Auteur/autrice : Eric Fourcaud

  • Le plaisir de la connexion ou l’envers de la peur du vide

    Le plaisir de la connexion ou l’envers de la peur du vide

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    Alors que, comme dans cet exemple, la majorité des recherches sur les jeunes et les TIC prend en compte les adolescents, il paraît intéressant, d’une part, de voir ce qu’il en est, c’est-à-dire aussi ce qui se conserve de ces pratiques, lorsqu’ils sont devenus de jeunes adultes. D’autre part, il semble opportun d’interroger de telles pratiques. Autrement dit, quel(s) rapport(s) des jeunes aux TIC sous-tend(ent) une telle communication ? L’accroissement des pratiques de communication médiatisées nous amène à poser l’hypothèse selon laquelle ces dernières sont source de plaisir.

    Or, définir et concevoir le plaisir n’est pas chose aisée dans la mesure où il s’agit d’un affect. Aussi divers approches ont été proposées dans trois champs principaux que sont, du plus ancien au plus récent la philosophie, la psychanalyse et le marketing. Nous proposerons ainsi tout d’abord d’appréhender brièvement les grandes lignes de ces différentes conceptions du plaisir. Nous en retiendrons principalement qu’il existe potentiellement plusieurs formes ou degrés de plaisir et que le plaisir est un affect ne résultant pas d’une simple satisfaction biologique mais survenant dans le rapport du sujet à l’objet et à la représentation qu’il se fait de ce dernier. Dès lors, quelles sont les formes prises par le plaisir lié à la communication médiatisée ? Dans quelle mesure les TIC jouent-elles le rôle d’objet transitionnel chez les jeunes ?

    Méthodologie
    Nous proposons d’interroger les représentations, pratiques et compétences numériques des  jeunes via une étude empirique par questionnaires à laquelle ont répondu plus de 1600 étudiants inscrits dans diverses filières de l’université de Picardie en 2011-2012. Il s’agit d’étudier  leurs réponses en termes goûts, fréquences et types d’usages des TIC à l’aide de tris simples et croisés pour les questions fermées ainsi que via l’analyse de contenu pour les questions ouvertes.

    Quelques résultats 
    Nous verrons que la majorité des étudiants déclare aimer se connecter, certains disant même être connectés dès que possible et ne pas pouvoir s’en passer.  Loin de la technique ou du geste anodin de l’utilisateur, l’usage d’internet semble donc lié à un véritable plaisir. Les raisons évoquées par les étudiants relèvent principalement de trois registres (informationnel, ludique et relationnel) décomposables en 6 sous registres comme nous l’illustrerons avec les propos tenus par certains étudiants avant de mettre en relief que les différentes possibilités de communication offertes par internet apparaissent ainsi comme l’une des raisons de l’attachement à ce média.

    Discussion
    Si la connexion peut-être source de plaisir, nous verrons que c’est principalement en tant qu’ouverture d’une porte sur un espace social à la fois ancré dans un espace-temps contemporain et offrant apparemment un accès à « tout ».  Il est fort probable qu’une partie des jeunes cherchant toujours à être connectée et à vivre dans l’échange de messages via sms ou sur les sites sociaux, joue en fait au jeu de la bobine analysé par Freud en envoyant un message et attendant impatiemment de recevoir un message en retour.

    Qu’il s’agisse de l’attente du message d’un proche ou d’un inconnu avec lequel on joue, le plaisir allant de pair avec la représentation, voire la symbolisation, des moyens de communication que constituent le téléphone portable ou les sites sociaux, semble pouvoir  être considéré comme lié au relâchement de la tension lors de la réception du message, conformément à l’approche psychologique. Par ailleurs, alors que certains étudiants disent ne pas éprouver de plaisir à utiliser internet mais s’en servir contre l’ennui, il semble pertinent d’envisager la connexion comme rempart face à l’horreur du vide métaphysique tel que le conçoit Pascal. Cherchant à fuir son inconsistance ontologique, l’homme cherche effectivement des repères dans le divertissement. C’est ainsi qu’au-delà du plaisir certains usages d’internet sont susceptibles de venir donner du sens au moment où l’existence semble absurde.

