverses opinions touchant une même matière, qui soient soutenues par des gens doctes, sans qu’il y en puisse avoir jamais plus d’une seule qui soit vraie, je réputais presque pour faux tout ce qui n’était que vraisemblable ».

    « C’est pourquoi, dit Descartes, s’adressant à nos ministres avec presque 400 ans d’avance, je ne saurais aucunement approuver ces humeurs brouillonnes et inquiètes, qui, n’étant appelées ni par leur naissance ni par leur fortune au maniement des affaires publiques, ne laissent pas d’y faire toujours en idée quelque nouvelle réformation ».

    La méthode expérimentale qu’invente Descartes dans le Discours de la méthode n’est pas une théorie scientifique, mais bien une façon de trancher entre les théories (par l’expérience) et d’avancer dans la découverte scientifique (en divisant un problème d’apparence complexe en plusieurs problèmes plus simples).

    A partir de Descartes, le progrès scientifique est continu quel que soit le rythme des découvertes. Même la reconnaissance qu’une idée est fausse constitue souvent un progrès utile. Ainsi, si je prends le cas de l’équipement numérique des écoles, aucune étude sérieuse n’existe sur le bénéfice que les élèves peuvent retirer de cet équipement. Soit, donc, cet équipement est inutile, auquel cas des budgets peuvent être dégagés pour d’autres investissements plus intéressants, soit il est utile et il importe alors de dire en quoi il est utile, de dégager son cadre d’utilisation, les usages optimaux, les matières où il doit être utilisé, etc.

    Jusqu’à aujourd’hui, la méthode décrite par Descartes est restée quasiment inapplicable dans l’enseignement pour deux raisons principales :

    La complexité de la validation de la théorie : à l’opposé des sciences exactes où des expériences ont souvent pu rapidement déterminer la validité d’une théorie, valider une théorie portant sur la pédagogie nécessitait jusqu’à présent des évaluations lourdes, coûteuses, longues et complexes. En conséquence, ces évaluations ne pouvaient être réalisées qu’en petit nombre et ne pouvaient réellement influencer la politique des états, la durée de l’évaluation étant en général nettement supérieure à la longévité du Ministre.

    Le flou des critères : là où, dans les sciences exactes, les critères sont mesurables et le plus souvent accessibles à l’expérience, les données à observer sont complexes à définir dans le cas de l’enseignement. Comment juger avec certitude le niveau d’un élève ? la qualité d’un professeur ? D’une méthode ? Ces termes mêmes ont-ils un sens ? Et si on peut apporter un début de réponse – ou une réponse imparfaite – aux questions précédentes, comment observer de façon quantitative que « l’enfant est bien dans sa peau à l’école », ce qui lui permet « d’exprimer sa créativité », comme le préconisent certains courants ?
    Or, il se trouve que deux développements scientifiques récents vont permettre d’appliquer la méthode expérimentale à l’école.

    Bien qu’intimement liés à la révolution numérique en cours, ils n’ont jamais, à ma connaissance, été mis en relation. Les progrès qu’ils permettent d’envisager sont immenses. La pédagogie scolaire, presque figée depuis le temps d’Aristote qui a inventé simultanément le cours magistral, les petites classes et la ressource documentaire, va pouvoir suivre un chemin d’amélioration permanent, continu et observable, comparable à celui que la science a suivi  depuis l’écriture du Discours de la méthode.

    Le premier est la méthode d’évaluation aléatoires mise au point par une chercheuse français, Ester Duflo.

    Le second est l’avènement des « big data » autrement dit la possibilité d’utiliser des masses de données d’information récoltées sur les élèves. Ces données sont aujourd’hui exclusivement utilisées pour des besoins publicitaires par des sociétés telles que Facebook ou Google. Or elles peuvent aussi être utilisées de façon décisive pour améliorer l’enseignement.

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  • La tablette numérique, nouvelle ardoise de l’élève ?

    La tablette numérique, nouvelle ardoise de l’élève ?

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    En effet, elle a rassemblé, outre les membres de l’Education nationale, des collectivités territoriales, des industriels et des éditeurs. La vidéo de Jean-Michel Blanquer (Directeur général de l’Enseignement scolaire) a ouvert le congrès. Ce dernier a rappelé les deux piliers de l’éducation : le tableau noir et le manuel scolaire.

