Étiquette : Colloque scientifique

  • Déjouer les dispositifs : l’art et le jeu comme modes d’appropriation

    Déjouer les dispositifs : l’art et le jeu comme modes d’appropriation

    La question du jeu dans les expositions d’art contemporain semble incontournable aujourd’hui si on fait le constat des nombreuses œuvres qui proposent une dimension interactive et ludique. Mais il est intéressant de constater aussi que des jeux-vidéos ont été conservés récemment au Musée d’Art Moderne de New York. Ainsi, nous évaluerons dans un premier temps des points de rencontre entre œuvres d’art et jeux-vidéos pour suggérer des hybridations entre conduites artistiques (Schaeffer) et attitudes ludiques (Henriot). Pour rendre compte de la nécessaire remise en question d’une catégorisation stricte de ces activités, le corpus proposé reposera principalement sur l’étude d’un jeu vidéo qui a été conservé au Musée d’Art Moderne, ainsi que d’une installation personnelle pouvant être qualifiée de jouable.

    Notre approche de ce corpus posera alors la question de l’appropriation et du détournement à travers une dialectique entre emprise et lâcher prise. Abordant des problématiques de société de contrôle et de surveillance à l’ère des nouvelles technologies, les créations présentées interrogent nos rapports aux dispositifs, mais aussi l’emprise que ces derniers exercent sur notre habitus ainsi que nos capacités (ou incapacités) à les détourner, les déjouer ou les profaner (Agamben) pour enfin se les approprier. Cette question semble incontournable alors même qu’une inquiétude se fait sentir face à des phénomènes d’esthétisation du monde (Lipovetsky, Serroy) ou de dissémination vidéoludiques dans nos sociétés (Lavigne). En s’appropriant des schèmes cognitifs qui sous-tendent les pratiques artistiques et ludiques, ces tendances semblent bien jouer sur nos désirs de lâcher prise, mais à des fins de productivité et de rentabilité économique. Nous opterons donc, à l’instar de Stiegler, pour une réhabilitation de la pratique au détriment de l’usage concernant les produits de notre société, que ces derniers soient catégorisés comme des objets techniques, des objets numériques, des œuvres d’art ou bien des jeux.

    Positionnement scientifique

    D’un point de vue méthodologique, je souhaite aborder ce sujet de manière dialectique à travers une démarche de création recherche, approche qui est chère aux chercheurs du LARA (Laboratoire de Recherche en Audiovisuel). Personnellement impliqué activement au sein d’une association d’artistes (Patch_work, arts émergents), j’effectue en relation avec ma pratique artistique des résidences d’artistes, des ateliers pédagogiques et participe notamment à l’organisation de manifestations culturelles. Mon propre travail de création vient donc enrichir mon travail de recherche dans un dialogue toujours fécond entre la pratique et la théorie.

    Cette approche relie donc une réflexion d’ordre individuelle tournée vers la compréhension subjective de l’art, avec une approche plus scientifique qui permet l’échange et le partage des connaissances. Elle s’inscrit plus généralement comme une démarche de théorie de l’art et par l’art.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos de l’auteur Raphaël Bergère

  • Les figures de l’usager des Technologies de l’Information et de la Communication à l’interdiscipline des sciences de gestion, du droit et des sciences de l’information et de la communication

    Les figures de l’usager des Technologies de l’Information et de la Communication à l’interdiscipline des sciences de gestion, du droit et des sciences de l’information et de la communication

    [callout]L’objectif de cette communication est de faire une revue de différentes littératures des sciences humaines et sociales – plus précisément les sciences de l’information et de la communication, le droit et les sciences de gestion – qui ont abordé l’usager des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sous différentes perspectives pour en offrir une vision étendue et apprécier son évolution au fil du temps, des évolutions technologiques et de la numérisation de l’économie et de la société de l’information.[/callout]

    Cette approche pluridisciplinaire permet d’articuler des cadres théoriques complémentaires pour se saisir de la figure de l’usager qui traverse les SHS depuis une trentaine d’années.

    Les sciences de l’information ont produit plusieurs de ces cadres théoriques, notamment en réaction aux approches techno-déterministes. La dernière livraison de la Revue Française des Sciences de l’Information et de la Communication consacre un intéressant dossier aux « Usages et usagers de l’information à l’ère numérique » qui dresse un bilan de trente années d’études d’usages et dessine les grandes orientations passées et à venir de la sociologie des usages (avec les changements paradigmatiques liés à l’essor du big data). Des contributeurs très engagés dans cette branche y ont pris part, en particulier Serge Proulx (2015).

    Les sciences de gestion se sont, elles, surtout intéressées à la place de l’usager dans le contexte organisationnel et aux différentes modalités de son engagement dans les projets de changement du système d’information de l’entreprise pour obtenir son acceptation et éviter les phénomènes de résistance au changement et d’inertie organisationnelle. Ces travaux ont beaucoup apporté à la compréhension des phénomènes d’appropriation des TIC dans les organisations (de Vaujany, 2003).

    Enfin, le droit apporte également un éclairage important sur la nature changeante de l’usager des TIC à travers les époques. Ce dernier s’est peu à peu transformé en passant du statut de simple consommateur – recevant passivement les technologies (principalement des artefacts matériels) sans questionner leur design et leurs capacités ou en les détournant avec plus ou moins d’ingéniosité – au statut de co-créateur participant à certaines évolutions technologiques (principalement les interfaces de services en ligne en version « bêta » perpétuelle).

    Ce consommateur s’est aussi fréquemment mué en producteur du contenu de ces mêmes services (d’où l’expression « contenus générés par les utilisateurs » ou UGC, qui sont caractéristiques des services du web 2.0 tels que Facebook ou YouTube). Ces mutations ont nécessairement impacté le statut juridique du consommateur-producteur impliqué dans ces nouvelles manières de consommer en fournissant une force de travail dans les nouveaux régimes concurrentiels nés de ces nouveaux écosystèmes (Pénard, 2006), au premier rang desquels Facebook.

    L’usager doit donc être repensé dans son ensemble en lien avec le changement de nature des TIC et en mettant en lumière, de manière historique, la propre évolution qui le caractérise, spécialement les transformations de son rôle. Il est passé d’un statut de simple utilisateur recevant les TIC de manière plus ou moins passive ou créative, à un statut d’usager dont l’avis est pris en compte en amont lors des phases de conception des TIC, pour en arriver à son plus récent statut de co-créateur et co-producteur des services. Il est donc légitime de questionner cette évolution à travers les éclairages du droit mais également des SIC et de la gestion.

    Cette évolution ayant déjà été abordée par des auteurs issus de différentes traditions de recherche, il nous paraît pertinent de tenter un rapprochement de leurs apports respectifs pour offrir des grilles de lecture compréhensives de l’usager des TIC sous ses multiples facettes (utilisateur, inventeur, consommateur, salarié, citoyen…).