    Toutefois, si grâce à internet « tout est possible » selon certains étudiants, ce divertissement ne procède que d’une illusion de plénitude…

    Source : Cathia Papi, laboratoire CURAPP UMR 7319, Université de Picardie Jules Verne

  • Sensibiliser les élèves au numérique par le jeu, exemple dans l’Académie de Haute Normandie

    Sensibiliser les élèves au numérique par le jeu, exemple dans l’Académie de Haute Normandie

    einstructionFlow

    Ce jeu concours a eu pour double vocation de sensibiliser les élèves aux problématiques européennes et à l’utilisation pédagogique des nouvelles technologies numériques.

    Le concours était ouvert aux élèves des écoles primaires, des collèges et des lycées, et 1300 d’entre eux ont participé en janvier aux épreuves de pré-sélection, un quizz en ligne.
    Lors de la finale, 11 équipes de 3 élèves ont concouru, supportées par leurs camarades et professeurs qui se trouvaient dans l’amphithéâtre.

    Pour la deuxième année consécutive, le questionnaire final «L’Europe, qu’en savez-vous ?» organisé par la mission Tice de l’Académie de Rouen, a été proposé avec des boîtiers de réponse eInstruction.
    Contrairement à l’année dernière où seuls les finalistes ont participé avec les boîtiers CPS Pulse, cette année, le public, une centaine de personnes, a pu répondre aux questions en même temps que les candidats. D’où une ambiance survoltée dans le public, entretenue par les animateurs de salle improvisés : Alain Rossignol, inspecteur d’Académie chargé des Relations internationales (DAREIC) et Christian Lefèbvre, membre du Mouvement Européen.

    Le retour immédiat des réponses sur le Mobi View a été apprécié, ainsi que les fonctions du logiciel Flow! qui permettent de connaître le taux de participation et de savoir qui des participants n’a pas encore envoyé sa réponse. Par la suite, le questionnaire aux 20 questions s’est déroulé sans incident, sous les applaudissements du public.

    À l’issue de la finale, les résultats ont été immédiatement accessibles et les lots ont été distribués aux gagnants de chaque catégorie : l’école Marcelin Berthelot (Mont Saint Aignan), la 3e du collège Barbey d’Aurevilly (Rouen) et la 1ère S1 du Lycée Flaubert (Rouen). Le Mouvement Européen offre aux élèves de primaire une journée de visite de Rouen, et aux plus grands, une journée de visite de Bruxelles avec la rencontre de deux députés européens. Les 2 élèves du public qui ont réalisé les scores les plus élevés viennent également du lycée Gustave Flaubert et iront aussi à Bruxelles.

    Après la finale, quelques élèves nous ont livré leurs impressions sur l’utilisation des boîtiers. Les CM2 de l’école Marcelin Berthelot ont trouvé le fonctionnement des boîtiers facile à comprendre, «bien que les écrans soient petits, on voit bien ce qu’on écrit». Ils ont également fait remarquer que les boîtiers CPS Pulse présentent l’avantage de pouvoir être utilisés en classe à la fois en français avec les lettres et en maths avec les chiffres.

    Des collégiens ont estimé que l’affichage des pourcentages de réponses reçues pendant que la question est posée est très pratique. C’est moins stressant que quand on ne sait pas où on en est. L’utilisation des boîtiers en classe serait « top » et ferait moins de papier. De plus, des collégiens de Barbey d’Aurevilly ont trouvé que cela animait beaucoup le quiz, que c’était plus vivant d’utiliser les boîtiers. Et le décompte introduit de l’interactivité. En classe, cela permettrait de dynamiser l’oral.

    Plus d’infos sur cette journée : www.ac-rouen.fr

    sur les boîtiers de réponse et le logiciel Flow! : www.einstruction.fr

  • Vous avez dit plaisir ?

    Voilà une équation redoutablement difficile : quel est l’impact du numérique sur le plaisir ; mais pas sur n’importe quel plaisir, sur celui d’apprendre, et celui d’enseigner.