    Ensuite, Jean-Yves Capul (Sous-directeur des technologies de l’information et de la communication pour l’Education – DGESCO) s’est interrogé sur le numérique à l’école à travers différentes questions : est-ce de l’éducation aux médias ? Cela doit-il passer par la validation des compétences telles que nous les trouvons dans des processus certificatifs comme le B2I (Brevet Informatique et Internet) ? Est-ce apprendre à programmer ? Est-ce un véritable enseignement ? Les outils numériques permettent-ils l’écriture ? Pour le sous-directeur des technologies de l’information et de la communication, ces appareils doivent surtout contribuer à l’autonomie des élèves. Ils doivent aussi être des outils de création pédagogique.

    Jean-Louis Durpaire (Inspecteur général de l’Education nationale – Groupes EVS Etablissement et Vie Scolaire) a été le grand témoin de ces deux journées à Nice et a fait une courte introduction. Il a rappelé que la tablette numérique donne de la structure au contenu en apportant du plaisir aux apprentissages et à l’enseignement. Jean-Marc Merriaux (Directeur général du SCEREN-CNDP) a ajouté que l’ordinateur « fixe » a été utilisé pendant 15 ans dans les établissements scolaires et qu’il fallait maintenant intégrer, dans les pratiques pédagogiques, la mobilité procurée par internet et ses outils.

    Après les allocutions d’ouverture, la problématique du colloque a été présentée par Catherine Becchetti-Bizot (Inspecteur général de l’Education nationale – Groupes des Lettres). Elle s’est interrogée sur les usages des supports numérisés ainsi que sur les évolutions des modalités d’apprentissage. Elle a rappelé la « migration » de l’espace social vers la classe de ces nouveaux supports qui entrainent de nouveaux gestes et de nouvelles postures. Ces outils sont-ils porteurs d’innovation et de progrès ou sont-ils des objets de régression ?

    C’est à partir d’une réflexion collective entre chercheurs, partenaires culturels, praticiens et éditeurs que nous devons apporter des réponses à ces problématiques. C’est aussi en fonction des conclusions tirées de différentes expérimentations que nous pouvons entrevoir ce nouveau « paysage » scolaire. Pour Catherine Becchetti-Bizot, la seule démarche possible est d’expérimenter pour éviter toute forme de « fétichisme » de l’objet. Nous devons nous recentrer sur les finalités éducatives : individualisation des apprentissages ? Possibilité de pratiques collaboratives ? Accès à la culture ? Autonomie de l’élève ?… Ces appareils suscitent de nombreuses interrogations quant aux usages possibles dans le monde scolaire.

    La tablette peut se révéler un formidable outil pour des élèves à besoins particuliers comme certaines expérimentations l’ont montré dans l’académie de Nice. La tablette possède des caractéristiques intéressantes : son format, un « écran qui ne fait pas écran », des facilités de prise en main, de nombreuses fonctionnalités,… Elle peut être utilisée dans les séquences à condition que « l’outil ne surdétermine pas l’acte pédagogique sinon le sens n’apparaîtra pas aux élèves ». D’après l’inspectrice générale des lettres, la tablette peut s’avérer plus appropriée à certaines applications, mais elle doit dans tous les cas se « plier » aux objectifs pédagogiques des professeurs.

    Pierre Mœglin (Laboratoire des sciences de l’information et de la communication – Université de Paris XIII) a enchaîné par une communication sur le thème : « Un changement de paradigme pour l’école ? ». Dans un premier temps, il s’est interrogé sur le processus de diffusion des innovations. Assiste-t-on, avec l’introduction des tablettes numériques à un renouvellement paradigmatique ? Telle est la problématique de Pierre Mœglin. Pour lui, l’ardoise numérique assure une triple fonction d’intermédiation. Elle permet d’une part de canaliser et de filtrer face à l’immensité des contenus hétérogènes. D’autre part, elle constitue un « point d’ancrage » de la production des élèves. Enfin, elle est par nature un objet impliquant la réflexion. Il en déduit une relation directe entre la technologie et les apprentissages.