    Dans ce travail, nous nous proposons d’articuler des approches généralement séparées pour caractériser l’évolution du statut de l’usager dans le temps et en suivant les évolutions technologiques qui se sont succédées.

    Transformation que l’on peut illustrer avec l’exemple du passage des études d’usages menées dans le cadre d’enquêtes sociologiques portant sur la réception du magnétoscope, de la téléphonie mobile, des baladeurs… à des études d’usages de services en ligne (Facebook, FlickR, YouTube…) conduites à partir des données de trafic dans le cadre des nouvelles méthodologies issues du big data (Denouel et Granjon, 2011 ; boyd et Crawford, 2012).

    La transformation des TIC objets (matérialité des artefacts) à des TIC de plus en plus virtuels (interfaces web, sites, applications mobiles…) brouille d’autant plus les cartes que les usagers se saisissent des outils, les peuplent et les alimentent en produisant du contenu mais vont aussi permettre de les façonner en fonction des usages qu’ils vont enacter (amélioration permanente des services web, ajouts de fonctionnalités manquantes…).

    L’objet TIC (ou le TIC-objet) évoluant, la figure de l’usager le suit et les cadres théoriques pour les aborder se doivent d’évoluer pour réussir à continuer à comprendre la place de l’usage dans les phénomènes d’appropriation, de détournement et, plus encore, de création et de développement. La place grandissante des usagers et le poids de leur prise en compte dans la conception, le développement et maintenant l’évolution des technologies se détecte dans l’étude des travaux historiques (Akrich, Callon et Latour, 2006) mais se constate surtout dans les travaux les plus récents (Denouel et Granjon, 2011 ; Vidal, 2012).

    L’usager des TIC a mille visages. Il peut être entre aperçu chez le simple utilisateur mais passionne d’autant plus qu’il est à la source d’innovations avec des figures telles que le lead user (von Hippel, 2005), l’early adopter (Rogers, 1983), l’amateur à la pratique quasi professionnelle (Miller et Leadbetter, 2004 ; Flichy, 2010), le porte parole (Akrich, Callon et Latour, 2006), l’utilisateur pilote ou le leader d’opinion (super utilisateur dans les projet SI), le client mis au travail (Dujarier, 2008) avec les problématiques du digital labour (Fuchs et Sevignani, 2013) et du crowdsourcing (Bahbam, 2014), le consommateur évaluateur (Pasquier, 2014), le salarié bricoleur du SI (Ciborra, 1999)…

    Sur la base de notre revue des différents apports théoriques pluridisciplinaires en sciences humaines et sociales, qui ont interrogé l’évolution des usages des TIC, recentrant de manière récurrente mais encore dispersée leurs questionnements sur les usagers, nous proposons une construction interdisciplinaire, qui s’attachera à typologiser les multiples figures de l’usager. Nous analyserons les différents champs de compétences (techniques, économiques, juridiques, culturelles, sociales, etc.) que les usagers mobilisent, afin d’appréhender des dispositifs numériques en évolution constante, la place qui leur est allouée au sein de ces dispositifs et celle dont ils se saisissent concrètement.

    Cette analyse interdisciplinaire prendra pour terrain d’étude le site web communautaire Reddit, qui nous apparaît concentrer les usages « mainstream » de partage de liens et de textes, voire offrir une vue d’ensemble de ce qui se lit et s’écrit sur Internet (« The front page of the Internet », « Have you already read it », votes, karma, etc.). Nous envisageons une analyse croisée de l’organisation du site (cadrage éditorial, injonctions à l’interactivité, subreddit, etc.) et des réponses actives des contributeurs (détournements des injonctions, production de contenus, usages en lecture-écriture, compétences mobilisées, etc.) afin d’isoler différents types d’usagers, dont la typologie générale saura rendre compte des principales figures.

    Note de positionnement scientifique

    Amelle Guesmi est Maître de conférences en Droit privé.

    Samy Guesmi est enseignant chercheur qualifié aux fonctions de Maître de conférence par la section 06 du CNU (Sciences de Gestion).

    Céline Lacroix Masoni est Maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication.

    Le travail proposé est résolument pluridisciplinaire et même interdisciplinaire.

    Références bibliographiques

    • Akrich M., Callon M., Latour B. (2006) Sociologie de la traduction. Textes fondateurs. Paris, Presses de l’Ecole des Mines, 2006.
    • boyd d. et Crawford K. (2012) « Critical questions for Big Data. Provocations for a cultural, technological and scholarly phenomenon » Information, Communication & Society, Vol. 15, n°5, p. 662-679.
    • Brabham D. (2013) Crowdsourcing. MIT Press, Boston, Massachusetts, 2014.
    • Ciborra C. (1999) A Theory of Information Systems Based on Improvisation. p. 136–155 In: Currie, W., Galliers B. (eds.) Rethinking Management Information Systems. Oxford University Press, Oxford, 1999.
    • Dujarier M.-A. (2008) Le travail du consommateur. De McDo à E-Bay: comment nous coproduisons ce que nous achetons. Edition La Découverte, 2008.
    • Denouël J. et Granjon F. (2011) dir., Communiquer à l’ère numérique. Regards croisés sur la sociologie des usages. Paris. Presses des Mines, 2011.
    • Flichy P. (2010) Le sacre de l’amateur. Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique, Seuil, Coll. La République des Idées, Paris, 2010.
    • Fuchs C. et Sevignani S. (2013) « What is Digital Labour? What is Digital Work? What’s their Difference? And why do these Questions Matter for Understanding Social Media? », Triple C, Vol. 11, n°2, p. 237-293.
    • Hippel (von) E. (2005) Democrazing Innovation. MIT Press, Boston, Massachusetts, 2005.
    • Lévy P. (1994) L’intelligence collective, pour une anthropologie du cyberspace, Paris, La Découverte.
    • Miller P. et Leadbetter C. (2004) The Pro-Am Revolution : How Enthusiasts Are Changing Our Society and Economy. Demos Publications, New-York, 2004.
    • Pasquier D. (2014) « Les jugements profanes en ligne sous le regard des sciences sociales » Réseaux, Vol. 33, n°183, p. 9-25.
    • Pénard T. (2006) « Faut-il repenser la politique de la concurrence sur les marchés internet? » Revue Internationale de Droit Economique, tome XX, n°1, p. 57-88.
    • Proulx S., Garcia J.-L ?, Heaton L. et al. (2014) La contribution en ligne, Pratiques participatives à l’ère du capitalisme informationnel, Presse de l’Université de Québec.
    • Proulx S. (2015) « La sociologie des usages, et après ? », Revue Française des Sciences de l’Information et de la Communication, en ligne 6/2015, mis en ligne le 1er janvier 2015, consulté le 3 février 2015. URL : http://rfsic.revues.org/1230.
    • Rogers E. (1983) Diffusion of innovation. New York. The Free Press, 3ème édition, 1983.
    • Vaujany (de) F.-X. (2003) « Les figures de la gestion du changement sociotechnique », , Sociologie du travail, Vol. 45, n°4, p. 515-536.
    • Vidal G. (2012) dir., La sociologie des usages. Continuités et transformations. Paris. Hermès Lavoisier, 2012.
    • Wittorski R. (1997) Analyse du travail et production de compétences collectives, Paris, L’Harmattan.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs Amelle Guesmi, Samy Guesmi et Céline Lacroix Masoni