    Beaucoup d’articles, tel «le plaisir condition de l’apprentissage» par Michel Lobrot, ou des livres, tel «Au bon plaisir d’apprendre» par Bruno Hourst, ont été écrits sur ce sujet. Tous convergent vers la même idée : l’enseignement, en France, semble avoir oublié la part importante du plaisir dans la pédagogie.

    Le plaisir est-il dans l’acte d’enseigner, dans l’apprentissage, ou dans la combinaison des deux ? Un premier tour sur google montre déjà une énorme dissymétrie des deux problématiques. Voyons le résultat de deux requêtes sur google.fr :
    La requête «plaisir d’apprendre» nous renvoie, en premiers résultats :

    •    Un centre de ressources riche en contenus, fiches pédagogiques et réflexions, pour les enseignants en langues étrangères.
    •    Une association ayant pour objectif de faciliter la réussite scolaire, offrant des stages et conférences.
    •    Un établissement privé spécialisé dans les métiers de la santé, du social, et de la petite enfance, proposant des formations ainsi qu’une foire aux questions.
    •    Un livre de Bruno Houst «au bon plaisir d’apprendre», achetable sur Amazon.
    •    Un entretien croisé sur «le plaisir d’apprendre est-il tabou en France», qui pointe des problèmes et propose des solutions sur ce sujet.

    Un seul retour présentait un résultat négatif, un article du journal Le Monde intitulé «L’école Française a-t-elle tué le plaisir d’apprendre», qui pointait vers un numéro de septembre 2011 du Centre International d’Etudes Pédagogiques, intitulé «le plaisir et l’ennui à l’école», dont, hélas, seule la table des matières est téléchargeable.

    En revanche, sur le même google, la requête «plaisir d’enseigner» retourne, en premiers résultats, des réponses très marquées, essentiellement des éléments d’actualité avec des phrases puissantes :

    •    «L’enseignement n’est plus ce qu’il était».
    •    «Enseigner n’est pas toujours facile».
    •    «Une pétition circule sur Internet contre les suppressions de poste» (sic).
    •    «Les professeurs ont moins de plaisir à enseigner que par le passé».
    •    «La rage à l’école tue le plaisir d’enseigner».
    •    «Le plaisir d’enseigner n’est plus au rendez-vous» qui contient entre autres «l‘école est un domaine ou l’autre est considéré comme un ennemi».

    Un seul retour présentait un résultat positif, contenant des phrases belles et simples, comme «Enseigner, c’est guider les hommes vers l’espérance», ou bien «Enseigner c’est rendre les hommes plus humains». Il est vrai que ce magnifique texte venait d’un enseignant Marocain, qui parlait d’enseigner au Maroc…

    La question qui se pose, au vu de ce résultat, est alors de savoir si ce sont les enseignants, ou les élèves, qui ont le plus de mal à introduire la composante plaisir dans la pédagogie…

  • Plaisir des sens, plaisir du sens : le design d’expérience à l’épreuve de la Littérature

    Plaisir des sens, plaisir du sens : le design d’expérience à l’épreuve de la Littérature

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    L’Herbier des fées est un livre qui se range dans la catégorie littérature jeunesse. Ecrit par Benjamin Lacombe et illustré par Sébastien Perez, cet ouvrage se présente comme un récit fantastique qui prend plusieurs formes simultanément :
    •    un journal intime, celui d’Aleksandr Bogdanovitch, botaniste russe en mission secrète dans la forêt de Brocéliande pour le compte de Raspoutine, à la recherche de plantes mystérieuse
    •    un herbier, dans lequel le scientifique décrit et dessine par le détail toutes ses découvertes, fleurs et plantes
    •    un livre de « choses », au travers de descriptions méticuleuses et de dessins précis et détaillés
    •    d’autres formes moins affirmées comme le carnet de voyage ou encore l’album illustré…