    L’après midi du 5 avril, nous avons eu un rapport sur les expérimentations des académies de Nice, de Grenoble et du département de la Corrèze. Pierre Mathieu (Directeur du CDDP de Corrèze) nous a décrit « son » déploiement. Il ne s’agit pas d’une expérimentation mais d’une dotation de tous les élèves scolarisés en tablettes numériques ou micro ordinateurs portables. Cette véritable généralisation nécessite un accompagnement important.

    Nous avons abordé par la suite les problèmes d’ergonomie cognitive avec Thierry Baccino (Professeur de psychologie cognitive à l’Université de Paris VIII). Il s’agit, avec l’usage de ces appareils, de réfléchir aux interfaces, aux moyens de communication entre l’homme et la machine. Il définit trois critères d’analyse : l’efficacité dans la réalisation des objectifs, l’efficience dans la mesure du temps, pour pouvoir être efficace et la satisfaction après utilisation, pour apprécier un bon usage. La manipulation des ardoises numériques implique certains changements, nous pouvons noter une grande mobilité dans l’utilisation, une posture différente du corps, une interface tactile qui change notre manière d’écrire, de lire et de consulter les informations disponibles sur la tablette. Les impacts constatés sur les apprentissages, sont en particulier une grande motivation, une meilleure attention, une réelle autonomie dans le travail pour les élèves et une activité qui apparait plus concrète.

    Le difficile problème de la numérisation des manuels scolaires a été abordé par Sylvie Marcé (Présidente – Directrice générale des Editions Belin – Présidente du Groupe des Editeurs scolaires et Vice-présidente du Syndicat national de l’édition). Elle nous a rappelé que la tablette était un nouveau support possible pour les manuels. En tant qu’éditrice d’une grande maison, elle a observé la montée en puissance de l’usage des manuels numériques dans les salles de classe grâce, notamment, à l’utilisation des TNI (Tableau Numérique Interactif) ou du matériel de vidéo projection. Les principales fonctionnalités ont été développées pour les professeurs qui peuvent ainsi plus facilement personnaliser et animer leurs cours. Via un compte unique, l’enseignant conserve son manuel numérique qu’il adapte au fil du temps. Des développements futurs pourront porter sur les interactions possibles entre professeur et élève autour du manuel numérique mais aussi créer un espace de travail personnalisable par l’élève qui sera à la fois « livre de référence, cahier d’exercice et outil de travail ».

    Au cours de la table ronde animée par Evelyne Bévort (Directrice déléguée du CLEMI – Centre de Liaison de l’Enseignement et des Médias d’Information) : « Tablettes et lieux de cultures, musées, bibliothèques, universités », Jérôme Kalfon  nous a présenté le cas des bibliothèques universitaires (B.U.). L’enseignement supérieur a cette caractéristique de regrouper une pluralité de sources d’information sur une multitude de supports, sources qui sont diffusées par l’intermédiaire de différents modes. On constate une stabilité de la consultation du « papier » et un « passage de l’imprimé à l’imprimante » pour certains documents très adaptés, comme les articles de périodiques.

    En ce qui concerne les livres numériques, le développement est beaucoup plus lent. On peut l’expliquer par la multiplicité des modes de diffusion, par la difficulté de trouver des ressources numériques, notamment pour les ouvrages dont la parution est récente, par les problèmes de gestion des abonnements,… Parallèlement à cela, Jérôme Kalfon (Directeur du service commun de la documentation de l’université Paris Descartes) s’est interrogé sur la définition de la bibliothèque numérique. On peut retenir quelques avantages : l’absence d’étagères, de conservation sur place des documents, de serveurs appartenant à l’institution. De plus, les droits sur le long terme peuvent être remis en question. Donc, pour le directeur de la documentation de Paris Descartes, une bibliothèque numérique peut se résumer à des contrats de licences.

    De nombreux ateliers ont ponctué ces deux jours et beaucoup d’expérimentations fort intéressantes ont été présentées. Nous invitons les lecteurs à se reporter aux actes du colloque qui sont disponibles en ligne.