  • Le BYOD au lycée, un nouveau cadre pour l’appropriation des technologies numériques par les élèves et les enseignants

    Le BYOD au lycée, un nouveau cadre pour l’appropriation des technologies numériques par les élèves et les enseignants

    L’équipement des élèves de l’enseignement scolaire amorce un tournant susceptible de modifier en profondeur les usages que ceux-ci font des technologies numériques. L’ampleur du mouvement d’équipement personnel des élèves s’accroît au point d’interroger, voire de condamner, la logique des plans d’équipement à l’œuvre depuis plusieurs décennies.

    A la croisée des chemins, l’Etat et les collectivités s’interrogent sur la nécessité d’équiper des élèves déjà très bien outillés.

    C’est le thème du BYOD (Bring Your Own Device) dont l’actualité se révèle jour après jour.

    On observe là un renversement de situation qui renouvelle la question de l’appropriation des technologies numériques dans le champ institutionnel de l’éducation selon deux dimensions.

    La première concerne les élèves. A l’organisation très contrainte de l’usage de matériels et ressources numériques scolaires fournis aux élèves par l’institution succède un contexte de plus grande latitude où, d’une certaine manière, les élèves importent non seulement à l’Ecole leurs matériels et ressources numériques, mais aussi des comportements et postures construits à l’extérieur de l’Ecole.

    Jusqu’à aujourd’hui, on observe deux catégories principales d’usages du numérique à l’Ecole à des fins personnelles : les détournements d’usage des matériels scolaires (quand l’enseignant « ne regarde pas ») et les usages cachés des équipements personnels (essentiellement des smartphones).

    L’intégration du BYOD à la politique numérique des établissements scolaires légitime l’usage des équipements personnels et facilite la réalisation d’activités non scolaires au cœur même des cours.

    Cette situation, courante à l’université, gagne peu à peu les lycées et les collèges.

    La deuxième dimension nouvelle relative à l’appropriation du numérique concerne les enseignants qui ont à faire face à une situation inédite où ils doivent concevoir et conduire des activités d’apprentissage qui mobilisent un équipement qui n’est pas celui de l’établissement scolaire, qui peut être hétérogène et dont la mise en œuvre emprunte aux habitus d’un public qu’ils doivent envisager comme des individus avant de les considérer comme des élèves.

    Cette transformation du contexte pédagogique fournit un nouveau cadre, au sens d’Erving Goffman, des usages scolaires prescrits et effectivement réalisés des technologies numériques. Elle interroge plus généralement la pertinence de la forme scolaire actuelle dont une part importante des déterminants et en particulier le contrat didactique sont mis en tension par les transformations qu’induit pour les élèves comme pour leurs enseignants, la disponibilité permanente de services et ressources numériques.

    Si le BYOD est une réalité qui s’installe, parfois malgré l’institution et en marge de véritables projets pédagogiques, il est déjà une réalité dans certains établissements scolaires. Parmi ceux-ci, le Lycée Pilote Innovant International du Futuroscope, vient de décider l’abandon de l’équipement systématique des élèves grâce au projet Living Cloud financé par la Région Poitou-Charentes (équipement systématique des élèves et des enseignants avec des tablettes tactiles), pour s’engager dans une politique assumée de BYOD.

    La communication proposée analysera la situation de ce lycée, à partir de données empiriques collectées dans le cadre de l’accompagnement scientifique que laboratoire TECHNE assure depuis janvier 2015.

    Note de positionnement

    Les travaux présentés relèvent des concepts, modèles et méthodes des sciences de l’information et de la communication. Ils mobilisent en particulier les travaux sur l’instrumentation (Rabardel), la médiation instrumentale (Peraya) et les interactions culturelles (cerisier). Ils portent (essentiellement) sur la situation des élèves et des enseignants du Lycées Pilote Innovant International (LPII) qui sera analysée à partir d’un ensemble de données et cours de collecte et de traitement (collecte de logs, questionnaires et entretiens).

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs Melina Solari et Jean-François Cerisier

  • Pratiques créatives des jeunes sur les blogs

    Pratiques créatives des jeunes sur les blogs

    Notre société contemporaine, depuis la deuxième moitié du XXème siècle, a connu de nombreuses évolutions techniques et la multiplication des technologies de communication ainsi que des sources d’information n’avait pas connu une telle ampleur.

    Du fait de ce changement radical des flux informationnels et de leurs modalités de création et de diffusion, nous avons choisi de nous intéresser à ces discours multiples en nous centrant sur les blogs, afin d’observer les modalités communicationnelles adoptées. La jeunesse est particulièrement représentative de ces nouveaux usages, dans la mesure où cette dernière est souvent considérée comme pionnière et plus particulièrement dans le cas de l’usage des technologies numériques.

    Ce travail de thèse, inspiré par une volonté de s’intéresser aux écrits des adolescents et à leurs pratiques discursives, porte sur les pratiques communicationnelles des jeunes sur les blogs. Nous nous sommes particulièrement intéressés aux genres de discours émergents sur ces dispositifs en fonction des thématiques abordées par les adolescents et aux stratégies discursives mises en œuvre pour atteindre leur finalité discursive.

    Le dispositif sociotechnique du blog nécessite de trouver une méthodologie d’analyse adaptée car « certaines questions méthodologiques sont spécifiquement liées à cette mouvance de l’objet : la question du corpus semble ici prendre toute son importance dans ce qu’il a d’interactif et de non permanent »[1].

    C’est l’analyse discursive qui a été retenue comme la méthode la plus rigoureuse et adaptée à l’analyse d’un corpus aussi hétérogène que le nôtre. Cette méthode, essentiellement issue des travaux en science du langage, est récemment utilisée en Sciences de l’information et de la communication pour aborder des corpus d’énoncés médiatiques ou médiatisés.

    Notre recherche a permis de mettre en évidence différents genres énonciatifs susceptibles d’être regroupés en grands ensembles que sont les énoncés à visée informative, ceux à visée factitive et les énoncés « auto-centrés ». Ces différents genres traduisent la volonté des jeunes de s’exprimer, mais également de se positionner en tant que « rédacteurs », voire d’auteur.

    Le dernier ensemble de genres énonciatifs est celui des énoncés à visée expressive, c’est-à-dire tous les posts dans lesquels les jeunes mettent en avant leurs capacités créatives. Les genres les plus représentés sur les blogs sont incontestablement les poèmes et les fanfictions. C’est sur ces deux grands genres que porte notre proposition de communication. L’observation systématique de ces énoncés met en avant des capacités créatives, ainsi que des stratégies de positionnement auctoriales.