    Le livre nous fait donc hésiter en permanence sur la façon dont il faut le regarder : les auteurs ont joué sur le foisonnement des styles et des images pour entretenir cette ambiguïté qui laisse le lecteur dans une position indécise sur l’attitude à adopter face à cet ouvrage. De plus, l’histoire est située dans le temps (en 1914), avec des dates précises, et de ce fait les références à la Grande Guerre sont présentes par la reproduction de documents authentiques sous forme de fac-similé.
    Le doute dans lequel le lecteur se trouve plongé est ainsi renforcé : doute entre une fiction et livre autobiographique d’un scientifique, entre le vrai et le faux, entre réalité et imaginaire…

    Le lecteur peut aussi découvrir cette histoire dans un autre format, puisqu’il est possible de télécharger la version numérique de L’Herbier des fées sur une tablette tactile, en l’occurrence l’Ipad. Nous sommes alors face à un livre enrichi par des contenus multimédia comme des sons, des images animées, des dessins animés mais aussi par des possibilités de modifier la taille et le format des images.

    De ce fait, le lecteur peut parcourir le livre selon un autre rythme et le (re)découvrir, ce qui est une nouvelle source du plaisir procuré par la lecture. Cette expérience renouvelle le plaisir de la lecture car elle laisse une plus grande part à la liberté du lecteur, même si ce dernier ne peut tout de même pas s’affranchir de la linéarité lié au livre papier.

    Le choix d’interroger ces objets, en les observant simultanément comme des objets littéraires, comme des objets communiquants, mais aussi comme des produits marketés, relève de notre volonté de comprendre la nature même des objets. D’une part, nous avons la volonté délibérée de repérer et d’analyser le design d’expérience proposé au lecteur au travers de ces supports en nous focalisant sur les dimensions matérielles des produits.

    En faisant ce choix radical d’appréhender la nature matérielle, nous voulons d’abord nous abstraire des dimensions de signes et de récit que le marketing a toujours la volonté de valoriser au travers du produit et donc en abandonnant la relation à l’objet. C’est l’objet source de plaisir qui devient alors notre point d’entrée dans cette œuvre artistique et littéraire. Cette première étape doit nous permettre de regarder le livre numérique non pas au travers du prisme des significations culturelles et sociales mais au travers de l’appropriation individuelle du dispositif. Nous voulons aussi mettre en abîme le point de vue des concepteurs et auteurs et l’expérience de lecture, qui est plus un parcours personnel.

    D’autre part, nous questionnerons l’œuvre au travers de la mise en signification des parcours possibles. Le livre papier sur un grand format (avec des effets de mise en page et de matières) mais aussi le livre numérique (avec l’ensemble des possibilités offertes par les interactions possibles) nous donne à explorer les différentes résistances à la signification de l’œuvre que ces objets proposent au lecteur. Tant l’analyse littéraire que l’analyse sémiotique de ces objets soulèvent de nombreuses questions qui permettent alors d’imaginer une nouvelle démarche marketing qui repense l’objet et non plus le produit.

    Comment le processus de conception et de production des objets ouvre-t-il la porte pour proposer un design d’expérience, source d’un plaisir accessible au lecteur tout en lui étant spécifique ? Nous ne sommes alors plus dans un marketing de masse qui prescrit des plaisirs, mais bien dans un espace où le consommateur, par ses gestes, crée sa propre expérience de lecture. Il conviendra aussi de mettre en perspective critique cette posture car elle est en elle-même discutable, puisque résultante d’une disposition de la séduction marchande à laquelle les consommateurs succombent, par le plaisir de la curiosité.

    Source :
    Emilie Paradossi (IUT Angoulême – Université de Poitiers)
    Laetitia Perret (FORELL – Université de Poitiers)
    Olivier Rampnoux (CEREGE – Université de Poitiers)

  • Du plaisir de se perdre dans des lieux (re)connus : flâneries et quêtes vidéoludiques

    Du plaisir de se perdre dans des lieux (re)connus : flâneries et quêtes vidéoludiques

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    Basés sur des scenarii fictifs favorisant la découverte des patrimoines, de lieux, d’époques et de mondes révolus, des jeux tels que Tomb Raider, Assassin’s creed ou même Call of duty laissent apparaître des formes singulières de médiatisation des patrimoines. Tirant pleinement profit des spécificités narratives du jeu vidéo et de l’importance accordée, dans ce mode de symbolisation, à la dimension spatiale du récit, ces productions cherchent à conjuguer plaisir ludique et tourisme numérique, jeu et émotion patrimoniale .