    Néanmoins, on peut citer différentes disciplines qui ont été mises à l’honneur : les arts plastiques qui mettent en avant le patrimoine local ; l’éducation physique qui donne aux élèves la possibilité de s’auto évaluer ; les langues vivantes qui renouvellent les échanges notamment avec le pays transfrontalier, l’Italie ; les jeux sérieux qui permettent d’apprendre de façon ludique. Les tablettes peuvent aussi donner une nouvelle « jeunesse » aux langues anciennes comme le latin et bien sûr être utilisée au CDI.
    Ce compte rendu ne se veut pas exhaustif, il est un complément des informations que vous trouverez sur le site internet.

    C’est Jean-Louis Durpaire, grand témoin de ces deux journées qui a clôturé ce congrès organisé à Nice. Son intervention a débuté par un bref historique rappelant l’équipement de trois classes en 1991.

    Dix ans plus tard, en 2001, deux niveaux (quatrième et troisième) furent équipés. Actuellement, un peu plus de dix mille tablettes sont utilisées dans de nombreuses expérimentations. Nous constatons une seule généralisation pour un département (la Corrèze). La tablette présente de nombreux avantages (accès à internet, simplicité, ergonomie, autonomie, faible encombrement, individualisation,…) qui peuvent paradoxalement se révéler des inconvénients ou des sources de problèmes (difficulté d’accès au réseau, vol, appareils multifonctions, jeux, applications payantes, prix d’achat, influence du marketing,…). Faut-il pour autant ne pas les utiliser à l’école ? Une autre question se pose concernant les ressources. En effet, l’inspecteur général ayant rappelé la « force historique » des manuels scolaires dans l’Education nationale. Seront-ils toujours pertinents dans les classes face à « l’explosion » des documents numériques ? Et in fine, qui payera l’addition des appareils avec les connexions, les applications, les ressources,… ?

    C’est pourquoi J.-L. Durpaire a émis l’idée de la création d’un consortium ou d’une coopérative d’achats pour faire face à un marché en plein essor. Il s’est interrogé aussi sur la finalité de l’utilisation des tablettes. Sont-elles des sources de progrès  ? Ne doit-on pas utiliser ce que les élèves possèdent déjà ? Beaucoup d’interrogations ont été formulées par ce grand témoin et des pistes d’exploration, de réflexion ont été également proposées. Les tablettes peuvent être des outils d’accès à la culture permettant de créer du lien social entre élèves et enseignants et être utilisées à la fois à l’école mais aussi à la maison. C’est à un changement de paradigme technologique que nous assistons et nous devons repenser les conditions de formation. Les Centres de Connaissances et de Culture  seront, peut-être, le lieu de ce nouveau départ…

    Les valeurs qui sont les nôtres devront perdurer, et en particulier, la laïcité, la neutralité mais aussi la « probité intellectuelle ». Il est aussi nécessaire de former, à la culture de l’information , les collégiens et les lycéens. Les outils nomades doivent « nous conduire à repenser les conditions de formation des élèves ».

    Pour avoir une vision exhaustive sur le colloque : www.ecriture-technologie.fr. Vous aurez tous les détails : les intervenants, les vidéos, publications, bibliographie, commentaires,…

    Retrouvez le travail de Philippe Chavernac sur supercdi.free.fr/tablettes

  • Les élèves changent, l’école doit-elle changer ?

    Les élèves changent, l’école doit-elle changer ?

    070620124fd0898fcdb6dNous avons mené une enquête auprès de 1569 élèves, scolarisés en cycle 3 dans des écoles rurales, urbaines et urbaines-Eclair. Les données que je livre ont été recueillies sous la forme de questions posées par l’enseignant avec une pondération de ce dernier. Il ne s’agit pas d’une enquête scientifique mais d’un état des lieux, photo, panorama en cette fin d’année scolaire 2012.

    Le tableau ci-après est un extrait de l’enquête réalisée, il ne présente que les réponses des 554 élèves de CM2 et sur les 513 élèves de CM1.

    À chacun d’en tirer les conclusions qu’il voudra mais j’attire votre attention sur :
    – le nombre d’élèves ayant un compte Facebook (pourtant interdit au mois de 13 ans…),
    – sur les élèves pratiquant la vidéo-conférence (en ajoutant Skype et Messenger),
    – sur le nombre de familles connectées selon les secteurs (ruraux, urbains…),
    – sur le temps passé au quotidien sur cet outil informatique,
    – sur le nombre d’élèves ayant une messagerie personnelle…

    Les CM2.
    89,71% ont accès à internet à leur domicile.
    55,42% possèdent une adresse mail personnelle.
    34,12% disent avoir un compte Facebook
    63,64% utilisent un logiciel de vidéo-conférence (Skype ou Messenger)

    Les CM1
    85,96 % ont un accès à internet à leur domicile.
    37,04 % possèdent une adresse mail personnelle
    25,54% disent avoir un compte Facebook
    36,65% utilisent un logiciel de vidéo-conférence.