    Il y apparait également que les jeunes adoptent les dispositifs médiatiques émergents pour narrer leurs propres aventures, vécues ou fictives et ce tant dans les poèmes que dans les fictions. La recherche met en lumière la grande présence de l’autorité des genres médiatiques, et plus spécifiquement ceux qui se rattachent à la matrice populaire. La question devient alors de savoir si les modèles médiatiques expressifs et symboliques laissent encore la place à une expression personnelle de la singularité ? Notre recherche prouve qu’il y a de la part des jeunes, une indéniable construction de compétences narratives plus ou moins élaborées.

    Si le blog se présente comme un dispositif d’écriture collaborative et in-progress, il convient de s’interroger sur les productions des jeunes pour voir si cette pratique est effective[2].

    C’est pourquoi il paraît également intéressant d’effectuer une observation des commentaires, suscités par ces formes créatives, pour voir dans quelle mesure ces derniers ont un impact sur les pratiques d’écriture des bloggeurs.

    [1] KLEIN, A., Objectif blogs !Exploration dynamique de la blogosphère, Paris, l’Harmattan, 2008, p. 26.

    [2] MARTIN, M., « Les “fanfictions” sur Internet », Médiamorphoses, n° HS, 2007, p. 186, URL : http://hdl.handle.net/2042/23603, [septembre, 2014]

    Positionnement scientifique

    Institut de la communication et des médias, laboratoire du CIM, ED 267.

    Méthode et terrain : Cette recherche porte sur les dispositifs sociotechniques et les stratégies de communications s’y rattachant par un travail d’analyse discursive comparative sur un corpus de blogs et de journaux collégiens et lycéens.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos de l’auteur Olivia Bernard

  • Appropriation et détournement d’outils de création de jeu vidéo, par un groupe de lycéens fragilisés (décrocheurs scolaire et primo-arrivants)

    Appropriation et détournement d’outils de création de jeu vidéo, par un groupe de lycéens fragilisés (décrocheurs scolaire et primo-arrivants)

    1/Contexte théorique et problématique

    Nous allons nous intéresser dans ce travail de recherche à l’appropriation et aux détournements d’outils de création de jeu vidéo, par un groupe de lycéens en situation particulière. Le groupe auquel nous nous intéressons est mixte, composé de 5 décrocheurs scolaires  et de 5 primo-arrivants qui ne partagent pas nécessairement la même maitrise cognitive et technique des artefacts. De plus, ayant des contextes de vies différents ils n’entreverront pas forcément les mêmes possibilités offertes par le dispositif socio-technique proposé (possibilités de revalorisation, d’Empowerment, de loisirs etc.). Nous faisons l’hypothèse que les différences soulevées ci-dessus, vont participer à différents temps et mode d’appropriation des outils et nourrir une diversité de détournements.

    La boucle itérative des usages2 (au sens de pratiques socialisées) vise à décrire les étapes successives de la formation des usages.

    Le point de départ sont les techno-imaginaires3 qui sont plus ou moins stables et collectifs. Et qui, à un instant “T” se cristallisent en représentations. Ces représentations, dans un dispositif technique, vont se traduire par la mise en œuvre de pratiques. Plus tard, ces pratiques, grâce à un processus de socialisation, vont finalement devenir usage (cet usage produira à son tour de nouveaux imaginaires). Il est important de souligner que cette construction de l’usage est structurée par la technique Jouët, J. (1993). L’usage est en effet un processus mariant sociogenèse et technogenèse. On parle alors de principe de “double médiation”4

    D’après Pascal Plantard nous pouvons observer trois processus internes des usages, selon une perspective anthropologique. Le “bricolage”5, notion développée par Claude  Lévi-Strauss (La pensée sauvage, 1962) : stratégie mise en place par l’usager pour réaliser son projet dans un  espace environnemental clos, (dans la lignée du do it yourself); le “braconnage”6, concept emprunté à Michel de Certaux (L’invention du quotidien, 1980), détournement social d’outils numériques et le “butinage” qui est l’apparition inattendue d’un usage.

    Nous souhaitons mettre en saillance par ce travail de recherche les stratégies (plus ou moins conscientes) mises en place par un groupe pour s’approprier et détourner les outils numériques.

    2/Terrain et méthode de recherche

    L’association Transapi (association de lutte contre le décrochage scolaire) organise une GameJam (stage de création de jeu vidéo), de 4 jours à la Gaité Lyrique du 21 au 24 avril 2015. Nous souhaitons mener un travail de recherche sur ce dispositif pédagogique innovant.

    L’expérience mise en place comporte trois dimensions :

    • La GameJam FLE (français langue étrangère) vise à travailler le français d’une manière originale. Une GameJam est un temps de création collaboratif. La pratique orale du français est nécessaire pour l’échange. Autrement dit un apprentissage de la langue induit par l’activité de la GameJam.
    • De plus la pédagogie mise en place met le stagiaire primo-arrivant en position de référent disciplinaire. Le public de primo-arrivants et de décrocheurs scolaire devra réaliser un outil d’apprentissage du français. Ils seront alors dans la maîtrise d’œuvre d’une ressource pédagogique dont ils sont les principaux intéressés.
    • C’est un stage d’initiation à la création numérique, d’initiation aux outils de Gamedesign et d’édition multimédia (audio et graphisme). Les stagiaires seront amenés à utiliser divers logiciels  de création numérique dans l’objectif de concevoir un jeu d’apprentissage du français.

    Positionnement scientifique :

    Une approche interdisciplinaire mêlant de la sociologie des processus d’innovation, de l’anthropologie des usages du numérique et des sciences de l’éducation.

    Nous prévoyons de mener des entretiens semi-directifs avec les jeunes en amont de la GameJam afin d’évaluer leurs pratiques numériques, leurs objectifs personnels et recueillir  leurs techno-imaginaires.

    Pendant le stage nous allons collecter des données sous forme d’observation filmante7,  dans le but de garder une trace des interactions, nous allons également récupérer les fichiers numériques produits, en plus de tenir un journal de bord de l’événement.

    A partir de ce matériel, nous espérons :

    Rendre compte de la manière dont les jeunes s’approprient et détournent la proposition qui leur est faite et analyser les processus externe et internes à l’appropriation et aux détournements des outils numériques.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs David Puzos et Loïc Dugast

  • Serious games : quel contrat ludique ?

    Serious games : quel contrat ludique ?