    De fait, si Jean-Michel Schaeffer  considère qu’ «une représentation vécue en état d’immersion fictionnelle est l’objet d’investissements affectifs», il faut convenir que ces jeux fondés sur une proposition d’immersion fictionnelle autorisent, du côté des joueurs, l’appropriation ludique d’un cadre patrimonial simulé. Un rapport singulier à l’espace et au temps en est inévitablement induit que nous nous proposons d’interroger dans cette étude. Les joueurs voyagent dans le temps, acteurs de l’histoire et ici de l’Histoire. Il n’y a rien de nouveau, pour les historiens, dans le fait de représenter l’Histoire sous la forme narrative, qu’elle cela soit sous la forme d’un film historique, d’un roman ou d’un jeu vidéo – au reste Jean-Pierre Esquenazi  le rappelle très bien -, le récit constitue un moyen privilégié pour communiquer sur l’Histoire.

    Ainsi, au-delà de leurs particularités diégétiques inscrivant la narration en termes spatiaux, ces changements de rythmes, cette recherche de plaisirs inscrits dans des temporalités distinctes pourrait fort bien incarner une forme de modernité décrite par des sociologues tels que Simmel  ou, plus récemment, Rosa  relevant la croissante complexification des tempos sociaux.

    Le récent jeu d’action-aventure Assassin’s creed en est un exemple significatif. En effet, l’intrigue principale met en scène la quête d’un héros basée sur des événements historiques et des lieux patrimoniaux, plus ou moins fictifs. Ici, les éléments d’un monde réel serviront de base à l’univers diégétique et fictionnel du jeu. Pour mener à bien sa mission, le joueur effectue une suite d’actions prévues par le script narratif des concepteurs, mais, au-delà, est amené à visiter une époque historique, rencontrer des personnages, ou bien encore à participer à des conversations historico-fictionnelles. Or, le partage de la vie quotidienne constitue actuellement un élément central des médiations autour des patrimoines, telles que les organisent les institutions culturelles ou même les organisateurs de voyages. En asservissant les possibilités qui lui sont offertes par le gameplay de s’extraire un instant de la trame narrative du jeu, le joueur peut s’offrir d’autres plaisirs ludiques que ceux directement liés aux actions de jeu.

    Dans une approche communicationnelle, nous nous proposons ainsi de montrer, à partir de l’étude sémiotique du cas du jeu Assasins’creed, comment les spécificités de la médiation vidéoludique permettent de faire rimer, entre libertés et contraintes, des plaisirs a priori antagonistes : flânerie et action, vagabondage et quête. Nous mettrons en lumière les systèmes signifiants qui composent ce type de jeux et, par conséquent, conditionnent cette recherche du plaisir.

    Source : Julie PASQUER-JEANNE, Olivier ZERBIB

  • Le numérique pour les apprenants : une approche centrée sur l’envie et le plaisir ?

    «Rousseau… et tous les pédagogues de l’Antiquité sont passés par l’idée qu’il fallait apprendre par le jeu et nous continuons à nous dire que l’apprentissage et la douleur doivent être corrélées. Il y a quelque chose d’assez tragique dans cette idée qu’apprendre, c’est souffrir» !

    En finir avec la souffrance dans l’apprentissage
    Retrouver, dans un premier temps, l’idée de principe de plaisir dans l’apprentissage, en puisant sur les plaisirs favorisés par le numérique: jouer, échanger, faire soi-même. L’apprenant peut lui aussi trouver du plaisir dans le «bricolage», évoqué dans l’épisode 2 ; le numérique est un excellent outil pour une synthèse de cours par exemple.