    Tout cela mériterait une enquête plus approfondie malgré tout il conviendrait surement de s’interroger sur :
    – la place accordée à cet outil dans le cadre de la classe.
    – ce qui se passe hors de la classe, que font les enfants tous les jours face à cet outil ?
    – les responsabilités dans l’accompagnement de la maîtrise des outils de réseaux sociaux et qui apprend à un élève de 10 ans à gérer l’image qu’il laisse de lui sur Internet ?

    Autant de questions qu’un professeur doit se poser pour envisager son métier autrement. Les élèves changent, la façon d’enseigner doit changer.

    Je constate parfois des réticences à la mise en place d’un Espace Numérique à l’École. Mais ces résistants réalisent-ils que nos élèves sont déjà sur des espaces Numériques mais non sécurisés.

    Qui leur apprend à circuler dans cet univers ? Pour le piéton, le cycliste nous avons créé l’APER, pour le numérique nous avons créé le B2i mais est-il mis en œuvre partout dans cette perspective d’un ENT ?

    Avec un peu d’humour, je dirais l’ENT, «c’est maintenant»

    En observant, les taux de connexions dans des quartiers Urbain-Eclair, nos élèves sont sur déjà sur internet.
    Et puisque nos élèves sont sur internet en dehors du temps scolaire, la question devient alors : que puis-je tirer de cet élément, qui permet d’apprendre plus et, mieux, pour construire ces citoyens éclairés du 21ème siècle ?
    Surement pas en m’opposant aux ENT qui constituent un espace sécurisé pour apprendre à utiliser ces outils de réseaux sociaux, avant le CM1, avant 10 ans.

    Mais au-delà, lorsque je vois des taux d’usage de vidéo conférence, comment puis-je continuer à ignorer ces compétences de mes élèves ? Comment puis-je continuer à enseigner les langues vivantes uniquement avec un papier et un crayon ?

    Celestin Freinet a inventé le journal scolaire pour apprendre à écrire en communiquant.
    Que ferait-il face à ces outils nouveaux ?

    Extrait de : «Les impératifs de la modernisation scolaire, C.Freinet, 1967».
    «Chaque époque a son langage et ses outils.Nos arrière-grand-pères usaient des manuscrits et de la plume d’oie dans une école où l’autorité du maître s’affirmait par les verges et le bonnet d’âne. Les progrès techniques de la mécanique ont valu à notre génération l’ère des manuels scolaires et de la plume métallique, avec les méthodes que leur emploi nécessitait : devoirs, leçons, copies de textes, exercices dont l’éducateur et le livre réglaient souverainement le rythme.
    Nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle étape : l’imprimerie a désormais imposé sa royauté à tel point que le manuel le plus complet n’est qu’un ersatz de la richesse graphique mise à notre disposition par la technique contemporaine. L’écriture manuscrite elle-même tend à devenir mineure dans un monde où la manchine à écrire, la polygraphie, le disque, la radio, le cinéma, la télévision, le magnétophone intensifient et accélèrent l’intercommunication et les échanges
    ».

    Il faut changer l’école.
    Sur l’architecture des écoles et des classes qui induisent des organisations d’école. Faut-il continuer sur le principe d’un enseignant et un même groupe pendant tout le temps scolaire, Ne peut-on imaginer des principes de modularité avec des groupes accompagnés accédant un savoir dans un lieu institutionnel géré autrement ?
    Sur l’emploi du temps d’un élève et d’un enfant, il faut admettre que l’éducation ne se fait pas seulement à l’école et puisque nos élèves ont accès à des outils numériques y compris dans les secteurs dits « difficiles », il est urgent de se poser la question (avec les collectivités) de ce que nous pouvons faire pour proposer des contenus qui iraient au-delà des horaires scolaires. Ne serait-il pas plus intéressant qu’ils passent plus de temps sur des contenus validés plutôt que sur Facebook ?