    [callout]Serious game :

    • Combinaison d’un jeu vidéo à une ou plusieurs fonctions utilitaires. Jeu vidéo visant un autre marché que celui du seul divertissement (Alvarez et Djaouti, 2011)
    • Jeu vidéo au service d’un objectif pédagogique (Lavergne-Bourdier et Dambach, 2010)
    • Application informatique qui emprunte au monde du jeu vidéo ses technologies et savoir-faire (Sawyer, 2008).[/callout]

     Les définitions concernant les serious games sont nombreuses et présentent des nuances. Toutes soulignent cependant l’appartenance de ces objets numériques à la catégorie des jeux vidéo. Ces derniers sont des objets populaires ; 65% des français y jouent (CNC, 2013).
    Au premier abord, cette association aux jeux vidéo permettrait aux serious games de toucher un public déjà conquis et familier des jeux vidéo.

    Cependant, à la différence des jeux vidéo auxquels on choisit de jouer, le fait de jouer à un serious game ne résulte pas toujours d’un choix entièrement décidé par le joueur (un serious game peut être proposé par la famille pour les enfants, l’entreprise, des centres de formation, etc.).

    Nous nous demandons alors ce qui, de fait, rattacherait les serious game aux jeux vidéo, dans la mesure où leurs utilisations diffèrent. Nous cherchons ainsi à vérifier cette affiliation aux jeux vidéo à travers l’identification de marqueurs ludiques (Genvo, 2009).

    Pour notre corpus, nous avons choisi de nous intéresser aux serious games pour les enfants de 8 à 12 ans et en avons sélectionné une dizaine, français, réalisés entre 2013 et 2015. Dans ce corpus, nous avons pu identifier un panel assez large de marqueurs ludiques à l’instar de la reproduction de signaux sonores, de calculs de points, la présence de jauges, d’ étoiles ou de tableaux de bords, l’annonce des règles, les passages de niveaux, la création d’avatars, des missions déterminées, des références explicites à d’autres jeux vidéo (Professeur Layton, par exemple) ou à des genres de jeux vidéo (jeux d’aventure et jeux d’enquête essentiellement).
    Tous ces éléments constituent autant de références à l’univers vidéoludique. Ils participent de l’adoption d’une attitude ludique (Henriot) par l’utilisateur ainsi en présence d’un univers qu’il identifie.

    En nous intéressant aux éléments que l’utilisateur pourrait reconnaître, nous en avons identifié plusieurs autres issus de la culture populaire, tels que des références à la science-fiction, aux mangas, aux séries télévisées, au cinéma, les jeux de rôle (cartes Magic) ou encore la bande dessinée.

    Le fait que les enfants puissent, par exemple, reconnaître des personnages issus de dessins animés connus (par exemple, Totally spies) leur indique qu’ils sont en présence d’un objet issu de l’univers du divertissement – univers qu’ils connaissent et identifient. Nous constatons ainsi que les univers du divertissement se déclinent au sein des serious games.

    De fait, marqueurs du jeu et marqueurs de divertissement coexistent, s’enrichissent et participent de l’appropriation de l’objet serious game par l’utilisateur.

    Il s’agit cependant là d’une appropriation primaire incitant l’utilisateur à entrer dans le serious game. Cette intégration d’éléments issus d’univers reconnaissables, identifiables, n’induit pas pour autant des éléments définissant une appropriation secondaire (l’utilisateur accepte de jouer et se sent joueur) puisqu’il ne s’agit là que d’indices.

    Nous sommes là en face d’un contrat : les règles du jeu sont d’abord, pour l’utilisateur, d’accepter qu’il s’agisse d’un jeu parce qu’il en a tous les indices. Nous sommes en présence de ce que l’on pourrait un « contrat ludique », une feintise (Schaeffer) que l’utilisateur repère. Il conviendrait donc, par la suite, d’évaluer de quelles manières ces éléments primaires associés au jeu et au divertissement créent – ou non – des mécanismes de jeu.

    Note de positionnement scientifique

    Nous nous rattachons à la fois aux arts et aux sciences de l’information et de la communication.

    Notre recherche s’appuie sur une étude sémiopragmatique des serious games de notre corpus. Cette analyse s’inscrit dans la démarche initiée par Roger Odin qui propose d’analyser un objet audiovisuel au regard des intentions de l’auteur et du contexte de réception. Nous mettons cette pratique en perspective avec celle développée par Sébastien Genvo, au cours de ses travaux sur les marqueurs ludiques (2009, entre autres). Par ailleurs, nous nous nourrissons de travaux menés sur les jeux vidéo et leur histoire (Mathieu Triclot, 2011 ; Daniel Ichbiah, 2014).

    Notre recherche comporte également une dimension socio-culturelle, dans la mesure où nous nous intéressons aux référents populaires.

    Notre terrain de recherche est celui des objets eux-mêmes : les serious games.
    Nous avons choisi de nous intéresser plus spécifiquement à ceux adressés aux enfants de moins de 12 ans. En effet, les propositions pour cette tranche d’âge sont nombreuses. Nous en avons choisi une dizaine qui diffèrent tant par leurs formes, leurs univers visuels, leurs matériaux, leurs modalités d’utilisation et leurs thématiques.

    Cette diversité nous permet ainsi de réfléchir aux éléments structuraux pouvant réunir ces objets. Nous avons par ailleurs choisi des serious games accessibles librement sur Internet afin de nous concentrer sur des objets que n’importe quel enfant pourrait utiliser.

    Corpus de serious games

    • SOS Mission Eau, SEDIF, 2014
    • Sauvons le Louvre, France TV, Le Louvre, 2014
    • Stop la violence, Tralalère, 2013
    • Zigomar, Paris Musées, 2014
    • Vis ma vue, Réseau Canopé, 2014
    • Vivre au temps des châteaux forts, Réseau Canopé Caen, 2014
    • Les grandes vacances, France tv éducation, Les armateurs, 2015
    • Défiez les maîtres de l’eau, eau de Paris, KTM Advance, 2015
    • Pili Pop, Pili Pops Lab, 2014

    Bibliographie

    • ALVAREZ Julian, DJAOUTI Damien (2011), Introduction au serious game, Questions théoriques
    • ARGOS (2012), Lire, écrire, se documenter, « Des jeux en classe, c’est sérieux ? (1), n° 49, juillet 2012 et Des jeux en classe, c’est sérieux ? (2), n° 50, décembre 2012
    • BARTHES Roland (1991), L’aventure sémiologique, Paris, Le Seuil
    • CAILLOIS Roger (1958), Les jeux et les hommes, Gallimard, 1992
    • CNC (2013), Les pratiques de consommation des jeux vidéo des français
    • GENVO Sébastien (2009), Le jeu à son ère numérique Comprendre et analyser les jeux vidéo, Paris, L’harmattan
    • GENVO Sébastien (2005), Le game design de jeux vidéo. Approches de l’expression vidéoludique, Paris, L’Harmattan
    • HENRIOT Jacques (1968), Sous couleur de jouer, Paris, José Corti
    • ICHBIAH Daniel (2014), La saga des jeux vidéo (5ème édition), Paris, pix’n love éditions
    • LAVERGNE BOUDIER Valérie, DAMBACH Yves (2010), Serious Game. Révolution pédagogique, Lavoisier,
    • LAVIGNE Michel (2013), Serious games : quelles appropriations ? Enquête d’usages sur dix serious games, colloque e-virtuoses
    • LEJADE Stéphane, TRICLOT Mathieu (2013), La fabrique des jeux vidéo. Au cœur du gameplay, Paris, La Martinière
    • ODIN René (2011), Les espaces de communication : introduction à la sémio-pragmatique, PUG
    • SAWYER Ben (2008), Serious games taxonomy
    • SCHAEFFER Jean-Marie (non daté), De l’imagination à la fiction, disponible sur http://www.vox-poetica.org/t/articles/schaeffer.html
    • TREMEL, Laurent (2001), Jeux de rôles, jeux vidéo, multimédia : les faiseurs de mondes. Paris, Presses universitaires de France
    • TRICLOT Mathieu (2011), Philosophie des jeux vidéo, Paris, La découverte