    Donner envie aux apprenants
    Il serait déjà nécessaire de donner envie aux apprenants en soignant les interfaces pédagogiques. «L’anti-ergonomie et la mocheté d’un Moodle doivent être bannis» ! Les interfaces doivent être agréables, faciles d’accès, belles et fonctionnelles!

    «Embauchons un designer dans les équipes TICE des universités, qui ait en charge de rendre agréable toutes les interfaces de travail, de jouer avec les contraintes de la charte graphique pour produire des interfaces différenciées, et construisons des «beta testing» d’usage des interfaces au moment de leur conception, pour en améliorer la facilité».

    En complément du côté agréable de l’interface, la fonctionnalité qu’elle propose est tout aussi importante. A l’heure actuelle, les «usines à gaz» proposées sont trop complexes et ne facilitent pas l’usage.

    Encourager le partage entre apprenants
    Patrick Mpondo Dicka propose d’ encourager le partage entre étudiants, même ludique ; à ce titre, il faut utiliser des outils agréables, même s’il faut les détourner de leurs usages pour les faire fonctionner dans le cadre institutionnel. Il propose d’élaborer des interfaces «aménageables».

    Tout cela devrait améliorer et augmenter les usages. «L’idée est de toujours tourner l’interface de logiciel vers un agrément de l’utilisation».

    Et enfin, arrêter de penser que le numérique va remplacer les outils pédagogiques ; il vient en fait comme une composante, c’est un outil complémentaire.

  • Numérique ou non, le livre ne doit pas être un produit d’appel

    Jusqu’à la sortie de l’iPad en 2010, le monde de l’édition américaine fonctionnait sur un modèle unique : l’éditeur vendait ses titres à un prix de gros, laissant au libraire détaillant le soin de fixer le prix de son choix.
    Afin d’attirer des clients dans son écosystème, Amazon vendait systématiquement à perte les titres les plus recherchés. Ainsi, une nouveauté dont l’édition papier se vendait 28$, était vendue à 9.99$, Amazon perdant sciemment plus de 10$ par titre vendu.

    Dans le monde papier, ces prix fracassés ont permis à Amazon d’anéantir ses concurrents de façon systématique. Aujourd’hui, depuis la fermeture de Borders en 2011, il ne reste plus qu’une seule chaîne indépendante spécialisée dans la vente de livres aux USA ; Barnes & Noble. Précisons que sa situation financière est catastrophique.

    Le livre numérique permet à Amazon de mettre en place une stratégie encore plus agressive. En vendant de nombreux livres dans un format propriétaire, bloqué pour ne fonctionner que dans son écosystème, il rend l’acheteur totalement captif.

    Cette combinaison du bâton (captivité) et de la carotte (vente à perte) assure à terme une situation de monopole dans laquelle Amazon pourrait alors dicter toutes les règles du jeu.

    Inquiets face à cette situation, les éditeurs américains ont profité de l’arrivée d’Apple sur le marché pour changer les règles du jeu, basculant sur un modèle où un même prix s’appliquerait à l’ensemble des revendeurs, permettant de conserver une diversité de canaux de distribution et donc davantage de compétitivité dans ce marché.

    Une récente décision du Department of Justice (DoJ) remet cependant ce modèle en cause. Accusant les éditeurs d’entente illicite sur les prix, le DoJ s’apprête à imposer la fin de ce modèle auprès de cinq des plus grands éditeurs américains, créant ainsi toutes les conditions pour que Amazon reprenne son rôle de prédateur dominant. Cette décision défiant le bon sens est le signe avant-coureur d’une tendance lourde que l’édition va devoir combattre : pour ces acteurs, le livre n’est qu’un produit d’appel. Pour Apple ce n’est qu’un moyen de vendre des tablettes, pour Google nos lectures sont un moyen comme un autre d’en savoir toujours plus sur nous et nos comportements de consommateur afin de nous inonder de publicités ciblées. Ces préoccupations sont bien éloignées des attentes des lecteurs comme des éditeurs, et si les autorités laissent le marché entièrement entre leurs mains, tout le monde sera rapidement perdant.