    Chers jeunes professeurs…
    Nous avons trop longtemps opposé des générations. Il y a un vrai défi à faire travailler ensemble jeunes et moins jeunes, c’est indispensable et encore plus vrai aujourd’hui. Vous êtes tous des experts, certains apporteront leur expérience sur les contenus à enseigner, d’autres sur les nouveaux outils qu’ils maitrisent. C’est cette addition qui fera changer l’école et qui permettra aux élèves de vivre et parcourir avec passion le chemin de l’éducation.
    Le prochain article pourrait être comme me l’a dit un collègue, Richard Krawiec : « Ce sont les élèves qui changent l’école »

    Retrouvez le tableau complet des résultats sur pedagotict.blogspot.fr

  • L’école, la droite, la gauche, la famille et l’intérêt supérieur des élèves

    L’école, la droite, la gauche, la famille et l’intérêt supérieur des élèves

    école numérique
    Réduction du nombre de professeurs, tentative de transformation d’un métier de vocation en un métier technique rémunéré “à la pièce”, mise à bas de la carte scolaire, augmentation du nombre d’élèves par classe, presque tout est allé dans le même sens: celui des opposants aux idéaux de 1789 qui, depuis Jules Ferry, cherchent à affaiblir l’école. Au final, on a fini par censurer les études qui faisaient mal et par leur substituer des papiers de pure propagande (j’avais parlé en 2011 de dévoiement politique à ce sujet).

    Ce débat sur la semaine de quatre jours a un côté presque caricatural. D’un côté un Ministre qui prône l’intérêt des élèves et de l’autre, de l’autre une opposition (Xavier Bertrand) qui lui répond au nom de l’intérêt des familles (qui devront organiser leurs gardes différemment, qui ne pourront partir en week-end…).

    Cet argument de l’intérêt des familles est vieux comme Jules Ferry et si l’école est obligatoire, c’est bien que la gratuité ne suffit pas – aux débuts de l’école, il a fallu parfois venir chercher les enfants avec des gendarmes pour forcer leur scolarisation. L’école républicaine est aussi un outil au service des enfants contre certaines formes d’aliénation familiale. Et je ne parle pas, pour rester correct, du lobby hôtelier qui pousse pour la semaine de quatre jours car elle fait monter le taux de réservation des hôtels !

    Ne croyez pas cependant ceux qui vous disent qu’il est “prouvé” que la semaine de quatre jours est meilleure pour les enfants que celle de cinq. Les soi-disant “preuves” n’existent pas car toutes ces études sont contestables et n’ont  pas de valeur probante au sens où elles ne résultent pas de statistiques faites en double aveugle sur des populations comparables.

    D’un côté, Vincent Peillon prône le retour de l’évaluation statistique – ce qui est une excellente idée – et de l’autre, sa première mesure échappe, presque par nature, à toute évaluation statistique !

    En rétablissant la semaine de cinq jours, Vincent Peillon est lui aussi dans une certaine forme d’idéologie pédagogiste et c’est bien le danger qui guette l’école aujourd’hui.

    A droite, la destruction organisée résultant de la lutte des classes. A gauche, des mesures coûteuses et inefficaces, résultant de parti-pris idéologiques.

    Il me semble possible de sortir de ce double enfermement – j’y reviendrai.

    Source : Thierry Klein, speechi story

  • «Je est un autre», une approche quelque peu humoristique du plagiat

    «Je est un autre», une approche quelque peu humoristique du plagiat

    Capture d’écran 2013-03-17 à 17.59.58
    Cette plaidoirie sera basée sur le respect le plus scrupuleux des faits, doublé d’une non moins rigoureuse mauvaise foi. Elle sera suivie d’une seconde partie rassemblant quelques recommandations qui permettront au plagiaire de se soustraire, dans la mesure du possible, à la vindicte critique, universitaire ou populaire.