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

     

  • Du photomontage numérique au démontage de l’intégrité créative, discursive et sémiotique. Usages ludiques et dé-ritualisation des échanges politiques ?

    Du photomontage numérique au démontage de l’intégrité créative, discursive et sémiotique. Usages ludiques et dé-ritualisation des échanges politiques ?

    [callout]Nous nous intéressons à la place et aux effets du photomontage numérique via les réseaux socio-numériques dans l’espace public.[/callout]

    Lorsque l’image numérique fait son apparition dans les années 2000, il s’agit d’un basculement majeur dans l’histoire des images : c’est une véritable révolution culturelle.

    L’image numérique, sujette à toutes manipulations, est souvent accusée de fragiliser le lien entre le réel et sa représentation. L’histoire montre que cette question n’est pas tant liée à un problème technique qu’au contexte d’usage des images numériques ou non. Ainsi, nous entrons dans une nouvelle phase, celle de la dématérialisation, du détournement et de la connexion (partage sur les réseaux sociaux en ligne et le web) de l’image.

    L’image devient le support principal d’une nouvelle culture où la valeur des biens symboliques dépend de leur capacité à être partagés, repris, truqués, détournés, à susciter des échanges et des conversations.

    Nous assistons à un changement en profondeur du paradigme photographique, particulièrement visible à travers les usages communicants de l’image.

    La photographie en tant qu’objet numérique interactionnel joue un rôle décisif en matière de conversation numérique.

    À la manière du dessin de presse, la réappropriation et le détournement ludique de formes visuelles officielles permet notamment la manifestation d’une satire ou d’une critique des hommes politiques. Ce faisant, ces usagers réactualisent des pratiques d’emplois détournés et inattendus des technologies dans l’espace public.

    À partir de ce constat rapide, plusieurs questions nous interpellent. Nous souhaitons interroger les liens entre innovations et usages, et plus précisément entre le mode de production numérique des photographies, les possibilités de diffusion et d’échange de celles-ci par l’intermédiaire des applications du web 2.0, et les usages ludiques de rediffusion, d’appropriation, de détournement ou de re-création que les internautes en font.

    Ces appropriations et détournements sont-ils des phénomènes qui déterminent la valeur sociale d’un produit ? Participent-elles à des modifications sensibles, à des modes d’exister ou/et de paraître des usagers ? Assistons-nous à une forme de revendication démocratique et sociale passant par des pratiques et des demandes de déritualisation, de trivialisation du politique et des personnalités politiques ?
    En quoi et comment la viralité de ces photographies modifie-t-elle l’espace public ? Les usages de désignation et de re-désignation dont elles font l’objet (titres, légendes, hashtags…) modifient-ils les processus de mise en publicité et en visibilité de celles-ci au sein de l’espace public ?

    Nous tentons de cerner ces mutations à travers l’observation et l’analyse des phénomènes de diffusion et de circulation de photomontages d’hommes politiques français via les réseaux sociaux numériques.

    Nous découpons ce travail en trois parties :

    • Le photomontage politique, outil de communication politique et de propagande : rappels historiques et panorama actuel ;
    • Analyse d’un corpus de photomontages politiques marquants dans l’espace public français au temps du numérique.

    Fonctions politiques et sociales du photomontage interactionnel au temps du numérique et impacts sur l’espace public : re-politisation / dé-politisation, trivialisation, rapprochement des usages, familiarité et déritualisation des échanges

    Positionnement scientifique

    Sections scientifiques de rattachement :

    • Sciences de l’Information-Communication, Histoire et Science politique

    Méthode :

    • Analyse des usages, analyse sémiotique, analyse des désignations
    • Approche interactionnelle
    • Focus groupe en réception

    Terrain d’expérimentation :

    • Les réseaux sociaux numériques (Facebook, Twitter, Flickr, Instagram) en tant que lieux et outils de mise en circulation, de diffusion, de réception, et de rediffusion des photomontages aux différentes étapes de leur mise en vie numérique : création, appropriation, détournement et re-création.

    Bibliographie

    • BÉGUIN-VERBRUGG Jeannette, «  Peut-on entrer dans l’image ? » in Sciences-Humaines, Grands Dossiers n° 11 – juin-juillet-août 2008
    • BERTHO LAVENIR Catherine, « Les plaisirs pervers de l’image numérique », in Le monde de l’image – Hors-série n° 43 – Décembre 2003/Janvier-Février 2004
    • DELAGE Christian et GUIGUENO Vincent, La Fabrique des images contemporaines. Paris, Éditions du Cercle d’art, 2007.
    • GUNTHERT André, « L’image numérique s’en va-t-en guerre », in Études photographiques, 15 | Novembre 2004, [En ligne], mis en ligne le 15 février 2005. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/398. [consulté le 12 janvier 2015].
    • GUNTHERT André, « L’image partagée », in Études photographiques, 24 | novembre 2009, [En ligne], mis en ligne le 09 novembre 2009. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/2832.                   [consulté le 12 janvier 2015].
    • GUNTHERT André, « L’image conversationnelle. Les nouveaux usages de la photographie numérique ». – 8 avril 2014 – 09:29 [English][Twitter] [FB], http://culturevisuelle.org/icones/2966
    • GUNTHERT André, « L’image conversationnelle », Études photographiques, 31 | Printemps 2014, [En ligne], mis en ligne le 11 mars 2014. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/3387. consulté le 12 janvier 2015.
    • JOLY Martine, « Les trois dimensions de l’image », in Le monde de l’image – Hors-série n° 43 – Décembre 2003/Janvier-Février 2004.
    • JOURNET Nicolas, « Quand l’image parle » in Sciences-Humaines, Grands Dossiers, n° 11 juin-juillet-août 2008.
    • MOLENAT Xavier, « Vers une « ère post-photographique » ? in Le monde de l’image – Hors-série n° 43 – Décembre 2003/Janvier-Février 2004.
    • TISSERON Serge, « Virtuel psychique et virtuel numérique. Psychanalyse de l´image », in Générations numériques : des enfants mutants ? – Mensuel n° 252 – octobre 2013.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos des auteurs : Cécile Dolbeau-Bandin et Béatrice Donzelle

  • Les MMORPG comme laboratoire d’expérimentation d’usages détournés économiques et sociétaux

    Les MMORPG comme laboratoire d’expérimentation d’usages détournés économiques et sociétaux

    [callout]Nés des MUDs (Multi-User Dungeon) à la fin des années 1990, les MMORPG ont été popularisés en 2004 avec le jeu World of Warcraft.[/callout]

    Aujourd’hui considéré comme le plus populaire, World of Warcraft possède début 2015 plus de 10 millions d’abonnés[1] et a généré en 2014 près de 728 millions de dollars de chiffre d’affaires[2].