    Fixer le prix du livre numérique n’est pas suffisant en soit, mais c’est une condition préalable à un véritable marché. Un prix unique sur le livre numérique pourrait être perçu comme une opportunité par les éditeurs de ralentir l’adoption de la lecture numérique. Au lieu de cela, il doit absolument devenir un outil leur permettant de mieux comprendre le marché, que ce soit via des politiques de prix ciblés dynamisant leurs ventes, ou en lançant de nouvelles collections adaptées aux attentes des lecteurs numériques.

    Quant aux libraires, dans un monde où les catalogues n’ont plus de limites, leur rôle sera plus que jamais nécessaire pour guider le lecteur dans ses choix. Mais être libraire numérique, c’est aussi repenser la médiation et la manière dont le lecteur navigue dans un catalogue, et c’est seulement en mettant son expérience au service de nouvelles expériences que la librairie trouvera sa place. Plutôt que d’un portail de la librairie, c’est de standards, et d’outils  leur permettant de se différencier dont les indépendants ont besoin.

    Créons ensemble les conditions favorisant la diversité des acteurs et des expériences, le livre mérite mieux que d’être un simple produit d’appel.

    Auteur : Hadrien Gardeur, Co-Fondateur de Feedbooks

  • Plaisir et /ou apprentissage, le cas de l’étudiant-consommateur à Lesley University

    Plaisir et /ou apprentissage, le cas de l’étudiant-consommateur à Lesley University

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    L’université et donc l’enseignement deviennent des produits et sont évalués en tant que telle (Hanson, Drumheller, Mallard, McKee, & Schlegel, 2011) (U.S. News and World Report Staff, 2012).  L’étudiant achète non-seulement des connaissances (transmis dans la salle de classe), mais aussi une future réputation (selon le classement de l’université, le diplôme valent plus sur le marche de l’emploi) et une vie sociale à part entière.

    L’enseignement universitaire américain est donc soumis à une pression de compétitivité accrue.  Chaque établissement essaie par tous les moyens d’attirer et garder leurs étudiants idéaux.  Une des façons d’accomplir cette mission est de créer un environnement convivial dans la salle de classe. Le but de l’enseignement, traditionnellement compris comme la transmission d’une certaine base de connaissance, devient plus complexe.

    Si l’université est un produit et les étudiants des consommateurs exigeants, l’enseignement doit être à la fois pertinent et amusant.

    L’expérience doit donner du plaisir au consommateur. Un des moyens de produire ce sentiment est d’utiliser des outils dans la salle de classe qui procurent déjà du plaisir pour l’étudiant : les outils numériques.

    Cette communication analyse l’usage d’outils numériques dans deux cours (La communication interculturelle et Social Media) enseignés à Lesley University, une petite structure à Cambridge, Massachusetts.  Les outils numériques utilisés dans chaque cours sont les suivants :

    Communication interculturelle :
    Plateforme blackboard, Blogue collectif , 4 sessions skype avec une classe en France; échanges de courriels avec des étudiants français
    Social Media :
    Plateforme blackboard ; chaque étudiant a : un blogue, un compte twitter

    Le but de l’analyse est de comprendre si oui ou non la présence de ces outils aide à produire un environnement propice à la réceptivité de l’enseignement.

    Notre analyse part du principe que l’introduction du numérique dans la salle de classe est un moyen d’attirer l’attention des étudiants.  Nous partons aussi avec l’hypothèse que l’usage de ces outils procure du plaisir aux étudiants (Liu & LaRose, 2008) (Manago, Taylor, & Greenfield, 2012).  De récentes études démontrent que l’usage de réseaux sociaux est associé de manière positive avec l’interaction sociale face à face, mais ont un effet négatif sur la réussite académique (Jacobson & Forste, 2011).  Nous basons notre point de départ sur deux observations :

    • Les étudiants inscrits dans les deux cours sont tous nés au début des années 1990.  Le premier navigateur, Netscape, a été commercialisé en Novembre 1994 aux Etats-Unis.  De ce fait, ces étudiants n’ont jamais connu un monde sans connexion internet.  La simple présence de cet outil a influencé la manière dont ils comprennent le monde.