    Me suis-je rendu coupable de plagiat en faisant mienne cette célèbre phrase ? Pour trivial qu’il soit, l’exemple illustre certaines des limites et des ambiguïtés de l’accusation :
    Rimbaud, dans sa lettre à Georges Izambard du 13 mai 71, s’interrogeait sur l’identité et l’altérité du poète. J’emploie les mêmes termes mais je ne parle pas de poésie : le sens s’est modifié, résolument.
    Plus loin, dans cette lettre, le jeune Rimbaud soumet à son professeur la première version de son poème « Le Cœur supplicié » avec son désormais célèbre 13ème vers : « Ô flots abracadabrantesques, ». Sublime néologisme ? Que non pas, puisqu’il l’a piqué à Théophile Gautier !

    Dans son passionnant ouvrage « Du Plagiat », Hélène Maurel-Indart évoque la chaîne d’emprunts qui lia « La sphère infinie dont le centre est partout et la circonférence nulle part » de Pascal à Mlle de Gournay, Rabelais, Jean de Gerson, Vincent de Beauvais et Empédocle 4. C’est ce même Pascal, le grand Pascal, qui inventa la machine à calculer vingt ans après l’Allemand Schickard et la brouette dix-huit siècles après les Chinois !

    Avec une étourdissante érudition, Robert King Merton avait déjà, en 1965, poursuivi une semblable chaîne avec son « On the Shoulders of Giants ». Partant de l’aphorisme attribué à Newton, « Si j’ai vu plus loin, c’est que je me tenais sur des épaules de géants », Merton établit une liste de vingt-sept noms prestigieux qui précédèrent le savant anglais, pour arriver à Bernard de Chartres, en 1126. Dix-neuf autres personnalités, et non des moindres (Freud, Boukharine, Engels, Claude Bernard, Coleridge, …) firent également leur cette phrase, après Newton, sans qu’aucun songeât à citer son (ses) prédécesseur(s).

    Car – et c’est là l’excuse générique de ce genre d’emprunt – on ne plagie pas un auteur célèbre, on le cite en hommage, sotto voce et cum grano salis, le lecteur saura et comprendra…
    Élevons-nous cependant – avec véhémence – contre cette chasse aux sorcières qui voit du plagiat partout, contre ces nouveaux inquisiteurs qui, munis d’un « Malleus Plagiatorum », voudraient ériger leur étroite vision en dogme irréfutable. Déjà les premières victime tombent qui, pour être exemplaires, doivent avoir été grands et adulés avant la mise à mort. Prenons un de ces martyrs en exemple, ce qui nous permettra au passage d’établir une petite typologie du plagiat moderne:

    La méthode du baron
    « J’étais toujours prêt à combattre, mais j’ai atteint les limites de mes forces. ». C’est en ces termes que le baron Karl-Theodor zu Guttenberg annonce, le 1er mars 2011, son retrait de la vie politique. L’ex-mi- nistre allemand de la Défense vient de perdre son titre de docteur en Droit au terme d’une très média- tique dissection de sa thèse ; pas moins de 1218 plagiats émanant de 135 sources différentes, soient 371 des 393 pages du corpus de son travail ont été découverts par les internautes. Ces emprunts se classent en dix catégories :

    1. plagiats complets, c’est-à-dire citations verbatim sans mention de source
    2. Dissimulation,oupassagesémanantd’autresauteurs,maisreformulés
    3. Traductions de textes étrangers, sans mention de la source
    4. « Plagiats structurels », récupérant le plan et les articulations de travaux d’autrui sans les mentionner
    5. « Note-alibi », ou note de bas de page pointant sur une seule phrase dans un long passage emprunté
    6. «Sacrificedupion»,citant la source avec la mention «voiraussi»,alors que l’emprunt est présenté comme son propre travail
    7. « Raccommodage », ou emprunt d’expressions ou de parties de phrases marquantes
    8. «ShakeandPaste»,ou recomposition à partir de différents passages tirés de multiples sources
    9.  « Citation copiée », mentionnant la source primaire dans un passage entièrement emprunté sans en donner la provenance
    10. « auto-plagiat ».

    À en croire ses détracteurs, le malheureux baron aurait donc réuni, dans un travail en l’occurrence exemplaire, pratiquement toutes les formes connues du plagiat. C’est tout de même un tour de force lit- téraire digne de l’OULIPO !
    Les conséquences outre-rhénannes sont immenses : en ce pays où l’on ne plaisante pas avec la titula- ture, sept personnalités – et non des moindres – ont perdu leur doctorat depuis cette affaire, et près de 126 thèses sont en cours d’examen public.