    Les MMORPG représentent aujourd’hui des univers à fort potentiel à la fois d’un point de vue technique mais aussi social puisqu’ils sont des terrains très fertiles pour la recherche (Duplan 2011).

    Or, les MMORPG sont le théâtre de pratiques parfois considérées comme des usages clandestins (Auteur Article)* non prévus par les développeurs. A titre d’exemple, en 2012, le jeu en ligne Eve Online a fait l’objet d’une insurrection où les joueurs ont mis à mal l’économie du jeu, sans que les développeurs n’interviennent[3].

    Dans un autre registre, un marché noir similaire à celui existant dans la vie réelle existe via le gold-farming (Heeks 2009). Enfin, d’un point de vue social, les MMORPG sont considérés comme un lieu de rencontre privilégié où les joueurs utilisent les mondes virtuels pour établir des liens affectifs donnant lieu à des rencontres réelles appelées IRL pour In Real Life (Williams et al. 2006). Dans une optique professionnelle, les MMORPG sont également riches d’enseignement pour les joueurs qui les utilisent pour développer des compétences comme celle du leadership (Xanthopoulou and Papagiannidis 2012).

    Ces exemples sont une illustration de la co-construction qui s’opère entre la technologie et l’Homme. Autrement dit, l’Homme donne du sens à une technologie qu’il utilise, qui a son tour lui renvoi de l’information. Cet échange entre les joueurs et les MMORPG s’appuie sur les travaux autour de la sociomatérialité (Orlikowski 2010) qui considèrent la société et le matériel comme deux éléments imbriqués et non dissociés.

    En s’appuyant sur des cas concrets, cette recherche a pour but d’établir un panorama des usages détournées initiés par les joueurs à l’intérieur des MMORPG. L’objectif est de pouvoir créer une typologie des usages détournés dans les MMORPG en identifiant les enjeux sociaux et économiques pour chacun d’entre eux.

    Des perspectives de serious-gaming (Jenkins et al. 2009; Alvarez and Djaouti 2010) comme le projet américain WoW in School[4], ainsi que de gamification (Deterding et al. 2011) comme la solution Kudobadges d’IBM[5] pour l’appropriation des réseaux sociaux d’entreprises peuvent naître de ces usages.

    Enfin, ces usages détournés peuvent être une source d’innovation pour les entreprises.

    Grâce aux graphismes hyper réalistes des jeux en ligne, ainsi qu’à l’évolution des terminaux de jeux (Oculus Rift, lunettes immersives), de nouveaux usages pourront potentiellement apparaître dans les prochaines années. En effet, il est aujourd’hui possible de créer un avatar dans les MMORPG proche du physique réel du joueur (Suh et al. 2011).

    L’industrie du textile pourrait ainsi s’inspirer de cette ressemblance pour l’élaboration de nouveaux vêtements sur mesure, testés sur soi lors de la création du personnage et qui ferait office de « cabine d’essayage virtuelle ». L’Oculus Rift qui est un casque virtuel immersif pourrait amplifier cette immersion en ayant la sensation de porter directement les vêtements souhaités. Ainsi, des entreprises de « e-textiles » pourraient voir le jour dans les prochaines années en se basant sur ce concept d’usage détourné des MMORPG via la création de l’avatar.

    Néanmoins, des questions éthiques seront également soulevées avec l’évolution de ces usages et l’appropriation de ces nouveaux modes de jeux totalement immersifs. Autant de pistes de recherche qui s’ouvriront pas à pas dans le futur grâce à ces nouveaux usages.

    1. Source : « WoW dépasse les 10 millions d’abonnés au lancement de Warlords of Draenor » : www.millenium.org/wow/accueil/actualites
    2. Source : «Online games expected to hit $13B in 2014, with at least $946M from League of Legends alone » : venturebeat.com/2014/10/23/
    3. Source : « Une insurrection anarchiste se déclenche dans un jeu en ligne » : www.lefigaro.fr/jeux-video/2012/04/30/
    4. Wiki Wow in School : wowinschool.pbworks.com
    5. Site Internet Kudobadges : www.kudosbadges.com/

    Positionnement Scientifique

    • Section CNU : 06 (Sciences de Gestion)

    La méthode appliquée pour cette recherche repose sur une analyse de cas donnant lieu à une typologie des usages détournés à l’intérieur des MMORPG autour de deux grands axes : économie et société.

    Références bibliographiques

    • Alvarez, J., and Djaouti, D. 2010. Introduction au Serious GameL>p, Questions Theoriques.
    • Deterding, S., Sicart, M., Nacke, L., O’Hara, K., and Dixon, D. 2011. “Gamification. Using Game-design Elements in Non-gaming Contexts,” in CHI ’11 Extended Abstracts on Human Factors in Computing SystemsCHI EA ’11, New York, NY, USA: ACM, pp. 2425–2428.
    • Duplan, D. 2011. “L’observation du jeu vidéo : l’angle mort de l’envers du décor ?,” in Les jeux vidéo comme objet de rechercheL>P (Questions Théoriques.), Questions Théoriques, pp. 29–45.
    • Heeks, R. 2009. “Understanding ‘Gold Farming’ and Real-Money Trading as the Intersection of Real and Virtual Economies,” Journal of Virtual Worlds Research (2:4).
    • Jenkins, H., Camper, B., Chisholm, A., Grigsby, N., Klopfer, E., and Osterweil, S. 2009. “From Serious Game to Serious Gaming,” in Serious Games: Mechanisms and Effects, New York: Routledge, pp. 448–469.
    • Orlikowski, W. J. 2010. “The sociomateriality of organisational life: considering technology in management research,” Cambridge Journal of Economics (34:1), pp. 125–141.
    • Suh, K.-S., Kim, H., and Suh, E. K. 2011. “What if Your Avatar Looks Like You? Dual Congruity Perspectives for Avatar Use,” MIS Q. (35:3), pp. 711–730.
    • Williams, D., Ducheneaut, N., Xiong, L., Zhang, Y., Yee, N., and Nickell, E. 2006. “From Tree House to Barracks The Social Life of Guilds in World of Warcraft,” Games and Culture (1:4), pp. 338–361.
    • Xanthopoulou, D., and Papagiannidis, S. 2012. “Play online, work better? Examining the spillover of active learning and transformational leadership,” Technological Forecasting and Social Change (79:7), pp. 1328–1339.