    • Ces étudiants passent beaucoup de temps connectés sur internet.  Si certains d’entre eux sont conscients des points négatifs de cette connectivité, la plupart aiment être toujours en contact avec leur entourage.  Les réseaux sociaux en ligne leurs procurent du plaisir, leur donne un sentiment de ambient intimacy qui les rassurent (Evans, 2011).

    Nous structurons notre analyse de la manière suivante :

    • Une analyse des blogues étudiants et du blogue collectif dans le but d’évaluer l’assimilation de concepts soulevés en cours.
    • Une analyse des tweets envoyer avec le hashstag du cours (#ccomm1888) dans le but d’évaluer si oui ou non cet outil aide les étudiants à se concentrer sur l’enseignement.
    • Un sondage des étudiants évaluant l’efficience des outils numériques dans la production de connaissance et leur plaisir à les utiliser.

    Cette étude cherche à mieux cerner le rapport entre le plaisir et l’efficience de l’apprentissage lorsque les outils numériques sont introduits dans la salle de classe.  Les résultats de l’analyse nous aideront à modifier la structure de nos cours—de les rendre plus amusants (ce qui répond aux besoins des consommateurs-étudiants) et de les rendre plus efficace au niveau de la transmission de connaissances (ce qui répond aux besoins classiques d’une université).

    Source : Heidi Gautschi
    Retrouvez la sur le colloque scientifique de l’Université d’été de Ludovia, du 27 au 30 août à Ax les Thermes (voir le programme ici)

  • Plaisirs et éthique ; esthétiques et connaissances : des serious games aux art games

    Plaisirs et éthique ; esthétiques et connaissances : des serious games aux art games

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    Dès lors, il est nécessaire pour tout concepteur d’un jeu sérieux de penser non seulement le plaisir du joueur mais aussi le plaisir que celui-ci ressentira lors de l’acquisition de la connaissance. On reconnaît ici le problème qui consiste dans l’articulation, voire la fusion entre les plaisirs propres au jeu et ceux d’une connaissance à acquérir. Autrement dit, le concepteur d’un jeu sérieux doit-il privilégier une approche intrinsèque entre le jeu et le savoir ou bien, doit-il, au contraire, dissocier les moments de jeu des moments de transmission d’une connaissance ?

    C’est par une comparaison entre deux jeux que nous construirons des éléments de réponse pour trancher dans ce débat.

    D’une part, le serious game Food Force, créé pour et financé par l’ONU ; d’autre part, le art game Passage conçu par l’américain Jason Rorher. Cette comparaison nécessitant une réflexion sur la qualité du plaisir que tout jeu sérieux doit procurer, nous nous appuierons à cette fin sur un grand livre traitant des plaisirs et de leurs différentes natures et qualités : le Philèbe de Platon.

    Forts des analyses platoniciennes, nous verrons que c’est précisément par l’examen de la nature du plaisir que le problème éthique des serious games peut être éclairé. De même, nous verrons la raison pour laquelle ce que nous nommons une esthétique de la réplétion convient le mieux à tout jeu possédant une dimension sérieuse et dans quelle mesure cette esthétique privilégie une articulation naturelle entre le plaisir de jouer et la connaissance en jeu.

    Enfin, en prenant au sérieux les leçons pédagogiques induites par les grands mythes et allégories qui jalonnent l’œuvre de Platon, nous apporterons des éléments de réflexion sur le plaisir dans le serious game en défendant la thèse que le récit de l’histoire, du scénario d’un jeu sérieux doit être allégorique afin que le joueur se heurte à des énigmes et qu’il comprenne que le jeu, à lui seul, ne peut les résoudre ; et que le meilleur des plaisirs n’est pas dans le fait de gagner mais de résoudre, par lui-même, l’énigme…

    Source : Pierre J. Truchot
    Retrouvez le sur le colloque scientifique de l’Université d’été de Ludovia, du 27 au 30 août à Ax les Thermes (voir le programme ici)