    Il convient maintenant, afin d’étayer la défense et les prétentions, de proposer au travers de quelques cas des pistes pour aborder la relativité de la notion de plagiat, le seuil du plagiat, les avantages que l’on peut en tirer et si celui-ci est inconditionnellement blâmable : Le plagiat est-il toujours répréhensible ? (….)

    L’avenir du plagiat
    De Térence à Guttenberg ou Poivre d’Arvor, les plagiaires ont suivi les coutumes de leur temps et sur- tout les progrès techniques. Si le principe reste le même, le modus operandi a quelque peu évolué depuis l’époque des manuscrits. L’invention de l’imprimerie avait déjà changé la donne, le développement d’internet a révolutionné l’accès à la production intellectuelle, qu’elle soit écrite, musicale ou visuelle.

    Le « copié-collé » est utilisable par tous, étudiant de première année, doctorant, professeur, auteur ou ar- tiste. Mais la riposte est également là, livrant force outils commerciaux de dépistage, dont l’efficacité n’est souvent pas proportionnelle au prix demandé, tels CopyTracker, eTBLAST, Turnitin et autres Compi- latio.net. Quels que soient les domaines des arts et des sciences, le législateur, l’enseignant et l’informati- cien s’efforcent de contrer le plagiaire. Il est pourtant une discipline qui, à ma connaissance, a échappé à cette partie de gendarmes et voleurs : qu’en est-il, en effet, de la cuisine et de la gastronomie ? Quid d’un droit d’auteur des créations culinaires ?

    Puissiez-vous avoir pour les pauvres plagiaires la même indulgence que vous octroyez à votre restaura- teur préféré lorsqu’il vous apporte une sole à la Dugléré, une côte de bœuf à la sauce Choron, une galantine à la Gouffé, ou encore une succulente pêche-Melba inventée par Escoffier.

    Voici, pour terminer, quelques conseils pour réussir un bon plagiat

    Règle 1
    Ne jamais plagier un texte qui se trouve sur le net.

    Règle 2
    Si vous êtes dans l’impossibilité de respecter la règle 1, utilisez la méthode inaugurée par le Père Ubu dans son Almanach illustré du XXe Siècle : « […] j’ai traduit en polonais de vieux feuilletons français qui avaient charmé mon enfance ; cette première version les a modifiés du tout au tout, et puis j’ai attendu qu’on me les retraduisît en français. Ils y ont beaucoup gagné. »

    Traduisez à l’aide du traducteur automatique de Google les pages que vous désirez vous approprier, tout d’abord en serbo-croate, puis en basque ; faites retraduire le résultat en français et utilisez celui-ci en interprétant le résultat comme vous pourrez (Attention ! cet exercice réclame souvent beaucoup d’imagination).

    Exemple :
    Texte de Julia Kristeva – « Semeiotike », chap. 4 « Le roman subversif », Seuil, 1969, p. 111
    « Déterminant le statut du mot comme unité minimale du texte, Bakhtine saisit la structure au niveau le plus profond, au-delà de la phrase et des figures rhétoriques. La notion de statut ajoute à l’image du texte comme corpus d’atomes celle d’un texte fait de relations, dans lequel les mots fonctionnent comme quanta. »

    1. Traduction automatique français – allemand – italien – français
    « Bakhtine identifie le mot comme la plus petite unité du texte saisi, la structure, au niveau le plus profond, au-delà des mots et des phrases. Le terme correspond à l’image des atomes du corps comme un lien-texte, dans lequel les mots fonctionnent comme un quantum. »

    2. Traduction automatique français – italien – polonais – japonais -français
    « Plus que par un mot ou une phrase dans le niveau le plus profond, de la plus petite unité de texte capturé, Bakhtine identifie les mots et les structures. Les fonctions terme-quantique comme le lien texte-mot, correspondent à l’image du corps, tels des atomes. »

    De cet exercice, il apparaît indubitable que la clarté de la pensée kristevienne n’est en rien alté- rée par la traduction ! (…)

    Retrouvez toutes les règles du petit manuel du Plagiat ici.

    Source : Francis Segond, Directeur de la communication, Groupe Inter-académique pour le Développement (G.I.D.), Académie des sciences