    * La référence « Auteur Article » fait écho à une recherche de l’auteur de cette communication et n’a pas été citée pour respecter l’anonymat.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos de l’auteur : Antoine Chollet

  • Favoriser l’usage des dispositifs numériques participatifs dans le domaine culturel :  appropriations et détournements de sites web et d’applications mobiles

    Favoriser l’usage des dispositifs numériques participatifs dans le domaine culturel : appropriations et détournements de sites web et d’applications mobiles

    [callout]Cette communication se propose d’étudier les raisons de l’essor des dispositifs numériques participatifs et les facteurs d’appropriation et de rejets de ces dispositifs par les usagers.[/callout]

    Au cours des dix dernières années, du fait de l’arrivée de ce que l’on a nommé le web 2.0, les sites web puis applications mobiles proposant une participation plus ou moins active des internautes se sont multipliés, notamment dans le domaine culturel et patrimonial. En revanche, tous n’ont pas su mobiliser le public et n’ont donc pas réalisé leur objectif de participation. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux formes « expressives » de la participation, c’est-à-dire lorsque la production par des publics autour des dispositifs numériques de mise en valeur du patrimoine « manifeste le geste de prendre part à une expérience culturelle, individuelle et collective en s’exprimant, en créant et en partageant des contenus sur Internet. » (Casemajor-Loustau, 2012 : 85). Ces gestes seront analysés en tant que « traces de participation ».

    Rappelons que, dans le domaine culturel, la volonté de participation des publics n’est pas apparue avec les outils numériques mais qu’au contraire, elle a toujours été l’un des enjeux de la démocratisation culturelle.

    Mais qu’est-ce que s’approprier ?

    Nous soulignons trois caractéristiques particulièrement importantes pour notre analyse. Tout d’abord, il s’agit d’un processus (Veschambre, 2008) et, qui plus est, un processus de long terme. Ce processus n’est pas linéaire et ne tend pas vers un état final déterminé. Au contraire, le processus est discontinu, systématiquement jalonné de réajustements et de réappropriations (Proshansky, 1976).

    De plus, l’appropriation d’un objet peut être individuelle et/ou collective. Elle est souvent motivée par des enjeux de construction de soi (appropriation par un individu) ou identitaires (appropriation, par n groupe, d’un certain objet ou sujet qui devient symbolique pour ce groupe). Dans les deux cas, elle sera unique, chaque appropriation d’un même objet étant déterminée par des éléments tels que le caractère de l’individu ou du groupe, leur régime de valeurs, la finalité de l’appropriation, les moyens employés, etc. Enfin, l’appropriation peut être matérielle ou idéelle (Veschambre, Ripoll, 2005).

    Notre approche socio-sémiotique (Jeanneret, Souchier, 2009) d’un corpus de sites web et applications mobiles sélectionnés se décline en une méthodologie en trois phases : dans un premier temps l’analyse des discours d’escorte des dispositifs afin de mettre au jour les objectifs affichés des concepteurs ; dans un deuxième temps l’analyse des dispositifs afin de voir quelles sont les possibilités réelles offertes aux internautes ; et enfin, dans un dernier temps, l’analyse des « traces de participation » des internautes.

    Cette méthodologie multi-scalaire nous permet de mettre en évidence les facteurs d’appropriation et de rejets des dispositifs numériques participatifs dans un domaine, le culturel, où la participation est un objectif de démocratisation culturelle.

    Nous avons également pu remarquer le détournement du service Google Maps à des fins de médiation patrimoniale.

    En effet, ce dernier, en tant que dispositif cartographique interactif, est très fréquemment utilisé sur les sites web et applications mobiles étudiés puisqu’il s’agit de valoriser des espaces urbains.

    Notre choix d’étudier des dispositifs numériques participatifs développés par des institutions patrimoniales est fondé sur le postulat que si le numérique est un terrain privilégié d’expérimentation et d’innovation, le secteur culturel et notamment les actions de médiation du patrimoine urbain le sont également dès lors qu’il s’agit de proposer des innovations technologiques. En effet, les sites culturels – dont la rentabilité économique n’est pas la motivation première – répondent aux besoins des expérimentations numériques.

    Par ailleurs, la ville représente un terreau favorable : en tant qu’espace public, elle est associée à des valeurs de liberté, de circulation, de démocratie, de participation et à un imaginaire, celui d’un monde où chaque citoyen « participe » à l’action sociale et culturelle de sa ville (Miège, 2010 ; Denis, Pontille, 2010). Enfin, les dispositifs numériques participatifs renvoient aux mêmes valeurs et, dans un contexte culturel, favoriseraient un nouveau rapport à la connaissance et au patrimoine dans lequel l’usager/visiteur aurait une place privilégiée.

    Note de positionnement scientifique

    Sciences de l’information et de la communication, 71ème section du CNU.

    Méthodologie socio-sémiotique de sites web (Bonaccorsi, 2012) et applications mobiles (Cambone, 2015).

    Bibliographie

    • Bonaccorsi Julia, 2012, « Approches sémiologiques du web », in Barats Christine (dir), Manuel d’analyse du web, pp. 125-146.
    • Cambone Marie, 2015, « La mise en récit et la construction de mémoires collectives par les institutions patrimoniales », in Muséologies. Les cahiers d’études supérieures, (à paraître).
    • Casemajor-Loustau Nathalie, 2012, « La participation culturelle sur Internet : encadrement et appropriations trangressives du patrimoine numérisé », Communication et langages, n°171, pp. 81-98.
    • Denis Jérôme, Pontille David, 2010, « La ville connectée », in Réalités industrielles. Annales des Mines, pp. 69-74.
    • Jeanneret Yves, Souchier Emmanuel, 2009, « La socio-sémiotique des médias », in Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques, sous la direction d’Ablali, D. et Ducard, D. Paris : Honoré Champion-Presses universitaires de Franche-Comté, pp. 145-150.
    • Miège Bernard, 2010, Espace public contemporain, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 228 p.
    • Proshansky, Harold M, 1976, « Appropriation et non appropriation (misappropriation de l’espace), Appropriation de l’espace : actes de la 3e conférence internationale de psychologie de l’espace construit de Strasbourg du 21 au 25 juin 1976, Paris, Ministère de l’Equipement.
    • Ripoll Fabrice, Veschambre Vincent, 2005 « Introduction. L’appropriation de l’espace comme problématique », Norois, n°195, pp. 7-15.
    • Veschambre, Vincent, 2008, Traces et mémoires urbaines : enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 314 p.

    Plus d’infos sur la programme du colloque scientifique sur www.ludovia.org/2015/colloque-scientifique

    A propos de l’auteur : Marie Cambone